cardiff - june, 11th 2010; what if we found our soulmate at the wrong time? - i've realized that no matter where you are or who you're with i will always, truly, completely love you. ✻✻✻ Lorsque l’on me demandait quel était mon animal préféré, je répondais le phénix sans réellement réfléchir. Le phénix, cet oiseau au plumage d’or, cet oiseau merveilleux et issu des mythologies les plus anciennes. Je savais que cela était un mythe et une légende. Je le savais pertinemment. Pourtant, je répondais comme s’il existait, comme s’il existait réellement. Cela était probablement la chose que je chérissais le plus dans cet oiseau ; il était un symbole de la renaissance, un symbole que toutes les choses se terminaient sur des commencements, un symbole insaisissable que les hommes avaient monté de toutes pièces pour y croire. Il m’avait accompagné dans tous mes choix, dans toutes mes décisions, dans tous ces instants difficiles que j’avais eus du mal à surmonter. Il m’avait poussé à avancer, pousser à continuer. J’avais vu dans toutes les fins des commencements. J’avais cessé de croire que la fin d’un chapitre était une mauvaise chose. Lors du divorce de mes parents, il m’avait donné de l’espoir ; un espoir qui m’avait accompagné au cours de ma vie. Et j’avais fini par poser mon pendentif dans la main de Julian. Sans hésitation aucune, je lui avais confié, persuadée qu’il en aurait bien plus besoin que moi. Quelque part, je lui donnais pour qu’il se souvienne de moi. Pour qu’il se rappelle que je l’aimais suffisamment pour lui confier mes espoirs et mes légendes. Mes espoirs et mes symboles. Il m’observa, la bouche légèrement entrouverte, témoignant de la stupéfaction qu’il ressentait vis-à-vis de mon geste. C’était un échange, une promesse. Une cornemuse contre un phénix, des passés différents contre des origines distinctes. Le vent sifflait doucement dans mes oreilles, balayant mes cheveux qui venaient me fouetter le visage par mèches entières. C’était des au revoir. Je le sentais. Je le savais. Notre cérémonie de remise des diplômes serait dans une petite semaine ; le reste viendrait bien tro vite. Cela était sans doute la dernière fois où l’on se retrouverait seul, tous les deux, comme nous avions bien pu l’être ces quatre dernières années. Ma peau entière frissonnait à cette simple idée. Mes yeux s’humidifièrent, mais mes lèvres demeurèrent étirées dans un sourire à la fois nostalgique et confiant, serein et mélancolique. Mes yeux avaient oublié la plage ; ils ne voyaient que Julian. Il n’y avait que lui. Il n’y aurait que lui. « Je pourrais te le rendre tout de suite. Je suis convaincu qu’il n’y aura jamais de fin. Jamais d’adieux. Je suis sûr que tu auras beau me quitter, tu es destinée à me recroiser. Le destin n’est pas un amateur. Il te remettra sur mon chemin. Je perdrais peut-être les pédales en ton absence. Je deviendrais peut-être fou et rongé par le mal. Mais je sais que tu me retrouveras pour me sauver à nouveau. » me lança-t-il, et je secouai la tête. Je demeurai persuadée qu’il serait celui qui m’abandonnerait. Après tout, il n’avait peut-être pas eu de chance ces dernières années, mais je demeurai persuadée qu’il prendrait sa revanche sur le monde. Dans mon cas, j’étais née pour rester une étoile au loin dans le ciel. Je n’étais pas née pour être un soleil, comme lui. « Mais je le garde quand même en otage. Comme ça je suis sûr que tu reviendras le récupérer ! » conclut-il en posant son doigt sur le bout de mon nez. Je me mis à rire à mon tour, emprunte d’une certaine nostalgique, et je penchai la tête en arrière pour tenter d’attraper son index entre mes dents. Comme à chaque fois, je le loupai ; cela ne m’empêcha pas de rire de plus belle et de détourner le regard. Ses paroles continuèrent de résonner dans mon esprit. Je perdrais les pédales en ton absence, fou rongé par le mal. Je déglutis en me mordillant l’intérieur de la joue, l’observant sans le voir, réfléchissant sans parvenir à suivre le fil de mes pensées. Je ne pensais pas que cela puisse être possible. D’ici quelques mois, il serait indépendant et loin de son père ; il n’aurait plus besoin de moi. Plus besoin de qui que ce soit d’autre. Le soleil se couchait doucement. Et, une nouvelle fois, je pensai à notre séparation prochaine. Il irait à Liverpool comme il l’avait toujours désiré ; j’irais au King’s College de Londres, une célèbre université, celle dans laquelle mon père avait fait ses études. Cela n’était qu’une question de fierté familiale. Après tout, j’allais étudier le droit pour trois ans, avant de passer le concours de police ; j’aurais pu faire cela dans n’importe quelle université, dans n’importe quelle ville. J’avais choisi le King’s College pour mon père. Pour ce père que j’avais toujours admiré au cours de toutes ces années. « C’est vrai, tu n’es pas suffisamment passionnante pour m’ouvrir les portes de John Moores University. Heureusement que je peux compter sur mon incroyable talent. J’ai pensé que créer un récit palpitant à partir de rien pourrait m’aider à marquer des points. » me lança-t-il et je me mis à rire avant qu’il ne me donne une tape sur le bras. « Tu es vraiment incorrigible. Je te fais un aveu et tu trouves quand même le moyen de te rabaisser. » J’haussai les épaules en observant le ciel naïvement. J’avais dit cela pour m’empêcher de lui répondre autre chose. Je m’étais focalisée sur autre chose pour éviter de penser à ce qu’il avait bien pu écrire. Je déglutis, faussement détachée. « Désolée, c’est plus fort que moi. Tu aurais dû prendre Scarlet en sujet, je suis sûre qu’elle en aurait été ravie. » lui lançai-je avant de pousser un soupir. « Mais ça me touche que tu m’aies choisi. Réellement. Plus tard, quand tu seras un écrivain célèbre, je pourrais raconter à mes enfants et mes petits-enfants que j’ai été un de tes premiers sujets d’écriture. » Je me mis à doucement rire toute seule, observant le sable. Je me surpris à penser que cela soit nos enfants et nos petits-enfants ; je secouai lentement la tête pour effacer ces divagations de mon esprit. Je n’avais plus le droit de penser ce genre de chose. Nous étions meilleurs amis. Pas autre chose. Julian s’allongea dans le sable et je demeurai là, assise, la tête tournée vers la sienne. Les silences avec lui n’étaient pas pesants ; j’avais l’impression d’être incroyablement calme lorsqu’il était à mes côtés, comme s’il apaisait les pires côtés de ma personnalité. « Tu es sûre que tu ne veux pas aller au bal de promo ? » lança-t-il, interrompant le cours de mes pensées. « Même si je te proposais d’être ton cavalier ? Je peux encore décommander Bethany Clarke. De toute façon elle va encore me prendre la tête sur une relation qui n’existe que dans sa tête. Je passe plus de temps avec toi, et tu ne penses pas une seule seconde qu’on est un couple. A mon plus grand malheur ! Les choses seraient plus drôles avec toi. » Je souris en secouant la tête. J’aurais aimé y aller. Y aller avec lui, même si cela n’avait été qu’en ami. Mais j’avais déjà pris ma décision bien avant de le connaître, et je m’y tenais. Je m’y tenais avec ténacité. « J’adorerais, Julian, mais je refuse de laisser ma sœur et ses esclaves gâcher mon existence encore une fois. » lui répondis-je doucement. « Je ne veux pas leur donner l’occasion de me ridiculiser en public pour une dernière fois. Je suis sûre que je serais largement mieux chez moi devant la télévision en me faisant un marathon de American’s Next Top Model. » Il pouvait décommander Bethany Clarke. Il pouvait le faire. Il voulait le faire, même ; malgré tout ce que j’avais bien pu penser, il me préférait à elle. Je ne pus m’empêcher de sourire, mon cœur battait comme un celui d’un oiseau virevoltant. « Tu peux toujours décommander cette pauvre Bethany Clarke et venir à ma soirée privée avec ma télévision. J’aurais du pop-corn. Mais je comprendrais que tu veuilles aller au bal de promo, c’est normal après tout. » Je lui adressai un petit sourire avant de m’allonger à mon tour dans le sable. J’observai le ciel et les nuages, plissant les yeux à cause des grains de sable qui venaient se faufiler entre mes cils. J’avais l’impression de vivre dans un autre monde, de vivre sur une autre planète. Encore et encore, mes souvenirs venaient chatouiller mon esprit ; je me rappelais que je l’avais connu à travers des dossiers avant de le connaître en tant que personne. Je me rappelais que j’étais tombée amoureuse de lui après cela. Je me rappelais qu’il m’avait ouvert les yeux. Qu’il m’avait fait comprendre que des dossiers ne pouvaient pas toujours dire la vérité. Après tout, son dossier médical ne mentionnait nulle part que son père le battait. Il se redressa sur le côté pour me regarder, et je tournai la tête vers lui, toujours à terre. Je le détaillai avec attention. « Tu as déjà imaginé à quoi on ressemblerait à deux ? Tu as déjà imaginé que je sois ton petit ami ? » Mon cœur s’arrêta avant de repartir encore plus fort. Mon rire demeura étranglé au fond de ma gorge, et je me mis à tousser comme pour dissiper mon malaise. En cet instant, je me demandai s’il avait compris. S’il avait vu que je l’aimais. Je m’affolai toute seule, allongée sur le sable, persuadée d’être prise au piège ; je ne savais plus quoi répondre, plus quoi répliquer, et je demeurai silencieuse quelques secondes pour remettre mes idées en place. « Peut-être. » répondis-je en sentant mes joues rosir. « Dans tous les cas, je trouve déjà qu’on est une sorte de vieux couple. » Je me mis à rire à cette image, presque malgré moi. Puis j’eus une idée, et je me redressai sur le côté pour être à moitié allongée vers lui, mon visage à quelques centimètres du sien. Je pris une profonde inspiration, mes pensées s’entrechoquant entre elles avec vivacité. « Tu sais quoi ? On a qu’à se faire une promesse. » commençai-je, un sourire en coin. « Beaucoup de meilleurs amis font ça, d’après ce que j’ai pu entendre, et je me dis qu’on pourrait faire ça, nous aussi. » J’avais peur qu’il me dise non. Peur qu’il me rit au nez. Qu’il me dise que j’étais idiote et bête, naïve et candide. Mais peu importe. J’étais persuadée qu’il pouvait interpréter mes paroles comme un signe de profonde amitié plutôt que comme une preuve que je l’aimais de tout mon cœur. « Si on est tous les deux célibataires à nos trente-cinq ans, qu’on n’a pas trouvé l’âme sœur et qu’on veut fonder une famille, on se mariera tous les deux. » annonçai-je. « Parce qu’on est des meilleurs amis. Et les meilleurs amis sont comme une seule âme séparée dans deux corps. » Je lui adressai un petit sourire, le souffle court. Oui, Julian. Oui, je t’ai déjà imaginé en tant que petit ami. En tant que mari. En tant que père de mes enfants. Mais je n’ai jamais eu le courage de te le dire en face.
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(✰) message posté Mar 12 Aoû 2014 - 3:27 par Invité
cardiff - june, 11th 2010; & I don't want the world to see me. Cause I don't think that they'll understand. You're the closest heaven that i'll ever be. Mon cœur battait la chamade, mais c’était une sensation bizarre. Mon âme suffoquait en sa présence, mais c’était un sentiment agréable. Je devais être bien plus idiot que je ne pouvais le croire. J’avais besoin d’Eugenia dans ma misérable vie. J’avais besoin de sa présence, de son parfum et de son sourire lumineux. Mon âme meurtrie se ployait à la pensée de notre séparation imminente. Un semestre à Londres, près d’elle, ne serait jamais suffisant. Quoi que je dise, quoi que je fasse … Son absence était un supplice que j’expérimentais parfois, pendant quelques jours, lorsqu’elle rendait visite à son père. C'était pesant de réaliser que quelques jours, pourrait prendre l'allure de mois et d'années. Je fermais les yeux et je pouvais visualiser mes routes pavées de regrets et les quêtes inachevées de mon cœur. Peu importait la distance, le temps, ou la saison, cet amour à sens unique grouillaient à l’intérieur de ma poitrine, me rappelant à chaque instant que j’étais condamné. Mes doigts égratignés par mes chutes se noyaient dans les sables chauds à la recherche de sa peau douce. En vain. Je levais doucement les yeux vers elle, tout sourire. Si cette rencontre n'était qu'un adieu, je voulais qu’elle se souvienne de mon visage étincelant et de mes yeux plein d’affection. Je voulais qu’elle se rappelle de Julian Fitzgerald, non pas l’enfant battu, mais le meilleur ami qui l’avait aimé plus que permis. C’était un excès dangereux pour notre amitié. Mais c’était aussi ma seule salvation, mon seul espoir. Pour toujours et à jamais. Sa voix mielleuse rythmait doucement mes divagations. Elle me prenait par la gorge, me serrait le cœur, et me projetait dans un futur qui me semblait parfois obscur. Je n’avais jamais compris pourquoi c’était elle. Je l’avais juste aimé, instantanément, naturellement. C’était une fatalité que je ne pouvais changer malgré tous mes efforts pour le faire. Je sortais avec une fille différente tous les trois mois, mais j’avais beau prendre mes distances, et renifler d'autres senteurs, cela ne faisait que me rappeler à quel point je l’adorais. Il n’y avait aucune fille au monde, aucune présence, aucune odeur et aucun sourire lumineux pour me la faire oublier. Il n’y avait qu’elle sur cette plage. Je papillonnai des yeux en riant à sa remarque.
«Désolée, c’est plus fort que moi. Tu aurais dû prendre Scarlet en sujet, je suis sûre qu’elle en aurait été ravie. »
Avoir Scaret comme muse... Cela me semblait invraisemblable ! Je l'avais toujours trouvé creuse. Pour moi, la jeune starlette du lycée n’était qu’une mascarade, une coquille ébréchée. Je doutais que mon imagination puisse combler un tel vide. Je n’avais jamais réellement accroché avec la jumelle de Ginny. Elle était populaire, maléfique, et par-dessus le marché elle avait découvert mon pire secret. Je baissai les yeux, coupable. Elle s’était amusée à me torturer durant des années, mais elle n’avait jamais rien dit. Elle avait sous-entendu mes sentiments sans jamais vendre la mèche. Au fond je lui étais reconnaissant mais ça ne changeais rien à mes sentiments à son égard. Je fis la moue pendant quelques secondes avant de secouer la tête énergiquement : Scarlet is evil !
« Tu parles. Un rien la ravi, tant qu’elle est au centre de toutes les attentions. » Soufflai-je d’un ton faussement offusqué.
«Mais ça me touche que tu m’aies choisi. Réellement. Plus tard, quand tu seras un écrivain célèbre, je pourrais raconter à mes enfants et mes petits-enfants que j’ai été un de tes premiers sujets d’écriture. »
Je lui souris doucement. Je pouvais facilement imaginer ces enfants avoir mes yeux et son sourire. Je pouvais facilement imaginer une combinaison de nos deux traits, dans un petit être que nous aurions créés à deux. Je crispai les doigts. Cette pensée grotesque me grisait à la manière d’une étreinte chaleureuse et affectueuse. Je me raclai la gorge avec lenteur. Je devais me reprendre.
« Je leur racontais moi-même. » M’amusai-je. « J’ose espérer que je serais toujours là … Ton meilleur ami. » Et ton compagnon pour toute la vie.
Un soupir m’échappa. J’avais tellement de choses à lui confesser, tellement d’histoires à lui raconter. Mais mon esprit engourdi refusait de mener ce combat pour moi. Ma raison prenait le dessus sur mes émotions, me sommant d’analyser tous les risques. Je pesais les pours et les contres et je me rendais compte que je ne pouvais pas survivre sans elle. J’étais lâche et amoureux. J’étais surtout mort de trouille. Ma nuque se frottait contre le sable tandis que le vent frais fouettait mon visage fermé. Eugenia, était à mes côtés, la tête tournée vers moi et les yeux pétillants de malices. Je me demandais quand nous aurions l’occasion de vivre une telle expérience à nouveau. Je me demandais si nos petites virées nocturnes, ou si nos ballades dans les rues désertes de Cardiff seraient toujours d’actualité quand nous serions vieux et différents. Je retins mon souffle en me penchant vers elle. Le bal de promo était exclu ! Je le savais, Ginny avait ses principes et elle s’y tenait de toutes ses forces. Mais je me devais d’essayer. Je fis la grimace en l’écoutant.
«J’adorerais, Julian, mais je refuse de laisser ma sœur et ses esclaves gâcher mon existence encore une fois. Je ne veux pas leur donner l’occasion de me ridiculiser en public pour une dernière fois. Je suis sûre que je serais largement mieux chez moi devant la télévision en me faisant un marathon de American’s Next Top Model. Tu peux toujours décommander cette pauvre Bethany Clarke et venir à ma soirée privée avec ma télévision. J’aurais du pop-corn. Mais je comprendrais que tu veuilles aller au bal de promo, c’est normal après tout.»
« Je ne veux pas aller au bal de promo ! » Réclamai-je. C’était presque insultant qu’elle croit que je voulais me pavaner comme un coq en pattes parmi tous les focus du lycée. J’étais plus âgé, plus amer et surtout, je les détestais cordialement. La seule raison qui me poussait à une telle mondanité était la promesse que j’avais fait à ma dernière conquête. Je n’avais pas affection spéciale pour Bethany Clarke, mais c'était une gentille fille qui s'était fait prendre au jeu de la séduction. Elle s'était vraiment attachée à moi, sans raison. Je me surprenais parfois à la prendre en pitié. Elle s’était entichée d’un garçon qui ne serait jamais entièrement à elle, parce que mon cœur appartenait déjà à Ginny.
« Bethany a insisté. Je me disais que je pourrais l’emmener puis rester avec toi dans un coin. Mais ce n’est pas grave. » Souris-je. « Je passerais en fin de soirée. Je ne voudrais pas que tu rates l’occasion de me voir en costume 3 pièces. Je me suis promis que je ne porterais ce genre de conneries que deux fois dans ma vie : En allant au bal de promo, et en marchant vers l’autel. »
Je ris en frôlant son épaule. Une part de moi, attendant une réaction scandalisée. Je voulais qu’elle se redresse et qu’elle me pointe du doigt en clamant qu’elle aurait le parfait angle pour me voir en 3 pièces le jour de mon mariage. Je voulais qu’elle m’affirme qu’elle ne serait pas très loin, à l’autre de bout juste à côté du prêtre. Mais ce n’était que foutaises et gamineries ! Eugenia me stoppa dans mon élan, s’étouffait avec sa propre salive. J’arquai un sourcil. Etait-ce ma question mal placée ? Où avait-elle tout simplement fait une fausse déglutition ? Elle se reprit lentement, gênée au possible.
«Peut-être. Dans tous les cas, je trouve déjà qu’on est une sorte de vieux couple. »
« N’importe quoi ! » Braillai-je en la fixant du regard. « On est un couple explosif et complice. Tout le monde nous envie d’être aussi proches et fusionnels. Tu es le cauchemar vivant de toutes mes petites amies. » Confessai-je. « Si tu savais tout ce que j’endure à cause de notre relation. C’est plus facile de pécho ces temps si. C’est pour ça que tu devrais te rattraper en sortant avec moi pour de vrai. »
Je me raclai la gorge. C’était une subtile déclaration, cachée derrière un ton enjoué et blagueur. Je savais qu’elle ne me prendrait jamais au sérieux. Elle ne l’avait jamais ! Quelque part je m’étais fait à l’idée que je n’étais qu’un ami à ses yeux. Je n’étais qu’un cas social qu’elle avait pris en pitié, puis auquel elle avait fini par s’attacher.
«Tu sais quoi ? On a qu’à se faire une promesse. Beaucoup de meilleurs amis font ça, d’après ce que j’ai pu entendre, et je me dis qu’on pourrait faire ça, nous aussi. »
Je la regardais au coin, impatient d’entendre la suite. Je me redressai à mon tour afin de lui faire face.
«Si on est tous les deux célibataires à nos trente-cinq ans, qu’on n’a pas trouvé l’âme sœur et qu’on veut fonder une famille, on se mariera tous les deux. Parce qu’on est des meilleurs amis. Et les meilleurs amis sont comme une seule âme séparée dans deux corps. »
J’éclatai de rire sceptique.
« Tu as entendu que beaucoup de meilleurs amis font ça ? Qui ça ? Où ça ? J'adore les ragots ! Dans une série télé ? » Raillai-je, de peur d’embrasser la réalité qui s’offrait à moi. « Non. » Tranchai-je. « Il est hors de question que je t’épouse à 35 ans, c’est trop tard dans ma culture orientale. » Je lui tendis la main. « Je te prends à 25 ans pas plus. Call ? J’aurais 27 ans. C’est un meilleur deal.»
J’approchais mon visage du sien. Mes lèvres tremblantes caressèrent sa joue rosie.
« Je ne te vois pas souvent traîner avec des garçons. Je crois que tu n’as pas besoin de quelqu’un d’autre que moi. Je promets de toutes les lâcher pour toi, Eugenia. »
Il était rare que je prononce son prénom en entier. Je crois que quelque part, j’essayais de me donner un air sérieux sans trop mettre en avant mes réelles intentions. J’haussais les épaules en regardant le ciel s’assombrir petit à petit. Ce n'était pas une promesse en l'air. Ce n'était pas un discours nonchalant ou railleur. Je n'avais besoin que d'un mot de sa part pour oublier toutes mes petites manies et mes sales habitudes. Je n'avais besoin ... Que d'elle.
« Pourquoi je ne connais aucun petit ami ? Tu les caches ? » M’enquis-je en réalisant que j’étais le seul à enchaîner les aventures d'adolescent. Ginny avait toujours été seule sans moi. Ou plutôt je me plaisais à croire cette version utopique pour regonfler mon estime, et donner à mes sentiments plus de légitimité.
C’était une histoire absurde. Je l’avais juste aimé en la regardant manger une pomme. Je l’avais juste aimé.
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(✰) message posté Jeu 14 Aoû 2014 - 1:42 par Invité
cardiff - june, 11th 2010; what if we found our soulmate at the wrong time? - i've realized that no matter where you are or who you're with i will always, truly, completely love you. ✻✻✻ Des jumelles. De véritables jumelles. Sans les artifices de ma sœur, sans mes grandes lunettes, sans ses cheveux soigneusement coiffés et les miens relevés en chignons lâches, nous nous ressemblions bien plus que nécessaire. Nous étions nées à deux et, pourtant, j’avais toujours eu l’impression qu’il n’y avait eu que Scarlet. La sublime et rayonnante Scarlet. La grande et impérieuse Scarlet. Je ne lui en avais jamais voulu d’être la seule Lancaster qui semblait exister au lycée ; j’avais vécu dans son ombre sans lui en vouloir, endurer les critiques sans lui rejeter la faute et ce tout au long de notre scolarité à Cardiff. Solitude. Solitaire. J’avais l’impression que ces deux notions étaient indissociables. J’avais bien longtemps compris que le prix à payer pour sa couronne était le sacrifice de mon intégrité. Cependant, parfois, j’avais l’impression que cela était également le cas lorsque l’on était chez nous ; j’avais l’impression que ma mère n’avait d’yeux que pour elle. Que ma mère n’écoutait qu’elle. Qu’inlassablement, lorsque nous étions dans la même pièce, elle brillait plus fort que moi. Au fond de moi, je me disais qu’il n’y avait que deux personnes qui me remarquaient. Mon père et Julian. Les deux hommes de ma vie, même si je me gardais bien d’exprimer cette pensée à voix haute, même si je gardais cette impression au fond de mon être, précieusement, comme si ce secret pouvait me mener à ma perte. J’esquissai un sourire à la remarque de Julian concernant ma jumelle sans le contredire ; j’avais cessé d’essayer de justifier ma sœur auprès de lui. Il s’était toujours appliqué à démonter mes arguments, les uns après les autres, et j’étais fatiguée de tenter de faire une chose qu’elle ne se donnait pas la peine de faire pour moi. Je l’adorais. Je l’adorais de tout mon cœur. Mais j’avais simplement l’impression de vivre à mille lunes loin d’elle. Elle attirait tous les regards et toute l’attention ; je vivais dans son sillage et dans son ombre, mais cela me convenait. J’avais Julian. Cela était tout ce qui pouvait bien compter. J’avais peur du futur sans vraiment en être effrayée. Je me posais une centaine de questions sans chercher à vouloir trouver des réponses. Je ne savais pas ce qui allait se passer ; je ne savais pas ce que le destin nous réservait à Julian et moi, mais j’avais peur de connaître la vérité alors je préférais rêvasser, seule, sereine et calme. Le ciel me paraissait si proche, lorsque j’étais allongée dans le sable ; le monde me semblait petit et étroit, apaisant et réconfortant. Je vivais dans mon univers, loin de tout et des autres, plongée dans une intemporalité que j’aurais aimé voir durer. Mais cet instant de quiétude n’était qu’éphémère. Je le sentais à l’agitation de Julian ; je le sentais dans chacune de ses inspirations. Il avait autant conscience que moi que ces instants étaient les derniers avant un nouveau commencement. Il me faisait des promesses qu’il ne tiendrait pas, selon moi ; cependant, je préférais m’arrêter de penser le temps d’une soirée plutôt que de m’en faire. Je préférais l’aimer silencieusement une dernière fois avant de me demander ce qu’il pourrait bien faire loin de moi. Ce qu’il pourrait bien faire lorsqu’il m’aurait finalement oublié. « Je leur racontais moi-même. J’ose espérer que je serais toujours là… Ton meilleur ami. » Il poussa un soupir et j’esquissai un sourire. Ce futur me paraissait si loin, si flou, si improbable. Je ne parvenais pas à m’imaginer plus âgée ; je ne parvenais pas à m’imaginer après avoir réussi à tourner la page. Je ne savais même pas si cela serait un jour possible. J’avais Julian dans la peau. J’avais Julian dans ma tête. J’avais Julian dans mon cœur. Il me suivait partout, où que j’aille ; mes pensées tournaient tant autour de lui que je ne parvenais pas à admettre que mon affection pour lui puisse laisser place à d’autres hommes dans ma vie. Il n’y avait eu que lui. Et j’avais l’impression que cela ne serait toujours que lui. Mais ce sentiment n’avait jamais réellement été réciproque. Il ne me l’avait jamais caché. Je l’avais toujours pertinemment su. Je l’avais vu sortir avec des filles, insouciant de mes sentiments, insouciant de la peine qu’il m’infligeait. Mon cœur avait eu mal, bien plus que nécessaire, lorsqu’il m’avait raconté, à chaque fois, tout ce qu’il avait bien pu faire. Peut-être que lui laisser l’occasion de s’ouvrir à moi avait été la plus belle preuve d’amour que j’avais bien pu lui faire ; j’avais voulu me montrer disponible et attentive, remplissant parfaitement mon rôle de meilleure amie sans jamais franchir les frontières du raisonnable. Bethany n’était qu’une fille parmi tant d’autre. Une fille que j’enviais malgré moi. Une fille dont j’étais jalouse, d’une jalousie qui me rongeait sans que je ne dise quoi que ce soit. « Je ne veux pas aller au bal de promo ! Bethany a insisté. Je me disais que je pourrais l’emmener puis rester avec toi dans un coin. Mais ce n’est pas grave. » me dit-il avec un sourire. « Je passerais en fin de soirée. Je ne voudrais pas que tu rates l’occasion de me voir en costume 3 pièces. Je me suis promis que je ne porterais ce genre de conneries que deux fois dans ma vie : En allant au bal de promo, et en marchant vers l’autel. » Je me mis à rire avec lui lorsque son épaule frôla la mienne. Cette simple promesse suffisait à me faire ressentir une certaine hâte pour le bal de promo, tant bien même que je n’allais pas y participer. Je lui adressai un petit sourire en le détaillant, presque pudiquement, du regard. « C’est dommage. Je suis persuadée que tu as beaucoup de classe en trois pièces. » J’hochai la tête, mon ton prenant des connotations joueuses. « Je mettrai mon plus beau jogging pour t’accueillir sous mon perron. » Je lui adressai un sourire taquin. C’était faux, j’en avais conscience. Je savais d’ors et déjà que je me sentirais presque obligée de bien m’habiller et de délaisser mes vêtements confortables que j’avais l’habitude de mettre chez moi. De les délaisser pour quelque chose de plus présentable. Quelque chose comme une robe. J’avais toujours eu une certaine affection pour les robes, après tout. On pouvait me reprocher de ne pas me mêler aux foules ou de n’être pas réellement soigneuse quant à mon apparence ; cependant, j’en demeurais féminine. J’aimais les jupes et les robes. J’aimais les belles paires de chaussures, mettre du rouge à lèvre lorsque mon père m’emmener diner en ville. Je n’avais simplement pas eu réellement l’occasion de le prouver au monde entier. Mais Julian le savait, lui. Je n’avais pas tout à fait tort en nous comparant à un vieux couple ; au fond, je le connaissais sans doute mieux qu’il ne se connaissait lui-même, et l’inverse était également valable. Mon cœur battait trop vite. J’aurais tant aimé que cela soit plus que cela. « N’importe quoi ! On est un couple explosif et complice. Tout le monde nous envie d’être aussi proches et fusionnels. Tu es le cauchemar vivant de toutes mes petites amies. » me confia-t-il et je me mordis la lèvre inférieure avec amusement, incapable de me retenir. « Si tu savais tout ce que j’endure à cause de notre relation. C’est plus facile de pécho ces temps si. C’est pour ça que tu devrais te rattraper en sortant avec moi pour de vrai. » Mon cœur rata un battement et je l’observai en tentant de garder mon calme. Il plaisantait. Je le voyais sur ses traits ; je voyais ses yeux briller comme lorsqu’il abordait ce genre de sujet avec moi. J’aurais aimé lui dire oui. Lui dire que je voulais sortir avec lui, que je n’attendais que cela. Mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas bousculer l’équilibre instable de notre amitié en prenant au sérieux ses commentaires ironiques. « J’ai rien à rattraper du tout, c’est tes copines qui sont juste des mauviettes. Je ne fais pas si peur que ça, si ? » J’aurais aimé qu’il me dise oui, que j’étais une réelle menace, simplement parce que j’étais la seule fille dans son cœur. Mais c’était faux. Il me le prouvait mois après mois lorsqu’un nouveau nom venait s’ajouter à la liste des petites-amies qu’il avait bien pu avoir. Je pris une profonde inspiration. Il ne le voyait pas, non. Il ne voyait pas à quel point je pouvais bien l’aimer. L’aimer au point d’être capable d’attendre jusqu’à mes trente-cinq ans pour l’avoir. Ma proposition de mariage était sérieuse bien que peu assurée ; au fond de moi, j’espérais qu’il me dise oui, j’espérais qu’il ne trouve pas d’âme sœur pour que nous puissions finalement avoir une chance à deux. Le futur était loin. Le futur m’effrayait. Mais ce futur-là ne me faisait pas peur s’il venait à se produire. « Tu as entendu que beaucoup de meilleurs amis font ça ? Qui ça ? Où ça ? J'adore les ragots ! Dans une série télé ? » me demanda-t-il et mon visage se ferma tandis que j’attendais un refus de sa part. Je sentis mes joues rosir avec force ; l’air de la mer ne faisait rien pour atténuer les marques disgracieuses sur mon visage. « Non. Il est hors de question que je t’épouse à trente-cinq ans, c’est trop tard dans ma culture orientale. Je te prends à vingt-cinq ans pas plus. Call ? J’aurais vingt-sept ans. C’est un meilleur deal. » Un sourire naquit sur mon visage, et je fus me réfréner pour ne pas me jeter à son cou et le serrer dans mes bras ; au lieu de quoi, ses lèvres vinrent se poser sur ma joue. Mn visage resta à quelques centimètres du sien, et je sentais ses respirations balayer mon visage. « C’est jeune, vingt-cinq ans. Tu as peur que, avec l’âge, je devienne encore plus désagréable à regarder ? » marmonnai-je, le cœur battant. Vingt-cinq ans, cela n’était que dans une poignée d’aller. Dans sept ans. Quatre-vingt-quatre mois. « C’est dans Le Mariage de mon Meilleur Ami qu’ils font ça. La sœur de mon père s’est aussi mariée avec son meilleur ami. Leur deadline était plus loin mais vingt-cinq ans ça me va. Je pense qu’on a un deal, Fitzgerald. » Mon visage était si près. Ses lèvres n’étaient qu’à quelques centimètres. J’aurais pu me pencher. Me pencher simplement et effleurer sa bouche avec lenteur pour la première fois depuis que je le connaissais. Je n’osais pas bouger ; alors je restai là, à cette distance à la limite du raisonnable, l’observant dans les yeux. Mon cœur battait si fort. L’entendait-il, de là où il était ? L’entendait-il devenir fou dans ma cage thoracique ? « Je ne te vois pas souvent traîner avec des garçons. Je crois que tu n’as pas besoin de quelqu’un d’autre que moi. Je promets de toutes les lâcher pour toi, Eugenia. » Sa voix me paraissait lointaine, malgré le fait qu’il m’ait appelé par mon prénom et non pas mon surnom. Il n’imaginait pas à quel point ses propos étaient vrais. Il n’imaginait pas à quel point je n’avais besoin que de lui. Mon visage s’avança d’une poignée de millimètres, mais je me repris à la dernière fraction de secondes ; je m’écartai sans doute trop vite, le rouge aux joues, repensant à tout ce qu’il avait bien pu me dire. Je ne pouvais pas. Il ne s’imaginait pas tout ce qui m’habitait. Il ne s’imaginait pas toutes les conséquences que ses paroles pouvaient avoir. Il ne se rendait pas compte de toutes les pensées qui m’effleuraient. « Pourquoi je ne connais aucun petit ami ? Tu les caches ? » me demanda-t-il, me tirant de mes pensées. Je dus secouer la tête à plusieurs reprises pour revenir sur terre. Je déglutis en l’observant, à une distance raisonnable, avant de prendre une profonde inspiration. J’avais failli tout gâcher. « Pas du tout. C’est simplement parce qu’il n’y en a pas. Je n’attire pas beaucoup les regards, tu sais. » marmonnai-je en observant l’horizon, tentant en vain de me déconnecter de lui. « Les seuls qui semblent me montrer de l’intérêt sont les gars du club d’informatique. Je pense que c’est parce que je suis la seule fille dans leur fichue club… Et la seule fille qu’ils voient de près deux fois par semaine. J’en ai surpris un en train de me photoshoper à côté de lui sur une photo, l’autre jour… » Je grimaçai en repensant à cet épisode, avant de finalement retourner la tête vers Julian. Je devais avoir l’air pathétique. Notre différence d’âge m’avait toujours dérangé dans le sens où je m’étais toujours sentie idiote en sa présence ; cependant, dans des situations comme celle-ci, je me sentais aussi immature. Parfois, je me demandais ce qu’il fichait encore à me parler. Parfois, je me demandais à quoi cela pouvait bien rimer. « Tu ne les lâcheras jamais toutes pour moi, Julian. Ça ne sert à rien de me prendre en pitié, tu sais. Je ne suis pas malheureuse. Quand je vois les expériences de ma sœur, je suis bien contente de ne pas avoir eu à vivre la même chose… J’aime ma vie comme elle est. » Je tentai presque de me persuader moi-même à travers mes mots. J’espérais que cela soit suffisant pour qu’il me croie, lui. « La fac va tout boulverser. Peut-être que nos rôles vont s’inverser, qui sait. Je vais peut-être devenir un Don Juan au féminin. » Je me mis à rire doucement. Je savais que cela ne serait jamais le cas. J’étais bien trop solitaire. Bien trop dans mon monde. J’avais conscience que je pourrais compter mon nombre d’amis sur une main, et ce tout au long de ma vie. « Ne t’en fais pas pour moi. Après tout, j’ai déjà un mariage potentiel de prévu pour mes vingt-cinq ans si je ne trouve personne et toi non plus. » J’eus un petit rire et ma main vint doucement caresser sa joue. Le vent balaya mes cheveux et mon regard se reposa sur les vagues de la mer. J’avais peur du futur. Peur de ce qui m’arriverait. Mais, au fond, tant qu’il restait dans ma vie, j’avais confiance. Confiance en lui. Confiance en nous.
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(✰) message posté Mer 20 Aoû 2014 - 16:02 par Invité
cardiff - june, 11th 2010; & I don't want the world to see me. Cause I don't think that they'll understand. You're the closest heaven that i'll ever be. La journée s’était passée de manière très banale. Aucun événement marquant, aucun moment d’exaltation. Je m’étais levé du pied gauche. Comme à mon habitude, parce que j’avais du mal à fléchir le genou droit après des heures de rigidité. J’avais à peine pris mon petit déjeuner puis j’avais tué le temps comme je le pouvais. Je m’étais laissé prendre aux jeux de l’intellect et des livres bien trop compliqués pour être réellement appréciés. J’avais ignoré mes étirements et mes exercices physiques par pure fainéantise, et aussi par dépit. Cela m’importait peu de récupérer de mes blessures. Chaque rature sur ma peau, chaque erreur dans mon squelette n’était qu’un souvenir. Une identité. Une facette de ce que j’étais réellement: Un être brisé. La journée avait été banale et sans aucun gout jusqu’au moment où j’avais traîné ma carcasse défectueuse à travers les rues de Cardiff pour la retrouver. Je perdais le contrôle à chaque fois qu’elle posait son regard innocent sur moi. Il y’ avait quelque chose dans ses pupilles, un petit éclat, un point lumineux ou un centre de gravité. Mon cœur se serrait, enivré par ses profonds secrets. Mon existence en demie teinte, mon âme à moitié vide, mon amour déchu … Tout avait finalement un sens. Avec elle. Pour elle. Ma main moite se crispa sur mes mollets. Je secouai discrètement la tête afin de rompre ce lien mystérieux. Je voulais garder mon intégrité et cette amitié supplice. J’avais l’habitude de gérer mes peurs. J’avais grandi dans la crainte et le désarroi, m’insufflant à chaque détour ce petit chant d’espoir : « Je réussirais ». A force je m’étais persuadé que j’étais bien au-dessus du destin et de ses coups en traitre. Je m’étais promis de quitter ce père incompréhensif et d’oublier le fantôme de cette mère désabusée. J’étais un libre étalon, galopant dans les lointaines plaines de l’inconnu. J’étais l’être dominant et solitaire. Mais Ginny m’avait stoppé net dans mon élan. Elle m’avait brisé à coup de gentillesse et de douceur. Elle m’avait égaré de mes terres promises, et de mes ambitions maladives. Ginny était ma plus belle découverte et mon pire cauchemar. Je retins mon souffle en fixant mes jambes. Je ne pourrais peut-être plus jamais courir à perte d’haleine. Je ne pourrais peut-être plus jamais être le héros téméraire et courageux. Pas avec un ligament rupturé et la cage thoracique en lambeaux. Pas avec un cœur brisé.
«C’est dommage. Je suis persuadée que tu as beaucoup de classe en trois pièces. Je mettrai mon plus beau jogging pour t’accueillir sous mon perron. »
J’étais assis à ses cotés sur le sable brûlant, rêvant d’un monde où j’étais le meilleur choix pour une fille comme elle. Sa voix douce me tira de mes pensées. Je lui souris à peine, en silence. J’étais coincé en trois pièces. J’étais loin d’être moi-même, mais ma gueule d’ange se prêtait bien aux artifices de la civilité. J’étais taillé pour tromper le peuple. J’avais été créer pour jouer de mes atouts.
« J’ai rien à rattraper du tout, c’est tes copines qui sont juste des mauviettes. Je ne fais pas si peur que ça, si ? »
Je la regardais d’un air absent.
« Oui. Tu es une menace. » Je me raclai la gorge. « Mais il te serait impossible de croire que quelqu’un comme moi, puisse aimer une fille comme toi. » Je ris à gorge déployé. « Je crois qu’il te serait impossible de concevoir que quelqu’un comme moi puisse aimer tout court. Pas vrai ? »
Je lui tendis doucement la main dans l’espoir vain qu’elle me rattrape dans ma chute. Mais le vent glacial se leva et fit vaciller mon membre. Mes doigts tombèrent à la rencontre de la poussière et des sables rugueux. Ginny n’était qu’une chimère. Ginny n’était qu’une illusion. Je soupirai. Je ne voulais pas l’oublier. Je ne voulais pas regretter, mais il y ‘avait cette voix à l’intérieur qui me sommait d’arrêter de me torturer. L’amour est un frein. L’amour est une perte. Mon visage était à quelques centimètres du sien. Un jeu bien trop périlleux pour moi. Ma respiration saccadée trahissait mon désir hargneux. Mes lèvres tremblèrent d’un baiser que je ne pourrais jamais avoir. Eugenia, éloigne-toi. Epargne-moi. Je clignai des yeux.
« C’est jeune, vingt-cinq ans. Tu as peur que, avec l’âge, je devienne encore plus désagréable à regarder ? C’est dans Le Mariage de mon Meilleur Amiqu’ils font ça. La sœur de mon père s’est aussi mariée avec son meilleur ami. Leur deadline était plus loin mais vingt-cinq ans ça me va. Je pense qu’on a un deal, Fitzgerald. » Réplica-t-elle jovialement.
J’avais envie de la prendre dans mes bras. Je voulais l’embrasser à pleine bouche et lui avouer que je pouvais écourter ce délai encore plus. Mon visage s’illumina. Elle avait le don de me rendre la vie.
« Je n’ai peur de rien. » Souris-je. « Je ne voulais juste pas te faire attendre plus que nécessaire. Je suis sûr que si aucune autre n’arrive à me compléter comme tu le fais d’ici 7 ans, c’est que tu es la bonne. Je te donne juste une petite chance de tenter de me remplacer. »
Je ne m’amusais pas. Ce n’était pas une blague. Mon ton était posé. Chaque mot était trié sur le volet. Ce n’était là que l’expression de mes pensées les plus secrètes et les plus sincères. Le ciel s’assombrissait peu à peu. Le vent fouettait doucement mon visage placide. Eugenia, avais-tu un jour cru que nous serions aussi proches l’un de l’autre ? Eugenia, prends-moi ! Je déglutis.
« Pas du tout. C’est simplement parce qu’il n’y en a pas. Je n’attire pas beaucoup les regards, tu sais. Les seuls qui semblent me montrer de l’intérêt sont les gars du club d’informatique. Je pense que c’est parce que je suis la seule fille dans leur fichue club… Et la seule fille qu’ils voient de près deux fois par semaine. J’en ai surpris un en train de me photoshoper à côté de lui sur une photo, l’autre jour… »
Je ris nonchalamment. Elle évitait mon regard. Elle s’éloignait de la magie du moment, me laissant seul dans ma misère. Je pris une poignée de sable entre mes mains pour m’occuper. J’aurais aimé avoir une cigarette sur moi. J’aurais aimé m’enivrer des senteurs poissonneuses de nicotine et de goudron. J’aurais aimé que tout ne soit que gris et fumée. Je me mordis la lèvres inférieure.
« Scarlet est très jolie. C’est l’avis général. » Commençai-je doucement. « Tu es sa copie conforme. Physiquement. Tu as le même potentiel de séduction, c’est juste que tu ne te mets pas beaucoup en avant. Beaucoup de garçons te trouvent jolie. Autre que les geeks que tu côtoies. » Marmonnai je en serrant les poings. Ces mots m’écorchaient les lèvres. Ces révélations titillaient ma patience de trop près. Je me redressai lentement afin de m’avancer de quelques pas. Encore une fois, la fragilité de ma démarche heurta ma fierté. Mon genou était douloureux après une longue inactivité. Je gémis discrètement.
« Tu ne les lâcheras jamais toutes pour moi, Julian. Ça ne sert à rien de me prendre en pitié, tu sais. Je ne suis pas malheureuse. Quand je vois les expériences de ma sœur, je suis bien contente de ne pas avoir eu à vivre la même chose… J’aime ma vie comme elle est. »
J’haussai les épaules sans la regarder. Qu’en savait-elle ? De la pitié. De mes intentions. De mes ambitions. Rien ! Elle n'avait pas le droit de me dicter ma façon de penser ou de l'aimer.
« J’aime ma vie. » Répétai-je machinalement.
Je ne pouvais pas saisir le sens de cette phrase, mais je me promis d’un jour apprécier mon existence futile. Je me promis d’aimer être Julian Philip Fitzgerald.
«La fac va tout boulverser. Peut-être que nos rôles vont s’inverser, qui sait. Je vais peut-être devenir un Don Juan au féminin. » Elle rit doucement. « Ne t’en fais pas pour moi. Après tout, j’ai déjà un mariage potentiel de prévu pour mes vingt-cinq ans si je ne trouve personne et toi non plus. »
Je fis doucement volteface. Je la regardais avec tristesse. A quel point fallait-il être aveugle pour ignorer ces sentiments ravageurs ? A quel point fallait-il être idiot pour ne pas comprendre chacun de mes sous-entendus ? Y’avait-il au monde quelqu’un qui s’engagerait dans un mariage à 27 ans sans amour ? Je fermai les yeux pendant quelques instants. Je n’avais tout à coup plus la force de me lancer dans un débat stérile. Je n’avais pas non plus le courage de jouer carte sur table. Je lui souris.
« Je veux faire une petite balade. » Lançai-je avec désinvolture. « Je crois que j’aurais besoin de toi pour marcher … » Raillai-je en lui tendant mes deux bras.
Ce n’était qu’un prétexte de lâche. Je ne voulais pas marcher. C’était de plus en plus douloureux de trainer ma patte blessée. Je voulais juste la sentir contre moi, sans que cela ne soit embarrassant. Je voulais renifler ses cheveux, et l’aimer en secret.
cardiff - june, 11th 2010; what if we found our soulmate at the wrong time? - i've realized that no matter where you are or who you're with i will always, truly, completely love you. ✻✻✻ J’avais hâte de retrouver mon père. De le revoir. De passer du temps chez lui et dans son jardin, de faire des randonnées en sa compagnie et de me perdre en regardant des films avec lui. Je me fichais bien de rencontrer une de ses nombreuses conquête, de prétendre croire qu’elle sera ma future belle-mère pour finalement apprendre d’ici quelques mois qu’il l’avait largué. J’avais une perception singulière du concept se sentir chez soi. Je ne me sentais pas chez moi dans un lieu donné, dans une maison donnée, dans une situation donnée, non. Je me sentais chez moi lorsque je me retrouvais avec certaines personnes. Je me sentais chez moi lorsque j’étais avec mon père. Je me sentais chez moi lorsque mon chat venait se lover contre mes jambes tandis que j’étais en train de lire ou réviser pour mes examens. Mais, par-dessus tout, je me sentais chez moi lorsque j’étais avec Julian. J’avais l’impression d’avoir enfin trouvé ma place sur cette Terre. J’aurais aimé qu’il vienne chez mon père avec moi. J’aurais aimé qu’il fasse partie de ces vacances que je connaissais régulièrement et qui m’étaient chères, aussi loin de lui pouvaient-elles être. Il aurait pu voir à quel point on se déconnectait du monde, dans sa grande maison perdue dans les terres reculées du Pays de Galles. Il aurait pu connaître mon père, voir à quel point il pouvait être un héros à mes yeux. Peut-être aurait-il compris. Peut-être aurait-il compris qu’ils étaient tous les deux les hommes de ma vie. Cependant, je n’avais jamais osé lui proposer de prendre le train pour s’y rendre ; je m’étais toujours dit que je n’avais aucune raison de le faire. Que je n’avais aucun droit d’y penser, d’y céder. Nous n’étions pas ensemble. Nous n’étions pas en couple. Nous étions juste meilleurs amis. Et les meilleurs amis étaient censés résister à la distance. Les meilleurs amis étaient censés ne pas réellement en souffrir lorsqu’elle n’était que temporaire. Ma mâchoire se serra lorsqu’il me parla des petites-amies qu’il avait pu avoir au cours de ces années où nous nous étions connues. J’avais l’impression qu’elles n’avaient pas le droit d’avoir une place importante dans sa vie. J’avais l’impression que leur présence dans son cœur n’était pas légitime. Cependant, je me gardais bien de dire tout cela à voix haute et, comme à chaque fois, je m’efforçais de contenir toute cette jalousie au fond de mon être. J’avais l’impression que je finirais par exploser. Par me réduire en poussières. Mon ton était léger et mon rire cristallin, mais mon cœur pleurait et mes sentiments pleuraient avec lui. J’avais fini par me dire que l’amour de notre vie pouvait être la plus belle chose qui nous est donné sur cette Terre, mais également notre plus grande peine, et notre plus grand regret. « Oui. Tu es une menace. Mais il te serait impossible de croire que quelqu’un comme moi, puisse aimer une fille comme toi. » me dit-il en riant. J’eus l’impression que chacune des lettres composant ses paroles me transperçaient le cœur. Il me faisait mal. Si mal que j’étais sans doute à deux doigts de pleurer. Il avait raison. Je croyais ses mots. J’étais persuadée qu’il ne pourrait jamais m’aimer, de cette manière-là. « Je crois qu’il te serait impossible de concevoir que quelqu’un comme moi puisse aimer tout court. Pas vrai ? » Sa question demeura en suspens, tout comme la main qu’il me tendait. Je ne savais pas quoi lui répondre sans lui démontrer qu’il m’avait blessé, quelque part ; je ne savais pas quoi lui dire sans lui prouver que je l’aimais, moi, même s’il se jugeait incapable d’aimer une fille comme moi. Je ne savais même pas ce qu’il sous entendait pas une fille comme toi. J’avais presque l’impression d’être dégradée. D’être souillée par de simples paroles, même si cela n’était probablement pas ce qu’il voulait sous-entendre. « Je pense que tout le monde est capable d’aimer. D’aimer n’importe qui. Même toi, même si je pense que tu ne sais pas encore ce que ça fait. Quand tu aimeras quelqu’un, tu le sauras. Et tu l’aimeras avec toutes les cellules de ton corps, avec tous les battements de ton cœur et tout l’air que tu inspires. Tu l’aimeras à en avoir mal d’amour, tu l’aimeras à vouloir passer tout le temps que tu peux avec, tu l’aimeras à en crever d’amour lorsque tu te rendras compte que tu ne pourras pas forcément l’avoir, mais tu l’aimeras tellement fort que tu seras capable de faire le sacrifice de tes sentiments pour qu’elle soit heureuse. » Je me tus, considérant que j’en avais certainement trop dit, considérant qu’il y avait des chances pour qu’il se rende compte que je parlais par expérience et non pas par romantisme idyllique animé par les histoires d’amour de livre. Mon cœur battait trop vite et trop fort. Je savais qu’il serait capable d’aimer une personne autant que je pouvais bien l’aimer lui. Cependant, je savais que cela ne lui était pas encore arrivé. Il n’avait jamais regardé ses petites-amies avec une étincelle d’amour profond. Il n’avait jamais regardé ses petites-amies comme s’il s’en souciait réellement. Peut-être la jalousie m’aveuglait-elle. Peut-être faussait-elle mon jugement. Cependant, j’aimais croire qu’il n’avait pas encore eu le temps de trouver l’âme sœur et que, pour l’instant, il m’appartenait. Il m’appartenait comme la promesse d’un mariage m’appartenait, même si je savais pertinemment qu’elle ne serait probablement jamais tenue. « Je n’ai peur de rien. Je ne voulais juste pas te faire attendre plus que nécessaire. Je suis sûr que si aucune autre n’arrive à me compléter comme tu le fais d’ici sept ans, c’est que tu es la bonne. Je te donne juste une petite chance de tenter de me remplacer. » me lança-t-il et j’esquissai un sourire. Il croyait que je pourrais lui suffire et je n’étais pas sûre d’être d’accord avec cela. Alors, au lieu de m’entrainer dans un interminable débat dont la conclusion ne me satisferait de toutes manières pas, je préférais ne rien répondre et parler de ces garçons qui ne me voyaient pas. De cette vie de solitaire qui me collait à la peau. Peut-être étais-je née pour finir seule. Cette pensée me fit esquisser un sourire ; l’ironie du sort avait voulu que je ne naisse même pas toute seule mais avec une sœur jumelle qui était à dix mille lieues de me ressembler. « Scarlet est très jolie. C’est l’avis général. » me dit-il, faisait presque échos à mes pensées. « Tu es sa copie conforme. Physiquement. Tu as le même potentiel de séduction, c’est juste que tu ne te mets pas beaucoup en avant. Beaucoup de garçons te trouvent jolie. Autre que les geeks que tu côtoies. » Je fronçai les sourcils. Je ne voyais pas comment il pouvait se permettre d’avancer une telle chose. Doucement, je tournais la tête vers lui en le détaillant du regard, comme pour chercher la faille de son mensonge. « Tu trouves que je ne me mets pas en valeur ? » demandai-je. Il y avait une nuance subtile entre se mettre en avant et se mettre en valeur. Je voulais simplement connaître son avis concernant cette fine ligne qui semblait me retenir. « Tu as des noms en tête ? Parce que je ne vois pas de qui tu peux bien parler. Je suis invisible dans les couloirs, je te rappelle. » J’esquissai un léger sourire avant de secouer la tête. J’étais invisible. Invisible sauf quand on décidait de s’en prendre à moi. Invisible sauf que j’étais avec Julian, parce que dans ces moments-là j’avais l’impression de briller de mille feux. A mes côtés, il commença à s’agiter avec un sourire sur les lèvres. « Je veux faire une petite balade. » me lança-t-il. J’ouvris aussitôt la bouche pour désapprouver, mais il fût plus rapide que moi. « Je crois que j’aurais besoin de toi pour marcher… » Il tendit les bras en face de lui et, sans attendre, je me levai. J’essayai mes jambes couvertes de sable avant d’attraper ses deux mains et le tirer en avant, tentant de ne pas lui faire mal. Je savais que toutes mes précautions seraient vaines. Qu’il aurait mal quand même. Mais je me bornai à tenter d’alléger ses peines. « Evidemment que tu as besoin de moi pour marcher. » lui dis-je en glissant mon bras droit dans son dos et mon gauche autour de son torse afin de lui donner un appuie sur mon corps. « Sincèrement, je pense qu’on aurait dû prendre avec nous la chaise roulante. Ça aurait été dix fois plus facile, pour toi surtout. J’aurais fait tout le boulot. » Je me mis à rire, tandis que nous progressions tout doucement sur la plage. Elle me semblait presque déserte ; les habitants de la ville, à cette heure-ci, étaient bien trop occupés à dîner pour sortir dans la fraicheur du soir. Je repensais à mon père et sa maison perdue au milieu de nulle part. Je repensais à ces soirées à me perdre dans son immense jardin, ou bien à simplement s’installer dans le rocking chair pour lire. Je sentis mon cœur s’affoler tandis que l’impulsion inondait mes veines. « Dis, Julian, ça te dirait de venir passer une semaine chez mon père avec moi ? Je lui ai tellement parlé de toi qu’il a vraiment envie de voir à quoi tu ressembles en vrai. » lui demandai-je en tentant de contrôler le feu qui montait à mes joues. Mon cœur battait. Mon cœur battait si vite. J’avais masqué la moitié de ma demande en y incluant mon père, rejetant partiellement la faute sur lui comme pour montrer à Julian qu’il n’avait rien à craindre. Que ma demande n’était pas si déplacée que cela. Que je n’étais pas complètement et profondément amoureuse de lui depuis le jour où nous étions devenus meilleurs amis.
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(✰) message posté Mar 26 Aoû 2014 - 16:41 par Invité
cardiff - june, 11th 2010; & I don't want the world to see me. Cause I don't think that they'll understand. You're the closest heaven that i'll ever be. C’était un moment magique. Et il n’y avait rien au monde pour me détourner de la grâce céleste qui enveloppait doucement mon corps. J’avais chaud. J’étais calme et détendu pour la première fois depuis des années. Cette affection grandissante était comme la fièvre, tiède et reposante, enivrante et maléfique. Je sentais chacun de mes muscles se ployer, prosterné devant le trône d’une reine malfaisante. Mon cœur se serra avant de reprendre son rythme effréné. J’étais le libre étalon à nouveau. J’étais prêt à voler au-dessus des landes, à défaut de galoper. Mon genou éclopé était une souffrance secondaire, un mal insignifiant face à ce que mon âme esseulée subissait. Voilà l'effet Eugenia Lancaster. Je me cambrai en la regardant pour la énième fois. Mes iris d’un sombre bleu, presque gris, perçaient tous ses mystères. Je ne faisais pas que l’admirer. Son visage était un point d’encrage, la manière pathétique et subtile que j’avais trouvé pour fusionner avec mon amour déchu. Tout se passait dans ma tête. Cette avalanche de pensées et de divagations grouillaient à l’intérieur de ma boite crânienne, mais mon expression feignait l’ignorance. Une ombre de sourire se dessina sur ma bouche crispée. Un fantôme mensonger. Une mascarade ridicule. Je frôlai sa main dans le sable, manquant de croiser ses longs doigts à maintes reprises. Un soupir m’échappa.
« Je pense que tout le monde est capable d’aimer. D’aimer n’importe qui. Même toi, même si je pense que tu ne sais pas encore ce que ça fait. Quand tu aimeras quelqu’un, tu le sauras. Et tu l’aimeras avec toutes les cellules de ton corps, avec tous les battements de ton cœur et tout l’air que tu inspires. Tu l’aimeras à en avoir mal d’amour, tu l’aimeras à vouloir passer tout le temps que tu peux avec, tu l’aimeras à en crever d’amour lorsque tu te rendras compte que tu ne pourras pas forcément l’avoir, mais tu l’aimeras tellement fort que tu seras capable de faire le sacrifice de tes sentiments pour qu’elle soit heureuse. »
Je déglutis en silence. Elle avait raison par moments. Même moi, malgré mes écarts de conduite et la distance que je m’évertuais à dresser dans mon cœur, je pouvais aimer. La vérité c’est que j’aimais déjà une personne à en mourir. Je connaissais le mal d’amour et les vertiges de la désillusion. Je connaissais la tromperie et le sacrifice des sentiments. Ma langue me brûlait de toutes ces vérités venimeuses, mais pour une raison qui me dépassait je restais plongé dans ma solitude. Ma prison ténébreuse était un endroit calme et humide où je pouvais survivre sans craindre de m’oublier. Ma prison était la transition entre le rêve de l’enfant et l’ambition de l’adulte. Je lui souris, sans aucune émotion. Il y ‘avait dans ses propos une amertume qui touchait mon cœur. Une vérité tristement déroutante. Je me surpris à penser qu’elle m’avait démasqué. Elle avait peut-être compris que j’étais fou d’elle. Elle avait peut-être décidé de fermer les yeux sur ma bêtise. Je serrais les poings.
« Je ne sais pas. » Murmurai-je d’un ton las, presque endormi.
Je crois que quelque part je m’étais fait à l’idée que toutes mes allusions seraient vaines. Je connaissais assez Eugenia pour savoir que c’était une vraie tête de mule. Dans son esprit, ses fausses impressions faisaient la loi envers et contre tout. Envers et contre moi.
« Tu trouves que je ne me mets pas en valeur ? »
Je me redressai nonchalamment, presque arrogant. Je ne comptais pas tomber dans son piège vicieux. Je maniais assez les mots pour savoir qu’elle défiait ma fibre littéraire. J’arquai un sourcil, à moitié amusé.
« Je pense que tu ne te mets pas en avant. » Répétai-je sans explication superflue. Mon arrogance et mon talent pour les bras de fers intellectuels, étaient mon plus grand atout pour réussir ma carrière de journaliste. Je ris un peu. « Tu te soucis de mon avis sur toi ? Je peux comprendre, après tout je suis un homme moi aussi … »
J’haussai les épaules avec désinvolture.
« Les amitiés garçons-filles sont un peu compliquées, mais si tu as besoin de conseils : Ta poitrine n'est pas assez découverte. » M’amusai-je avant de détourner les yeux.
Je n’étais pas prêt pour ce jeu malsain. Mais elle me prendrait sûrement pour un idiot si je me terrais dans le silence, où si je répondais aux appels de colère qui tambourinaient dans mes oreilles. Mon estomac fut traversé par un spasme. Je sentis l’appréhension ramper tout le long de mon transit, vers des coins obscures et inconnus de mon abdomen.
« Tu as des noms en tête ? Parce que je ne vois pas de qui tu peux bien parler. Je suis invisible dans les couloirs, je te rappelle. »
Je retins ma respiration.
« Nous sommes au lycée. Les hormones de puberté font la loi. Tu pourrais faire craquer n’importe quel baveur. »
J’étais sceptique et irrité. Je jetais mon dévolu sur les étendues de sable et de poussières dorées qui virevoltaient sur la plage. Le vent se faisait plus violent en cette fin de journée. J’avais fait quelques pas au loin, trainant ma jambe et mes blessures.
« Evidemment que tu as besoin de moi pour marcher. » Je lui souris. « Sincèrement, je pense qu’on aurait dû prendre avec nous la chaise roulante. Ça aurait été dix fois plus facile, pour toi surtout. J’aurais fait tout le boulot. »
Je fronçai les sourcils.
« Tu veux pousser une chaise roulante sur le sable. Tu es vraiment blonde ? » Me moquai-je. « Je n’aime pas l’idée d’être à ta merci. Je le suis de quelques manières quand je prend appui sur toi, mais quand je boite j’ai une illusion d’indépendance. Et ça suffit à arnaquer ma fierté.»
Nous avancions doucement sur la plage. Je voyais bien qu’Eugenia s’appliquait dans sa tâche. Son corps frêle se courbait au gré des exigences de mon articulation douloureuse. J’eus un sourire triste. C’était ces petits gestes désintéressés et son altruisme qui m’avaient fait sombrer. Je serrais ma prise sur son épaule, reniflant les senteurs de coco et de mer qui se dégageaient de chacun de ses mouvements. Je fermai les yeux un instant, enivré, quand sa voix m’extirpa de mes rêves.
« Dis, Julian, ça te dirait de venir passer une semaine chez mon père avec moi ? Je lui ai tellement parlé de toi qu’il a vraiment envie de voir à quoi tu ressembles en vrai. »
Je m’arrêtai net. Mon cœur en suspens dans ma poitrine tiqua à cette proposition. Je savais à quel point Ginny idéalisait son père, même si je ne l’avais jamais rencontré. Je sentis mes joues chauffer. Je suppose que j’étais flatté et incroyablement intimidé par une figure paternelle que je n’avais jamais réellement connu. Je retins mon souffle quelques instants.
« Si ça ne tenait qu’à moi, oui. » Ma voix n’était que murmure. Je lui fis lentement face, mes deux bras posés de part et d’autre sa taille afin de maintenir mon équilibre. « Cet endroit est un dead-end. On devrait partir. Quitter le pays. »
La tonalité de ma voix était remplie d’allégresse. Je ris à gorge déployé.
« Pourquoi tu n’as jamais pensé à choisir Liverpool ? »
Cette question me torturait depuis des semaines. Je la fixais d’un air absent. Pourquoi ne veux-tu pas rester avec moi encore et à jamais ?
cardiff - june, 11th 2010; what if we found our soulmate at the wrong time? - i've realized that no matter where you are or who you're with i will always, truly, completely love you. ✻✻✻ Effacée. Cela était sans doute l’adjectif qui me convenait le mieux. Celui qui m’allait comme un gant. Celui avec lequel on pourrait remplacer mon prénom sans que personne ne voit quelque chose à y redire. J’avais beau avoir une forte personnalité, cela ne m’empêchait pas de n’être qu’un fantôme, de n’exister que dans certaines vies, de n’exister que pour certaines personnes. Je n’étais qu’un meuble. Une personne oubliée. J’étais là sans être vue. J’étais là sans vivre réellement. Je n’étais qu’une tâche sur un tableau, un motif sur une tapisserie, des notes de musique oubliées sur une immense partition. Mais, au fond, cela ne me dérangeait pas. J’aimais savoir que les autres, en m’oubliant, oubliaient également que je voyais des choses que je n’étais pas censée voir. Que j’entendais des choses que je n’étais pas censées entendre. Que je savais des choses que je n’étais pas censée savoir. Je me plaisais à me dire que je pouvais faire de la vie de n’importe qui un enfer, dans cet établissement. Mais je ne le faisais pas. Ils avaient beau s’en prendre à moi, je n’avais jamais réussi à franchir le pas pour leur rendre la monnaie de leur pièce. Au fond, j’étais peut-être réellement un fantôme. Une fille oubliée. Une personne qui s’oubliait elle-même. Mais je m’en fichais. Je n’aspirais à rien hormis survivre ces années qui avaient été un calvaire ; je n’aspirais à rien hormis être avec lui dès que j’en avais l’occasion. Je demeurais persuadée que Julian m’avait sauvé, quelque part. J’étais bien incapable d’imaginer mes années lycée sans sa présence réconfortante, sans son sourire taquin et ses boucles blondes. J’étais bien incapable d’imaginer ma vie sans lui avec tous les côtés qu’il pouvait bien avoir. Sans lui, j’aurais été seule. Sans lui, je n’aurais jamais compris que certaines personnes méritaient d’être connues. Sans lui, je n’aurais jamais su ce qu’était d’aimer une personne de tout son cœur. Son avis sur moi comptait, comptait sans doute bien trop. Jamais il n’avait franchi les limites, cependant ; cela avait été comme s’il avait choisi ses mots à chaque fois qu’il avait bien pu me complimenter. Je n’avais jamais réellement su s’il me trouvait trop maigre. S’il aimait ma façon de m’habiller, avec mes robes et mes vestes, mes bottines et mes grandes lunettes. S’il préférait quand mes cheveux étaient attachés ou détachés. Je déglutis en l’observant, cherchant des réponses au fond de son regard. Je me fichais bien des autres. Je me fichais bien d’attirer les regards. Je le voulais simplement, lui. « Je pense que tu ne te mets pas en avant. » me répéta-t-il et j’observai le ciel. Je n’étais pas comme Scarlet. Je ne voulais pas briller de mille feux. Je voulais simplement lui plaire à lui, bien que je sache pertinemment que je n’étais sans doute pas son genre de fille. Il n’y avait qu’à voir sa dernière conquête en date, blonde comme les blés aux yeux azurs. « Tu te soucis de mon avis sur toi ? Je peux comprendre, après tout je suis un homme moi aussi… Les amitiés garçons-filles sont un peu compliquées, mais si tu as besoin de conseils : ta poitrine n'est pas assez découverte. » Il détourna le regard à l’instant même où je baissai les yeux sur mon décolleté sage. J’esquissai un vague sourire en secouant mes cheveux. Je ne savais pas si j’étais déçue ou amusée. Je ne m’étais pas attendue à ce genre de réponse ; mais, à vrai dire, je ne savais même plus ce à quoi je m’étais attendue au fond. « Ce n’est pas une paire de seins qui va changer la donne. » J’haussai vaguement les épaules en l’observant. Cependant, dans un coin de ma tête, je notai d’opter pour des vêtements plus femme et moins gamines la prochaine fois que je me retrouverais dans un magasin de vêtements. Juste pour voir. Juste pour lui faire plaisir, à lui, peut-être. Les autres ne m’intéressaient pas. « Nous sommes au lycée. Les hormones de puberté font la loi. Tu pourrais faire craquer n’importe quel baveur. » Je l’observai sans rien dire, tentant de ne pas froncer les sourcils lorsque je constatai qu’il était irrité par la conversation. Je ne comprenais pas ce qui ne lui convenait pas. Ce qui n’allait pas. Hormis le fait qu’il ne me voit pas comme j’aurais aimé qu’il me voie. Je finis par me lever pour l’aider à marcher, attentive à ce qu’il ne se fasse pas mal, suivant son rythme même si j’aurais sans doute préféré courir. Mais peu importe. Je me souciais bien plus de lui que de mes envies. C’était sans doute mon principal défaut. Je le plaçais lui avant tout le reste et je m’oubliais comme les autres pouvaient bien m’oublier. J’étais une enfant perdue. Perdue dans ses sentiments et dans une amitié qui ne faisait que la ronger chaque jour un peu plus. « Tu veux pousser une chaise roulante sur le sable. Tu es vraiment blonde ? » me demanda-t-il et je dus me retenir de lui donner un coup de coude. Je me sentais presque vexée, même si au fond je savais qu’il n’avait pas tort ; j’avais simplement parlé sans réfléchir. Le domaine médical m’était si étranger, après tout. J’étais une fille de recherche. Une fille littéraire. Une fille d’action. Pas une fille prête à tout connaître de la science et de la nature humaine. Toutes ces choses me paraissaient bien trop étrangères. « Bah quoi ? Ça ne roule pas sur le sable ? » lui demandai-je avec effronterie avant de pousser un soupir, amusée. « De toutes manières, je ne suis pas née avec un manuel sur les chaises roulantes, monsieur. Et je compte bien pouvoir utiliser mes deux jambes jusqu’à la fin de mes jours et n’en avoir jamais besoin. » Je me mordis l’intérieur de la joue en continuant de marcher. Je me sentais sans cesse idiote en sa présence. J’avais l’impression de n’être qu’une gamine puérile, mais je tentais de me rassurer en me disant qu’il aimait sans doute ce côté de ma personnalité. Que cela lui convenait dans tous les cas, quoi qu’il arrive et quoi qu’il se passe. Qu’il était encore là à m’entendre dire des bêtises. Je n’étais pas brillante. Je ne savais même pas si je pouvais me qualifier d’intelligente. J’étais simplement observatrice et curieuse. J’étais à des kilomètres d’être aussi vive que lui. « Je n’aime pas l’idée d’être à ta merci. Je le suis de quelques manières quand je prends appui sur toi, mais quand je boite j’ai une illusion d’indépendance. Et ça suffit à arnaquer ma fierté. » J’esquissai un léger sourire en continuant de l’aider. Il cherchait à se prouver des choses que je considérais comme futile, mais je me gardais de faire tout commentaire. A la place, je continuais de l’aider, parce que cela était sans doute la chose que je saurais mieux faire en cet instant. L’aider. La journée filait dans le ciel au rythme que le soleil se couchait à l’horizon. Je sentis une vague de frisson traverser mes bras tandis que je proposais à Julian de m’accompagner chez mon père durant les vacances d’été ; la peur semblait saisir mon ventre au fil de mes mots et de ma question. J’avais peur de franchir la limite du raisonnable, mais cela ne sembla pas le mettre mal à l’aise. Au contraire. Doucement, il vint se poster devant moi, ses bras se retenant à ma taille, et je levai légèrement les yeux pour l’observer. « Si ça ne tenait qu’à moi, oui. Cet endroit est un dead-end. On devrait partir. Quitter le pays. » Je tournai la tête pour observer les vagues salées qui venaient s’échouer sur le sable. Il avait raison, au fond. Cardiff était la fin de la route. Il n’y avait plus rien après cela. « Pourquoi tu n’as jamais pensé à choisir Liverpool ? » J’eus l’impression que sa question sortait de nulle part, et je fronçai les sourcils en l’observant. J’avais songé à le suivre. Un nombre incalculable de fois. Cependant, j’avais toujours été retenu par une centaine de raisons différentes. J’avais été persuadé que ce choix n’aurait pas été le plus facile. Alors, je l’avais simplement abandonné, persuadée que cela était sans doute pour le meilleur. « Sans doute pour les mêmes raisons qui t’ont poussé à ne pas songer à choisir Londres. » lui murmurai-je, incapable de l’observer dans les yeux. « C’était ton rêve et pas le mien, Jules. Tu sais très bien que je pensais au King’s College bien avant que l’on se rencontre. » Je parlais d’une toute petite voix, guère assurée par ce que je pouvais bien avancer. Nous n’avions pas rêvé des mêmes choses. Cela était pourquoi nous nous retrouverions séparés. Peut-être n’avions-nous même pas été faits pour être ensemble. Nos ambitions étaient bien trop différentes. Nos désirs se trouvaient à des milliers de kilomètres l’un de l’autre. Son cœur se trouvait à des années du mien. Tous mes sentiments avaient été voués à l’échec avant même que l’on ne s’adresse la parole pour la première fois. « Je ne pense pas que tu aurais voulu de moi dans tes pattes à Liverpool, de toutes manières. Tu comprendras bien vite que je ne suis qu’une pauvre gamine native de Cardiff lorsque tu seras bien installé là-bas. Mais tu sais quoi ? Je ne t’en voudrais même pas, parce que tu auras enfin toute la reconnaissance et la vie que tu mérites. » Je lui fis un sourire en portant doucement ma main à sa joue, la caressant du bout des doigts avant de faire retomber mon bras le long de mon corps. Je ne serais qu’un souvenir, sans doute. Et, lui, sera la plus belle chose qui me soit arrivé au cours de ma vie.
cardiff - june, 11th 2010; & I don't want the world to see me. Cause I don't think that they'll understand. You're the closest heaven that i'll ever be. Je regardais les vagues s’écraser sur les entendues de sables et de poussières. Le silence qui enveloppait mon esprit en cet instant précis, était salvateur. Mon cœur s’enivrait, enchanté, et amoureux de la plénitude ambiante. Je pouvais presque quitter mon corps éclopé afin de voguer dans les hauteurs des cieux et du rêve. Je voulais tellement qu’elle me voit tel que j’étais réellement ; un être en manque d’affection et follement ambitieux. Pas l’enfant battu par un père ivrogne. Pas un orphelin déchu de sa terre natale. J’étais tantôt le fils des landes écossaises, tantôt l’enfant libanais en mal du pays. Londres avait retracé la grande majorité de mon enfance. J’avais le plus de souvenirs dans les banlieues familiales, ou sur les cours de jeux avec Robin. Mais c’était un aspect de moi que je ne citais que rarement, de peur qu’elle découvre que mon véritable meilleur ami était ailleurs, et qu’elle n’était rien d’autre que la femme de ma vie. Je baissai les yeux, incapable de la regarder dans les yeux. J’espérais qu’elle abrège mes souffrances par un baiser. Un seul. Cette conversation était un petit manège ridicule. Mes lèvres s’écorchaient à chaque mot que je prononçais, à chaque invitation à la dépravation que je lui faisais. Eugenia, tu es bien dans ta bulle. Restes-y à tout jamais, en attendant que vienne de prendre. Ne découvre pas ta poitrine, tes jambes ou tes atouts. Attends-moi juste. Je soupirai. Mon irritabilité était palpable. Je pris sur moi afin de contrôler mes pulsions de colère. En vain.
« Ce n’est pas une paire de seins qui va changer la donne. »
J’esquissai lentement de la tête. Mon geste était las, fatigué, et agacé. Il fallait se l’avouer. L’idée même qu’elle puisse plaire à d’autres, ou qu’elle envisage de sortir avec quelqu’un me sciait en deux. Je réalisais à quel point mon raisonnement manquait de discernement, après tout j’enchainais moi-même les enquêtes. Mais au fond, je lui appartenais. Tout du moins sentimentalement. Je pouvais lu certifier que mon cœur ne jurait que par son prénom, que mon âme ne dansait qu’au gré de ses humeurs. Je fermai les yeux pendant une fraction de secondes.
« Tu as sans doute raison. » Soufflai-je dans ma barbe. « De toute façon le lycée c’est fini. On dit que les années fac sont les meilleures, tu pourras sans doute faire des ravages et accumuler les conquêtes. C’est chouette comme vendetta.» Crachai-je d’une voix fluette. Je tentais de cacher mon désarroi, mais mes paroles et mes sentiments prenaient deux directions différentes. Pouvait-elle remarquer mon malaise ? Pouvait-elle deviner que je la voulais pour moi tout seul ? Le vent glacé de la mer se leva, m’intiment le silence. Je me laissais submerger par la mélancolie de mes amours. * Nous nous étions levés. La position debout, bien qu’inconfortable me permettait de soulager un peu ma conscience. Je me sentais moins oppressé par les plans de drague future d’Eugenia. Je m’accoudai à elle avec plus de force, fermant mes doigts sur le tissu léger de sa robe. C’était une façon stupide de m’accrocher Je me terrais dans le mutisme afin de ne pas perdre la face, mais parfois je me demandais si c’était une idée brillante. Je venais à regretter mon manque d’audace. Je déglutis. Eugenia se tenait à mes côtés, légèrement amusée par ma remarque.
« Bah quoi ? Ça ne roule pas sur le sable ? » Me répondit-elle avant d’enchainer. « De toutes manières, je ne suis pas née avec un manuel sur les chaises roulantes, monsieur. Et je compte bien pouvoir utiliser mes deux jambes jusqu’à la fin de mes jours et n’en avoir jamais besoin. »
Un petit sourire fit courber le dessin de mes lèvres serrées. Je me penchai délicatement afin de lui murmurer à l’oreille.
« Tu sais c’est sympa de se faire pousser. » Raillai-je. « Puis je peux faire un tas de caprices, je sais que tu te plieras à n’importe laquelle de mes volontés. Certes par pitié, mais du moment que tu m’obéis. » Soufflai-je, d’un air coquin. Le bout de ma langue frôla le lobe de son oreille et j’eus un raté. J’étais transporté par son contact. Ma poitrine se ploya avant de se décaler. Mes yeux écarquillés exprimaient la profondeur de ma surprise face à cette avalanche de sensations. C’était presque aussi gênant que la fois où je m’étais réveillé en pleine nuit, à ses côtés avec une énorme érection. Je me mordis la lèvre inférieure, en rougissant.
« Tu as bon gout. » Lançai-je à tout hasard pour éviter de m’enfoncer dans l’embarras. « D’abord je te pelottes, puis je te lèche … Tu pourras te vanter d’avoir eu droit à des prélimères torrides avec Julian Fi. » J’émis un petit rire.
Le soleil couchant plongeait ces lieux magiques dans une pénombre presque romantique. Je crispai mes mains autour de la taille d’Eugenia, tandis que mes yeux azur la fixaient avec exaltation. Elle était d’une beauté irréelle. Je n’arrivais pas à réaliser qu’elle était là, en face de moi, et que je pouvais la contempler comme une œuvre d’art. Ma main trembla tandis que je touchai sa joue lisse. Je voulais me perdre dans l’éternité de cet instant. Mais elle me coupa cours en répondant à mon interrogation. Décidément, notre séparation imminente ne pouvait être ignoré trop longtemps.
« Sans doute pour les mêmes raisons qui t’ont poussé à ne pas songer à choisir Londres. »
Je pris un air sérieux.
« J’essaie de venir à Londres pendant un semestre. » Chuchotai-je. « Je le fais pour toi Ginny. »
« C’était ton rêve et pas le mien, Jules. Tu sais très bien que je pensais au King’s College bien avant que l’on se rencontre. »
« Je sais. C’est égoïste de poser la question. »
Je savais que je n’avais pas le droit de lui demander de me suivre dans ma quête du succès. Mais malgré tous les codes d’éthiques et les valeurs risibles de l’amitié que je lui portais, je ne pouvais m’empêcher de la vouloir à Liverpool avec moi. Je lâchai prise sur son corps afin de pivoter de côté.
« Je ne pense pas que tu aurais voulu de moi dans tes pattes à Liverpool, de toutes manières. Tu comprendras bien vite que je ne suis qu’une pauvre gamine native de Cardiff lorsque tu seras bien installé là-bas. Mais tu sais quoi ? Je ne t’en voudrais même pas, parce que tu auras enfin toute la reconnaissance et la vie que tu mérites. »
« Ne dis pas n’importe quoi. » Commençai-je d’une voix claire et dégagée. « Je te veux dans mes pattes à Liverpool plus que tout au monde. Si tu savais. » J’haussai les épaules. « De toute façon ça me fera du bien de retourner à Londres. Je pourrais peut-être me recueillir sur la tombe de ma mère et tu pourras rencontrer Robin, mon meilleur ami depuis que je sais me tenir debout. Bon on dirait pas comme ça, mais je sais tenir debout. Il pourra toujours te rendre service, une fois que je serais parti. »
Je la regardai au coin.
« Viens dans mes bras. » L’invitai-je le visage inexpressif. Alors qu’au fond, chaque cellule de mon corps criait d’amour pour elle.
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(✰) message posté Jeu 11 Sep 2014 - 0:15 par Invité
cardiff - june, 11th 2010; what if we found our soulmate at the wrong time? - i've realized that no matter where you are or who you're with i will always, truly, completely love you. ✻✻✻ Nos pas étaient lents, guère assurés, troublés par sa démarche douloureuse et mes bras trop frêles pour le soutenir correctement. Nos pas ne nous conduisaient nulle part non plus, d’ailleurs, mais cela n’importait peu ; j’étais avec lui, et en cet instant, et cela était la seule chose qui semblait compter dans mon existence. Mes pieds foulaient le sable et j’y trouvais une part de réconfort, comme si je me sentais chez moi, comme si je retrouvais enfin cette plage qui avait rythmé ma vie ici, à Cardiff. Au fond, il pouvait m’emmener où il le souhaitait. Je me savais capable de me sentir chez moi n’importe où, tant qu’il y était avec moi. Il pouvait me déclarer le lendemain qu’il désirait s’en aller en Asie ou en Afrique, et j’aurais simplement fait mes affaires pour m’enfuir avec lui. M’enfuir et me sentir chez moi là où il m’emmenait. Mais une part de moi savait qu’une telle chose ne se produirait jamais réellement. Une part de moi savait qu’il n’était pas à moi et qu’il ne le serait jamais. Une part de moi savait que, malgré toute l’affection qu’il pouvait me porter, je ne lui serais jamais suffisante. Après tout, il était né pour briller. Il était né pour être reconnu, pour être admiré, pour se faire sa place dans ce monde hostile et vaniteux et se construire une grande destinée. Et moi, je n’étais qu’une gamine de divorcés, une gamine oubliée. Je n’avais jamais aspiré à la reconnaissance. Je n’avais jamais aspiré à la popularité, à toutes ces choses qui me semblaient si lointaines, à me faire un nom sur cette Terre et à être reconnue pour ce que je faisais. Je m’étais effacée du monde. J’avais vécu dans mon propre univers. Alors, aussi fort pouvait-il bien me porter dans son cœur, je n’étais pas suffisamment à la hauteur pour une personne comme lui. Cette simple pensée me brisait le cœur, mais je l’acceptais, comme j’acceptais le fait que mes sentiments soient à sens unique. Après tout, nous étions deux étoiles. Deux étoiles qui ne partageaient pas la même constellation. Nous nous trouvions à des années lumières l’un de l’autre. Mais, malgré la distance, j’avais l’impression qu’il brillait bien plus fort que les autres. J’étais innocente et gamine, à côté de lui. Je me trouvais puérile, mais je ne pouvais pas me battre contre ce que j’étais. Je ne pouvais pas me battre contre ce corps qui voulait sans cesse bouger, contre ces paroles qui fusaient. Je riais aux éclats. J’étais enjouée et dispersée, énergique et passionnée. Je ne connaissais pas réellement de limites, hormis peut-être celles de mon cœur ; je me fichais de ce que les autres pouvaient bien penser sur moi, sauf lorsqu’il s’agissait de Julian. Il était l’exception. Il faisait tout le temps l’exception. « Tu sais c’est sympa de se faire pousser. » me dit-il et j’eus un sourire malgré moi. « Puis je peux faire un tas de caprices, je sais que tu te plieras à n’importe laquelle de mes volontés. Certes par pitié, mais du moment que tu m’obéis. » Je levai les yeux au ciel. Il comparait sans cesse mon amitié à la pitié, comme si cela était le fondement même de mes motivations à être devenue sa meilleure amie au fil du temps. J’avais beau le reprendre à chaque fois, rien ne changeait ; il était aussi têtu que moi, après tout. Il refusait la vérité telle que je la voyais. « Je ne suis pas le genre de fille à avoir pitié, je pensais que tu le savais, ça, au moins. » Il était près. Sans doute trop. Son souffle balayait les mèches de cheveux qui volaient près de mon oreille et, sans que je m’y attende, je sentis le contact de sa langue sur ma peau, une décharge électrique parcourant mon lobe avec douceur. Un frisson me parcourut, partant de mon bas ventre pour venir sur loger dans ma poitrine, et je fis un pas en arrière. Son regard était surpris, et je compris que ce geste n’avait pas été prémédité ; mon cœur affolé battait à tout rompre dans ma poitrine, et je m’efforçai de garder un visage impassible en l’observant. Les mots demeurèrent coincés au fond de ma gorge. Toutes ces choses qui se passaient au fond de moi n’étaient pas normales. Toutes ces choses que je ressentais n’auraient jamais dû être là. Je pris une profonde inspiration, embarrassée par les réactions de ce corps qui ne demandait que lui. « Tu as bon gout. » me lança-t-il et un rire, nerveux, secoua ma gorge. Je croisai les bras sur ma poitrine en l’observant. « D’abord je te pelote, puis je te lèche… Tu pourras te vanter d’avoir eu droit à des préliminaires torrides avec Julian Fi. » Il se mit à rire, et j’en fis de même, mon cœur n’y étant qu’à moitié. C’était sa façon de détendre l’atmosphère, sans doute. Sa façon de faire comme si tout était normal, comme s’il ne s’était rien passé. Je m’éclaircis la gorge. « C’est tout ? Je suis un peu déçue par ces préliminaires, monsieur Fi, j’avais entendu des choses bien pu élogieuses à ton égard. » Je lui adressai un sourire, pleine d’un entrain feint. Doucement, mes doigts effleurèrent mon oreille, encore brûlante suite à son contact. J’aurais aimé que sa bouche vienne effleurer mes lèvres, à la place. Mais qui étais-je pour choisir. Je n’avais pas le choix, dans tout ce qu’il faisait ; j’étais une poupée entre ses mains, une poupée timide et amoureuse, une poupée innocente et qui ne savait plus quoi faire. Je pris une inspiration, le vent balayant mes cheveux. Il était beau, dans ce couché de soleil. Il était un jeune homme d’ailleurs mais j’avais l’impression qu’il avait sa place sur cette plage, qu’il avait sa place où qu’il puisse bien aller. Il se pensait peut-être faible mais je savais que cela n’était pas le cas ; il avait vécu des choses qu’il n’aurait sans doute jamais dû connaître mais cela l’avait rendu plus fort qu’il n’oserait jamais l’imaginer. Il pouvait s’en sortir, seul. Je n’en doutais pas une seule seconde. Cependant, je ne savais pas si je serais suffisamment forte pour m’en sortir sans lui. « J’essaie de venir à Londres pendant un semestre. » me rappela-t-il. « Je le fais pour toi Ginny. » Je pris une profonde inspiration en hochant simplement la tête. Il faisait cela pour moi alors que je lui avais dit qu’il n’y était pas obligé. Au fond, peut-être me prenait-il pour une gamine ; peut-être savait-il que je serais perdu sans lui à Londres. Je déglutis avec difficulté. J’aurais aimé avoir les mêmes rêves que lui. Avoir les mêmes ambitions que lui. Mais nous étions nés différents, et nous continuerons de vivre en étant des opposés ; la vie faisait et défaisait des liens. Personne ne pouvait aller à l’encontre de sa propre destinée. « Je sais. C’est égoïste de poser la question. » finit par admettre. Au fond, cela ne l’était pas ; je demeurai simplement persuadée qu’il n’aurait plus besoin de moi, une fois à Liverpool. Je ne serais que son passé venu encombrer son présent. Ses souvenirs venus parasiter son succès. Ma gorge était nouée ; j’acceptais ces faits sans rien n’y fait, j’acceptais ces faits parce que je l’aimais si fort que j’étais prête à le laisser partir pour qu’il soit heureux, pour une fois, dans son existence. Je souffrais en silence. Je souffrais en silence parce que je connaissais déjà l’issue de notre relation avant même que nous ne nous soyons séparés. « Ne dis pas n’importe quoi. » me dit-il. Sa voix était claire, son ton dégagé. Je secouai la tête, refusant d’entendre ses paroles d’écrivain, refusant d’entendre ces rêves qu’il était capable de me vendre. Il était doué, après tout. Doué avec les mots. Doué avec mon cœur. « Je te veux dans mes pattes à Liverpool plus que tout au monde. Si tu savais. » poursuivit-il, et je l’écoutai malgré tout. Je sentis mon cœur rater un battement. J’avais l’impression d’entendre une déclaration d’amour. Mais cela n’était qu’une chimère. Un rêve que mon esprit montait de toutes pièces. « De toute façon ça me fera du bien de retourner à Londres. Je pourrais peut-être me recueillir sur la tombe de ma mère et tu pourras rencontrer Robin, mon meilleur ami depuis que je sais me tenir debout. Bon on dirait pas comme ça, mais je sais tenir debout. Il pourra toujours te rendre service, une fois que je serais parti. » J’esquissai un sourire. Je voulais y croire. Mon cœur y croyait. Mais mes pensées venaient brûler tous mes espoirs avant même qu’ils ne fleurissent réellement en moi. « Viens dans mes bras. » Je n’attendis pas qu’il le répète une seconde fois. Je fendis sur lui, passant mes bras autour de lui, posant ma tête contre son torse. Son contact m’apaisait, comme il m’apaisait à chaque fois. J’aurais pu rester là des heures sans jamais me lasser de son odeur et du rythme régulier de sa respiration. J’aurais pu rester là des heures et continuer de crever d’amour pour ce meilleur ami qui ne serait jamais complétement à moi. Les paupières clauses, j’oubliais la plage, j’oubliais le lycée, j’oubliais toutes ces choses sauf lui. Il n’y avait plus que lui. Lui et lui seul. « J’ai hâte pour ce semestre à Londres. On pourra enfin vivre sans être des reclus de la société. On pourra même être en colocation, qui sait. Tu m’apprendras à être une dévergondée. » marmonnai-je doucement. Mais j’avais peur. Peur qu’il m’échappe. Je vivais constamment avec cette crainte de le perdre. « On ira ensemble visiter ta mère, si tu veux. Et j’ai hâte d’enfin rencontrer ce fameux Robin. » poursuivis-je. Je poussai un soupir, la tête toujours contre son torse. « Mais tu vas tellement me manquer après ça, Jules. Tellement. » J’avais l’impression que mes mots ne suffisaient pas pour exprimer à quel point la détresse inondait mes veines. J’étais presque résignée, également. Résignée à le perdre quoi qu’il arrive. « Souvent, je me dis que si je ne t’avais pas rencontré j’aurais probablement pas réussi à survivre jusqu’à la fin du lycée. Si j’en suis là, au fond, c’est grâce à toi. » J’avais peur de le faire rire, j’avais peur qu’il ne me prenne pas au sérieux, mais ainsi dans ses bras, je ne parvenais plus à garder mes pensées pour moi. Je me laissai bercer par ses inspirations et ses expirations. Je me laissai bercer par tous ces sentiments que je ressentais. Je me laissai bercer par lui, la mer, le vent, le soleil. Je me sentais bien. Je me sentais chez moi.
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(✰) message posté Ven 12 Sep 2014 - 21:42 par Invité
cardiff - june, 11th 2010; & I don't want the world to see me. Cause I don't think that they'll understand. You're the closest heaven that i'll ever be. La plage s’étendait au loin. Nous étions à mille lieux du confort de sa petite chambre douillette et de ses immenses oreillers parfumés. Le vent s’immisçait sous le tissu léger de ma chemise afin de marquer ma peau à tout jamais ; c’était un moment magique. Mon esprit voguait au bord de l’eau, sur la rive de l’oubli et de l’insouciance. Mon esprit partait et revenait à sa rencontre dans une sérénade sans fin qu’elle ne semblait pas remarquer. Comment étais-je tombé amoureux d’une fille aussi décalée du monde ? Nous étions si différents, elle douce et innocente, et moi le visage du mal et de la perversion. Je savais qu’il y’avait une grande part d’obscure en moi qui ne demandait qu’à sortir au grand jour. Je savais que j’étais mauvais et virulent. Le sang bouillonnait à l’intérieur de mes veines, m’insufflant un message sombre que je m’efforçais d’étouffer. Mon visage flambait, mes oreilles bourdonnaient, et je l’aimais à en mourir. Je me mordis la lèvre inférieure.
Je sentais les senteurs de la mer me parvenir de loin. Je fermais délicatement les yeux, enchanté par les dernières lueurs du soleil couchant. Mes narines frémissaient au contact de la mousson et des odeurs marines exotiques. Je me sentais bien. Mon âme ployait de plaisir alors que je serrais ma prise sur la taille d’Eugenia. Ma démarche était lasse et nonchalante, presque autant que les battements de mon cœur. Je me plaisais à croire que c’était l’exaltation qui avait un effet léthargique sur moi. J’étais tellement heureux, ici, à ses côtés, alors je baissais toutes mes gardes. J’étais comblé et incroyablement calme. Cette quiétude était illégitime. Je n’avais peut-être pas le droit de l’aimer à ce point. Je n’avais pas le droit de graver chacun de ces moments dans ma mémoire, comme s’ils pouvaient se dérober ou me filer entre les doigts. Je levai les yeux au ciel : Les nuages s’évanouissaient dans la pénombre dominante. Entre les ombres orangées, les éclats d’azur et les filets rougeoyants, je percevais un espoir. C’était peut-être puéril de ma part, mais je voulais croire en cette magie. Balzac a écrit : « Il se trouve dans certaines villes de province des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou les ruines les plus tristes. » Je pense qu’il se trouve une part de mélancolie partout ailleurs dans le monde. Il y’a dans certaines villes de province des maisons dont la vue inspire une inquiétude égale à celle que provoquent les gouffres les plus béants, les imaginations les plus débordantes ou les phobies les plus improbables. J’avais vu les cloîtres sombres et les landes ternes. Je vivais dans les ruines tristes. Mais quand le cœur, usé et réutilisé, saigne. Quand les blessures, fluides et coulantes, deviennent intouchables. Je savais qu’il y’ avait toujours Eugenia pour me rattraper dans ma chute. C’était absurde, mais ma conviction était inébranlable. Elle était là, petite et fragile, mais elle s’obstinait à me maintenir en équilibre parce que c’était mon amie. Nous avions été créés pour nous détruire avant de nous compléter. Nous devions nous séparer avant de nous retrouver. Je la regardai au coin.
« Je ne suis pas le genre de fille à avoir pitié, je pensais que tu le savais, ça, au moins. » Lança-t-elle subitement, me tirant de ma torpeur. Je lui souris d’un air amusé.
« Bien sûr. Tu es une sans cœur, Lancaster ! » Charriai-je en la bousculant légèrement. Ce n’était pas une très bonne idée. Nous avions failli tomber, mais qu’importe, du moment qu’elle accompagnait ma chute ? « Et alors ? Tu peux bien avoir pitié de ton meilleur ami. Ça veut juste dire que tu m’affectionnes assez pour te sentir mal pour moi. Le concept de la pitié est tout à fait approprié entre amis. » Lançai-je d’un ton dégagé, en prenant quelques airs de grandeur.
J’avais toujours tendance à parler avec passion lorsqu’il s’agissait d’exprimer le fond de ma pensée. Comme si chaque divagation de mon esprit était une quête philosophique noble et compliquée. La littérature était un monde qui m’avait toujours attiré. Je comblais mon incapacité à m’exprimer en couchant chacune de mes frustrations sur papier. Parce qu’au fond tout sentiment n’était que frustration, amour ou haine. Ma soif de culture et d’inspiration était intarissable. Je pouvais rester là, toute la nuit à lire les lignes de poésie et de prose partout dans le décor en face. Je baissai les yeux. Notre proximité était de plus en plus dangereuse. Je sentais les chimères de notre contact s’activer autour de mon estomac. J’eus une montée d’adrénaline, lors de laquelle mon cœur se brisa en mille morceaux. All the broken hearts in the world still beat … Ma conscience vicieuse me passait cette chanson en boucle.
« C’est tout ? Je suis un peu déçue par ces préliminaires, monsieur Fi, j’avais entendu des choses bien pu élogieuses à ton égard. »
J’arquai un sourcil, amusé.
« Tu entends des choses à mon propos ? » M’enquis-je en faisant une moue adorable. « Je suis flatté que mes prouesses sexuelles te fascinent autant. Je me renseignerais sur toi à l’avenir. »
Je me penchai avec lenteur. Ma bouche suspendu au-dessus de la sienne, laissait échapper des souffles de désirs inappropriés. Je tentais de contrôler ma respiration saccadée, mais à cette distance presque inexistence de son visage, c’était tout bonnement impossible. Je me mordis la lèvre inférieure avant de la lécher d’un air pervers. « Il ne faudrait pas me pousser à te prouver le contraire. » Raillai-je. « Si je me lance, je doute que tu puisses stopper mes ardeurs autrement qu’en me cédant ton corps. » Ce n’était qu’à moitié une blague. L’homme n’est riche que de la modération de ses désirs, mais j’étais déjà pauvre, dans le sens littéral. Je pouvais me permettre de tomber dans les vices pervers et les plaisir de la chair. Non ? C’était peut-être extrême. Je me redressai en prenant appui sur ses épaules. Je voyais mon visage placide se refléter dans ses grands yeux verts, ma vision était assombrie par une présence que je ne reconnaissais pas. Pouvions-nous nous regarder dans les yeux sans ternir notre amitié ? Pouvais-je seulement la regarder sans trahir mon secret ? Je soupirai. Je voulais arrêter le temps afin de dériver à tout jamais vers elle. Eugenia était une étoile tortueuse. Je tendis les bras vers le vide.
« Je devrais peut-être essayer de marcher tout seul. »
Cette pensée m’avait échappé. Je fis quelques pas en avant, le souffle court, la démarche chancelante. Je savais que tomber était un luxe que mon articulation éclopée ne pouvait plus se permettre à ce stade de ma rééducation, mais le risque en valait la peine. J’avais besoin de m’éloigner pour mieux revenir vers Ginny.
Je sentais les grains de sable chatouiller ma peau nue. Ma jambe à l’appui se raidissait au contact de la nuit étincelante, de la même façon que mon corps ployait à proximité d’Eugenia. C’était de cette façon que nos horizons divergents se rencontraient. Je ne pensais pas penser à cette relation, ou la nommer d’une façon différente : C’était de l’amour. Le genre d’émotion forte et poignante qui consument un homme afin de le rendre meilleur, ou de le réduire en cendres. J’haussai les épaules troublé par mon idiotie. J’avais le phénix. Je n’avais rien à craindre.
Je sentais l’emprise qu’elle avait sur moi. Je sentais son souffle, son odeur, et sa présence. Elle ne me quittait jamais à vrai dire. Je déglutis en faisant volteface. Mes jambes, même douloureuses finissaient immuablement par me guider vers elle. Comme si sa proximité était la condition nécessaire à ma survie. Comme si mon bonheur dépendait entièrement de son existence. Les ombres enlaçaient mon âme De trop près. J’avais mal de ce surplus de tendresse malsaine. Les ombres fusaient autour de mon esprit et me dévoraient tout cru. Mais je suppose qu’il y’ a pas de lumière sans ombre. C’était pour cette raison qu’Eugenia était là. Plus je la regardais, plus mon sentiment de paix s’encrait en moi, mais plus je me sentais coupable de l’entrainer dans ma chute. Je lui tendis les bras pour l’accueillir contre mon torse. Je rêvais de cette étreinte depuis des jours. Je rêvais de la toucher et de presser chaque parcelle de son corps afin qu’elle ressente ma détresse. Eugenia se précipita à ma rencontre, sans broncher. Son geste était d’une spontanéité désarmante, et pendant une fraction de seconde je pu me délecter d’un doux songe : Elle m’aimait en secret, elle aussi.
Mes bras restèrent ballants quelques instants ; je pense que mon euphorie intérieure me tétanisait. Ou peut-être que je n’arrivais pas à réellement assimiler cette étreinte. C’était trop beau pour être vrai. Trop lumineux pour être contemplé. Je crispai les doigts dans le vide avant de remonter jusqu’à sa nuque. Ma main droite agrippa sa tête afin d’approfondir notre échange spirituel. Je caressai délicatement la naissance de ses cheveux sans relâcher la pression. Mes yeux se fermèrent, transporté par une vague de musique douce ou d’incantation céleste. Mon cœur battait dans le vide, d’un son creux et désordonné, avant de monter dans les aigus. Je soupirai contre sa joue.
« [color:6d0e=#d47cb5 J’ai hâte pour ce semestre à Londres. On pourra enfin vivre sans être des reclus de la société. On pourra même être en colocation, qui sait. Tu m’apprendras à être une dévergondée.] »
Je ne voulais pas lui apprendre à être une dévergondée ou enjouée. Je ne voulais pas la changer. Pour moi, elle était parfaite telle qu’elle était : Candide, innocente et curieuse de façon agaçante ! Mais c’était quoi cette manie de s’immiscer dans l’intimité des gens à leur insu ? Pourquoi s’obstiner à fouiner quand il suffisait de demander ? Je me mis à ricaner. Je connaissais exactement toutes les raisons qui la poussaient à ces folies. Mes lèvres tremblèrent au contact de sa peau.
« On ira ensemble visiter ta mère, si tu veux. Et j’ai hâte d’enfin rencontrer ce fameux Robin. »
Je reserrais ma prise sur elle. Mes bras l’entouraient avec toute la force dont j’étais capable, sur une seule jambe. Elle ne savait pas à quel point ses mots me touchaient. Je ne visitais que rarement la tombe de ma défunte mère. Je crois que j’avais du mal avec le concept. C’était assez particulier de devoir rester assis dans le néant à converser avec une épitaphe usée.
« Tu es trop gentille. » Murmurai-je à mi-voix.
« Mais tu vas tellement me manquer après ça, Jules. Tellement. »
Le son de sa voix me faisait frémir. J’avais envie de l’embrasser afin de marquer à tout jamais cette confession de ma mémoire. Mes hormones prenaient le dessus, et je me surpris à frissonner. Mon cœur s’amusait à faire des sauts périlleux dans ma poitrine, c’était une sensation forte. J’avais l’impression d’être monté dans un manège pour adulte sans avoir l’âge requis. Pouvait-elle deviner mon excitation ? Pouvait-elle entendre mes battements effrénés ? Bien sur que si. Sa tête était toujours lovée contre mon torse. Je déglutis avec lenteur. Il fallait absolument que je calme mes ardeurs.
« Souvent, je me dis que si je ne t’avais pas rencontré j’aurais probablement pas réussi à survivre jusqu’à la fin du lycée. Si j’en suis là, au fond, c’est grâce à toi. »
Je souris, ému. De moi point de vue, la situation était complètement inversée. Elle était la seule bonne chose qui me soit arrivé depuis des années. J’avais dérivé comme une âme en peine pendant des années, longeant les landes d’Ecosse et les rues froides d’Angleterre sans jamais me sentir chez moi. Jusqu’à Cardiff. Pourtant le Pays de Gale n’avait rien de différent de toutes les autres destinations du monde. A part elle. Oh , Ginny si seulement tu savais … Je me détachais doucement d’elle afin de plonger mon regard dans le sien. Je voulais me délivrer de mon fardeau. Les mains de part et d’autre son visage, j’encadrais ses doux traits comme si c’était la dernière fois.
« Je t’aime tellement, Eugenia. »
Je voulais être le plus sérieux possible, mais l’éclair de folie qui brillait au coin de mes yeux me trahissait. Je retins ma respiration pendant quelques secondes.
« J’ai dû oublier beaucoup de choses pendant ma vie. » Je soupirai d’un air décomposé ; la mort de ma mère, les violences de mon père, son alcoolisme, la pauvreté, la séparation de mes seuls repères depuis l’enfance, de Robin, mon quartier … Je me mordis la lèvre inférieure. Ma gorge était tellement serrée. J’avais l’impression que chaque mot prononcé m’écorchait les cordes vocales. Je soulevai la poitrine. « Mais je n’oublierais ma vie à Cardiff, dans ce lycée pourri, avec la reine du lycée. »
Je souris.
« Je t’ai élu, dès que mon regard s’est posé sur toi et tes énormes lunettes de chobit. »
Ma voix se brisa et je me penchai afin d’embrasser suavement sa joue rosie. L’obscurité s’abattait sur nous, comme une pluie drue et glaciale. Ou n’étais-ce qu’un effet d’optique ?
« Nous devrions peut-être rentré, ma jolie. »
Je la pris dans mes bras encore une fois.
« Je te verrais le soir du bal de promo. » Promis-je en avançant vers les sentiers qui nous ramèneraient en ville.