"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici sometimes friends become enemies. but what’s worse is when they become strangers. w/alexandra 2979874845 sometimes friends become enemies. but what’s worse is when they become strangers. w/alexandra 1973890357
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() message posté Sam 9 Aoû 2014 - 3:29 par Invité
in the end, we will remember not the words of our enemies, but the silence of our friends. ✻✻✻ « … sais que tu es plutôt renfermée sur toi-même mais, ma chérie, tu penses réellement qu’arrêter les cours est une bonne idée ? Tu sais, j’ai appelé ton père mardi dernier et il était d’accord avec moi concernant cette opération, je ne suis pas sûre que ç… » J’arrêtai de l’écouter, mon regard balayant les rayonnages qui se trouvaient autour de moi. Ma mère continua de parler tandis que mes yeux observaient avec attention les oreillers mis en valeur sur des lits qui semblaient bien trop confortables ; elle ne s’arrêta pas lorsque j’arrivai à la hauteur des lampes pour étagères, et encore moins quand je me retrouvai à détailler les commodes anciennes. Je pris une profonde inspiration en tentant de garder mon calme. Je ne l’écoutais pas et pourtant je savais ce qu’elle était en train de pertinemment me raconter. Elle me blâmait d’être marginale. Elle refusait que j’arrête mes études alors qu’elles ne rimaient à rien. Elle remettait en question les décisions médicales de mes chirurgiens. J’avais l’impression qu’elle s’appliquait à contredire tous les points de ma vie ; j’avais l’impression qu’elle me considérait comme une erreur, comme une erreur qui n’arrêtait pas de se tromper. J’avais toujours été la jumelle qu’elle aurait aimé changer. J’avais toujours été la fille qu’elle avait souhaité pousser. Je n’avais jamais été à la hauteur, à sa hauteur. Je savais qu’elle m’aimait ; j’avais simplement l’impression que cela n’était pas suffisant, j’avais l’impression que les choses auraient mieux fait d’être différentes. Je fermai les paupières pendant quelques secondes. J’aurais pu être meilleure. J’aurais dû être meilleure. « … Et puis, tu sais, Cardiff n’est pas si mal, tu n’es pas obligée de rester à Londres, tu peux revenir à la maison quand t… » Je revins doucement sur Terre, et je finis par m’éclaircir la gorge. « Maman. » l’interrompis-je en plein milieu d’une phrase. « Oui, ma chérie ? » Le silence se fit entendre de l’autre bout du fil tandis que sa question résonnait dans mes oreilles, et je fus prise d’une vague de soulagement. C’était presque apaisant. Je rassemblais mes idées à mon rythme, tentant de ne pas paniquer à chacune des pensées qui pouvaient bien effleurer mon esprit. Je me souvenais du nombre de fois où elle m’avait demandé de sortir. Du nombre de fois où je ne l’avais pas fait. Je me souvenais du nombre de fois où elle m’avait supplié de me faire des amis. Du nombre de fois où j’étais simplement restée chez moi. Cela ne m’étonnait même pas qu’elle ait été aux anges lorsque Julian était entré dans ma vie, au lycée ; elle avait vu sa fille reprendre contact avec le nombre extérieur, avec l’humanité, et elle avait été bien trop heureuse pour redire quoi que ce soit. « J’apprécie énormément le fait que tu t’inquiètes pour moi et que toi et papa parliez de moi dans mon dos, mais je suis grande, tu sais. » commençai-je. « Je vais me faire opérer. Je vais arrêter mes études. J’aurais sans doute la possibilité de passer pro en tennis si j’y mets suffisamment du mien… Si l’opération ne fonctionne pas, aussi. Et puis, tu sais, Julian m’a dit que continuer dans une voie qui ne m’intéressait pas ne rimait à r… » Ma mère s’agita au bout du fil, et je m’arrêtai dans mon élan. « Julian ? Julian Fitzgerald ? » Mon cœur s’arrêta durant l’espace de quelques secondes ; je me rappelai que ma mère n’était pas au courant que j’avais reparlé à Julian depuis mon accident. J’avais pris un soin tout particulier à ne pas l’en informer.
Après tout, elle avait été celle qui avait tenté, à chaque fois, d’aller à l’encontre de ma décision consistant à ne plus lui donner de nouvelles. Elle n’avait pas compris que je n’avais pas voulu l’impliquer dans ma nouvelle vie. Elle n’avait pas compris que je n’avais pas désiré être un poids, que je n’avais pas désiré mettre un frein à son existence. Elle avait même failli à sa promesse de ne pas prévenir les autres ; elle avait averti une de mes proches amies de l’époque, Alexandra, sans me demander, sans me le dire. Au fond, je demeurai persuadée que cela était de sa faute à elle si j’avais fini par la rejeter violemment. Si j’avais fini par l’éloigner de moi parce que cela était la seule chose que je savais réellement faire ; vivre loin des autres.
Doucement, je finis par quitter le rayon des commodes pour me diriger vers les ascenseurs. « Ce Julian-là. Ne fais pas comme si j’en connaissais d’autres, maman. » marmonnai-je, avant d’enchainer. « C’est une longue histoire, et je dois y aller. Je t’expliquerais. Bye maman ! » Je ne lui laissai pas le temps de répondre ; je raccrochai avant d’accélérer en voyant qu’un ascenseur se refermait, et je passais mon bras pour retenir la porte. Celle-ci se rouvrit, et je pénétrai à l’intérieur en posant mon regard sur la seule et unique personne se trouvant là. Et, cette seule et unique personne, je la connaissais. Mon cœur rata un battement ; je demeurai immobile durant une poignée de secondes avant de me reprendre, et je fis un demi-tour sur moi-même de sorte à me retrouver face aux portes qui se fermaient en face de moi. J’avais pensé à elle quelques minutes à peine auparavant. Une vague d’anxiété, mêlée à de la gêne et de la colère, m’envahit, et je me raclai la gorge. « Tu peux presser le bouton pour le premier étage ? » demandai-je, avant de l’observer. Je sentis mon rythme cardiaque s’emballer. Ma respiration devenir laborieuse. Mes souvenirs remontaient doucement, alors que je m’étais toujours appliquée à tenter de les oublier. « En fait, non, je peux le faire toute seule. » Je m’avançai pour enfoncer le bouton pour le premier étage. J’avais toujours catégoriquement refusé son aide. Je n’avais aucune raison de la solliciter aujourd’hui. Une vague de regret m’envahit, rapidement étouffé par ma fierté personnelle ; je n’adressai pas un seul regard à Alexandra, me contenant de fixer les deux portes devant nous, tandis que l’ascenseur se mettait en branle. Cela était bientôt fini. Je n’aurais pas à être en sa présence durant plus d’une dizaine de secondes ; et, comme tout le reste, je n’aurais qu’à mettre cet instant sur la pile des souvenirs à oublier.
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() message posté Sam 9 Aoû 2014 - 23:32 par Invité
« Non merci, je ne fais que regarder ». Je toise le dos de la jeune fille qui s’était déjà éloignée avant même d’attendre la fin de ma phrase. Je finissais par me demander s’il ne s’agissait pas d’une blague entre eux. Pour la quatrième fois à présent, on était venu me demander si je recherchais quelque chose en particulier, si j’avais besoin d’aide, de ne pas hésiter, des conseils peut-être … Ai-je l’air à ce point paumée ? Le fait que je déambule dans les allées depuis une bonne demi-heure à présent ne devait certes pas aider mon cas. Je ne fais que regarder. Je détourne mon regard du couple qui s’écharpe devant moi, ayant perdu toute notion de discrétion. Ce n’était pas tout à fait faux. Ces endroits me fascinent. J’y reconnais, au premier coup d’œil, l’épouse quasi abandonnée qui ne tient à la vie que par une poignée de Prozac. Abattue par sa couardise, elle erre dans les étages, à la recherche d’une énième bricole à acheter qui l’empêcherait de rentrer chez elle et de faire face à son mari infidèle et ses mensonges-ritournelles. Devant moi, je perçois l’énervement bridé de l’homme lassé par les revendications de sa compagne, amère, agacée, impatiente. Non, il ne veut pas se prononcer sur la couleur de vos futurs rideaux. Il s’en contre-fout, il n’y voit pas tout le message que tu y attribues, il n’y voit pas votre avenir. Puis la réplique qui fuse, acide, pleine de reproches et de sous-entendus. Je suis coupée de mes réflexions par les hurlements d’un enfant derrière moi, qui refuse de quitter le magasin. Sa mère le tire par le bras et me jette un regard désespéré. Que veut-elle que je lui dise ? Je n’y connais rien aux enfants, mais à sa place, le sien aurait déjà été bâillonné et passé par dessus mon épaule pour le sortir de force. Celle-là n’avait pas l’air de vouloir faire usage de la violence alors qu’elle lui achète cette tasse, objet de son caprice, et qu’il se taise à jamais. Je repose d’un air dégouté la bougie parfumée que je tenais dans la main. Coco, patchouli, frangipane, rhum tabac, bacon … Je fronce les sourcils à la vue de ce dernier parfum. Et bien oui pourquoi pas ? À défaut de trouver un cadeau digne de ce nom, j’obtiendrais au moins des points pour l’originalité. Toutes ces odeurs allaient finir par me faire perdre la raison. Tout avait la même odeur pour moi, elles me montaient à la tête et me faisaient perdre toute amabilité. D’où le départ précipité de l'hôtesse tout à l’heure. Peut-être avais-je besoin d’aide finalement ? Je repose la bougie senteur bacon parmi ses semblables et m’éloigne de ce rayon. Je ne sais pas pourquoi j’avais voulu changer les habitudes. Rien n’était plus émouvant que le respect des traditions. Cette année encore, elle recevrait une nouvelle fois un livre de ma part. J’imagine déjà son air désabusé, qui offrait encore des livres à l’ère du numérique ? Nous n’avions jamais été si proches que cela, mais elle persistait à m’inviter depuis trois ans à son anniversaire. Ayant des amis en commun, je m’y rendais à chaque fois, posais mon livre sur la pile du salon, je ne pouvais pas dire que j’en étais honteuse, si ce n’est qu’elle était plutôt le genre de fille à apprécier une sixième paire de boucles d’oreilles plutôt qu’un bon roman. « Mesdames, messieurs, votre attention s’il vous plaît, votre magasin ferme ses portes dans quelques minutes. Merci de vous diriger vers les caisses. ». Je lève un regard las vers le plafond d’où la voix douceâtre entonne le message pour la cinquantième fois tandis que je me dirige vers la sortie, m’infiltrant dans l’ascenseur juste avant que celui-ci ne se referme. Sur moi et la mère de tout à l’heure tenant par la main son fils toujours aussi perturbé. Je ne suis pas du genre à souffrir de claustrophobie mais l’idée de me retrouver enfermée avec un petit déchainé, dans une boite close et suspendue au-dessus du vide me donne soudainement envie de hurler à l’aide. J’appuie sur le bouton rez-de-chaussée et darde mon regard sur le panneau digital annonçant le défilement des étages. L’ascenseur s’arrête au cinquième étage et je regarde le duo maudit se fondre à nouveau dans les rayons. Les portes sont sur le point de se refermer mais sont stoppées tout d’un coup. Je m’apprête à me redresser pour appuyer sur le bouton de réouverture lorsque je reconnais une silhouette autrefois familière. Il me faut quelques secondes pour dépasser la consternation et me faire à l’idée qu’il s’agissait bien d’Eugenia. Génial. Je suis saisie, sens mon cœur s’emballer mais je feins l’indifférence et recule à nouveau d’un pas vers le fond de la cabine. Bien décidée à ne pas prononcer le moindre mot, je fixe à nouveau les barres lumineuses attendant qu’elles se remettent à défiler. « Tu peux presser le bouton pour le premier étage ? … En fait, non, je peux le faire toute seule. » « Bien sûr que tu le peux. », lâchais-je sur un ton bas et beaucoup plus caustique que je ne l’aurais voulu. Je n’ai pas réagi tout de suite à sa demande, trop étonnée qu’elle s’adresse à moi, et peut-être est-ce pour cela qu’elle s’en est finalement occupée elle-même. Quoiqu’il en soit, j’y avais seulement vu un énième affront de sa part. Bien entendu que tu peux t’en occuper toute seule. Qu’est-ce que tu ne peux pas faire seule Eugenia ? Je m’appuie sur la rambarde du fond lorsque je sens l’ascenseur accuser un léger sursaut. La lumière vacille une fraction de seconde et finit par lâcher, nous laissant dans le noir plus complet. « C’est une plaisanterie ? » je demande avec un sourire jaune. Comme pour répondre à mon interrogation, une lumière se rallume, plus artificielle, plus ténue, presque tamisée. J’ignore Eugenia comme j’ignorerais une bête sauvage avec laquelle je me retrouverais coincée, suivre les consignes élémentaires faire profil bas, ne surtout pas la regarder dans les yeux. J’appuie sur le téléphone d’urgence, rien ne se passe. Le bouton d’alarme à nouveau. La lumière tremble et je crains qu’elle ne s’éteigne mais elle tient bon. Je me retourne, me retrouve face à Eugenia et lâche un soupir. Je lève les yeux au ciel et me ré-adosse contre le miroir du fond. « C’est ridicule », je marmonne. On aurait voulu faire une caméra cachée qu’on n’aurait pas fait mieux.
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() message posté Lun 8 Sep 2014 - 13:33 par Invité
in the end, we will remember not the words of our enemies, but the silence of our friends. ✻✻✻ J’avais refusé tout contact, après mon accident. Tout contact avec le monde extérieur. Tout contact avec les autres, tout contact avec ces personnes qui me semblaient désormais si étrangères. Je m’étais enfermée dans mon propre monde en rejetant les êtres qui m’avaient été le plus chers. La plupart du temps, cela avait été facile ; je n’avais même pas eu à les affronter en face à face. J’avais simplement gommé mon existence de leur quotidien par le silence. Cela s’était fait sans douleur. Sans dispute. Sans cri ni insulte. Cela avait été faible de ma part mais je m’étais plu dans cette manière de faire. Je n’avais pas eu mal plus que nécessaire. J’avais limité le nombre de fois où mon âme avait bien pu s’effriter, encore et encore. Puis, il y avait eu les rares exceptions qui m’avaient brisé le cœur en mille morceaux. Et dans ces exceptions, il y avait eu Alexandra, où les souvenirs de nos confrontations continuaient d’hanter mon être. Si nous n’avions pas été toutes les deux telles que nous étions, peut-être les choses se seraient-elles passées autrement. Si nous n’avions pas été toutes les deux telles que nous étions, peut-être aurions-nous eu une chance de nous en sortir ensemble. De sauver cette amitié qui s’était réduite en poussières entre nos doigts. Mais cela n’avait pas été le cas, et ne le serait probablement jamais. Cela ne changeait rien aux faits. Nous nous étions toutes les deux enfoncés dans notre fierté, nous nous étions toutes les deux aveuglés avec nos mots et nos paroles. Je regrettais la plupart des choses que j’avais bien pu lui dire, oui. Cependant, j’avais l’impression qu’elle m’avait blessé bien plus encore. Alors, comme tous les autres, elle avait fini par disparaître de mon existence, mais cette absence avait laissé un goût amer sur le bout de ma langue.
Et la revoir ne faisait que raviver nos anciennes rancœurs. Ces anciennes rancœurs que je ne parvenais pas à oublier et qui s’étaient encrer à ma peau.
Je ne savais pas quoi faire, en sa présence, ni comment réagir ; je me sentais à la fois mal à l’aise et agacée, peinée et impatiente. La cage de l’ascenseur me semblait bien trop petite pour nous deux ; je me sentais prisonnière de mon fauteuil, bien plus que d’ordinaire. J’aurais aimé lui dire qu’elle me manquait. J’aurais aimé lui dire qu’elle m’avait blessé. J’aurais aimé lui dire que j’étais désolée. Mais tous ces mots demeuraient coincés au fond de ma gorge et séquestrés par ma fierté. J’avais l’impression d’être faible. J’avais l’impression de voir le monde d’en bas et de la sentir m’observer de haut. « Bien sûr que tu le peux. » me répondit-elle lorsque je refusai d’être aidée. Son ton me rappela toutes les paroles froides et blessantes que nous avions bien pu avoir l’une à l’égard de l’autre. Âmes blessés, âmes en colère, âmes perdues dans des flots de dires acides et amères. Je ne répondis rien, me contentant de déglutir avant d’enfoncer le bouton du premier étage et patienter que les portes de l’ascenseur ne se referment.
J’eus l’impression qu’il se passa une éternité avant que le sol ne se décida à bouger. Je refusai d’accorder ne serait-ce qu’un seul regard à Alexandra, persistant à vouloir oublier sa présence ; je focalisai mon esprit sur le nombre de secondes qui s’écoulaient. Un, deux, trois. Mais je ne parvins pas à aller plus loin. L’ascenseur eut un soubresaut, et les lumières vacillèrent avant de s’éteindre. Mon cœur eut un raté et je sentis ma respiration s’accélérer, envoyant trop d’oxygène à mon cerveau qui refusaient de comprendre ce qu’il se passait. « C’est une plaisanterie ? » demanda Alexandra, secouée d’un rire vidé de tout amusement, au même instant où les lumières d’urgence s’allumèrent.  Elle appuya sur divers boutons, mais mon regard refusa de la suivre dans ses gestes. Je sentais la panique envahir mes veines. « C’est ridicule. » ajouta-t-elle, et ce fût à mon tour de rire sans grande conviction. Quelque part, elle n’avait pas tort et cela l’était. Je n’aimais pas le ton qu’elle employait pour parler, ni même ce ressenti que j’avais en étant coincée dans le même endroit qu’elle ; en plus de l’angoisse, mes souvenirs revenaient défiler sous mes paupières, et je dus me faire violence plusieurs fois pour ne pas céder à la panique. Après tout, que pouvait-il encore bien m’arriver ? J’avais connu pire. Bien pire. «  Nos deux égos étaient bien trop lourds pour lui. » marmonnai-je finalement, brisant le silence assourdissant. Mes doigts se mirent à jouer avec les gants qui recouvraient seulement mes paumes, conçus pour les protéger du frottement avec les roues. Je me sentais à découvert. Je me sentais comme une proie, piégée. Je finis par sortir mon téléphone portable d’une poche de mon fauteuil, poussant un soupir. « Faut qu'on sorte d'ici. Le magasin ferme bientôt, j'ai pas nécessairement envie de passer ma nuit ici.» lâchai-je d'une voix détachée.   « T’as du réseau, toi ? » Entendait-elle que ma gorge était serrée ? Sentait-elle cette retenue que je pouvais bien avoir ? J’avais l’impression de me retrouver dans un de ces épisodes de feuilleton. J’avais l’impression de me perdre doucement dans toutes mes pensées. J’étais une faible, après tout. J’étais une faible qui refusait d’affronter son passé, son présent, mais aussi son futur ; j’avais rejeté tant de personnes autour de moi que je n’avais jamais réussi à me rendre compte que je m’étais rejeté moi-même, au final.
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() message posté Mar 9 Sep 2014 - 2:52 par Invité
« Nos deux égos étaient bien trop lourds pour lui. » Je l’entends, je ne peux pas faire semblant du contraire, mais je décide de ne pas relever. Je suis consciente d’avoir lancé la première pique, je n’ai pas aimé sa façon de m’ignorer. Elle l’avait assez fait. Je reste silencieuse, impassible. Je ne peux m’empêcher néanmoins de remarquer les manies répétitives d’Eugenia face à moi. Voilà deux minutes que nous sommes dans cet ascenseur et elle ne supporte déjà plus notre face à face ? Elle ne cherche même pas à le cacher et cela finit de m’agacer. « Faut qu'on sorte d'ici. Le magasin ferme bientôt, j'ai pas nécessairement envie de passer ma nuit ici. T’as du réseau, toi ? » J’ai déjà attrapé mon téléphone au fin fond de mon sac. Je vais réussir à rater ma dialyse de la soirée. C’est complètement fou, j’ai presque envie d’en rire. Je n’étais pas certaine de m’y rendre, certes, mais personne ne me croira jamais si j’avais l’audace de leur sortir l’excuse de la panne d’ascenseur. Non seulement, je n’ai pas de réseau mais la barre de ma batterie passe soudain dans le rouge comme pour me narguer. « Non, rien. » Je lui jette un regard interrogatif mais je sais déjà que c’est peine perdue, elle n’a pas de réseau non plus ou elle ne m’aurait rien demandé. Je peux imaginer, que tout comme moi, elle voudrait limiter nos échanges au maximum. « Tu penses qu’ils ont stoppé les ascenseurs à cause de la fermeture justement ? Ou seulement lorsqu’ils nous ont vu y entrer toutes les deux ? » Ma première interrogation est réelle, j’ignore si c’est possible. Mais j’ai vite masqué mon inquiétude par un énième sarcasme. Depuis notre désaccord, nous n’avions pas été capables de nous reparler en restant sobres et civilisées. C’est ainsi que toute notre relation avait pris des proportions démesurées. Que nous n’arrivions pas à faire marche arrière et à faire table rase du passé. À faire comme si ce n’était pas important, comme si je pouvais l’oublier, comme si son amitié n’avait pas compté ou ne m’importait plus. Je suis prête à rayer certaines personnes de ma vie, celles qui m’affaiblissent, celles qui ont tellement d’importance que la douleur m’est insupportable lorsque quelque chose déraille.

Pourtant, je m'accroche à Eugenia. J’ai préféré la confronter plutôt que de la laisser me repousser, j’ai préféré lui rentrer dedans et supporter cette douleur plutôt que de supporter celle de la simple victime. Elle a raison. Nos égos y sont pour beaucoup. Nos égos ont tout amplifié, nous ont enterrées, nous ont amenées à un tel point que je ne vois plus d’issue. Seulement une sensation d’impuissance totale et aussi d’absurdités sans nom. J’ai du mal à me faire à cette idée, qu’il ne reste plus que ça entre nous. Tous les coups ont été permis pendant un moment, et tous les possibles s’étaient éteints. Il n’y a que de la culpabilité et de la rancœur. De la rancœur parce que je n’ai pas commencé. C’est puéril, c’est stupide, c’est surement la raison la plus immature qui soit. Mais c’est ce qui s’est passé. Elle m’a blessé, elle n’a pas voulu me faire confiance, et au lieu de me le dire, au lieu de me demander de lui laisser du temps, elle a usé de mots forts, de reproches durs. Alors j’en ai fait de même. Je l’ai fait par réflexe, pour ne pas montrer à quel point elle pouvait m’atteindre. Comme d’habitude, je me suis rebiffée, recluse avec ma fierté, seulement, ma fierté qui ne faiblirait pas. Ma fierté qui était ma seule pellicule de protection, qui me permettait de maintenir une distance invisible. « On vous voit sur nos écrans mesdemoiselles. Est-ce que tout va bien ? Nous sommes victimes d’une coupure générale mais nous faisons notre possible pour tout remettre en marche. » La voix qui grésille de l’interphone me fait réagir, je m’en approche et demande combien de temps exactement comptent-ils prendre mais il n’y a déjà plus aucune réponse de leur côté. Je lâche un soupir mais décide de garder mon calme, hors de question que je laisse apparaître quoique ce soit devant Eugenia.

« Au moins, ils sont au courant, on va s’en sortir. » Je plaisante en me retournant vers elle mais je n’en ai pas envie, pas lorsque je sais qu’elle n’attend sûrement qu’une initiative de ma part pour me rabrouer. Je voudrais savoir comment elle va. Elle ne me le dira pas, elle n’avait jamais voulu depuis son accident. Et j’ai donc arrêté de le lui demander, je m’en empêche. Je veux me persuader que ça ne m’intéresse plus mais c’est l’une des principales choses qui me taraudent l’esprit lorsque je suis en sa présence. Elle aurait pu me parler de quoique ce soit, dieu sait que je ne la limitais pas à son accident, c’était tout ce que je détestais étant malade. Et puis je lui avais prouvé à de maintes reprises que son handicap ne m’empêcherait jamais de lui dire le fond de ma pensée, avec toutes les saletés que j’avais pu lui dire, elle devait en être consciente, malheureusement. « On n’est pas obligées de se dire quoique ce soit en attendant, chacune son quartier, inutile de changer nos habitudes. » Je ponctue ma phrase en reprenant ma place contre le miroir et en signifiant, avec ironie, une frontière invisible d’un geste de la main.
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() message posté Lun 15 Sep 2014 - 1:14 par Invité
in the end, we will remember not the words of our enemies, but the silence of our friends. ✻✻✻ Je pensais que certaines choses n’arrivaient que dans les films. Dans les séries télévisées. J’aimais, d’ailleurs, cette réalité qui semblait à la fois différente et lointaine, cette réalité qui rattachait les divers personnages fictifs et inventés. Je me disais sans cesse que les accidents et les drames leur arrivaient à eux et non pas à moi. Et non pas à nous, habitants de la planète Terre, habitants de cette triste vérité qui constituait notre quotidien. Mais la frontière entre les deux mondes était bien mince. La vie me l’avait prouvé une fois, au mois d’avril de l’année dernière. Cela n’était pas que dans les productions hollywoodiennes que les personnages se retrouvaient avec la colonne vertébrale brisée. Cela arrivait dans la réalité. Cela arrivait aux personnes comme moi. Et cela m’était arrivé sans que je ne le voie venir. A moindre échelle, je n’avais jamais pensé que je me retrouverais coincée dans un ascenseur.
Coincée avec Alexandra.
Tout cela prenait des tournures presque malsaines. Les souvenirs et la rancœur envahissaient l’espace et venaient prendre possession de l’air. De l’oxygène. Je me sentais partagée entre diverses émotions, incapable d’adopter une certaine attitude en face d’elle. Les mots me venaient par milliers mais seule une poignée de phrases franchirent la barrière de mes lèvres ; j’aurais aimé lui dire bien plus que mes traits ne laissaient supposer mais je demeurais murée dans un semblant de mutisme. Mon cœur battait de manière désordonné. Mon rythme cardiaque s’envolait. Mes joues se recouvraient de plaques rouges et disgracieuses dans la lumière tamisée à mesure que je me souvenais de tous les mots assassins que nous avions bien pu échanger. Je déglutis. Je n’étais pas prête à l’affronter. Ni aujourd’hui, et sans doute pas demain. J’aurais aimé oublier notre amitié. Mais je n’y parvenais pas. La sentir à quelques centimètres de mes cellules ne faisait que raviver ce passé qui me faisait mal, mal à en crever. « Non, rien. » me lança-t-elle. Je poussai un soupir, agacée par l’ironie de la situation. Cela n’était pas de sa faute, mais je lui attribuai la panne et l’horreur des disputes que nous avions bien pu avoir par le passé. Le destin ne faisait que se venger. Il nous faisait payer notre arrogance commune qui nous avait poussées à nous déchirer sans parvenir à s’arrêter. Incontrôlables. Mais, après tout, nous ne connaissions absolument aucune limite. « Tu penses qu’ils ont stoppé les ascenseurs à cause de la fermeture justement ? Ou seulement lorsqu’ils nous ont vu y entrer toutes les deux ? » me demanda-t-elle, et j’esquissai un sourire vide de tout amusement. Mon indignation se prêtait à croire que tout cela n’était qu’un coup monté, mais ma raison prit rapidement le dessus. J’haussai simplement les épaules, avant de m’éclaircir la gorge. « Possible. Ma mère a sans doute dû les payer pour que cela arrive. » Mon ton était amer sans que je ne le veuille réellement ; au fond de mon être, la détresse faisait rage. Au fond de mon rêve, j’avais l’impression de sombrer, de sombrer comme un navire au milieu d’une tempête déchaînée. Je fermais doucement les paupières, mais les images revinrent aussi vite. Je me souvins des premiers jours où elle était venue à mon chevet. Ces premiers jours où je l’avais rejeté et qu’elle était revenue à la charge, à chaque fois, avec toute l’insistance du monde pour me prouver qu’elle demeurait mon amie malgré tout. Il y avait eu des périodes où j’avais été plus douce, avec elle. Des périodes où la morphine m’avait assommé, ma fierté avec. Mais, jamais, je ne l’avais laissé m’approcher réellement. Mon accident avait brisé les liens que j’avais eus avec le reste du monde, en plus de briser ma colonne vertébrale. Je rouvris les paupières lorsqu’un bruit de grésillement se fit entendre, et je retins ma respiration. « On vous voit sur nos écrans mesdemoiselles. Est-ce que tout va bien ? Nous sommes victimes d’une coupure générale mais nous faisons notre possible pour tout remettre en marche. » Avec automatisme, je cherchais la caméra, et mon regard se fixait dessus. J’hochai simplement la tête, persuadée qu’ils me verraient de là où ils étaient, et j’entendis Alexandra pousser un soupir. « Au moins, ils sont au courant, on va s’en sortir. » Je ne répondis rien durant une poignée de secondes. Puis je secouai la tête. « Tant qu’ils ne tentent pas d’essayer de nous faire sortir par la voie de secours, ça me convient. Je doute que ça soit possible, dans mon cas, de toutes manières. » Ma voix se perdit au fond de ma voix. Mes paroles n’avaient été qu’un murmure. Je n’avais pas eu peur de ne pas m’en sortir.
Etrangement, depuis l’instant où l’ascenseur avait cessé de fonctionner, cela ne m’avait pas effleuré l’esprit. J’avais simplement pensé à notre amitié partie en fumée. Cela ne faisait que me prouver, une fois de plus, que j’avais absolument perdu toute notion de la réalité. Je déglutis une nouvelle fois. J’avais peur de finalement céder à la panique. La panique de devoir être avec elle. Pourtant, Dieu seul savait à quel point malgré toute ma rancune, elle comptait pour moi ; cependant, j’étais bien incapable d’assumer. D’assumer, tout simplement. Cela faisait des mois que je ne connaissais plus la signification de ce mot-là. « On n’est pas obligées de se dire quoique ce soit en attendant, chacune son quartier, inutile de changer nos habitudes. » finit-elle par me dire avant de s’installer contre le mur du fond, disparaissant ainsi de mon champ de vision. Mon cœur rata un battement. Je me demandais, parfois, comment nous avions bien pu en arriver là. Je me demandais, parfois, si tout cela valait la peine. Je n’avais pas de réponse. Je n’en avais plus. J’avais cessé d’essayer de toujours vouloir arrêter un avis sur toutes les situations. « Ça me va. » marmonnai-je. Le silence était pesant. J’entendais mon cœur battre dans mes oreilles. J’entendais ma respiration irrégulière. J’entendais presque mon impatience. J’entendais mes pensées s’entrechoquer, encore et encore, et au bout d’un moment, je ne parvins plus à les retenir. Je refusais ce silence autant que je l’avais accepté. « Tu n’étais pas censée avoir un rendez-vous chez le médecin, ce soir ? » m’enquis-je. « Parce que je doute qu’ils règlent le problème en deux minutes et demi. » Je tentai de contrôler mon corps, mes respirations, mes pensées qui allaient encore bien trop vite. Je me détestais de réagir de cette manière. Je me détestais d’avoir une telle fierté. Je me détestais moi, toute entière, et je n’y pouvais plus rien.
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() message posté Mar 16 Sep 2014 - 0:31 par Invité
Avec quelqu’un d’autre, n’importe qui, il me suffirait de meubler en attendant que ça passe. Rien de plus facile, rien de plus commun. Si je pouvais retenir mon amertume ne serait-ce que quelques minutes. Si je pouvais feindre l’indifférence et me montrer patiente, tout serait bientôt fini et je n’aurais pas à me reprocher de ne pas avoir su me contrôler en sortant de cet ascenseur. De ne pas avoir su éviter de retomber dans nos travers, de ne pas avoir su faire semblant que tout ceci m’était égal à présent. Car ça l’était pour elle. Je ne peux pas poser de mots sur ce que je ressens. Je me dis parfois que, si notre amitié était si faible, si elle signifiait si peu pour elle, elle aurait certainement pu y mettre un terme bien avant. Cela nous aurait évité bien des déchirures. « Possible. Ma mère a sans doute dû les payer pour que cela arrive. » Mon cœur se serre un peu plus. L’évocation de sa mère est sans doute anodine pour Eugenia mais elle me ramène, pour ma part, des mois en arrière. La tension devient palpable à l’intérieur de mon corps. Des souvenirs déferlent de part et d’autres, assaillent mon esprit et ma conscience qui luttent pour ne pas flancher sous la violences de leurs assauts. Pas devant elle, pas en sa présence. J’ai l’impression qu’il n’y aura jamais assez de place pour nous deux dans cet ascenseur, jamais assez d’oxygène. On ne tiendra pas. Pas sagement, pas chacune à notre place comme je l’avais prévu dès le début. Je me mords l’intérieur de la joue pour ne pas avoir à répondre.
Je me demande si sa mère s’attendait à autre chose de ma part. Si elle avait placé en moi quelques espoirs non formulés que je n’avais pas été capable de réaliser. Si j’avais été une déception. Je me demande ce qui avait pu la pousser à penser que j’aurais pu avoir un quelconque effet sur Eugenia, maintenant que j’avais vu avec quelle facilité mon amie avait réussi à me repousser. Je me demande pourquoi moi. Pourquoi m’avait-elle appelée moi ? Notre amitié m’était toujours parue indestructible, tellement naturelle, d’une évidence folle. Nous étions les deux mêmes sur tellement de points que nous nous étions toujours comprises, accordées, entendues au delà des mots et des silences. Je me faisais à l’idée que j’avais pu me tromper, que Eugenia ressentait tout autre chose. Mais j’étais surprise que sa mère ne s’en soit pas également rendue compte, qu’elle m’ait appelée moi, et pas un autre. N’importe qui d’autre, a priori. « Tant qu’ils ne tentent pas d’essayer de nous faire sortir par la voie de secours, ça me convient. Je doute que ça soit possible, dans mon cas, de toutes manières. » À la tonalité de sa voix, je m’autorise à la regarder quelques secondes pour la première fois depuis notre face à face. Je n’avais pas pensé. C’est idiot mais je ne m’étais pas posée la question. Sur ce qu’elle pouvait ressentir, enfermée ici. J’associais son irritation au fait d’être coincée avec moi. C’était d’un narcissisme sans nom. Je suis honteuse, indigne, détestable. Je n’arrive plus à être autre chose. « Je pense qu’ils sont conscients de la situation. Nous sommes filmées », laissais-je échapper dans un murmure en relevant les yeux sur la caméra et en feignant un mince sourire à l’attention de quiconque pouvait bien assister à notre échange. Voyeurisme. En vérité, je ressemblais fortement à un animal blessé en sa présence. Je suis amoindrie, je montre les crocs pour ne pas la laisser percevoir ma faiblesse. Je sens que je peux me retrouver submergée à tout moment par le passé si je me laisse aller. Il y a trop de rires, de confidences, de secrets échangés, trop d’attentions, de complicité, de moments forts et des plus anodins. Tout ceux-ci balayés si rapidement par l’atrocité de la vie et de nos reproches. Et puis il y a Sam. J’en veux à Eugenia d’avoir coupé tous les liens qui nous unissaient, de m’avoir repoussée aussi brutalement et de s’être nouée avec ma sœur ensuite. Je devrais être heureuse de les savoir dans la vie l’une de l’autre. Elles le méritent. Au lieu de cela, je ne fais que lui en vouloir un peu plus. Cela finit simplement de me plonger dans la plus grande ignorance quant au pourquoi de notre éloignement initial. C’est idiot de ma part, je veux bien le reconnaître. Je veux bien reconnaître beaucoup de choses. Simplement pas à haute voix. « Ça me va. » J’acquiesce d’un hochement de tête et me laisse aller à clore mes paupières une poignée de secondes. Je me doute que cela lui va. Elle doit être soulagée que je n’essaie pas d’aller plus loin. Soulagée que le silence prenne le pas sur mes sarcasmes. Soulagée qu’on puisse continuer à s’ignorer. J’ai mal au coeur, littéralement. Il tambourine contre ma poitrine, j’ai la sensation qu’il n’a pas assez de place. Je canalise toute mon énergie pour ne pas le laisser déborder. C’est étonnant comme le silence peut être assourdissant lorsqu’on le laisse se répandre ainsi. Plus les secondes passent et plus je me dis qu’il est trop tard à présent pour y remédier. Je me balade inutilement dans l’interface de mon téléphone. Ça ne sert à rien, je n’ai pas de réseau, bientôt plus de batterie, je tente simplement de penser à autre chose qu’à l’étroitesse de l’habitacle avant de me résoudre à le glisser de nouveau dans mon sac à terre. « Tu n’étais pas censée avoir un rendez-vous chez le médecin, ce soir ? Parce que je doute qu’ils règlent le problème en deux minutes et demi. » Je sens le noeud de mon estomac s’épaissir un peu plus lorsque la voix d’Eugenia rompt le silence. J’étais persuadée que l’on pourrait rester ainsi des heures durant sans fléchir. « Je vais sûrement le manquer, ce ne sera pas la première fois », murmurais-je après une courte hésitation. J’ignore comment elle peut le savoir, s’en souvenir. Je réponds platement mais je sais que je ne peux pas me permettre de rater une dialyse de plus. « Du moment que je ne tombe pas raide dans la demi-heure. On serait bien embêtées toutes les deux. » Je le pense mais j’ignore pourquoi je le dis à voix haute, aussi naturellement. J’anticipe le silence prêt à se réinstaller entre nous, le prends de court. « Comment va ta mère ? Je n’ai jamais pris la peine de la contacter après ... Ne serait-ce que pour m’excuser de la manière dont les choses ont tourné. Ce n’est sûrement pas ce qu’elle attendait. » Je passe une main fébrile dans mes cheveux en laissant mes paroles s’évanouir dans l’ascenseur. C’était la première fois que je reconnaissais, à voix haute, avoir certains tords. Je pourrais me gifler. Là, tout de suite. J’avais été troublée qu’elle évoque sa mère plus tôt, je l’avais toujours bien aimé.
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() message posté Dim 5 Oct 2014 - 22:16 par Invité
in the end, we will remember not the words of our enemies, but the silence of our friends. ✻✻✻ Peut-être y avait-il du regret, au fond. Je ne parvenais pas à dissocier toutes les émotions qui se précipitaient dans mon cœur ; la situation me paraissait bien différente, avec une année et demie de recul. Les choses avaient changé. Les évènements avaient défilé. J’avais grandi. Je m’étais adapté. Je n’avais peut-être pas encore accepté ma situation mais j’avais appris à faire avec ; j’avais recommencé à avoir des contacts avec les autres, à entretenir des relations plus ou moins lointaines avec des personnes qui m’avaient été étrangères pour recommencer à côtoyer ce monde qui me paraissait bien étranger. J’avais réappris à vivre. J’avais réappris à cohabiter, tout simplement, cohabiter avec ma propre personne et mon handicap. Peut-être Alexandra s’était-elle trouvée au mauvais endroit, au mauvais moment ; peut-être les choses se seraient-elles passées différemment si elle avait simplement attendu quelques semaines avant de venir à mon chevet. Je n’en savais rien. Et personne ne pourrait réellement le savoir. Refaire le passé était d’une inutilité sans nom ; cependant, je ne parvenais pas à cesser de m’y raccrocher.
Peut-être y avait-il du regret. Mais, à vrai dire, il y avait surtout du remord.
Je poussai un soupir, mes poumons semblant être bloqués par ma respiration incertaine. Je ne savais pas ce qu’elle devenait. Je ne savais pas comment elle allait. Comme avec la plupart de mes anciennes connaissances, j’avais tout simplement refusé d’arpenter le net pour collecter des informations sur son présent. Je m’étais contentée d’essayer de ne plus penser à elle. Je m’étais contentée de chasser les souvenirs, de ne pas évoquer son prénom en compagnie de Samantha, de taire mon esprit qui s’affolait, de temps à autre. Cela n’était pas parce que je ne voulais pas savoir, au fond. Je crevais d’envie de connaître les moindres détails de son quotidien, de son existence, de son futur devenu présent. Cependant, en tournant le dos à toutes ces personnes qui m’avaient été chères, j’étais partie du principe que je n’avais plus le droit de me permettre ce genre de choses. Plus le droit de prétendre avoir un quelconque privilège concernant ce qu’ils vivaient. Je me mordis l’intérieur de ma joue nerveusement, le regard fuyant, incapable de fixer une chose durant plusieurs secondes consécutives. Je m’affolai. Je m’affolai malgré moi. « Je pense qu’ils sont conscients de la situation. Nous sommes filmées. » me dit-elle et, en même temps qu’elle, je levai la tête vers la caméra. Je détournai le regard assez rapidement, prise d’une angoisse nouvelle. J’avais peur, peur comme je n’avais jamais pu avoir peur auparavant ; cette crainte était singulière et saisissante. J’étais piégée. Coincée. Pour une personne en possession de tous ses moyens, sortir d’un ascenseur était une chose possible, guère aisée mais possible. Pour une personne dans un fauteuil, pour une personne comme moi, cela semblait impensable.
Je me focalisai sur le rythme de mes respirations, acceptant notre accord d’un simple hochement de tête ponctué de quelques mots. Les questions me brûlaient la langue et je dus me faire violence plusieurs fois avant de finalement céder et briser le silence. Elle cessa de se concentrer sur son téléphone, surprise d’entendre le son de ma voix. Je ne pouvais pas lui en vouloir, au fond. Je lui avais déjà prouvé plus d’une fois que j’étais capable de cesser de parler des heures durant. « Je vais sûrement le manquer, ce ne sera pas la première fois. » me répondit-elle à propos de so rendez-vous chez le médecin. Mon cœur se serra et je retins ma respiration jusqu’à ce qu’elle finisse par reprendre la parole. « Du moment que je ne tombe pas raide dans la demi-heure. On serait bien embêtées toutes les deux. » Ma mâchoire se serra. Elle avait cet air détaché et naturel qui aurait pu tromper n’importe qui sur l’importance de son rendez-vous de ce soir ; cependant, je savais à quel point ils étaient essentiels. Pire encore, je ne le mesurais probablement plus correctement après ces longs mois à ne plus avoir de nouvelles ; son état avait eu des centaines d’occasions de s’empirer. J’ouvris la bouche pour répondre, mais elle enchaina sans me laisser de temps pour m’exprimer. « Comment va ta mère ? Je n’ai jamais pris la peine de la contacter après... Ne serait-ce que pour m’excuser de la manière dont les choses ont tourné. Ce n’est sûrement pas ce qu’elle attendait. » Je me figeai. Je n’avais jamais pensé qu’elle se soit un jour dit qu’elle avait à s’excuser auprès de ma mère ; je mis une dizaine de secondes à organiser mes pensées, trop étonnée pour être vive d’esprit ou faire des remarques constructives. « Elle ne s’était sans doute pas attendu à ça. » répondis-je, avant de me racler la gorge, comprenant que mes paroles pouvaient être interprétées de deux manières différentes. Je sentis mes joues se colorer de rose, puis mon cœur rater plusieurs battements. Je me sentais idiote. Si idiote. J’étais incapable de réfléchir. Incapable de me comporter en adulte responsable. « Mais tu n’as pas à t’excuser pour le comportement de sa fille. Je pense qu’elle était surtout mal à l’aise pour toi... Ou que je lui ai fait honte, mais je penche plus pour la première option. » Je marquai une pause, avant de froncer les sourcils. « Je suis étonnée qu’elle ne t’aie pas recontacté d’elle-même. J’imagine qu’elle a dû comprendre que tu ne voulais plus rien avoir avec les Lancaster. » Je m’arrêtai. Mon ton était calme. Mon ton était posé. Je savais certaines de mes paroles blessantes mais je choisissais mes mots sans réellement y réfléchir. Je choisissais mes mots avec précipitation.
Je me sentais mal à l’aise en sa présence, après tout. Mal à l’aise parce que tous mes souvenirs m’oppressaient. Mal à l’aise parce que je continuais de me dire qu’il y avait peut-être des regrets au fond de mon corps. Des remords. Je n’étais même plus sûre de connaître la différence.
Je n’étais même plus sûre s’il y en avait réellement une.
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() message posté Jeu 9 Oct 2014 - 13:48 par Invité
Peut-être aurais-je pu faire certaines choses différemment. J’aurais pu lui laisser le temps dont elle avait besoin. En soit, c’était quelque chose que je pouvais comprendre, mieux que certaines autres personnes, j’en suis persuadée. Je ne suis pas non plus des plus loquaces lorsqu’il s’agit de mon état de santé. J’aurais pu faire autrement si elle me l’avait demandé. C’est en cela que tout a dérapé. Il n’y a eu aucune demande de la part d’Eugenia. Elle s’est contentée de me rejeter de tout son être, tout son corps, son regard froid et dur, ses mots qui me transperçaient de leur implacable refus. Malheureusement, je ne sais pas me contenir. Mes tentatives de contenir mes désordres sont vains, au quotidien. Orageuse, désordonnée, maladroite. Elle avait trouvé un écho dans mes réactions qui n’avait rien arrangé à notre situation. Les tragédies nous avaient ainsi façonnées. Il ne tenait qu’à nous à l’époque de ne pas les laisser nous atteindre. Nous avions échoué toutes les deux. « Elle ne s’était sans doute pas attendu à ça. » Je plisse les yeux une seconde avant de détourner mon regard d’Eugenia. Je ne sais pas ce que j’aurais voulu entendre. Je ne sais pas ce que j’espérais lire sur son visage mais ce ne serait définitivement pas le cas. Sa réponse ne fait que me retrancher un peu plus encore dans mes certitudes, dans la conviction qu’il convient, pour moi, de ne jamais me livrer tout à fait. Ne pas se mettre à découvert, ne pas se laisser fléchir tant qu’on ne mesure pas entièrement et exactement ce que l’on risque. Je ne sais pas pourquoi je me suis laissée aller à demander des nouvelles de sa mère. Beaucoup trop personnel. Beaucoup trop de souvenirs. Je ne cerne moi même pas mes intentions réelles derrière cette question alors je ne peux pas en vouloir à Eugenia de ne pas y trouver de réponses appropriées. « Je suis étonnée qu’elle ne t’aie pas recontacté d’elle-même. J’imagine qu’elle a dû comprendre que tu ne voulais plus rien avoir avec les Lancaster. » Je dois prendre sur moi, j’essaie en tout cas mais les mots sortent de ma bouche plus vite que je ne le voudrais. « Pas tous, non », répliquais-je sobrement. C’est un coup bas, j’en suis consciente, qui ne fait que répondre à celui d’Eugenia. C’est ainsi que je l’interprète. La lumière de la cabine vacille quelque peu et je lui jette un coup d’œil las, attendant que, par une quelconque ironie, l’obscurité vienne ponctuer mes paroles. Mais elle tient bon. Et je dois rebondir. « C’était injuste, excuse-moi. » Cela faisait déjà deux fois que je dépassais la limite que je m’étais moi même fixée lorsqu’Eugenia était rentrée dans l’ascenseur. Je sais très bien pourquoi le silence m’est préférable. Peut-être parce que j’ai besoin de m’arrêter de parler avant de dire quelque chose que je pourrais regretter. Peut-être parce que j’ai besoin qu’elle s’arrête de parler. Autant que j’aimerais peut-être qu’elle le fasse encore, une partie infime en moi qui désirerait converser un peu plus, en souvenir du bon vieux temps. Mais pas dans ces conditions. « Je sais que je l’ai déjà dit mais tout ceci est ridicule. J’ai l’impression d’être dans une mauvaise caméra cachée. » Je termina la phrase en nous désignant toutes les deux d’un geste de main fatigué. Je déteste cette situation. Je déteste penser à ce qui aurait pu nous amuser, il fut un temps. Et constater où nous en étions dorénavant. Prises au piège. Dans une indifférence polie. Les secondes me paraissaient être une éternité. Cela ne faisait que dix minutes, tout au plus, que nous étions coincées toutes les deux. Je pensais tenir beaucoup plus avant de laisser tomber les apparences. Mais mes oreilles bourdonnent, mes pensées s’entrechoquent et les aveux me montent aux lèvres. Je ne sais pas faire semblant. Je refuse de le faire. Je ne veux pas devoir chercher des questions qui ne seraient pas sujettes à polémique pour ensuite lire entre les lignes de ses réponses. « On marche sur des œufs, on s’exprime en codes et c’est tout ce que je déteste. Sans compter que ça ne rime à rien puisque l’on s’est déjà balancé tout ce qu’on avait à se dire en face sans prendre de gants. » Mes mots sont peut-être durs mais je reste relativement calme. « Alors à quoi bon en prendre maintenant quand on sait parfaitement ce qu’on pense toutes les deux ? Par gêne, par politesse ? Tu n’es pas une inconnue et je préfère encore le silence plutôt que de prétendre le contraire. » Je tiens habituellement à mon silence. Mais je dois avouer, qu’ici, cela ne fait qu’acérer la souffrance. Prétendre qu’il ne s’est rien passé. Devoir échanger avec Eugenia comme si il ne s’était jamais rien passé, comme si elle était une simple connaissance perdue de vue à laquelle il était convenue de demander des nouvelles pour combler le temps. « Je ne veux rien te dire de plus que je ne penserais pas ou que je pourrais regretter. Même si il n’y a plus grand chose à gâcher », ajoutais-je après une pause. Mes épaules se relâchent quelque peu après ce simili de confession. Je suis consciente que ça ne ressemble en rien à des excuses. Mais il s’agit sans aucun doute de la première fois que je reviens sur les nombreuses attaques dont j’étais coupable, la première fois que j’arrête de feindre les assumer à cent pour cent. Les battements de mon cœur s’emballent sans parvenir à les réguler. Mais je perçois une pointe de soulagement au milieu de toutes les émotions qui m’assaillent. Cela fait bien longtemps que ce n’était pas le cas face à mon ancienne amie. Voilà quelque chose que je n’aurais pas à regretter. Une pointe de soulagement qui fait étrangement mal au cœur.
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() message posté Dim 12 Oct 2014 - 15:12 par Invité
in the end, we will remember not the words of our enemies, but the silence of our friends. ✻✻✻ Je savais que ma mère s’était inquiétée à propos de moi, sans doute plus que nécessaire, et que cela était encore le cas aujourd’hui. Je le ressentais à travers ses appels. Je le ressentais à travers ses questions. Je le ressentais à travers ses demandes et son envie que je retourne à Cardiff, auprès d’elle, pour qu’elle puisse prendre soin de moi et mes désillusions. Je savais que tout n’avait été que déceptions et coups durs pour elle, et ce depuis ce jour d’avril où j’avais manqué de perdre la vie. Elle avait essuyé autant d’échec que moi. Elle s’était tant investie dans mon existence que je me sentais malheureuse de lui rendre si peu de réconfort. J’étais la fille ratée. J’étais l’enfant comparable à une erreur. J’étais un échec dans son existence. Scarlet avait toujours brillé plus fort que moi. Désormais, en plus de n’être qu’un fantôme, j’étais une tâche sombre sur un tableau lumineux. Elle avait tout essayé avec moi sans jamais réellement obtenir de résultats ; je ne comptais même plus le nombre de fois où nous avions bien pu nous disputer sur des points où nous étions sans cesse en désaccord. J’adorais ma mère. Je l’adorais sincèrement. Cependant, elle vivait dans des espoirs que je ne pouvais pas me permettre de moi-même nourrir. Je poussai un soupir.
Elle avait été déçue, lorsqu’Alexandra était partie sans se retourner. Elle n’avait pas été déçue après elle, non. Elle avait été déçue après moi, sa fille, cette fille qui refusait de croire aux mêmes choses qu’elle et qui s’appliquait à réduire ses efforts en cendres. Je m’en voulais de lui faire autant de mal. Je m’en voulais de blesser toutes ces personnes autour de moi simplement pour qu’ils me laissent tranquille et pour qu’ils cessent d’y croire. « Pas tous, non. » répliqua-t-elle à propos de son amertume vis-à-vis de ma famille. Vis-à-vis des Lancaster. J’accusai le coup en silence, contractant ma mâchoire pour m’empêcher de répliquer. Ses paroles me révoltaient, oui. Mais je savais que je les méritais, quelque part. Alexandra ne faisait que décrire une vérité singulière sans chercher à contenir ses mots. Elle se fichait de me froisser, après tout. Elle l’avait bien fait auparavant, et je ne m’étais pas gênée pour en faire de même à mon tour. « C’était injuste, excuse-moi. » Je contins ma surprise, veillant à demeurer impassible. Je ne répondis rien. C’était injuste, oui, blessant, également. Mais je ne parvenais plus à lui en vouloir pour ses paroles.
Cela m’attristait plus qu’autre chose, sans doute. Cela me rappelait ce passé, ce passé que nous avions en commun et que nous avions déchiré de la même manière.
Nous avions toujours été des personnes capables de blesser avec de simples mots et, ce, même bien avant que nous nous en prenions l’une à l’autre. Cependant, à une époque, nous avions réussi à vivre en harmonie. A vivre une amitié. Ce temps me paraissait loin. Bien trop loin. « Je sais que je l’ai déjà dit mais tout ceci est ridicule. J’ai l’impression d’être dans une mauvaise caméra cachée. » reprit-elle. Du coin de l’œil, je la vis esquisser un geste de la main. Elle ne faisait que dire à voix haute ce que je pensais en mon fort intérieur. Cette situation prenait des allures de coup monté. Cette situation prenait des allures de téléréalité, comme si, quelque part, le destin cherchait à nous faire payer les mots que nous avions bien pu avoir l’une envers l’autre. Je pris une profonde inspiration, sachant parfaitement qu’Alexandra s’apprêtait à continuer. Elle avait déjà eu l’occasion de me faire mal à ses paroles et j’avais cru avoir déjà tout entendu mais, pourtant, je continuai d’appréhender ce qu’elle aurait à me dire. Cela me prouvait bien que son avis continuait de m’importer, d’une certaine manière. J’aurais aimé que cela ne soit pas le cas mais je ne parvenais pas à m’en détacher. « On marche sur des œufs, on s’exprime en codes et c’est tout ce que je déteste. Sans compter que ça ne rime à rien puisque l’on s’est déjà balancé tout ce qu’on avait à se dire en face sans prendre de gants. » lança-t-elle avec un calme qui me parcourut de frissons. « Alors à quoi bon en prendre maintenant quand on sait parfaitement ce qu’on pense toutes les deux ? Par gêne, par politesse ? Tu n’es pas une inconnue et je préfère encore le silence plutôt que de prétendre le contraire. » Je déglutis. Je ne m’étais pas attendu à ce qu’elle m’exprime le fond de sa pensée de cette manière. Je ne m’étais pas attendu à ce qu’elle soit si directe. « Je ne veux rien te dire de plus que je ne penserais pas ou que je pourrais regretter. Même si il n’y a plus grand chose à gâcher. » Elle se tut et je fronçai les sourcils, alors que le silence venait reprendre ses droits dans le petit ascenseur où nous nous trouvions. Je n’avais jamais pensé qu’elle puisse regretter quoi que ce soit dans ce qu’il s’était passé, pas de cette manière-là, du moins.
Elle ne m’avait jamais donné à croire autre chose, à vrai dire. Alexandra avait une aura de fierté, d’une certaine manière. Nous étions têtues toutes les deux. Nous étions des fortes têtes toutes les deux. « Il n’y a plus grand-chose à gâcher mais explique-moi pourquoi tes paroles, même les moins acides, continuent à me faire du mal ? Pourquoi, à chaque fois que des mots dépassent mes pensées, je ressens des regrets instantanément ? Je prends des gants maintenant parce que j’imagine qu’il vaut mieux le faire tard que jamais et protéger le peu de fierté qu’il me reste. » lui répondis-je alors, tournant la tête vers elle. Mon cœur battait trop vite, mon cœur battait trop fort. Je l’entendais résonner dans mes oreilles. Je l’entendais résonner dans mon esprit. Je savais que je ne choisissais pas les bons mots. Je savais que je répondais à côté, qu’elle n’attendait pas ce genre de réaction de ma part. J’avais si mal au cœur. Notre situation me blessait sans doute plus que nécessaire. « Je vis une existence de regrets, Alexandra. Je sais exactement à quel moment de ma vie j’ai commencé à enchaîner les erreurs, et je pense que tu t’es retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Il y a peut-être certains mots que tu regrettes, mais je m’en veux pour tout ce que j’ai pu dire ou faire durant une période de ma vie. » Je m’arrêtai, passant une mèche de cheveux derrière mes oreilles. Elle regrettait des paroles. Peut-être avais-je mal interprété ce qu’elle m’avait dit, mais j’avais profité de ses mots pour exprimer ce que je ressentais, d’une certaine manière. Cela ne ressemblait en rien à des excuses. Cela n’était sans doute pas suffisant pour lui expliquer. Mais c’était un début et, pour une personne pour moi, c’était un réel pas en avant.
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() message posté Lun 13 Oct 2014 - 18:32 par Invité
Je ferme les yeux sans attendre une réponse de sa part. Je suis fatiguée. Constamment. Je n’ai plus de répit. Je me plais à me dire parfois que c’est sans doute ce qui me rend irritable, de plus en plus. C’est une bonne raison, j’en cherche une. Fatiguée et irritable, susceptible. Je me surprends à faire des efforts surhumains pour suivre une conversation. Parfois, je veux juste me taire. Juste quelques secondes, me recharger avant de repartir. Maintenant, j’ai mal au coeur dès que je pose un pied par terre. Je le cache aux autres. Et de moins en moins à moi-même. « Il n’y a plus grand-chose à gâcher mais explique-moi pourquoi tes paroles, même les moins acides, continuent à me faire du mal ? Pourquoi, à chaque fois que des mots dépassent mes pensées, je ressens des regrets instantanément ? Je prends des gants maintenant parce que j’imagine qu’il vaut mieux le faire tard que jamais et protéger le peu de fierté qu’il me reste. » Je prends une légère inspiration pour tenter de me redonner une contenance. J’ai mal au coeur. J’ai mal de lutter pour faire tomber les barrières. J’ai mal d’avoir fait un premier pas et de ne pas savoir anticiper les réactions d’Eugenia. Pendant longtemps, je me suis accommodée de cette situation. En passant à autre chose. Souhaitant me convaincre qu’il n’y avait plus rien à sauver, qu’il n’y avait sans doute jamais rien eu. J’ai agi comme toutes ces personnes qui ne sont pas entièrement certaines d’avoir fait le bon choix. J’en ai rajouté lorsqu’on se croisait, je me suis gargarisée de ce choix, tout fait pour démontrer que je ne m’étais pas trompée, que je pensais tout ce que j’avais dit, que je ne regrettais rien. Tout ceci n’avait fait que nous éloigner. « Notre fierté ne nous a menées à rien. Notre fierté aura eu raison de notre amitié, du moins, ce que je pensais être une amitié », répliquais-je avec précaution. Ça l’était pour moi. C’était de son côté que je n’étais plus sûre de rien. C’était ses réactions qui m’avaient faite douter, qui m’avaient rendue méfiante. « Je vis une existence de regrets, Alexandra. Je sais exactement à quel moment de ma vie j’ai commencé à enchaîner les erreurs, et je pense que tu t’es retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Il y a peut-être certains mots que tu regrettes, mais je m’en veux pour tout ce que j’ai pu dire ou faire durant une période de ma vie. » Je fronce les sourcils un instant et me redresse de quelques centimètres, décalant mon dos du mur du fond. « C’est tout ? » demandais-je d’une voix songeuse en plissant les yeux, soudain lointaine. Ma question tombe froidement dans l’habitacle, ce n’est pas mon intention. Je sais que cela peut porter à confusion et je reporte mon regard sur Eugenia avant de continuer. « Mon seul tord fut de me retrouver au mauvais endroit au mauvais moment ? Voilà la raison première de tous nos accrochages, de toutes ces horreurs qu’on a pu se dire ? Voilà ce qui nous a fait tomber ? Un mauvais timing ? » laissais-je échapper, interdite, avant que le silence ne se ré-installe dans l’ascenseur. Mon cœur bat anormalement vite tandis que je tente de réaliser la portée de ces paroles. J’ai la gorge serrée de ce que je n’arrive pas à dire. Il aurait été tellement plus simple de me taire, maintenant, de m’arrêter là. De nous condamner une nouvelle fois à un mutisme empli de reproches, de rancoeurs, de rancunes, de tourments. Tellement plus simple de se contenter de ce qui nous définissait à présent. Au lieu de vouloir tout changer. Au lieu de vouloir faire le clair. Je sais que je ne trouverais pas les bons mots. Je sais tout ce que j’aimerais lui dire. Et je sais que ce n’est pas mon domaine. Que je ne sais pas m’excuser. J’ai du mal à faire face à ce que je ressens, j’ai du mal à me l’admettre. Réussir à l’exprimer à voix haute est devenue une tâche impossible. « Je suis venue dès que j’ai su, Eugenia. Ta mère m’a appelé et je suis venue. Je n’ai pas réfléchi, c’est ce que font les amies, elle sont simplement … présentes. » Je finis, doucement, par rompre le silence qui s’était de nouveau installé. Je pense à tous ces mots si difficiles à prononcer aujourd’hui et qui auraient tellement anodins il n’y a pas si longtemps. Je pense que j’aurais pu dire bien plus, autrement, mieux. Mais que je lutte déjà suffisamment pour ces mots-ci. « C’est ce que tu aurais fait pour moi. Du moins, c’est ce que je pensais, je ne sais plus maintenant. » C’est ce qu’elle avait fait pour moi, lorsqu’elle avait appris ma maladie. C’est tout ce que j’avais voulu faire. Je n’avais pas été préparée à un tel rejet. C’est d’un égoisme fou de ma part. Encore une fois. Je peux réaliser que je porte la grande majorité des tords dans cette histoire. J’ai le mauvais rôle, mais j’ai la meilleure part. « Mais ce n’est pas moi qui suis dans ce fauteuil roulant. Ce ne sont pas mes sentiments qui avaient besoin d’être considérés, épargnés. J’aurais du te laisser du temps, c’est de ma faute de ne pas t’avoir réduite à ton accident. Je te regardais et je passais outre. Je te regardais et je te voyais debout. C’est toujours le cas. » J’exprime doucement à voix haute ce que je réalisais à présent pour la première fois. Je ne mets pas filtre, je ne mets jamais de filtre. Une nécessité masochiste de ne m’imposer aucun tabou. Un besoin criant, parfois pervers, de ne pas ignorer les plus horribles des choses. J’ignore si c’est une bonne idée, je ne prends pas la peine d’y réfléchir, absente. Je ne sais pas si Eugenia est habituée à parler de son accident, je ne sais pas si elle veut entendre ces mots de ma bouche. Je m’interromps enfin, prenant conscience du voile que je venais de lever.
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