"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici (flashback) everybody leaves in the end. w/julian 2979874845 (flashback) everybody leaves in the end. w/julian 1973890357
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() message posté Mer 22 Oct 2014 - 20:59 par Invité
london - january, 22nd 2011; to leave, after all, was not the same as being left. “i love you. i send this message through my fingers and into her heart. hear me. i love you. and i'm sorry to leave you.” - in the end, everybody leaves. ✻✻✻ Le matin avait fini par arriver avec une hâte presque indécente. Je m'étais réveillée blottie contre lui, enveloppée dans une douce innocence qui n'avait duré qu'une poignée de secondes. Le son du réveil avait hurlé dans mes oreilles une vérité que j'aurais sans doute préféré continuer d'ignorer. Julian allait partir pour Liverpool. Julian allait partir aujourd'hui. Il me laissait seule, seule dans cette grande ville, seule après un semestre que nous avions passé hors du temps. Mais ce temps avait fini par nous rattraper. Son train était prévu pour dans quelques heures à peine. Nous nous étions levés. Nous nous étions préparés en toute hâte, mais j'avais été incroyablement silencieuse, plongée dans un mutisme inhabituel, murmurant que quelques mots lorsque cela était nécessaire. J'avais mal, trop mal pour réussir à prétendre un quelconque entrain. Mon visage avait été fermé, soucieux. Mes gestes avaient été mécaniques, abandonnés par cette joie de vivre qui m'habitait d'ordinaire.
Je pouvais mettre cela sur l'heure beaucoup matinale pour mon corps d'adolescente qui vivait la nuit. Je pouvais mettre cela sur ce réveil qui avait sonné bien trop tôt. Mais, au fond de moi, je savais que cela n'était pas dû à une mauvaise humeur passagère. Mon meilleur ami s'en allait. Et, dans cette sensation d'abandon, j'avais peur qu'il oublie d'emporter nos souvenirs avec lui.
Je poussai un soupir, marchant à ses côtés dans la grande gare de Londres. Je n'avais pas fait attention au chemin que nous avions emprunté pour arriver jusque-là. J'avais insisté pour porter un de ses sacs, le plus petit, afin de le décharger du mieux que je pouvais ; mes pas étaient lents, mon regard se perdait sur les affiches publicitaires et les autres voyageurs que nous pouvions bien croiser. Mes yeux observèrent quelques instants l'immense horloge surplombant les quais, lisant plusieurs fois huit heures trente-sept sans que mon esprit ne parvienne à retenir les chiffres. Mon cœur ne cessait de se serrer. Mes pensées se tournaient vers la journée que nous avions passé ensemble hier, puis sur la soirée qui s'était enchainée, emprunte d'une nostalgie que je n'avais pas réussi à contenir, et enfin cette dernière nuit où nous avions dormi ensemble. Je chérissais ces instants, sans doute trop ; je les gardais au fond de mon cœur en sachant pertinemment qu'ils n'avaient pas la même signification pour Julian que pour moi. Je déglutis avec difficulté, croisant son regard et esquissant un sourire timide ; cela me rendait malade. Son départ me rendait malade. Il était encore à mes côtés et pourtant je commençais déjà à me sentir incroyablement seule. J'avais envie de le supplier de rester mais je savais que je ne pouvais pas me permettre d'être si égoïste. Il avait ses ambitions. Il avait ce futur, ce futur qui l'attendait. Après tout, songer à lui demander de rester signifiait qu'il était déjà parti. Son esprit était déjà à Liverpool. Son corps foulait peut-être encore le sol de Londres, mais il était déjà à des kilomètres de là. Des kilomètres de moi.
Nous finîmes par arriver à la hauteur des panneaux d'affichage, et mon regard chercha son train. Liverpool. Neuf heures et onze minutes. A l'heure. Le quai n'était pas encore affiché, et je sentis mon estomac se contracter lorsque je compris que notre séparation était retardée que d'une trentaine de minutes. Je me tournai vers lui, un sourire légèrement forcé aux lèvres ; comment se faisait-il qu'il me paraissait déjà si loin lorsque son corps n'était qu'à quelques centimètres du mien ? Il me manquait déjà. Il était là et pourtant chaque cellule de mon être réclamait sa présence. « On a encore un peu de temps devant nous. Tu veux qu'on aille s'installer quelque part tranquillement ? » lui demandai-je. J'aurais préféré m'en aller maintenant. J'aurais préféré tourner les talons et m'enfuir, retourner dans mon studio et me réfugier dans mes couvertures en tentant de ne pas penser. En tentant de ne pas penser à lui. Inlassablement, mon esprit me rappelait que, demain, il ne viendrait pas chez moi pour petit-déjeuner avec moi avant que l'on ne travaille, chacun nos cours, à la même table. Inlassablement, mon esprit me rappelait que, demain, nous ne pourrions pas arpenter la ville ensemble, puisqu'il n'y aurait plus que moi. Moi, seule. Moi et personne d'autre. Je pris une inspiration, passant une mèche de cheveux derrière mon oreille. « A moins que tu préfères enfin te débarrasser de moi maintenant. Je comprendrais. » J'eus un rire, creux et emprunte d'une tristesse que j'aurais aimé dissimuler. Je secouai la tête pour reprendre mes esprits, mais les mêmes pensées revinrent me tourmenter.
Qu'allais-je faire, sans lui ? Il était mon monde. Il était mon univers. J'avais l'impression d'être contrainte de dire au revoir à une partie de mon âme, à une partie de ce que j'étais. Notre au revoir prenait des allures d'adieu sans que je ne parvienne à y faire quoi que ce soit ; je savais que cela serait sans doute la dernière fois qu'il m'appartenait réellement, la dernière fois qu'il m'appartenait à sa manière. Je replaçai la lanière de son sac sur mon épaule en tentant de me stabiliser, mais je me connaissais suffisamment pour savoir que je cherchais uniquement à occuper mes mains.
Julian, ne pars pas. Ces mots demeurèrent au fond de ma gorge. Je l'aimais. Je l'aimais si fort que j'acceptais de le voir s'éloigner de moi pour son propre bonheur. Au fond de mon cœur, je me persuadai que cela était le plus beau gage d'amour que je pouvais le faire. Mais mon cœur pleurait encore plus fort ces sentiments que je déchirais toute seule.
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() message posté Jeu 23 Oct 2014 - 16:22 par Invité
“I have learned that if you must leave a place that you have lived in and loved and where all your yesteryears are buried deep, leave it any way except a slow way, leave it the fastest way you can. Never turn back and never believe that an hour you remember is a better hour because it is dead. Passed years seem safe ones, vanquished ones, while the future lives in a cloud, formidable from a distance.” ― Beryl Markham, West with the Night Mon esprit sombrait entièrement dans la folie. Je restais immobile dans l’immense lit. Les draps en satin couvraient mon corps meurtri d’une profonde douceur -  Eugenia se tenait à mes côtés. Son visage ensommeillé arborait l’expression de la sérénité et de l’insouciance que je lui connaissais si bien. Je souris en soupirant avec lenteur. Je n’avais pas fermé l’œil de la nuit. J’avais feins le sommeil pour la rassurer et l’aider à trouver le repos, mais je n’avais pas réussi à dormir. Mes paupières étaient vicieuses. Elles voilaient mon monde de cauchemars et d’incertitudes. Mon esprit s’emportait, le trouble et la mort dans l’âme.  J’avais eu peur de l’abandon durant toute ma vie. J’avais grandis en succombant aux traîtrises et à la déloyauté de mon propre sang, et là, je m’apprêtais à faire de même. Je la quittais pour un temps – peut-être pour toujours.

Disparais, dès que tu auras le courage de le faire, murmurait mon cœur dans un élan de compassion. Mais il ne savait pas. Il ne se rendait pas encore compte des conséquences de mon départ. Pauvre chose … Je crispais mes doigts autour de sa taille. Elle était si belle, ainsi plongée dans la quiétude du sommeil. Je voulais l’embrasser et frôler la douceur de sa peau porcelaine, mais ce n’était pas une bonne idée de relancer mes sentiments. Je me redressais avec nonchalance, sans la brusquer. Je pris un crayon sur la commode et un bout de papier.

Poésies et Fantaisies de Karoline von Günderode

Une jeune fille s’élançant vers lui. Elle lui tendit une feuille et disparait, avant même qu’il ait pu trouver les mots pour l’interroger, il brise le sceau et lit :

« Eloigne-toi ! Dès que tu auras lu cette feuille,
Sauve-toi pour l’amour de moi.
Il me semble avoir existé autrefois,
Le présent se meurt en moi,
Et cette heure seulement est vivante,
Qui de sa bouche si douce me parle
De toi, de toi, et toujours de toi. »

Il s’en va maintenant, comme elle le lui a ordonné ;
Alors le poignard meurtrier rencontre la poitrine.

Sincèrement, Jules. Tu me manques déjà Ginny– Reine des Lancaster et des Highlands.

Je souris d’un air triste avant de glisser ma note dans le congélateur, au-dessus du pot de glace. La connaissant, elle allait sûrement passer par là!  Je la rejoignis dans le lit afin de la serrer contre mon torse. Pouvait-elle entendre les lamentations de mon cœur, si proche de l’explosion ? Pouvait-elle savoir? J'en doutais ...  Elle marmonna  quelque chose d’incompréhensible dans la pénombre de la chambre.

Le réveil sonna – me tirant de ma torpeur. Saloperie ! C’était l’heure. Eugenia papillonna des yeux avant de se lever sans un mot. Elle était distance, étrangement calme et trop polie. Je savais que mon départ la tourmentait, après tout nous étions les meilleurs amis du monde. Je déglutis en me plongeant dans mes angoisses – les choses étaient si compliquées pour moi. Je me consumais dans les méandres de mon âme. Je l'aimais d’amour, pourtant je choisissais de prendre mes distances pour réaliser mes rêves égoïstes. Je voulais rester, mais je ne lui aurais jamais pardonné de m’avoir retenu d’accomplir ma vengeance. Je suppose que mon côté obscur était bien plus puissant, qu’il n’y paraissait. Je soupirai.

La gare de Londres ne m’avait jamais paru si froide, si grande, et si hostile. J’avais passé mon enfance à voyager à la recherche d’un deuil utopique ou de nouveaux lieux de perditions pour mon père.  Et pourtant, aussi loin que mes souvenirs remontaient, ce départ était le plus déchirant qu’il m’ait jamais été donné de vivre.

« On a encore un peu de temps devant nous. Tu veux qu'on aille s'installer quelque part tranquillement ? »

J’esquissai d’un air contenu. Mes yeux se perdaient sur les panneaux d’affichages et les numéros de quais.

« A moins que tu préfères enfin te débarrasser de moi maintenant. Je comprendrais. »

Son rire sonnait creux dans mes oreilles. J’arquai un sourcil en silence. Elle était bête de penser ce genre de choses, même pour rire. Je posai ma main sur son épaule afin de tirer sur la lanière de mon sac.

« Tu peux me le rendre maintenant. Je ne veux pas que tu te fasses mal en le portant. » Insistai-je pour la énième fois ce matin. Elle était tellement têtue, parfois. « Je t’ai laissé le porter. A ton tour de céder … » Je lui fis un sourire charmeur en me penchant à sa hauteur. « Ne me contraries, je risquerais de ne plus jamais revenir te voir … »

J’avais déjà réservé mes billets de train pour la deuxième semaine de février. Je fixais Eugenia, d’un air dépité. Elle allait horriblement me manquer … Trente minutes pour lui dire au revoir ce n’était pas assez ! Je fendis l’air afin de la prendre dans mes bras, un élan de passion, de désespoir, ou peu importe.

« Marchons un peu. » Soupirai-je.

Mon genou allait beaucoup mieux depuis quelques temps. Le froid relançait parfois la douleur, mais en  ce n’était pas grand-chose. Je l’empoignai par la taille en direction des cafés de la gare. Un énorme panneau m’interpella : What do you want to do before you die ? Les commentaires signés, défilaient le long d’un écran automatique. Add your answer to the list here.

Je lançai un regard en biais à Ginny.

« Julian Fitzgerald, Liverpool. UK : Tell her I love her. » Marmonnai-je dans ma barbe.
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() message posté Sam 25 Oct 2014 - 15:07 par Invité
london - january, 22nd 2011; to leave, after all, was not the same as being left. “i love you. i send this message through my fingers and into her heart. hear me. i love you. and i'm sorry to leave you.” - in the end, everybody leaves. ✻✻✻ Un semestre n'avait pas été suffisant. Je n'étais même pas sûre qu'un mois supplémentaire aurait pu faire l'affaire, aurait pu apaiser mes douleurs. Quelque part, au fond de moi, je savais pertinemment que peu importe le nombre de jours qui m'aurait été donné avec lui, je n'aurais jamais été rassasiée de sa présence. Je le voulais à mes côtés chaque instant, chaque minute, chaque seconde de cette petite existence tranquille dont j'avais hérité. Je l'avais dans mon cœur et encré à ma peau. Il constituait mon monde et mon univers. Il était à la fois mon jour et ma nuit, ma joie et ma tristesse. Il était un soleil dans mes moments les plus sombres. Il était l'air et l'oxygène lorsque je ne parvenais plus à respirer. En le laissant m'échapper de la sorte, j'avais l'impression de voir une partie de mon être me fuir. Je lui permettais s'en aller avec mon cœur et mon âme. Je lui permettais de s'en aller avec mes sentiments et mes rêves. Je ne lui en voulais même pas de me laisser derrière lui ; la peine était bien trop grande pour que je réussisse à me focaliser sur autre chose. Ma gorge se serra. Mes yeux demeuraient secs mais j'avais envie de pleurer. Mon esprit papillonnait mais mes pensées étaient incroyablement terre à terre. Je vivais hors du temps et hors de ma propre portée ; mon corps se forgeait tout seul une carapace pour survivre à ces adieux que je ne voulais pas vivre, que je ne voulais pas connaître. Je me murais dans un silence qui me troublait moi-même. Je m'enfonçai dans des comportements qui m'étaient étrangers. Je me fermai. Je me fermai parce que cela était ma seule alternative pour ne pas avoir à trop souffrir.
J'avais redouté cet instant. J'avais réussi à ne pas y penser pendant un temps, mais la réalité m'avait rattrapé comme elle avait déjà pu le faire à plusieurs reprises ; notre situation n'avait été qu'éphémère. Elle l'avait toujours été. Nous avions su, tous les deux, que rien n'était fait pour durer. Chaque instant avait été précieux, chaque instant n'avait été que le début d'une fin. Je secouai la tête en songeant à ce que mon père avait eu l'habitude de me répéter, durant mon enfance. Il n'existe pas de fin, en soi. Chaque chose qui se termine laisse place à un nouveau commencement. Je n'avais pas l'impression qu'il y aurait de commencement après son départ. Je n'avais pas l'impression de vouloir une nouvelle existence, de vouloir assister à un nouveau chapitre de ma vie. Mes mains se crispèrent en poings serrés, tandis que Julian fendait sur moi pour attraper une nouvelle fois la lanière du sac que je portais sur mon épaule. J'eus un mouvement de recul pour lui faire comprendre que cela ne servait à rien d'insister pour le récupérer ; il me prit de court et je n'eus pas d'autre choix que de lui rendre. « Tu peux me le rendre maintenant. Je ne veux pas que tu te fasses mal en le portant. Je t’ai laissé le porter. A ton tour de céder… » me dit-il en se mettant à ma hauteur. J'eus une moue boudeuse en lui cédant son caprice d'enfant. Mon épaule me parut bien trop légère. Je me sentis vide, aussi vide que mon cœur. « Ne me contrarie pas, je risquerais de ne plus jamais revenir te voir… » Je levai les yeux au ciel, même si sa remarque me touchait plus que je ne le laissais paraître. « Comme si tu pouvais vivre sans moi. Je ne te donne même pas deux jours avant que je finisse par te manquer. » lui répliquai-je, guère persuadée par mes propres paroles. « Rends-le-moi. Je ne suis pas une petite chose fragile, Jule ! Je peux bien porter un sac, tu en as trois tonnes d'autres... C'est toi qui risques de te faire mal. » Je l'observai avec de grands yeux, tentant de le prendre par les sentiments ou, du moins, la pitié. J'étais entrainée. Il m'avait vu fréquenter la salle de sport bien plus que nécessaire pour que je puisse me préparer à intégrer la police ; je m'étais acharnée au tennis, tenue à mon objectif de courir tous les matins avant d'aller en cours. Pourtant, il continuait de me traiter comme une enfant.
Comme si j'étais sa petite sœur. Mon cœur se serra.
Il finit par s'approcher de moi pour m'enlacer pendant peu de temps ; je n'eus pas le temps de répondre à son étreinte qu'il s'était déjà détaché de mon corps, repartant ailleurs dans la gare. « Marchons un peu. » m'intima-t-il, et j'hochai la tête en le suivant, entrainée par la main qu'il avait posé sur ma taille. Je me sentais légère, sans son sac, comme si j'avais oublié quelque chose ; une voix dans mon esprit me murmura que j'avais sans doute laissé mon cœur sur le bord de la route, et je secouai la tête pour chasser mes pensées. J'observai les cafés de la gare qui s'étalaient les uns à côté des autres, non loin des grands quais ; mon rythme cardiaque se perdait dans une course frénétique et irrégulière. J'observai Julian, absorbé dans la contemplation d'un panneau, et je suivis son regard pour regarder ce qui avait capté son attention. What do you want to do before you die ? Add your answer to the list here. Je l'entendis marmonner des paroles intelligibles à mes côtés. Je m'attardai sur les réponses des voyageurs qui étaient passés avant nous ; pour moi-même, je commençai à faire une liste. Lui dire que je l'ai toujours aimé. L'embrasser. Le voir réussir. Raconter à mes petits-enfants à quel point je lui étais reconnaissante pour m'avoir accepté dans son existence, qu'il n'avait sans doute pas été aimé suffisamment par les autres mais que je l'avais aimé profondément. Je poussai un soupir en l'incitant à reprendre notre chemin. Nous nous retrouvâmes dans la file d'attente du Starbucks de la gare, et je me tournai vers lui. « Avant que tu contestes ou que tu tentes quoi que ce soit, je te préviens : c'est moi qui paye. » lui lançai-je avec un grand sourire, sachant parfaitement qu'il ne serait pas du même avis. « Je te dois bien ça, pour ton départ. » Je sentis mon estomac se serrer à la fin de ma phrase. Je ne parvenais pas encore à réaliser qu'il s'en allait réellement. Qu’il ne serait plus là. Qu'il me laisserait seule, seule avec cette routine que j'avais pourtant batti avec lui. Je fermai les yeux durant une demi-seconde. Ma tête me tournait. Mes pensées s'affolaient. Il me manquait, il me manquait comme jamais il ne m'avait manqué et, pourtant, il était encore là. « Qu'est-ce que tu aurais répondu, sur le panneau ? Celui sur lequel on liste les choses qu'on veut faire avant de mourir ? » lui demandai-je. Je connaissais sans doute déjà la réponse. Il voulait réussir. Il voulait prouver à la Terre entière ce dont il était capable, et je le comprenais. Nous avançâmes d'un pas au rythme où la file d'attente avançait. Il ne restait que vingt-cinq minutes. Vingt-cinq minutes. Une poussière sur le temps d’une vie.
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() message posté Sam 25 Oct 2014 - 19:58 par Invité
“I have learned that if you must leave a place that you have lived in and loved and where all your yesteryears are buried deep, leave it any way except a slow way, leave it the fastest way you can. Never turn back and never believe that an hour you remember is a better hour because it is dead. Passed years seem safe ones, vanquished ones, while the future lives in a cloud, formidable from a distance.” ― Beryl Markham, West with the Night J’étais victime de mes propres crimes. Les secondes se consumaient et je sombrais un peu à peu dans mes tourments habituels. Je la contemplais, le regard éteint et la bouche serrée. Je voulais rester et m’accrocher à cet amour qui battait au creux de ma poitrine. Je voulais rester et l’envelopper de ma chaleur salvatrice et de ma dévotion éternelle. Mais je savais au plus profond de mon cœur, que c’était un sacrifice vain. Je ne pouvais pas me résigner à abandonner – ou à laisser filer ma chance au vol. Le monde n’était qu’une éternité de déceptions et d’injustices. Je rêvais de me prouver le contraire, afin de me dresser contre les flammes et renaitre à nouveau. C’était le commencement que je lui avais promis. Celui du phénix oranger et majestueux.

Je m’avançais en silence dans les couloirs froids de la gare. Les sacs que je portais me retenaient contre le sol. Je me demandais combien de temps encore j’allais pouvoir résister, avant de flancher. Je déglutis avec lenteur. Eugenia, me suivait comme un automate. Elle se fermait, encore et toujours, incapable d’embrasser la réalité. Elle tenait à moi, et cette pensée me donnait du baume au cœur. Elle tenait à moi, parce que j’étais son meilleur ami. Toutes mes défenses se brisaient, assaillit par mes révélations cruelles. Peut-être qu’avec la distance, et les études difficiles, je pourrais oublier un peu de ma peine.

La lanière de mon sac se frottait contre mon épaule – Je l’avais déboité une fois, alors cette douleur me semblait presque dérisoire. Ce n’était qu’un chatouillement – une goutte d’eau de plus dans le vaste océan de ma vie. Je me penchai vers Ginny puis lui ôter le poids de mes affaires. Bien sûr, la demoiselle était têtue. Elle ne se laissait jamais faire. C’était adorable de la voir batailler pour avoir le dernier mot, même si elle avait fini par céder à ma requête. Je savais qu’elle travaillait dur pour réaliser son rêve d’intégrer la police – Cela demandait un effort physique colossal et des heures entraînements interminables. Il lui arrivait même de me réveiller en pleine nuit, pour l’aider à faire des pompes. Je n’avais jamais été très porté sur le sport – mes blessures passées y étant pour grand chose. Mais nous étions arrivés à trouver un compromis. Je souris, nostalgique. Elle allait horriblement me manquer. Bien plus, que je ne pouvais l’imaginer.

« Comme si tu pouvais vivre sans moi. Je ne te donne même pas deux jours avant que je finisse par te manquer. Rends-le-moi. Je ne suis pas une petite chose fragile, Jule ! Je peux bien porter un sac, tu en as trois tonnes d'autres... C'est toi qui risques de te faire mal. »

Je fermais les yeux afin de me laisser bercer par le son de sa voix. Je voulais capturer cet instant et l’emmener avec moi à Liverpool, ainsi le souvenir de son visage lumineux et de son regard olive me tiendraient compagnie dans ma solitude. Je souris, en faisant la moue.

« Je crois, que ce ne sont pas les sacs qui vont me faire mal … »

Les cafés étaient lumineux, joyeux et incroyablement bruyants. J’avais du mal à rester dans ma bulle. Je suivis Eugenia dans la file du Starbucks – Il y’ avait un monde fou, mais les gens avançaient assez rapidement. Elle se retourna vers moi.

« Avant que tu contestes ou que tu tentes quoi que ce soit, je te préviens : c'est moi qui paye. Je te dois bien ça, pour ton départ. »

Son excuse tenait la route – pour mon départ. Un poignard s’enfonçait dans ma poitrine, me tirant de ma torpeur. J’étais plein de doutes. Ma quête du savoir était un pari risqué. Et si elle finissait par rencontrer quelqu’un de plus … Normal ? Et si elle s’entichait d’un camarade de classe plus vieux, plus drôle et plus présent. Une version améliorée et moins celtique du Julian Fitzgerald que j’étais. Je déglutis, en lui souriant à peine.

« Tu comprends … N’est-ce pas ? » Murmurai-je d’une petite voix. « Je suis toujours là. Comme si rien n’avait changé. »

Je frôlai son bras volontairement. Je voulais la toucher tant que je le pouvais encore … On arriva devant le comptoir et je lui souris.

« Tout sauf du café froid. » J’avais horreur de la caféine transfigurée, et les rares fois ou je cédais à la tentation, c’était pour faire plaisir à Ginny et me créer l’illusion que nous étions pareils. Je faisais toujours ça! ( Premier RP retrouvailles- clin d'oeil)

Elle me sourit, et le monde m’appartenait. Je n’arrivais pas à trouver les mots pour décrire à quel point ma douleur était cuisante. Eugenia était le centre de gravité autour duquel je tournais en boucle. Je crispai mes doigts autour de mes vêtements.


« Qu'est-ce que tu aurais répondu, sur le panneau ? Celui sur lequel on liste les choses qu'on veut faire avant de mourir ? » Lança-t-elle. Cette question était si imprévisible. J’eus un rire carnassier.

« Je suis un highlander. Je suis immortel. » M’amusai-je, en faisant référence à la série fantastique des années 1998 et 1999. « Tu sais déjà ce que j’ai envie d’accomplir, mais si je devais mourir de suite, je crois que je te roulerais une pelle. Je ne voudrais mourir prude. »

Il y’avait une part de vérité. Il n'y avait que la vérité. J’haussais les épaules avec désinvolture.

« Et toi, Eugenia? Que ferais-tu? »

Le temps pressait - j'avais l'impression que le moment du choix ultime était arrivé. J'aurais tellement voulu l'embrasser avant de partir ...

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() message posté Dim 26 Oct 2014 - 17:31 par Invité
london - january, 22nd 2011; to leave, after all, was not the same as being left. “i love you. i send this message through my fingers and into her heart. hear me. i love you. and i'm sorry to leave you.” - in the end, everybody leaves. ✻✻✻ La fatigue ne semblait même plus compter. Les cernes creusaient mes joues pour témoigner de cette nuit bien trop courte mais mon esprit tout entier ne parvenait pas à s'attarder sur ce manque de sommeil. Il ne faisait qu'écouter les longues lamentations de mes pensées. Il ne faisait qu'écouter le rythme plaintif de mon cœur. Nous avancions lentement dans la file d'attente pour commander nos cafés, mais mon corps se mouvait sans que je n'en m'aperçoive. J'avais peur qu'il m'oublie. J'avais peur que, avec le temps, il finisse par disparaître de mon existence. Après tout, il s'en allait pour trouver une nouvelle vie ; je n'en ferais sans doute pas partie, coincée dans son passé, dans ce passé qu'il préférait sans doute oublier. Je pris une profonde inspiration. Contrôler mon rythme cardiaque était sans doute une peine perdue ; j'observai les choses qui m'entouraient sans les voir. Je ne parvenais pas à dissocier ma peine et mon bonheur. J'étais heureuse qu'il finisse enfin par rejoindre l'université qu'il avait toujours désiré mais j'étais anéantie que cela implique fatalement que je le perde. Dans mon esprit, la demi-mesure n'était pas possible. Dans mon esprit, il n'existait pas d'autres alternatives. J'étais suffisamment bornée pour tenir tête à mes propres espoirs. Ma raison me répétait sans cesse qu'une personne comme Julian ne revenait jamais après être partie. Tant de bonnes choses l'attendaient, après tout, dans ce futur qu'il méritait. Pourquoi donc se retournerait-il pour observer son passé ? Bientôt, il n'aurait plus aucune raison de penser à Cardiff, Londres, et toutes ces villes où il avait bien pu poser le pied. Il n'y aurait que Liverpool. Il n'y aurait que sa réussite et je n'en ferais pas partie.
Je fis un pas de plus pour avancer au rythme des clients devant nous dans la file. Un vague coup d'œil vers la terrasse improvisée dans la gare de Londres me permit de constater qu'un bon nombre de tables étaient encore libres ; peut-être aurions-nous le temps de simplement s'installer et attendre que les minutes défilent, après tout.
Je ne voulais pas qu'il s'en aille. Je ne voulais pas qu'il parte. Je ne voulais pas qu'il me laisse, qu'il me laisse toute seule dans cette capitale bien trop grande pour moi. Mais c'était ce qui allait se produire. Ce qui allait se passer. « Tu comprends… N’est-ce pas ? » me demanda-t-il et je fronçai les sourcils en entendant ses paroles. Je ne savais pas de quoi il parlait. Je ne savais pas ce que j'étais censée comprendre. Alors, je me tus simplement, attendant qu'il détaille le fond de sa pensée, attendant qu'il en vienne là où il désirait venir. « Je suis toujours là. Comme si rien n’avait changé. » J'esquissai un léger sourire en hochant la tête. Il était encore là, oui. Il était encore là pour vingt-cinq minutes. Puis, il finirait par monter dans ce train. Et chaque jour il serait de moins en moins celui que je connaissais et de plus en plus l'homme qu'il était censé devenir. Je préférais ne pas répondre, me contentant de sourire timidement. Certaines paroles auraient été inutiles, après tout. Certaines paroles n'étaient tout simplement pas bonnes à dire et bonnes à entendre. Au lieu de quoi, je préférais  enchaîner sur un autre sujet.   « Tout sauf du café froid. » me dit-il et je me mis à rire. « D'accord. Il fait trop froid pour boire un frappuccino, de toutes manières. Je n'ai pas envie de finir congeler avant que ton train ne parte... Mais je suis obligée de te le redire : tu n'as aucun goût, Fitzgerald. Ne pas aimer le café froid est presque un crime contre l'humanité. » Ma voix aurait pu être emprunte par plus d'entrain, mais je ne parvenais pas à retrouver cette légèreté que je connaissais d'ordinaire. Nous avançâmes encore d'un pas. Et encore un autre. Le temps filait sous mes doigts. Puis, ce fût à notre tour de commander, et j'adressai l'ébauche d'un sourire au serveur. « Deux caramel macchiato en grande s'il vous plait, avec un shot de café supplémentaire dans chaque. » déblatérai-je comme si j'avais fait cela toute ma vie. Il me demanda à quel nom la commande était. Je lui adressai un immense sourire, répondant la première chose qui me passait par la tête.   « Le roi d'Ecosse et la reine du Pays de Galle. » J'avais prononcé cela avec le plus grand naturel du monde. Il m'observa en fronçant les sourcils, et je fis un geste de la main avant de pousser un soupir. « Je déconne. Julian et Eugenia. » finis-je par concéder en tendant un billet de vingt livres. Il me rendit la monnaie. Je fus satisfaite que Julian me laisse enfin payer quelque chose à sa place après toutes ces années à avoir protesté chacun de mes gestes envers lui.
Nous passâmes dans la seconde file pour attendre que nos boissons soient préparées et je me tournai vers lui, une question franchissant la barrière de mes lèvres avant même que je n'y songe réellement. Je ne savais pas si je voulais savoir ce qu'il désirait faire avant de mourir. Ses ambitions devaient être réelles comparées aux miennes. « Je suis un highlander. Je suis immortel. » me déclara-t-il et je me mis à rire en lui donnant un léger coup dans l'épaule. « Tu sais déjà ce que j’ai envie d’accomplir, mais si je devais mourir de suite, je crois que je te roulerais une pelle. Je ne voudrais mourir prude. » J'haussai un sourcil. Je ne m'étais pas attendu à ce qu'il réplique une chose pareille ; je me mis à rire doucement en secouant la tête, même si mon coeur n'y était pas forcément. « Parce que monsieur est prude, peut-être ? » demandai-je.
Cette simple pensée me brisait le cœur. Mais je m'intimai de ne plus y penser.
Je n'aurais sans doute pas dû lui poser la question, après tout. Cela était de ma faute. « Et toi, Eugenia ? Que ferais-tu ? » Je ne répondis pas immédiatement, incapable d'improviser des souhaits qui ne le concernaient pas. Me sauvant de mon silence, un serveur finit par appeler nos noms, et nous allâmes récupérer nos boissons. J'eus envie d'attraper un de ses sacs mais je me ravisai ; je savais qu'il aurait refusé mon aide, de toutes manières, comme s'il avait peur de me briser. Je partis la première pour me faufiler sur la terrasse du Starbucks aménagée dans la gare, et je m'installai à une petite table ronde. Mon esprit pensait encore à sa question. Mon esprit pensait encore à la réponse que je pouvais lui fournir. J'attendis qu'il prenne place en face de moi, et je levai mon gobelet blanc. « A ton départ et ta future réussite à Liverpool. Tu vas être parfait, là-bas, j'en suis sûre. » lançai-je avant de porter mon café à mes lèvres, buvant deux longues gorgées. Le liquide chaud vint réchauffer mon corps, mais mon coeur demeura froid comme la glace. « Je pense que  j'aurais mis pouvoir accomplir tout ce que je veux accomplir. » finis-je par lui répondre. « Je ne parviens pas à faire un choix. Il y a tellement de choses que je rêve de faire avant de mourir. Tellement. » Tellement, et tu fais partie de toutes. Je me tus en mordant l'intérieur de ma joue, mon regard se perdant dans le hall de la gare. Je détaillai les quais et les plafonds, observant ces passants qui semblaient vivre à des kilomètres de mon existence. Un jour, peut-être Julian ferait partie de ces inconnus. Et cette perspective, dans sa probabilité effrayante, me rendait malade.
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() message posté Dim 26 Oct 2014 - 22:21 par Invité
“I have learned that if you must leave a place that you have lived in and loved and where all your yesteryears are buried deep, leave it any way except a slow way, leave it the fastest way you can. Never turn back and never believe that an hour you remember is a better hour because it is dead. Passed years seem safe ones, vanquished ones, while the future lives in a cloud, formidable from a distance.” ― Beryl Markham, West with the Night Il y’ avait une indicible peine dans mon cœur. Le poids de toutes les injustices du monde semblait tomber sur mes épaules. Je la regardais plein de tristesse. Il y’ avait le chagrin, et il y’ avait ce que je ressentais ; un deuil inexprimable et insurmontable. Ma vie se confondait avec toutes ces douleurs – et bientôt je tomberais, épuisé et sans ressources. Plus je m’attardais dans mes pensées, moins je me sentais capable de partir. Je devais fermer les yeux et avancer à grandes enjambées jusqu’au siège A de la voiture 85. Les oiseaux migrateurs volent joyeusement à la rencontre du printemps – Je voulais croire que mon destin était similaire, mais mon amour me retenait captif. J’étais pris au piège, incapable d’avancer sans attaches. Je soupirai. La vie avait créé le malheur, mais elle avait aussi fait la beauté et le délice. Pouvais-je m’accrocher à cet espoir et partir l’esprit vif et léger ? Pouvais-je croire qu’Eugenia resterait immobile, comme une nature morte et exquise qui m’attend sagement et patiemment ?

Je suivais les mouvements de la file d’un air absent. Les murs auraient pu se ployer puis craquer dans une explosion assourdissante, que je n’aurais pas bronché. Les soucis du monde me semblaient si dérisoires, si vides de sens, face à la fatalité de cet au revoir. Ginny avait perdu tous ses éclats enjoués et ses gestes empotés. Elle restait droite et silencieuse. Je ne savais pas ce qu’elle attendait de moi : Devais-je tenir la conversation et faire le pitre ? Même si le cœur n’y était pas ? Elle esquissa un sourire timide. Je m’exprimais mal.

« Je ne te quittes pas, Eugenia. Je pars mais je ne te quitte pas… » Je mettais toute mon assurance dans ma voix – Je la fixai d’un air sérieux, presque réprobateur. « Tu me donnes l’impression que … Tu doutes de ma sincérité ? Tu crois que la distance aura raison de moi ? Tu es trop silencieuse – Je ne peux pas partir si tu ne me dis pas. Je n’aime pas ça … » Mes inquiétudes avaient fusés sans que je puisse trier mes mots. J’haussais les épaules en la regardant d’un air dépité. Je ressentais les choses ainsi et je ne voyais pas l’intérêt de me cacher plus longtemps.

Je la regardais piétiner le sol en direction du comptoir. Elle tenta d’alléger l’ambiance, mais tous ses efforts étaient vains.

« D'accord. Il fait trop froid pour boire un frappuccino, de toutes manières. Je n'ai pas envie de finir congeler avant que ton train ne parte... Mais je suis obligée de te le redire : tu n'as aucun goût, Fitzgerald. Ne pas aimer le café froid est presque un crime contre l'humanité.»

J’haussais les épaules avec désinvolture – A la base le café ça se boit chaud ! J’étais assez vieux jeu sur ce point-là en particulier.

« Ne pas m’aimer est un crime contre l’humanité – Le café … Je suis pas très convaincu. » Je relevai le menton d’un air noble et arrogant.

Eugenia passa la commande et je ne pus réprimer un éclat de rire lorsqu’il fit référence à nous tel le roi d’Ecosse et la reine du Pays de Galle. Décidément, elle était incorrigible ! Je la suivis jusqu’en terrasse. Le vent froid d’hiver s’engouffrait dans mes cheveux avant de serrer ma gorge. Je voulais tellement savoir ce qu’elle ressentait – Cette question lassait mon âme.

« A ton départ et ta future réussite à Liverpool. Tu vas être parfait, là-bas, j'en suis sûre. » Lança-t-elle en portant le verre fumant à ses lèvres. Je souris en faisant de même. La boisson chaude revigorait mon corps engourdi et me vendait la promesse d’un lendemain meilleur. Je plissai les yeux en m’accoudant à la table : ‘’Tout ce qui fut sans indulgence dédaigné, de l’ignominie du pauvre se vengera !’’

Ma main glissa sur la sienne afin de l’étreindre avec désespoir.

« Tu me manques déjà. » Murmurai-je sur le ton de la confidence avant de me reprendre. Je me laissai tomber sur mon siège. Mon regard se perdait sur les vastes étendues de la gare et de ses passants pressés. Il restait quelques 20 minutes – et pourtant je ne me sentais toujours pas la force de m’extirper de notre petit cocon.

Elle me regarda, songeuse, avant de briser le silence.

« Je pense que j'aurais mis pouvoir accomplir tout ce que je veux accomplir. Je ne parviens pas à faire un choix. Il y a tellement de choses que je rêve de faire avant de mourir. Tellement. »

Encore une fois elle restait vague.

« J’espère que tu accompliras ce tellement de choses. J’espère aussi que je serais là, pour m’émouvoir de ta réussite. » Avouai-je avec sincérité. « Après tout, tu es mon petit bébé. » La taquinai-je avec douceur.

Je pris une nouvelle lampée de café avant de me rendre compte que je n’avais pas rajouté de sucre. Je levai les yeux au ciel, amusé de ma bêtise avant de me résigner à boire ma boisson tel quel. Je suppose que je n’avais pas assez de force pour bouger le petit doigt. Je cherchais irrémédiablement le contact de ma meilleure amie – mon premier amour. Il y’ avait un million de personnes sur Terre, mais elle était la seule à partager mes songes. Elle était la douce mélodie, et la belle musique dans une cacophonie insupportable. Je déglutis en passant une main tremblante dans ma chevelure en brousaille.

« ça ne te dérange pas de rester ici ? » Murmurai-je. « Tu n’as pas à m’accompagner jusqu’au train. »

Ce serait trop dur de la voir marcher en sens inverse. Je préférais penser à elle, assise, quelque part à se languir de mon retour.


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() message posté Lun 27 Oct 2014 - 18:52 par Invité
london - january, 22nd 2011; to leave, after all, was not the same as being left. “i love you. i send this message through my fingers and into her heart. hear me. i love you. and i'm sorry to leave you.” - in the end, everybody leaves. ✻✻✻ Je ne savais même plus si j'étais capable de me définir sans lui ; mon âme n'était complète qu'en présence de la sienne, ma personnalité semblait étrangement fade lorsqu'il n'était pas là pour répondre à mes paroles et s'exprimer en contrepartie. Il n'y avait eu que nous, après tout. Ces dernières années n'avaient été rythmées que par notre amitié, tout du moins, cela avait été vrai dans mon cas. Après tout, il avait réussi à vivre en dehors de notre relation, lui. Il avait rencontré des demoiselles, eu des petites-amies, tandis que je m'étais contentée de rester dans mon coin en attendant patiemment le soir venu lorsqu'il ne serait qu'à moi. A moi sans réellement l'être. J'avais cette impression dérangeante que tout n'avait été qu'à sens unique. Il avait vécu sans moi. Je m'étais contenté de survivre sans lui. Je me sentais à la fois idiote et puérile ; j'aurais aimé pouvoir faire la même chose que lui mais je n'avais pas réussi à aller au-delà de mes sentiments. Je m'étais emprisonnée dans mes propres émotions. Je m'étais moi-même faite esclave de son cœur. Peut-être qu'une partie de mon adolescence m'avait été volée, le jour où je l'avais rencontré ; cependant, je ne parvenais pas à regretter, à le regretter lui, à nous regretter nous. Je ne parvenais pas à me dire que cela n'avait pas valu la peine.
Pour lui, j'avais oublié de vivre. Et, aujourd'hui, il me forçait à continuer sans sa présence en m'oubliant moi. Il m'abandonnait lorsque j'avais abandonné une existence entière pour sa présence.
Je me sentais abandonnée mais je conservais sur mes lèvres un sourire timide. Je me refusais de le retenir. Je me refusais de me mettre en travers de son futur, de son avenir, de ses espoirs et aspirations. Je ne voulais pas être égoïste, et mon cœur se lamentait en l'observant doucement m'échapper. Julian capta mon regard, sévère ; je n'écoutais ses mots que d'une oreille distraite, comme si mon corps souhaitait instaurée une distance entre nos deux êtres pour me sauver. « Je ne te quittes pas, Eugenia. Je pars mais je ne te quitte pas… » me dit-il et je retins ma respiration en détaillant ses traits. « Tu me donnes l’impression que… Tu doutes de ma sincérité ? Tu crois que la distance aura raison de moi ? Tu es trop silencieuse. Je ne peux pas partir si tu ne me dis pas. Je n’aime pas ça… » Je me mordis l'intérieur de la joue sans répondre immédiatement. Il pensait cela maintenant mais je savais qu'avec le temps et la distance les choses changeraient même s'il espérait le contraire. Eloigne-toi physiquement de moi et tu finiras par m'éloigner de ton cœur. Je poussai un soupir en secouant la tête, esquissant un vague sourire. Je me préparais à mentir. A mentir pour le rassurer parce que je ne valais pas la peine qu'il s'inquiète. « Je manque simplement de sommeil. Ne t'inquiète pas. Je sais que tu ne me quittes pas. Je le sais. » Avec ma main, je pressai doucement son épaule pour le rassurer, mes lèvres toujours étirées dans un sourire qui se voulait sincère. Je vais bien, ne t'en fais pas. Je me surprenais encore une fois à penser à lui plutôt qu'à moi, et je secouai la tête avant d'avancer dans la file d'attente.
Les minutes défilaient trop vite, sans que je ne prenne le temps de les voir passer. Le gobelet entre mes doigts me brûlait la peau mais je ne disais rien, bien trop perdue dans mes pensées pour réellement m'en soucier. Je m'assis à une table. Mon esprit flottait au-dessus de mon corps, mon cœur désirait presque se détacher de ma poitrine pour ne plus avoir à battre. Pour ne plus avoir à souffrir. J'aurais aimé enfin admettre à Julian tout ce qui me rongeait mais je savais que cela n'était ni le moment, ni la bonne occasion ; j'étais résolue à le voir s'en aller en tant que meilleur ami et non pas personne heureuse de m'abandonner. Je savais que nous perdrions contact d'une manière ou d'une autre. Cependant, je ne voulais pas accélérer le processus en lui avouant mes sentiments.
Je comptais sur le temps. Sur ce temps qui me ferait peut-être oublié cet amour que je n'avais pas le droit de lui porter. Peut-être que j'apprendrais à vivre sans qu'il ne soit dans les environs. Je secouai la tête, guère persuadée par mes propres pensées. J'étais peut-être quelqu'un d'optimiste, mais j'avais l'impression que cela m'avait déjà perdu bien trop souvent pour que je puisse me permettre de m'y abandonner une nouvelle fois. « Tu me manques déjà. » me dit-il en attrapant mes doigts. J'hochai la tête, le cœur au bord des lèvres ; j'étais prise de nausées et les larmes semblaient monter à mes yeux sans que je n'aie envie de pleurer. Toi aussi, tu me manques déjà. J'espérai que mes yeux ne criaient pas suffisamment fort cette vérité qui m'agitait les entrailles. Je ne voulais pas paraître faible. Et pourtant Dieu savait à quel point je pouvais l'être. « J’espère que tu accompliras ce tellement de choses. J’espère aussi que je serais là, pour m’émouvoir de ta réussite. Après tout, tu es mon petit bébé. » ajouta-t-il et je secouai la tête en buvant une gorgée de mon café. « Tu parles. Je suis devenue vieille entre temps. » déclarai-je, théâtrale. « Tu vas devoir attendre longtemps pour ma réussite. Je ne suis pas particulièrement pressée. » Au fond, il avait raison. Je n'étais qu'une enfant en sa présence. Mon cœur rata un battement, tandis que je me sentais emprunte de tristesse ; il n'avait fait que confirmer tout ce que j'avais bien pu penser au cours de ces années.
J'étais trop jeune, beaucoup trop jeune pour une personne comme lui. Je ne serais jamais réellement à la hauteur.
Il passa une main dans ses cheveux, et je suivis son geste du coin du regard, les yeux perdus dans le hall de la gare. Notre conversation semblait incroyablement distante et emprunte de malaise ; je savais que j'étais en partie responsable de cela. Je ne parvenais pas à me détacher de cette tristesse qui m'enveloppait. Je ne parvenais pas à me retrouver. « Ca ne te dérange pas de rester ici ? Tu n’as pas à m’accompagner jusqu’au train. » me lança-t-il et je fronçai les sourcils. « Tu ne veux pas que je vienne jusqu'au quai ? » demandai-je en tentant de conserver un ton serein. J'avais peur de mal interpréter ses paroles. Je savais que cela était sans doute de la pure politesse ou courtoisie ; pourtant, au fond de moi, mes sentiments blessés me murmuraient qu'il ne désirait pas que je le suive. « Je n'ai pas fait tout ce chemin pour finalement ne pas te faire de grands signes pendant que ton train s'en va. » expliquai-je en haussant les épaules. J'attrapai nerveusement une mèche de cheveux entre mes doigts. « Enfin, comme tu préfères, je m'en fiche. » Je pris une profonde inspiration en passant finalement mes cheveux derrière mes oreilles. J'avais envie de courir. Besoin de courir. Peut-être rentrerai-je à mon studio au pas de course ; je me devais de me vider de toute cette énergie, toute cette douleur. J'avais pensé à cet instant bien trop souvent, ces derniers mois. Et, pourtant, je n'avais pas imaginé que cela me fasse aussi mal.
J'avais l'impression que Julian m'arrachait le cœur à mains nues. Et j'agonisais.
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() message posté Dim 2 Nov 2014 - 16:54 par Invité
“I have learned that if you must leave a place that you have lived in and loved and where all your yesteryears are buried deep, leave it any way except a slow way, leave it the fastest way you can. Never turn back and never believe that an hour you remember is a better hour because it is dead. Passed years seem safe ones, vanquished ones, while the future lives in a cloud, formidable from a distance.” ― Beryl Markham, West with the Night Les lumières ternes éclairaient à peine l’intérieur de la gare. Je sentais mon cœur se serrer à la pensée de mon départ imminent. Ces quelques mois en sa compagnie m’avaient semblé comme un rêve éveillé. Il y’ avait un combat déchirant à l’intérieur de mon cœur, une dispute acharnée entre ma volonté et mes désirs éphémères. J’avais longtemps pensé que l’avenir m’embraserait avec volupté afin de m’emporter au-delà des frontières de mon imaginaire. J’avais tellement de choses à offrir, et si peu à recevoir. Mais tous mes espoirs se confondaient lorsque je rencontrais le visage placide d’Eugenia. Mes yeux étincelaient de joie dans un endroit sombre et obscure, mais la surdité cruelle et l’abandon d’un être cher, dénaturaient mes sentiments. Je pris une lampée de café sans me détacher de mon gobelet. Je rêvais d’explorer le monde et toutes les opportunités qui s’offraient à moi. Je rêvais de m’élever au rang des êtres nobles et héroïques qui hantaient mes romans préférés. Je déglutis, le liquide chaud se collait contre mes muqueuses irritées par le froid. Je couvais certainement un rhume. Je me raclai la gorge en silence.

Malgré la distance, j’avais une foi inébranlable en nous. Mon cœur était sous scellé, promis à un seul être. Et même si je m’évertuais à tromper cet amour auprès de créatures délicieuses et exquises, tous mes plaisirs restaient amers. Il n’y avait rien pour m’enivrer autant que les douces lèvres d’Eugenia. J’avais rêvé de nos baisers fébriles sur le porche de la maison Lancaster un million de fois depuis le bal de promo. Mes pulsions étaient si fortes qu’elles en devenaient parfois réelles. Je soupirai.

« Je manque simplement de sommeil. Ne t'inquiète pas. Je sais que tu ne me quittes pas. Je le sais.» Lança-t-elle en pressant sa main contre mon épaule. C’était un geste innocent, elle se voulait probablement rassurante, mais ce n’était qu’un nouveau leurre. Mes mots étaient inquiets et fragiles. Je ne savais pas supprimer ses doutes. Toutes mes promesses restaient vaines sans la preuve ultime de mon affection : Un doux baiser d’au revoir. J’arquai un sourcil peu convaincu par sa prestation.

« Je ne savais pas que tu pouvais être aussi défaitiste, petite teigne ! » La taquinai-je sans m’attarder sur le sujet. Je savais – j’y croyais assez pour deux.

J’attrapais ses doigts pour une caresse pudique. Tous mes gestes étaient volontairement calculés. Après tout, elle m’avait déjà repoussé pour avoir été trop entreprenant, ou trop inapproprié à son gout. Je fis la moue en posant ma boisson encore fumante. Le gout de l’amertume me retournait l’estomac. Je n’en pouvais plus de cette proximité et de ces mensonges refoulés.

« Tu parles. Je suis devenue vieille entre temps. Tu vas devoir attendre longtemps pour ma réussite. Je ne suis pas particulièrement pressée. »

J’éclatai de rire. J’adorais ses railleries théâtrales et ses faux airs d’indignation. Elle était douce et adorable à souhait. Je la dévorais des yeux, exalté par son image espiègle.

« Je suis pressé de te voir réussir. Rien ne me rendrait plus heureux. » Souris-je plein d’espoirs.

Elle suivait chacun de mes gestes avec attention. Notre conversation sonnait fausse dans mes oreilles – nous étions des étrangers, catapultés à mille lieux de nos souvenirs complices. La tristesse voilait mon regard sur le monde, et même s’il me tardait d’aller à Liverpool, je ne voulais pas la laisser dernière moi de façon aussi sobre et dégagée. Ou étaient donc passées l’émouvante caresse ? La compression de la cage thoracique ? Et la promesse d’une rencontre nouvelle ? Je retins mon souffle. C’était peut-être moins douloureux ainsi.

« Tu ne veux pas que je vienne jusqu'au quai ? »

Je restai figé sur place – hypnotisé par le son de sa voix.

« Je n'ai pas fait tout ce chemin pour finalement ne pas te faire de grands signes pendant que ton train s'en va. » Elle haussa les épaules dans un geste nerveux.

Je souris d’un air désinvolte. Rien ne me ferait autant plaisir que de la voir agiter les bras en ma direction, mais cet image allait disparaître dans la brume matinale et je me sentirais seul et désemparé tout le long du trajet.

« Enfin, comme tu préfères, je m'en fiche. »

Eugenia était blessée. Je l’avais contrarié encore une fois. Je soupirai, exaspéré par ma propre bêtise.

« Je ne veux pas te voir disparaître ou remarquer les larmes au coin de tes yeux. Je te connais. Je reviens dans 15 jours. » Finis-je par avouer. « C’était une surprise, j’ai déjà réservé mes billets. Je reviendrais autant que possible, selon mes partiels et mes cours. Je ne veux pas que tu y songes comme à une séparation … Je ne pars pas vraimen. »

Je mettais toute ma conviction dans ma voix. Je me penchai en me redressant. Mes lèvres tremblèrent au contact de son front brûlant. Je souris.

« Je sais que tu es triste – je le suis aussi. » Lançai-je avec une profonde douceur. « Tu es ma princesse. J’ai juré allégeance, si tu crois que tu vas te débarrasser de moi aussi facilement. »

Je me levai avec lenteur.

« Viens, on a encore le temps de manger des haribo en attendant l’affichage des quais. »

Je lui tendis la main. C’était insupportable de rester stoïque en attendant le moment fatidique ou la fatalité allait nous tomber dessus. Je préférais bouger.

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() message posté Dim 2 Nov 2014 - 19:33 par Invité
london - january, 22nd 2011; to leave, after all, was not the same as being left. “i love you. i send this message through my fingers and into her heart. hear me. i love you. and i'm sorry to leave you.” - in the end, everybody leaves. ✻✻✻ J’avais déjà vécu un départ. Un seul autre. Cela avait été celui de mon père lorsque je n’avais été âgée que de cinq ans ; je n’avais absolument aucun souvenir de cet instant et je demeurais persuadée qu’à cet instant je n’avais pas compris ce que cela signifiait. Mais la suite avait crié la vérité de ces évènements. Mon père n’était plus rentré à la maison après une journée de travail. Il ne nous avait plus déposées à l’école, ma sœur et moi, ces matins d’hiver. Il avait cessé de regarder la télévision à nos côtés lorsque cela était les dessins animés du dimanche après-midi. Je n’avais pas compris qu’il était parti, j’avais simplement compris son absence. J’avais peut-être continué de le voir régulièrement, un week-end sur deux et durant la moitié des vacances scolaires, mais il m’avait manqué. J’avais peut-être continué de le voir régulièrement, mais cela ne m’avait jamais suffi. Il avait été absence. Et une absence, malgré les minces tentatives pour l’apaiser, demeurait toujours un trou béant dans une poitrine. Il avait été là puis, un jour, il ne l’avait plus été.
Je savais que cela ferait la même chose avec Julian. Je savais que malgré les fois où il reviendrait à Londres, cela ne serait pas suffisant. Deux jours ensemble pour trois semaines séparés ne seraient jamais satisfaisant. Je déglutis avec difficulté en observant mon gobelet, perturbée par cet instant singulier qui résonnait si faux au creux de mes oreilles. Chaque sourire qui pouvait bien passer sur mon visage me semblait forcé ; j’étais amusée sans l’être, comme si tout ce que je pouvais dire ne serait jamais à la hauteur de son départ. Je ne pouvais pas compenser ma tristesse avec des distractions passagères. Je ne parvenais pas à oublier qu’il s’en allait, qu’il allait me manquer. J’avais mal de cette distance qui ne s’était pas encore placée entre nous. Je retins ma respiration, plongée dans une théâtralité faussée qui l’amusait tant je pouvais être puérile. Il m’observa, un sourire aux lèvres. « Je suis pressé de te voir réussir. Rien ne me rendrait plus heureux. » me déclara-t-il. Je secouai la tête, presque dépitée, surjouant chacun de mes gestes pour me donner en spectacle. Je l’avais souvent fait, en sa présence. Comme s’il m’avait toujours donné l’étincelle d’être espiègle et d’agir comme bon je l’entendais, sans aucune limite ni frontière. « J’espère que tu es prêt à t’armer de patience. Je prévois ma réussite pour dans, à peu près, cinquante-sept ans, deux mois, une semaine et quatre jours. Note la date sur ton calendrier. » Je bus ce qu’il me restait de café avant de reposer mon gobelet.
Je n’étais qu’une sale gamine. Il s’en rendrait bien vite compte une fois à Liverpool, et j’en demeurais persuadée.
J’aurais aimé partir à l’instant mais je m’accrochai à l’idée de l’accompagner jusqu’au bout comme si j’étais une personne d’importance. Le fait qu’il m’ait invité à demeurer là me blessa sans que je ne sache pourquoi ; j’avais l’impression qu’il me congédiait, qu’il m’annonçait que j’avais rempli mon rôle et qu’il désirait continuer sans moi. Je ne pus mesurer mes paroles, lui adressant des mots grinçants en regrettant instantanément de les avoir prononcés. Il finit par pousser un soupir, et je me mordis l’intérieur de la joue en tripotant mes propres doigts, m’attendant à ce qu’il me fasse une remarque. « Je ne veux pas te voir disparaître ou remarquer les larmes au coin de tes yeux. Je te connais. Je reviens dans quinze jours. » me déclara-t-il. Quinze jours. Mes yeux s’agrandirent à l’entente de cette nouvelle ; j’ouvris la bouche mais il enchaina, me coupant dans mon élan. « C’était une surprise, j’ai déjà réservé mes billets. Je reviendrais autant que possible, selon mes partiels et mes cours. Je ne veux pas que tu y songes comme à une séparation… Je ne pars pas vraiment. » Je ne pus m’empêcher de sourire, mon cœur s’affolant dans ma poitrine. Quinze jours. Cela ne faisait que deux semaines. Cela n’était pas plus long que mes séjours chez mon père. Cela ne représentait rien, rien du tout, face aux mois de solitude que je m’étais imaginé. Il se pencha vers moi pour embrasser mon front, et je continuai de sourire comme une imbécile heureuse. Après tout, je l’étais. J’étais heureuse. « Je sais que tu es triste – je le suis aussi. » poursuivit-t-il doucement. « Tu es ma princesse. J’ai juré allégeance, si tu crois que tu vas te débarrasser de moi aussi facilement. » Je me mis à rire, tremblante, passant une main sur une de mes joues littéralement en feu. Je pris une profonde inspiration en fermant les paupières, avant de secouer la tête, soulagée.
Je me sentais tout d’un coup sereine comme si le poids d’une mauvaise nouvelle m’avait été retiré. Je me sentais vivante, presque, poussée par de nouveaux espoirs et de la satisfaction. « Et tu as gardé ça pour toi ! » m’exclamai-je avec un immense sourire aux lèvres, me redressant sur ma chaise. « Je ne comprends pas comment tu as pu me cacher un truc pareil lorsque j’étais à deux doigts de me glisser dans une de tes valises pour qu’on ne soit pas séparé. » Je lui adressai une mine boudeuse, les bras croisés devant ma poitrine. Je me retrouvais de nouveau enjouée, animée par cette euphorie passagère. Je savais que cela ne ferait que repousser notre séparation. Je savais que cela ne serait que deux jours ensemble contre deux semaines séparés. Je savais qu’il me manquerait quand même, que je décompterais des jours incroyablement longs pour profiter de lui durant qu’un instant raccourci. Mais je me berçais d’illusions. Je m’efforçais de croire que cela nous suffirait. « Viens, on a encore le temps de manger des Haribo en attendant l’affichage des quais. » Il tendit sa main et je l’attrapai sans hésiter. Nous nous levâmes de la terrasse pour nous diriger dans la gare, longeant les boutiques qui bordait l’autre côté des quais. Je me sentais plus légère. J’étais moins déchirée par cet instant qui m’avait terrorisé durant des semaines. « Tu veux qu’on aille acheter les bonbons au kiosque ? Ils doivent avoir un étalage entier, et puis ça pourra te permettre d’acheter de la lecture pour le trajet. » demandai-je en me hissant sur la pointe des pieds pour observer l’ensemble de la gare. Mes doigts emprisonnaient toujours les siens fermement. Je me refusais de le lâcher. « Tiens, regarde, il y en a un là-bas. » désignai-je. « J’espère qu’ils ont des crocodiles. Ou bien des dragibus. Oh, j’ai envie de dragibus. » Je m’exaspérais presque moi-même ; peut-être que l’invitation de Julian à manger des Haribo était une façon de faire la paix, mais dans tous les cas, cela avait suffi pour réveiller la gourmande que j’étais. Je ne changerais jamais, après tout. Et, quelque part, j’étais satisfaite en pensant qu’il m’acceptait telle que j’étais.
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() message posté Mar 25 Nov 2014 - 16:55 par Invité
“I have learned that if you must leave a place that you have lived in and loved and where all your yesteryears are buried deep, leave it any way except a slow way, leave it the fastest way you can. Never turn back and never believe that an hour you remember is a better hour because it is dead. Passed years seem safe ones, vanquished ones, while the future lives in a cloud, formidable from a distance.” ― Beryl Markham, West with the Night Je ressentais cet instant comme un échec. Je perdais la notion du temps dans l’ambiance morne d’un à dieu. Mon esprit engourdi voguait au loin, emporté par un million de doutes. Je chancelais, je tombais, mais je n’arrêtais jamais d’avancer - Tel était mon destin. Je savais que je n’étais pas talentueux outre mesure – la compétence elle seule ne pouvait combler tous les vides dans mon cœur. Je voulais m’élever au rang des plus grands, et devenir immortel à mon tour. Ainsi mon nom raisonnerait des années après ma mort, retraçant l’existence puérile d’un enfant brisé qui avait réussi. Eugenia était candide et pleine d’espoir, mais elle ne pouvait pas comprendre cette part d’ombre qui m’habitait. Je devais être trop parfait à ses yeux. Alors elle se voilait la face pour mieux m’apprécier. Je crispais mes doigts autour de mon gobelet. Mon café n’avait plus aucun gout. L’amertume se mélangeait au sucre et à la chantilly avec une profonde fadeur. L’amour semblait ne pas exister. Tout n’était que mirages et illusions. Rien n’était mirages et illusions. J’étais perdu dans mes propres tourments. Comment raisonner dans ce tourbillon d’agitation ? Comment lui avouer mes pires secrets ?

« J’espère que tu es prêt à t’armer de patience. Je prévois ma réussite pour dans, à peu près, cinquante-sept ans, deux mois, une semaine et quatre jours. Note la date sur ton calendrier.» Sa voix douce transfigurait l’espace-temps afin d’adoucir mon humeur. Je souris avec une certaine contenance. Je voyais bien qu’elle sur jouait chacun de ses gestes pour me faire plaisir, mais je n’avais que faire d’une jovialité mensongère. Je voulais partager ses craintes, et la rassurer avec la dextérité de l’auteur et la douceur du meilleur ami. Après tout c’était bien l’étiquette qu’elle m’avait collé depuis des années.

« Je ne risque pas de t’oublier, Eugenia. » Soufflai-je en la fixant du regard. Une étincelle insalubre traversa mes yeux injectés de sang. La fatigue brûlait mes rétines, mais je restais éveillé par un grand miracle. Je fis la moue en me penchant : « J’espère que je ne serais pas mort avant. ça en fait du temps mine de rien – Je prévois de mourir jeune. C’est la tragédie des âmes pensantes de ce monde. »

Je poussais un soupir en rejoignant le dossier de ma chaise. Je voulais me lever et quitter cette bulle de tristesse, afin d’embrasser mes nouvelles aventures. J’étais conscient du vide et des souvenirs que je laissais dernière moi, mais je ne pouvais réprimer une certaine euphorie à la perspective de réaliser mes rêves. Mes ambitions grouillaient en moi comme un feu ravageur. Ma poitrine était lourde de sentiments et de peur, mais j’étais prêt à relever tous les défis. J’enveloppais Eugenia d’affection en souriant. Le voile de détresse qui était tombé sur son visage se dissipait peu à peu au gré de mes promesses. Je revenais dans quinze jours, et ce simple geste, me donnait l’impression de le lui offrir le monde tout entier. Son regard s’illumina.

« Et tu as gardé ça pour toi ! Je ne comprends pas comment tu as pu me cacher un truc pareil lorsque j’étais à deux doigts de me glisser dans une de tes valises pour qu’on ne soit pas séparé. »

J’haussai les épaules d’un air innocent.

« Mais c’était une surprise ... » Me défendis-je en courbant la bouche d’un air faussement dépité.

Je me levais à mon tour, lui tendant la main dans un geste naturel. Il n’y avait que rarement des moments de gêne entre nous. La plus part du temps, je l’enlaçais, je l’embrassais et je l’étreignais avec amour sans qu’elle ne se rende compte que mes gestes cachaient une pointe romantique. Elle s’élançait jovialement à mes côtés - et je ne pouvais m'empêchais de penser à l'image que l'on pouvait renvoyer ensemble Nous étions beaux, en couple. Son esprit était libre et intenable. Le mien ne brillait qu'à ses côtés. Je ne pu réprimer un éclat de rire en faisant balancer nos doigts emmêlés.

« Tu veux qu’on aille acheter les bonbons au kiosque ? Ils doivent avoir un étalage entier, et puis ça pourra te permettre d’acheter de la lecture pour le trajet. » Proposa-t-elle en se hissant sur la pointe des pieds comme un bébé suricate. J’étais émerveillé par sa spontanéité. C’était un souffle de vie charmant. Je la laissai me trainer à sa guise, après tout j’étais le pantin pour ses désirs enfantins.

« Tiens, regarde, il y en a un là-bas. J’espère qu’ils ont des crocodiles. Ou bien des dragibus. Oh, j’ai envie de dragibus. »

J’éclatai de rire. Mes yeux accrochèrent les siens pendant une fraction de seconde. Mon cœur se serra douloureusement. Les visages défilaient tout autour de la gare, mais je ne pouvais me détacher de cette étincelle lumineuse. Mon cerveau se noyait dans sa mélancolie. C’était incroyablement difficile de n’être qu’un ami. C’était incroyablement désagréable d'être seul dans le noir. Un jeune homme me bouscula, coupant notre connexion. Mon âme se ployait – souffrant le martyre. Etais-je le seul à ressentir cette tension? Je passai une main dans ma chevelure ébouriffée.

« Dragibus ... » Répétai-je avec lassitude. Sur le moment, je n’avais aucune idée de ce que c’était. Pour moi, tous les bonbons se ressemblaient.

Je me redressai avec une extrême lenteur. Je m’éveillais lentement de mon absence, l’hôtesse braillait des numéros de quai au hasard, mais aucun son ne semblait m’interpeller. Pourtant elle répétait sans cesse ma destination : Crewe , South Liverpool. Je pivotai sur ma jambe droite jusqu’au kiosque avant de percuter.

« Je crois qu’on m’appelle … » Susurrai-je d’une petite voix. Je me retournais vers Ginny. « Je suis désolé … »

Mes émotions prenaient la forme sauvage de la déception. Je pressai ses épaules avant de la retenir contre ma poitrine. Ma main se ferma sur l’arrière de son crâne avec désespoir. Il me semblait que le poids des maux de l’humanité s’abattait sur moi. Le monde était cruel. Mes ambitions étaient cruelles. J’étais cruel …

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