"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici sometimes friends become enemies. but what’s worse is when they become strangers. w/alexandra - Page 3 2979874845 sometimes friends become enemies. but what’s worse is when they become strangers. w/alexandra - Page 3 1973890357
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sometimes friends become enemies. but what’s worse is when they become strangers. w/alexandra

 :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
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() message posté Sam 27 Déc 2014 - 21:16 par Invité
in the end, we will remember not the words of our enemies, but the silence of our friends. ✻✻✻ J’avais l’impression d’être une enfant. Une enfant qui s’évertuait à tout briser sur son passage et dans son existence, dans des élans d’égoïsme pure et de colère sourde qu’il ne parvenait pas à réfréner. Je n’étais pas faite pour y arriver avec les autres. Je n’étais pas douée pour briller en société, pour être adulée, ou pour simplement m’en sortir. J’avais construit avec difficulté toutes ces relations autour de moi pour finalement les balayer, une à une, d’un simple mouvement de main. J’étais colérique et impulsive. Réservée et obsessionnelle. Mes émotions avaient débordé dans la plupart des cas et je m’étais retrouvée emprisonnée par mes propres réactions que je ne parvenais plus à contenir. Tout avait été si facile à détruire, au fond. Tout n’avait été qu’un château de cartes sur lequel il avait simplement fallu souffler.
Et j’avais soufflé. Sans même songer ne serait-ce qu’une seule seconde aux conséquences.
Notre conversation semblait se trouver dans un monde différent de celui auquel nous appartenions réellement. Nous avions passé des mois à être odieuses l’une envers l’autre pour finalement endurer notre présence mutuelle afin d’ouvrir la porte des non-dits et de nos ressentiments. Ces ressentiments qui nous avaient habités au fil des disputes et des paroles acides, sans que l’on ne daigne les exprimer par-delà nos propos presque insultants. Nous avions perdu du temps. Cela était une évidence qui se profilait dans mon esprit torturé, une évidence qui tambourinait mes pensées dispersées sans aucune pitié, sans aucune tendresse. Nous aurions pu aller droit au but. Nous dire toutes ces choses bien avant, bien avant qu’il ne soit trop tard, bien avant que nous franchissions des frontières instables et désillusoires. Mais nous n’avions pas été pressées d’être franches. Nos deux fiertés nous avaient retenues lors de nos élans désolés et avaient retardé l’échéance. Je déglutis avec difficulté. Cela était presque humiliants de voir à quel point nous pouvions être capable de tout ruiner avec les simples excès de nos deux caractères. Je battis des paupières plusieurs fois avant de prendre une profonde inspiration.
Lors de cette trêve que l’on s’accordait, Alexandra m’offrait presque l’illusion de se confier. Je pouvais sentir sa fatigue et l’ombre de sa détresse. Je pouvais presque avoir la sensation de remonter plusieurs mois en arrière, lorsque tout était encore différent. J’avais peur du faux pas et de voir cet instant de paix se dissoudre entre mes doigts mais le fantôme d’un sourire qui étira ses lèvres m’incita à poursuivre. Dans l’équilibre instable de cette situation nouvelle, j’avais la sensation que la chute était inévitable. Je ne savais cependant pas si cela serait du bon ou du mauvais côté. « Mais c’est ce que je crois vraiment. Je suis fatiguée et peut-être qu’on a le droit de l’être finalement. Mais il en faudra plus pour nous mettre à terre. Toi comme moi. » Elle hocha la tête pour appuyer ses paroles et un sourire flotta sur mes lèvres. Ma gorge me serra. Cela était presque étrange de l’entendre nous associer toutes les deux comme si nous avions, malgré tout, des points communs. Cela était presque étrange de l’entendre nous associer toutes les deux sans le faire afin de nous opposer. Nous avions passé tant de temps à creuser un fossé entre nos deux personnes que j’en avais oublié toutes ces similitudes qui nous reliaient et qui avaient fait que nous avions été amies, avant tout cela. « Je ne dis pas ce genre de choses normalement. Je suis désolée que ça soit tombé sur toi. » ajouta-t-elle avant d’hausser les épaules. Je fronçai les sourcils en l’observant. Je finis par doucement secouer la tête pour marquer ma désapprobation. « Tu n’as pas à t’excuser. » lançai-je dans un murmure. Je fus incapable d’argumenter. Incapable de lui expliquer pourquoi cela n’était pas grave. J’avais simplement l’intime conviction que ses lamentations voilées et l’expression de sa fatigue étaient tout à fait légitimes.
C’était ainsi. Personne ne pouvait se permettre de garder la tête droite sans faillir. Et, quelque part, je me surprenais à être contente qu’elle se laisse aller à la fatigue en ma présence plutôt qu’avec quelqu’un d’autre. Je savais que je ne lui apportais pas tout le réconfort dont elle avait besoin mais j’avais le sentiment, égoïste, que cela signifiait que tout n’était pas forcément perdu. Que, doucement, nous étions en train de basculer du bon côté. « Je pense que tu avais besoin de les exprimer. » continuai-je. Ma gorge était serrée, malgré tout. Serrée par tous mes regrets et tous mes remords. Je pris plusieurs inspirations avant de reprendre, laissant le silence planer dans l’habitacle. Ce silence ne me paraissait plus pesant. Quelque part, il semblait prendre des teintes plus douces, bien qu’il continue d’hurler tous les horreurs que nous avions pu nous lancer. « Tu ne peux pas tout garder pour toi pour toujours. Tu exploser… » Je m’arrêtai lorsque la lumière tamisée vacilla, pour finalement se faire remplacer par des éclats plus soutenus. Je plissai les paupières avant de cligner des yeux à plusieurs reprises afin de m’habituer à la clarté qui envahissait la cage d’ascenseur. Mon cœur s’affola tandis que j’observai les parois autour de nous. Le ronronnement habituel d’un ascenseur en parfait état de fonctionnement vint me chatouiller les tympans et je ne pus m’empêcher de pousser un soupir de soulagement. Je n’étais pas rassurée par l’idée de repartir dans une direction opposée à Alexandra, non ; j’étais rassurée de ne plus être bloquée. L’état de mon cœur tout entier s’était doucement transformé, malgré le malaise persistant, malgré les émotions contradictoires. « Peut-être qu’on ne va pas mourir là-dedans, finalement. » finis-je par déclarer avec un sourire en coin. J’osai un regard vers elle, tentant de ne pas trop la détailler afin de ne pas paraître insistante ; cependant, avec la rancune atténuée qui m’habitait, j’avais la sensation de la voir réellement, de la voir elle et non pas l’image faussée que je m’étais construite d’elle. Je m’étais cachée derrière mes sentiments blessés et ma fierté encombrante.
Au final, je m’étais aveuglée toute seule avec ma colère sourde d’enfant.
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() message posté Ven 2 Jan 2015 - 11:03 par Invité
J’avais toujours été bornée. Mordante et masochiste. Ça n’allait pas ensemble. Ça faisait des étincelles, des étincelles destructrices. J’aurais souffert, bien entendu, d’une rupture brutale et totale de l’amitié qui m’avait un jour liée à Eugenia. Je ne pouvais me mettre à son égal, je ne pouvais prétendre à la même douleur que celle qui l’avait poussé à tout écarter, mais j’aurais souffert car je ne l’aurais pas vue arriver. Cela aurait pu suffire. Mais il avait fallu que je laisse mon caractère et mes humeurs prendre le dessus. Il avait fallu que je me prête au jeu, que je m’allie à elle pour nous créer cette affreuse agonie, ce chemin de croix pavé de reproches et d’humiliations. Je n’avais jamais pu m’excuser ensuite, même lorsque les braises s’étaient refroidies. Je m’étais acharnée à dissimuler ce qui survenait dans ma vie, à sciemment minimiser ce qui nous opposait au lieu de passer aux aveux, à protester de mon bon droit alors que mon insincérité était accablante. J’aurais pu m’engager à mettre un terme au désordre que j’avais moi aussi provoqué, tant qu’il en était encore temps. J’aurais pu tout oublier et passer à autre chose. « Tu n’as pas à t’excuser. » finit-elle par murmurer et je réprimai l’envie de la contredire. J’avais horreur des lamentations, horreur de ne pas savoir me contenir, horreur de réagir à froid ainsi, incapable de sauver les apparences. J’étais ce genre de personne à vouloir tenir le choc, toujours, le genre de personne qui ne s’écroule pas même devant les pires tragédies. Pour moi-même, très égoïstement, pas seulement pour épargner les autres. Je voulais penser qu’en ne pliant pas les genoux, je surmonterais plus facilement les épreuves. Comme si le fait de ne pas s’effondrer physiquement était le gage d’une victoire morale. Je déchantais souvent, une fois seule, après coup. Lorsque, dans la solitude retrouvée, dans le calme revenu, je me heurtai aux évènements survenus, avec toute leur puissance, amplifiée de ne pas avoir été considérée sur le coup. Tous ces chocs ignorés finiraient par me faire valdinguer avec la plus extrême des violences. Un jour ou l’autre. « Je pense que tu avais besoin de les exprimer. » Le silence se ré-installa dans l’ascenseur mais je ne cherchai pas à tout prix à l’ignorer cette fois-ci. Ce n’était plus le même silence, plus le même vacarme traversé de flèches blessantes. Je pouvais me retrouver, m’y retrouver dans ce langage intérieur. Je pouvais le deviner. J’avais toujours souhaité ne pas avoir à me servir de mots, être comprise et acceptée muette. J’avais toujours voulu qu’on puisse m’écouter me taire. Tout aurait été beaucoup plus simple. « Tu ne peux pas tout garder pour toi pour toujours. Tu exploser… » Je levai les yeux vers le plafond de l’habitacle, duquel les lumières vacillèrent quelques secondes. Je pensai tout à coup qu’elles allaient s’arrêter et nous plonger dans l’obscurité totale. Mais elles furent soudain plus vives, plus soutenues et le nœud de mon ventre se dessera doucement. Peut-être que tout finirait par s’arranger. Peut-être qu’il s’agissait simplement d’attendre les secours. Que tout pouvait être réparé, arrangé. Peut-être que nous n’étions pas de simples prisonnières de nos histoires personnelles. Les médecins avaient toujours essayé de me convaincre de me rallier à leurs idées qui n’étaient pas les miennes, de suivre leur plan, de ne vivre qu’en fonction. Sans me demander si ce plan pouvait être le mien, si il pouvait s’adapter à mes projets et mes espoirs. Tous, autour de moi, accumulaient des expériences, des souvenirs, des idées et je restais sous soupape. Eugenia avait raison, je finirais sans doute par exploser. Par exploser plutôt que de me laisser oublier mes ambitions passées, ces ambitions après lesquelles je n’avais pas fini de courir. « Peut-être qu’on ne va pas mourir là-dedans, finalement. » Je remarquai son sourire en coin et m’autorisai à la regarder à mon tour. Je ne savais plus trop ce que je pouvais ou non faire, ce qui serait acceptable et ce qui nous replongerait invariablement dans la même boucle infernale qu’avant notre discussion. L’ascenseur s’était débloqué trop tôt, nous n’avions pas eu le temps de poser des mots, de décider des termes de nos liens. Mais rien n’était aussi simple. Nous avions simplement eu une occasion, que nous avions su saisir, mal, avec hésitation et empressement, mais que nous avions saisi. Le reste ne dépendait que de nous. « C’est pourtant pas faute de leur avoir donné du temps. » répondis-je d’une voix railleuse en levant les yeux vers le plafond, m’adressant à je ne savais qui derrière son ordinateur. Je dépliai lentement mes jambes avant de me lever, faisant la moue en sentant les crampes tirailler une nouvelle fois le bas de mon dos. Mes muscles étaient assaillis par les toxines, je souffrais au quotidien. L’ascenseur qui se débloquait me soulageait plus que je ne le dirais, peut-être réussirais-je à me rendre à temps à ma séance de dialyse. Qu’étions-nous sensées faire une fois libérées ? Nos chemins ne s’étaient jamais réellement éloignés, de par nos liens en commun, nous nous étions seulement évertuées à le penser. Les choses avaient-elle changé ? « Bien sûr, rien ne sort de cet ascenseur, d’accord ? » laissais-je échapper, une lueur presque amusée dans le regard. Motus, eus-je envie de plaisanter. Je n’en avais pas beaucoup dit mais il s’agissait tout de même de plus que ce que je me serais autorisée avec la plupart de mon entourage. Je m’étais libérée comme avec une amie. Je l’avais écoutée comme j’aurais pu écouter une amie. Comme si nous n’étions pas tout à fait perdues, comme si tout pouvait être retrouvé. Je m’autorisai une légère inspiration en sentant l’ascenseur tressauter puis bouger. C’était presque imperceptible mais nous bougions, nous descendions. « Ils ont intérêt à nous offrir quelque chose. Une bougie parfumée, un bon d’achat, je m’en moque. » menaçais-je avec ironie en passant une main distraite dans mes cheveux. Plus qu’un étage et nous serions libres, libres de continuer nos chemins respectifs, libres de retrouver la réalité, et libres de vouloir y insérer ces avancées ou de les laisser derrière nous lorsque les portes se refermeront.
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() message posté Mer 14 Jan 2015 - 18:52 par Invité
in the end, we will remember not the words of our enemies, but the silence of our friends. ✻✻✻ C’était une sensation étrange, celle de se sentir à la fois proche et éloignée d’une même personne. C’était ainsi, avec Alexandre. Je ne savais pas où nous en étions .Je ne savais pas ce que nous représentions l’une pour l’autre. Cet instant, ainsi bloquées dans un ascenseur au milieu de nulle part, avait été si singulier qu’il m’avait paru hors du temps ; cet instant, parmi tant d’autres, c’était différencié des autres pour n’être qu’unique en son genre. Nous avions passé des heures à nous déchirer et une poignée de minutes, là, à nous écouter. Nous avions passé des heures à nous briser mais qu’un bref moment à nous retrouver, la mort dans l’âme, la honte inondant notre fierté écrasante. Je ne savais pas si cela n’avait été qu’une trêve dans nos combats acharnés. Je ne savais pas si cela avait été comme signé un armistice qui mettait finalement fin aux coups de feu. Je ne savais pas. Je ne savais rien. J’étais perdue dans ce que je ressentais et dans ce qui se déroulait ; je ne savais pas comment interpréter tout ce que nous avions bien pu nous dire, tout ce que nous avions bien pu s’avouer.
Je savais simplement qu’il me serait presque impossible de la regarder dans les yeux et profaner des paroles blessantes. Je n’aurais sans doute pas ce courage là – ce courage empreint d’idiotie profonde et d’arrogance extrême. Je refusai d’être cette personne-là de nouveau. D’être cette amie-là de nouveau.
Amie, amie. Pouvais-je au moins me permettre de me désigner de cette manière ? Je n’en savais trop rien. Les mots s’accumulaient dans mon esprit, mais rien ne me semblait adéquat à la situation. Rien ne correspondait aux schémas de nos existences. Peut-être était-ce simplement parce que nous étions différentes, après tout. Différentes du monde. Aucun dictionnaire ne pouvait convenir à l’ampleur des complexités de nos êtres.
Les lumières vives de l’ascenseur me blessaient les yeux et, pourtant, je n’avais jamais été aussi satisfaite d’être aveuglée. Je n’étais pas claustrophobe ; je n’avais jamais eu de problème avec les espaces confinés et étroits. Pourtant, l’espace m’avait semblé bien trop petit pour Alexandra et moi. Nos remords avaient consumé tout l’oxygène. Tout l’espace. Tout ce qui avait bien pu être à notre disposition pour que l’on se sente en sureté – si nous l’avions réellement été, au fond. « C’est pourtant pas faute de leur avoir donné du temps. » déclara Alexandra, la voix teintée de sarcasmes. J’esquissai un sourire, presque heureuse de me souvenir à quel point elle avait bien pu m’amuser, par le passé, lorsque nous n’avions pas été occupée à nous déchirer. J’avais toujours adoré son côté mordant, sa répartie cinglante. J’avais toujours adoré cet aspect de ce qu’elle était avant que je n’en fasse moi-même les frais. Avant que je ne subisse ses foudres.
Avant que je ne sois l’objet de tout ce qu’elle avait bien pu dire. Mais qui étais-je pour la blâmer, elle ? Elle ne se mettait jamais en colère pour rien. J’avais craqué l’allumette qui nous avait menées à l’incendie, après tout.
L’ascenseur se remit en mouvement et je poussai un soupir de soulagement. J’étais sans doute idiote. Idiote de me sentir si rassurée par la situation ; au fond, une boule demeurait au fond de mon estomac. Je pouvais la sentir, là, en train de doucement me ronger. Je pouvais la sentir être tourmentée par les centaines de questions qui m’habitaient. Par les milliers d’interrogations qui planaient dans mon esprit tourmenté. « Bien sûr, rien ne sort de cet ascenseur, d’accord ? » demanda-t-elle et je retins un rire. J’haussai les épaules avec un dédain feint. « Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. » déclarai-je après m’être raclée la gorge. C’était ma manière de dire que je garderais pour moi ce qu’elle avait bien pu me confier. Mais, au fond, je ne savais pas réellement jusqu’où s’arrêtait notre silence ; je ne savais pas si cela sous-entendait également que notre trêve devait rester dans cet ascenseur. Si la fin des hostilités ne connaîtrait pas d’autre lieu que cet habitacle où nous avions été coincées.
Des questions. Encore et encore des questions. Elles animaient mon esprit troublé. Elles m’animaient, moi, tandis que l’ascenseur continuait de descendre jusqu’au rez-de-chaussée. « Ils ont intérêt à nous offrir quelque chose. Une bougie parfumée, un bon d’achat, je m’en moque. » déclara Alexandra et je clignai des yeux jusqu’à son visage. J’étais amusée, oui. Amusée par cette atmosphère plus légère qui nous habitait. « On va hériter des vieux articles dont personne ne veut, si tu veux mon avis. Ils vont faire passer ça pour un geste commercial alors qu’au fond… On ne fera que les débarrasser. J’opterais pour les porte-clefs qu’ils ont mis à l’entrée du magasin. » Je lui lançai un regard presque complice ; cela me paraissait étrange de m’autoriser de telles choses mais j’avais la sensation que cela était plus facile. Presque plus légitime.
Et, mon cœur, au fond de ma poitrine, continuait de battre, encore et encore, pris d’une anxiété grandissante. Nous avions vécu un instant hors du temps, quelque part ; nous avions été loin de la réalité, loin de nos deux univers, loin de nos quotidiens. Qu’en serait-il, une fois dehors ? Nous allions sans doute partir chacune de notre côté. Nous allions sans doute laisser dans l’ascenseur tout ce qu’il s’était passé. Mais qu’arriverait-il si je venais à lui envoyer un message texte ? Ferions-nous comme si rien n’était arrivé, dans l’ascenseur ? Ou ferions-nous comme s’il ne s’était rien passé dans la vraie vie ? « Tu penses arriver à l’heure pour ton rendez-vous ? » lui demandai-je, évoquant ses dialyses quotidiennes. « Je pense que les médecins comprendront si tu arrives un peu en retard. » Comme pour ponctuer mes paroles, l’ascenseur se stabilisa, arrivé au rez-de-chaussée. Il mit quelques instants avant d’ouvrir ses portes, puis, finalement, nous retrouvâmes contact avec le monde extérieur.
Il y eut un comité d’accueil, oui. Mais je ne fis pas réellement attention aux personnes qui nous entouraient. Mon esprit ne se focalisait que sur une seule question. Toujours et encore la même question. Et maintenant ? Et maintenant. Si vaste. Et, pourtant, elle m’occupait l’esprit tout entier.
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() message posté Mer 21 Jan 2015 - 1:56 par Invité
Je respirais un peu mieux, un peu plus facilement depuis que les vibrations s’étaient de nouveau manifestées sous nos pieds. Ca reprenait vie, juste en dessous de nous, on nous attendait. D’ici quelques secondes, nous serions entourées d’autres personnes, qui n’auraient pas la moindre idée de ce qui s’était tramé dans cet ascenseur, qui n’auraient aucune idée de ce qui s’y jouait, de ce qui s’y décidait. Comment auraient-ils pu lorsque nous ne semblions pas le savoir non plus ? Bientôt, nous retrouverions le monde réel et devrions décider de notre implication dans celui-ci, de l’existence de notre trêve ou de notre amitié dans celui-ci. Pouvions-nous survivre dans cette réalité ? Durant ces quelques minutes, piégées, j’y avais cru, c’était presque comme si nous nous en étions donné les moyens, implicitement. Nous devions continuer. C’était notre seule et unique chance. Et je ne savais pas si nous allions la saisir. C’était assez irréel d’être écrasée ainsi d’incertitude et de persister néanmoins à vouloir y croire, de persister à vouloir plaisanter avec elle, presque comme avant. C’était ce que je faisais, tous les jours. M’acharner à mener une existence quasi normale et somme toute assez morne. « Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. » me répondit-elle et je distinguai sans peine la nervosité dans sa voix également. C’était un changement. Cela faisait plutôt longtemps qu’il n’y avait plus de nervosité entre nous. Nous n’étions plus gênées, plus timides, plus hésitantes. Nous étions seulement irritées, agressives et froides. Mais la nervosité, c’était bien, c’était nouveau. Cela signifiait que nous avions peut-être quelque chose à perdre de nouveau, ou quelque chose à retrouver. Alors ce changement, tout aussi infime qu’il soit, était rassurant. Même si quelque peu frustrant. Ne pouvions-nous pas être jeunes encore une fois, suffisamment jeunes pour faire comme les enfants, tout oublier grâce à un sourire ou une excuse, repartir sur de nouvelles bases et ne plus se déchirer, inutilement. La vie et ses obstacles nous avaient changé, nous en empêchaient. Nous étions devenues ces adolescentes, puis ces jeunes femmes qui voyaient tout, qui n’étaient pas dupes, qui avaient compris, trop tôt, que la vie ne fonctionnait pas comme cela. Elle nous avait enlevé cette audace enfantine et incroyable avec violence et clairvoyance. Elle nous en avait privé sans qu’on ne s’en rende compte et il était trop tard à présent pour la récupérer. « On va hériter des vieux articles dont personne ne veut, si tu veux mon avis. Ils vont faire passer ça pour un geste commercial alors qu’au fond… On ne fera que les débarrasser. J’opterais pour les porte-clefs qu’ils ont mis à l’entrée du magasin. » Je laissai échapper un léger rire lorsqu’Eugenia reprit la parole. Je l’avais senti arriver, j’avais été amusée par ses paroles et je ne m’en étais pas empêché. Le regard complice qu’elle m’avait adressé m’en avait dissuadé. Je ne me souvenais plus du dernier de ces moments, de la dernière fois où nous nous étions permises d’être ainsi. Tout avait été effacé par son accident, tout avait été censuré parce qu’elle avait trouvé cela plus simple. Mais il suffisait peut-être de peu de choses pour que le passé redevienne vivant. « Si c’est le cas, tout se revend. Je suis une excellente commerciale, le genre vendeuse de voiture, capable de se faire des bénéfices avec tout. Je pourrais m’occuper de tes porte-clés aussi si tu veux. » répondis-je, amusée. Je ne savais pas trop pourquoi je me laissais dire tout cela. Comme si l’ascenseur qui descendait, qui allait bientôt s’arrêter et s’ouvrir nous entraînait dans l’urgence. Ma proposition, tout aussi ironique qu’elle soit, insinuait que nous serions amenées à nous revoir, que j’étais prête à la revoir, dans un contexte normal, pour continuer ce que nous avions amorcé ici. Que j’en avais envie. « Tu penses arriver à l’heure pour ton rendez-vous ? » Je lui lançai un regard en coin à sa question, ne sachant que trop répondre, et me contentai d’un haussement d’épaules un peu désinvolte. Comme si sa question l’était, comme si le sujet l’était tout autant. Oui, si je le voulais, je pouvais arriver en retard à ce rendez-vous. Oui, si je n’étais pas décidée depuis toujours à interpréter le moindre signe de la vie comme une raison de ne pas m’y rendre, comme une manière de me montrer qu’il y avait plus important que d’aller m’enfermer dans une chambre d’hôpital pendant cinq heures. « Je pense que les médecins comprendront si tu arrives un peu en retard. » J’hochai la tête doucement en me hissant distraitement sur la pointe des pieds. « Ils comprenaient les premières fois. A présent, ils pensent que je me moque d’eux. » répondis-je de la manière la plus sobre possible sans pouvoir pour autant effacer ce léger sourire que mes lèvres esquissèrent. L’ascenseur se stoppa, les vibrations s’arrêtèrent et les portes s’ouvrirent. Tout allait vite, très vite. J’aurais voulu me montrer plus indignée, ou scandalisée, face au personnel qui nous accueillit mais les excuses fusaient, les justifications également, tandis qu’ils nous raccompagnaient à la sortie. Et je n’étais plus aussi agacée qu’au début. Une fois dehors, je regardai Eugenia rester silencieuse, et je ne savais pas comment l’interpréter. Elle avait toujours été la plus mystérieuse de nous deux. Je n’aurais pas cru ça possible avant de la connaître. Elle était devenue mon amie pour cela, et nous nous nous étions perdues à cause de cela. « La prochaine fois … Si on se revoit, » m’interrompis-je. « On pourrait continuer notre discussion. Ou simplement se voir et ne pas en parler. » Je haussai les épaules nerveusement en refermant les pans de mon manteau. « Je ne sais pas ce que tu penses des secondes chances. Mais si on est parvenues depuis des mois à s’accrocher à tout ce qu’on a pu gâcher, on peut peut-être essayer d’en faire de même pour ces dernières minutes. Ce serait un début. » rajoutai-je en plissant les yeux. Ma fierté hurlait, tapait contre mes tempes pour reprendre le contrôle. Mais je parvenais à l’étouffer, à lui ôter ce droit. Elle devait rester muette, encore quelques secondes. Nous allions partir chacune de notre côté, l’esprit rempli de questions mais le cœur allégé de ces quelques confidences que nous nous étions cette fois permises. Nous allions partir chacune de notre côté. Alors qu’il y a un an et demi seulement, un an et demi déjà, nous en aurions ri, nous serions reparties ensemble sûrement, pestant puis oubliant tout à la première plaisanterie échangée. J’avais du mal à l’envisager, pas alors que je posais mon regard sur le visage d’Eugenia et que j’avais l’impression de pouvoir la retrouver. C’était infime, incertain mais c’était possible. Et c’était tout ce que nous avions aujourd’hui : des possibilités.
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() message posté Jeu 22 Jan 2015 - 21:35 par Invité
in the end, we will remember not the words of our enemies, but the silence of our friends. ✻✻✻ Nous étions libérées, libres. L’ascenseur n’était plus un lieu de détention mais ce moyen de locomotion nous permettant de naviguer entre les différents étages d’un bâtiment sans le moindre effort. Il n’était plus cette cage nous retenant captive mais l’endroit de nos retrouvailles singulières. Je sentais un poids s’envoler doucement de ma poitrine mais je savais pertinemment que cela n’était pas la seule chose qui me détendait. La seule chose qui m’apaisait.
De la même façon dont j’avais bien pu me sentir claustrophobe ainsi prisonnière des murs en acier, j’avais eu l’impression d’être piégée par mon amertume. Par nos disputes à répétition. Alexandra et moi-même nous étions toutes les deux enfermées dans une relation vouée à l’échec, façonnées dans des rancœurs prétentieuses et cachées derrière des déclarations acides et blessantes. L’ascenseur n’avait été que la métaphore de l’état de notre amitié. L’ascenseur n’avait fait que de nous prouver que nous nous étions emprisonnées dans notre propre fierté. Alors, si le soulagement que je ressentais était si intense, cela était simplement parce que j’avais l’impression d’être bien plus que libérée d’un ascenseur coincé. J’avais le droit à une seconde chance.
Une seconde chance qui réveillait mes peurs également.
Je me sentais mal à l’aise et gênée. Gênée et pleine de retenue. Pleine de retenue et nuancée. Cela était de nouvelles émotions que je n’avais pas encore eu l’occasion d’expérimenter en présence d’Alexandra ; cela m’aidait à définir des limites dans mes propos, à me retenir en arrière, à encadrer mon être et à me définir dans un sens plus étriqué. Cela me permettait d’être plus humaine, quelque part, et plus contenue. Cela me rassurait. Cela me satisfaisait. Je me sentais plus sereine ainsi, coupée dans tous mes élans. Parce que, au moins, je savais que le faux pas serait plus difficile à faire. Parce que, au moins, je savais que je ne pouvais plus m’emporter à la moindre malheureuse parole. « Si c’est le cas, tout se revend. Je suis une excellente commerciale, le genre vendeuse de voiture, capable de se faire des bénéfices avec tout. Je pourrais m’occuper de tes porte-clés aussi si tu veux. » répondit-elle à mes paroles et je partageai son amusement. J’hochai doucement la tête avec une conviction contenue, mon regard se posant sur elle. « Avec plaisir. » conclus-je. Cela raisonnait presque comme une promesse. Comme un gage d’amitié. Cela nous ouvrait une nouvelle panoplie de possibilité d’avenir. Cela nous indiquait une voie meilleure, peut-être.
Je n’aurais jamais pensé que cela soit le cas, durant les premières minutes qui avait suivi la panne de l’ascenseur. Je n’aurais jamais cru être capable de la regarder dans les yeux sans ressentir une certaine amertume ; pourtant, nous avions bien pu avancer en une poignée de minutes à nous écouter qu’en de nombreux mois à nous déchirer. Cela était comme si nous avions muri de dix ans à l’aube même de nos existences. Lorsque je reposai mon regard sur elle, je m’enquis sur le rendez-vous médical qu’elle avait et je la vis réagir avec désinvolture. Je la connaissais suffisamment que cela n’était qu’un masque. Les confessions qu’elle avait pu me faire étaient réellement oubliées. Réellement passées. « Ils comprenaient les premières fois. A présent, ils pensent que je me moque d’eux. » me déclara-t-elle. Je voyais un sourire hanter ses lèvres et, pourtant, je ne parvenais qu’à y croire à moitié. « C’est le cas ? » lui demandai-je avec un amusement mi-feint, mi-sincère. Venant ponctuer mes paroles, l’ascenseur s’arrêta dans sa course et les portes s’ouvrirent.
Le reste se déroula sans que je n’y prête réellement attention. Je n’étais pas une personne qui aimait être sous les feux des projecteurs ; j’optai sans cesse pour les solutions de repli plutôt que d’affronter de front les situations. Je détestai chaque regard que l’on put me lancer. Je fus exaspérée à chaque question que l’on me posa. Je n’eus qu’une seule envie, disparaître, à mesure que l’on se pressait autour de moi. J’entendais questions et excuses ; mon regard, lui cherchait sans cesse Alexandra. Lorsque nous passâmes les portes de sortie du magasin, je sentis une bouffée de soulagement se répandre dans mes veines et je me surpris à sourire avec douceur, mes yeux parcourant les rues de Londres.
Mes yeux se perdant tandis qu’Alexandra, elle, s’agitait à côté de moi. J’avais toujours été ainsi. Je m’étais souvent perdue dans le silence, dans mes propres pensées, comme si j’étais incapable de réellement contrôler tout ce qui pouvait se passer dans mon esprit. « La prochaine fois… Si on se revoit. On pourrait continuer notre discussion. Ou simplement se voir et ne pas en parler. » me lança-t-elle. « Je ne sais pas ce que tu penses des secondes chances. Mais si on est parvenues depuis des mois à s’accrocher à tout ce qu’on a pu gâcher, on peut peut-être essayer d’en faire de même pour ces dernières minutes. Ce serait un début. » Je l’observai refermer son manteau. Mes doigts, eux, cherchèrent mon bonnet pour que je puisse l’enfiler sur ma tête. Ses mots tournaient en boucle dans mon esprit ; j’y pensais sans cesse, cherchant à définir à quel point elle pouvait être sincère, à quel point elle voulait réellement y croire. Parce que, moi, je voulais tenter. Je voulais réellement me dire que nous étions bien plus que des amies s’évertuant à faire de nos vies un enfer. « Je pense… Qu’on tient le bon bout, oui. » lui adressai-je avec un sourire presque timide. « Je propose qu’on ne reprenne pas notre discussion. Je sais qu’on ne peut pas faire comme si les derniers mois n’avaient pas existé mais j’aimerais qu’on aille de l’avant. Pour de vrai. Si tu es d’accord, bien entendu. » L’espoir. Cela était une notion que je rejetais, souvent, ayant été bien trop déçue par la vie elle-même pour accepter d’être blessée par l’espoir. Pourtant, j’y cédais. J’y cédais bien trop régulièrement. « Je suis presque déçue de ne pas avoir eu de porte-clefs. » J’eus une moue boudeuse avant de la regarder ; puis, sans réellement parvenir à résister, je me mis à rire.
Il y avait toujours cette retenue, cette gêne. Mais elles ne me dérangeaient pas. Au contraire, j’avais l’impression que cela était un prix bien faible à payer pour avoir cette sensation d’apaisement.
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() message posté Lun 26 Jan 2015 - 19:37 par Invité
J’attendais sa réponse, son approbation ou son refus pur et simple. C’était tout ce que je pouvais faire maintenant que je m’étais lancée, maintenant que j’avais pris le risque de ne pas faire marche arrière, de clarifier ce qui nous liait désormais. Je détestais attendre, je le détestais plus que tout et c’était pourtant tout ce que je faisais. Mon existence entière était basée sur l’attente, dépendait de cette attente. Ce verbe était le mien, j’en avais d’ors et déjà épuisé tous les sens, tous les tons, toutes les significations. J’attendais ma mère, j’attendais des feux verts, j’attendais une greffe, le bon moment, la vie ne m’attendait pas et j’attendais qu’elle me revienne. J’attendais sa réponse, à présent, j’attendais de savoir ce qu’Eugenia décidait, si tout était destiné à rester confiné dans cet ascenseur derrière nous. Ou si nous pouvions l’utiliser, en faire bon usage. J’attendais et je sentais le froid tirailler mes joues rosies et finir de raidir mes muscles. « Je pense… Qu’on tient le bon bout, oui … » commença-t-elle et je vis dans son sourire ce qu’il m’aurait été impossible d’imaginer au début de notre échange. « Je propose qu’on ne reprenne pas notre discussion. Je sais qu’on ne peut pas faire comme si les derniers mois n’avaient pas existé mais j’aimerais qu’on aille de l’avant. Pour de vrai. Si tu es d’accord, bien entendu. » Je l’observai quelques secondes. J’avais conscience de cette habitude qui ne me quittait pas et qui pouvait gêner plus d’une personne. Cette habitude de désirer, d’essayer de sonder la personne en face de moi, mon interlocuteur, pour jauger son niveau de sincérité, assimiler ce que celui-ci impliquait. On ne peut effacer le passé. Nous nous étions répété cette phrase maintes et maintes fois, tellement que j’avais fini par réellement le croire, réellement le penser, calquer mon existence entière sur cette conviction. Peut-être qu’on ne pouvait pas l’effacer, en effet. Peut-être que cela ne nous mènerait à rien, sinon de retourner en arrière, dans une sorte de déni dérangeant et handicapant. Peut-être qu’il ne fallait pas oublier ce qui nous avait opposé, éloigné. Qu’il fallait s’en servir pour avancer et apprendre de nos erreurs. « Je suis d’accord. » répondis-je simplement en lui adressant un vague sourire. J’étais plus que d’accord, c’est ce que je n’avais pas eu l’audace de proposer. Je ne brillais jamais lorsqu’il s’agissait de trouver les mots, de régler les crises. Celles des autres oui, m’occuper des autres, entendre leurs craintes et leurs douleurs, je savais faire, je voulais faire. Elles m’éloignaient des miennes, me permettaient de relativiser, de me sentir utile, l’espace de quelques instants. Mais les miennes, de crises, celles dans lesquelles j’étais impliquée, jamais.
J’étais plutôt de celles désirant accélérer le temps, qu’il soit déjà écoulé, ce temps incompressible par lequel notre souffrance à tous devait passer. J’aurais voulu l’accélérer, m’endormir pour me réveiller plus tard, quand tout serait fini, achevé, clair et dégagé. Mais ça ne marchait jamais comme cela. Et je ne pouvais qu’apprécier ce qu’Eugenia nous proposait, la remercier en silence. Parce que, pour la première fois des mois, tout paraissait réellement possible. J’avais l’habitude de me méfier de ces espaces blancs, l’un de ceux qui s’installa entre nous, ces espaces où l’on pouvait écrire n’importe quoi, tout. Ces espaces qui signifiaient tellement, qui aggravaient les choses, les amplifiaient. J’avais l’habitude de m’en méfier mais pas cette fois-ci, pas de celui-ci, assainissant, apaisant. Pas lorsque celui-ci paraissait presque familier. Nous étions deux amies, deux amies prêtes à faire table rase,  accepter ces mois passés et ne pas les laisser définir notre relation. Nous étions deux amies prêtes à faire usage de ce qui constituait l’amitié même : le pardon. Sans compromis. Il avait pris son temps, n’avait pas été forcé, hâté. Il avait fait son chemin, avait patienté, attendu que nous soyons prêtes, mûres. Mais nous y étions peut-être. « Je suis presque déçue de ne pas avoir eu de porte-clefs. »  conclut-elle finalement en m’adressant un regard. Un de ces regards qui sonnait comme une reconnaissance de dettes, une rémission. J’eus à peine le temps de réagir à son air renfrogné qu’elle me surprit dans un éclat de rire non contenu. Il y avait beaucoup de choses dans ce rire, il signifiait beaucoup, sans rien dire, sans rien formuler. Je la regardai, amusée, un instant, comme s’il s’agissait là d’une plaisanterie qui ne trouvait sa signification que pour nous deux. « Je suis carrément déçue oui. On avait des projets, ils ne se rendent pas compte. » J’avais l’impression que cela faisait une éternité que ça n’était plus arrivé. Une éternité qu’il n’y avait plus eu cette légèreté, cet enjouement. Et pourtant, nous retrouvions instantanément quelque chose de naturel. Puis mon sourire s’effaça au profit d’un léger rire, également, venu accompagner le sien. Ce moment où l’on se rejoignait, enfin, dans autre chose, ce moment ne dura sûrement pas plus de quelques secondes, certes, mais cela allait bien au-delà de la bienséance formelle. Il ne s’agissait pas simplement de rire embarrassés rejoints par d’autres purement polis, forcés. « On aura gagné autre chose finalement. C’est peut-être mieux comme ça. » finis-je par conclure en glissant mes mains dans les poches de ma veste. « Je vais par là. » J’indiquais la direction que je devais emprunter d’un mouvement d’épaules. Si nos routes devaient se séparer maintenant, cela n’avait plus la même signification à présent. Nous avions réussi à évacuer le côté définitif de cette action. Nous étions parvenues à s’inscrire dans une suite.
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() message posté Dim 1 Fév 2015 - 23:24 par Invité
in the end, we will remember not the words of our enemies, but the silence of our friends. ✻✻✻ Le froid me mordait les joues, s’engouffrant dans les pans mal fermés de mon manteau et prenant du terrain dans mon corps. Mais cela ne me dérangeait pas. Cela me dérangeait plus. J’accueillais ces aléas de température avec enthousiasme, encore marquée par la terreur d’avoir été enfermée durant de longues minutes dans un lieu confiner, quelque part dans le vide ; je me plaisais à observer le ciel, à regarder les passants défiler dans la rue, à sentir le vent balayer mes cheveux. Je n’avais pas plus ma place ici que dans l’ascenseur, mais je préférais être libre, libre d’aller où je le désirais, libre de pouvoir respirer sans avoir la sensation d’avoir une boule d’anxiété au fond de ma gorge. Je savais que je n’appartenais pas à la même réalité que les autres mais j’étais plus heureuse ainsi, au grand jour, plutôt qu’enfermée dans une cage d’ascenseur par mégarde.
J’étais peut-être bornée mais, quelque part, je me plaisais à croire que je n’étais pas encore entièrement folle.
Je ne savais pas ce que j’allais dire à ma sœur, à mon frère. Je ne savais pas ce que j’allais leur raconter ; dans mon esprit, mes retrouvailles imparfaites avec Alexandra étaient bien plus importantes que notre mésaventure dans l’ascenseur, mais j’étais presque persuadée qu’ils ne comprendraient pas ce que cela signifiait réellement. Ils ne comprendraient pas comment une simple discussion pouvait primer sur la mise en danger de ma sécurité. Parce que c’était ainsi ; mes proches passaient leur temps à avoir peur pour ma santé et ma condition physique plutôt que s’intéresser à ce qu’il se passait dans ma tête. Mes proches passaient leur temps à se soucier de comment mon corps allait plutôt que comment moi je me sentais. Je ne pouvais pas leur en vouloir, au fond. Les médecins leur avaient fait tant de fois la morale, les avaient tant de fois mis en garde, que s’inquiéter pour toutes ces choses était devenu une seconde nature chez eux. Mais ils ne comprenaient pas. Ils ne comprenaient pas réellement. « Je suis d’accord. » approuva Alexandra et j’esquissai un geste de la tête pour attester que la conversation était donc officiellement close. Je savais que nous ne pouvions pas prétendre. Que nous n’étions pas faites ainsi, que nous ne savions pas faire semblant. Nous étions trop entières pour accepter voiler une partie de la vérité ; cependant, j’y croyais, en cet instant. Je croyais dur comme fer que nous ne viendrons plus à reparler de ce que nous avions bien pu évoquer dans l’ascenseur.
Je ne désirais plus m’attarder sur les mots, sur les paroles. Nous avions déjà perdu beaucoup trop de temps pour se permettre d’en perdre encore plus. J’étais empreinte d’incertitude mais j’avais foi en nous, en ce que nous étions ; j’avais foi en ce que nous pourrions devenir, foi en notre capacité à avancer. Nous connaissions nos erreurs respectives. Nous avions fait suffisamment de concession pour parvenir à les admettre. Désormais, il ne nous restait que le futur. Ce futur qui se profilait devant nous à mesure que j’observai les passants nous dépasser à allure soutenue. « Je suis carrément déçue oui. On avait des projets, ils ne se rendent pas compte. » dit-elle, agrémentant ma tentative d’humour. Je me mis à rire avec douceur, amusée par ses paroles, soulagée qu’elle poursuive dans mon sens. Je sentais encore la gêne qui me tiraillait les veines mais je jugeais que cela n’était rien, absolument rien, comparé à tout ce que nous avions bien pu vivre au cours de ces derniers mois. J’accueillais la gêne avec plaisir. Je l’accueillais les bras grands ouverts. « On aura gagné autre chose finalement. C’est peut-être mieux comme ça. » ajouta Alexandre et je ne pus m’empêcher de sourire. Doucement, je cherchais au fond de mes poches mes gants afin de les passer sur mes mains rongées par le froid. « Je vais par là. » me dit-elle en me désignant d’un geste un côté de la rue. Je calculai rapidement mon itinéraire dans mon esprit ; avec le temps, j’avais fini par m’y faire, par savoir où aller, par où passer. Je savais qu’une station de métro se trouvait dans la direction qu’Alexandra allait prendre, mais que celle-ci ne disposait pas d’accès handicapé ; je savais également qu’à cent mètres à peine, dans la rue qui bifurquait légèrement en face, se trouvait un arrêt de bus d’une ligne qui passait non loin de chez moi. Et que lui, contrairement à la station de métro, était équipé pour les personnes de ma condition. « Je pense que je vais devoir aller par là. » lui répondis-je en désignant la rue perpendiculaire où se trouvait l’arrêt. « On se revoit rapidement, de toutes manières. » Je levai mon regard vers elle. J’avais ce poids dans ma poitrine, mais je savais que cela était différent de toutes ces autres fois ; je savais que nous nous reverrions. Et que nous ne nous reverrions pas pour nous déchirer comme nous avions pu le faire une centaine de fois. « Tu as toujours mon numéro ? Tu pourras toujours m’envoyer un message quand tu auras un peu de temps libre – ce n’est pas comme si j’avais une vie très remplie. » J’haussai vaguement les épaules, un léger sourire installé sur mes lèvres. Je posai mes mains sur mes roues, la tête levée vers elle. « Au revoir, donc. Et… Merci. Sincèrement. » Merci. Etrangement, ce mot me paraissait approprié ; je savais que, lorsque je tournerai mes roues pour m’avancer dans une direction opposé, je ne le ferais pas avec la mort dans l’âme, mais avec l’espoir dans les pensées. Je savais que rien ne serait réellement facile mais je croyais en nous. Je croyais en notre amitié, cette amitié que nous avions tant fait souffrir sans parvenir à nous réfréner dans nos ardeurs. Alors, oui, je la remerciais. Je la remerciais parce que je me sentais mieux. Parce que j’allais bien. Grâce à elle.
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