(✰) message posté Jeu 17 Avr 2014 - 19:43 par Invité
what a shame we all became such fragile and broken things
lizzie spencer and eugenia lancaster.
♔ ♔ ♔ ♔ ♔
Un sourire flottait sur mes lèvres, tandis que je m’avançais doucement dans les longues allées de l’Hyde Park. Mes bras me faisaient mal. L’intégralité du haut de mon corps me faisait mal. Mes doigts étaient meurtris ; chaque mouvement m’était désagréable, pourtant, je continuais d’avancer en ignorant toutes les douleurs qui m’assaillaient. Je continuais de sourire. Sourire simplement parce que cela me rendait heureuse. Ce n’était que psychologique. Je me bornais à me convaincre moi-même. Cela faisait des mois que je n’étais pas venue ici. Des mois que je ne m’étais pas aventurée dans Westminster. Des mois que j’avais refusé de fouler la même terre que des milliers d’autres personnes, peu attentives au monde qui pouvait bien les entourer. De cette manière, j’avais pensé réussir à éviter les touristes. Eviter les regards. Eviter les autres, tout simplement, ces autres que je peinais encore à supporter ou à cohabiter avec. Mais je m’étais trompée. Après tout, ils ne se cantonnaient pas tous à Westminster ; pointer du doigt ce quartier de la ville n’avait été que se préoccuper de la moitié du problème. J’avais passé des mois à les croiser quand même, alors que je me trouvais à des rues et des rues de Westminster. Des mois à fuir un lieu sans raison valable. Au final, ce n’était pas les autres, le problème. Au final, c’était moi. Moi et moi seule. Alors, au lieu de fuir les autres, j’avais simplement à apprendre à vivre avec moi-même. J’avais décidé d’aller au-delà de cette crainte fantôme. D’aller de l’avant. J’avais mis du temps avant de finalement passer le pas de la porte ; cependant, entendre les éternelles disputes entre Scarlet et Emery avait finalement eu raison de moi. J’avais emporté dans mon sillage uniquement un livre et une veste. Ma sortie théâtrale n’avait eu aucun effet ; ma sœur et ma colocataire n’avait pas bronché en me voyant déguerpir le plancher, et avaient repris leur échange tumultueux lorsque j’avais finalement claqué la porte. Peu importe. Je me plaisais à dire que j’avais rendez-vous avec moi-même, que, cette fois-ci, je n’avais pas besoin d’elles pour réussir quelque chose. Je recherchais ce calme que j’avais toujours connu dans ce parc, et j’espérais qu’après tous ces mois, je finirais par le retrouver. Mais comment pourrais-je trouver du calme avec la tempête intérieure qui faisait rage dans mon crâne ? Je déglutis, avant de pousser un soupir. Je m’arrêtai doucement, observant autour de moi, et mon sourire s’effaça. Rien n’avait changé, autour de moi. Les arbres demeuraient les mêmes. Les fleurs continuaient de bourgeonner ; chaque allée semblait usée mais gardait ce charme qui m’avait toujours plu, dans l’Hyde Park. Il n’y avait que moi qui avais changé. Que moi qui ne correspondais plus dans le tableau. Que moi qui venais déranger les couleurs vives et harmonieuses de ce lieu calme et tranquille. J’étais comme une tâche noir sur une surface blanche. Une personne en noir et blanc sur une photo en couleurs. Je repris ma route, avant de finalement m’arrêter près d’un banc libre. Je bloquai les roues de mon fauteuil, avant de prendre le livre que j’avais gardé sur mes cuisses. Un soupir s’échappait de mes lèvres, tandis que je palpais les pages entre mes doigts ; doucement, je caressais la surface jaunie, avant de me plonger dans ma lecture, les sourcils légèrement froncés. Le temps passa. Le temps passa sans doute beaucoup trop vite. Mon visage s’était finalement détendu ; j’avais oublié le monde autour de moi pour finalement me perdre dans les lignes de mon récit. Les personnes passant devant moi n’existaient pas ; je ne sentais même plus les vifs regards que l’on me jetait. Je m’étais perdue. Perdue dans mon monde. Perdue toute seule, loin de cet univers austère qui me semblait bien sombre. Trop sombre pour moi. Trop sombre pour ce que j’étais. Puis j’entendis un déclic. Je secouai la tête, persuadée que cela venait de mes propres pensés ; je tentai de retourner dans mon roman sans pour autant y parvenir. Clic. Je pris une profonde inspiration, presque prise d’impatience. Clic. Je finis par relever la tête. Et chercher la source de ce bruit répétitif. Mes yeux voyagèrent parmi le peu de touristes présents ; je fronçai les sourcils en me rendant compte que cela ne pouvait pas venir d’eux. Et mon regard accrocha celui d’une blonde, à quelques mètres. D’une blonde avec un appareil photo d’allure professionnelle. Une blonde qui me regardait presque avec concentration. « Oui ? » lui demandai-je. Ma voix avait tremblé, traduisant la confusion dans laquelle je me trouvai. Je secouai la tête pour me reprendre, avant de la fixer de nouveau. Puis je compris. Je compris ce qu’elle faisait. Je compris qu’elle me prenait en photo, moi. « Je… » commençai-je, ma voix se perdant au fond de ma gorge. Mais, à vrai dire, mes pensées s’étaient arrêtées. Mais, à vrai dire, je ne parvenais plus à mettre des mots sur ce que je ressentais. Je ne savais pas si je devais être flattée ou me sentir insultée. Je ne savais pas si cela était une bonne ou une mauvaise chose. De l’inspiration ou de la pitié. Un sentiment malsain ou de l’art, tout simplement. Je ne savais pas. Je ne savais plus. Alors, je préférais me taire, simplement parce que cela était sans doute plus facile de cette manière.
Alycia Hemsworth
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(✰) message posté Jeu 5 Juin 2014 - 17:10 par Alycia Hemsworth
Eugenia Lancaster & Lizzie Spencer.
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C'était décidé, c'était aujourd'hui que j'allais officiellement lancé mon projet ! Depuis plusieurs jours maintenant, j'avais une nouvelle idée en tête, un nouveau projet et comme souvent, je n'avais pas le temps de commencer tout de suite à cause du travail déjà à faire. Et puis comme souvent, je prenais le temps de peser le pour et le contre avant de véritablement me lancer. Depuis que je travaillais pour moi-même, j'étais un peu moins téméraire que ce que j'avais pu être pas le passé, parce que je ne pouvais pas me permettre de faire n'importe quoi. J'étais la seule à rapporter de l'argent à la maison, ce qui faisait que par conséquent j'avais attendu avant de me lancer dans ce projet. Je ne voulais pas faire n'importe quoi et il m'avait fallu quelques jours pour visualiser correctement ce que je voulais faire. Des portraits, voilà ce que je voulais réaliser. Mais pas des portraits de personnes qui posaient, non des portraits de personnes inconnues qui m'inspiraient quelque chose, c'était ce que je voulais faire. Je passais la plupart de mes journées à prendre des photos pour des personnes qui le voulaient et j'avais décidé de faire tout le contraire. Ce n'était pas pour des fins commerciales, mais pour moi, pour montrer aux gens, sans rien attendre en retour. Peut-être qu'un jour j'aurais assez de courage, pour me lancer dans une exposition de mes photos, mais ce n'était pas au programme pour le moment. Après avoir terminé de m'occuper d'un travail en retard, j'avais pris un de mes appareils, pas trop gros, facilement transportable, mais suffisamment bon pour faire le genre de photos que je désirais. Je ne savais pas encore trop où aller, j'avais pris le métro pour tenter de m'inspirer et avais même pris quelques photos qui pouvaient être intéressantes, mais il me fallait un lieu avec plus de monde. Avec le temps qui était clément, il me fallait un lieu public extérieur, comme un parc par exemple. Cela me semblait tellement évident maintenant, que je me demandais comment j'avais fait pour ne pas y penser plutôt. L'Hyde Park serait parfait pour cela, je pouvais déjà visualiser le genre de photos que je voulais. Oui, cela allait être le cadre parfait. Encore deux stations et je serais là-bas. J'étais maintenant impatience et le métro me semblait aller plus lentement que d'ordinaire, avec bien évidemment une tonne de monde, qui me faisait me retrouver coincer entre deux personnes, ce qui n'était pas agréable du tout. Une main crispée sur mon sac qui contenait mon appareil photo et l'autre sur la barre pour me maintenir debout. Plus qu'une station. Les gens sortirent, pour être aussitôt remplacés par d'autres personnes. Jamais le métro ne semblait vide. Bientôt se fut la délivrance et je sortis rapidement pour retrouver l'air libre et marcher jusqu'à ma destination, qui n'était qu'à quelques pas.
Tout en marchant, je pris mon appareil photo en main, histoire d'être prête. Je n'avais pas d'idée précise de personnes, cela se sentait en voyant les gens, c'était impossible à prévoir et c'était là tout l'intérêt de mon après-midi. Me laisser porter par ce que j'allais voir. Le parc n'était pas pleins de monde, parce que nous étions en pleine semaine et qu'il ne faisait pas encore des chaleurs à aller se faire bronzer dehors. Mais comme toujours il y avait quand même quelques personnes. Beaucoup de styles différents, des couples, des enfants, des sportifs, des personnes seuls et en voyant tout ce monde j'étais impatiente de commencer. Appareil en main, je tournais mon sac de façon à ce qu'il m'arrive dans le dos, pour être plus libre de mes mouvements, avant de prendre ma première photo ici. Un enfant qui était en train de faire des bulles et qui semblait s'amuser comme si c'était la meilleure activité au monde. Puis un couple, puis une personne au téléphone, un autre couple qui se tenait par la main et ainsi de suite. Je ne savais pas encore si j'allais garder toutes les photos, mais j'étais sûre d'une chose, j'avais eue raison de venir ici. Si jusqu'ici j'avais pris pas mal de photo, ce fut une jeune femme en fauteuil roulant, qui attira véritablement mon attention. Elle ne faisait rien de particulier, seulement lire, mais il y avait quelque chose de beau là-dedans. Je ne pus m'empêcher de la prendre en photo plusieurs fois, mais je n'aurais peut-être pas dû me rapprocher, parce que le son de mon appareil lui fit relever la tête. Je m'abstiens de recommencer, maintenant qu'elle me fixait, ne voulait pas être malpolie. Je n'avais pas prévu de devoir parler à quelqu'un, mais quand elle commença à parler, je ne pouvais vraiment faire comme si de rien n'était et repartir. Quoique si, en réalité j'aurais pu, je ne doutais pas aller plus vite qu'elle, mais je n'étais pas ce genre de personne. Baissant mon bras, je m'approchais alors d'elle, pour m'expliquer ou du moins m'excuser de l'avoir dérangé dans sa lecture. « Désolée, d'avoir interrompue votre lecture. » J'aurais pu repartir aussitôt, mais le fait était que j'avais envie de reprendre des photos d'elle. La voir assise seule, en train de lire, comme si rien ne pouvait la gêner, avait quelque chose de fascinant. « Je ne voulais pas vous déranger, mais vous voir de la sorte, était tout simplement magnifique. Je n'ai pas pu m'en empêcher. » J'avais parlé tout en me rapprochant d'elle, il aurait été ridicule de rester éloigner. « Je m'appelle Lizzie. » Quitte à l'avoir dérangeant, autant qu'elle sache par qui.
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(✰) message posté Sam 7 Juin 2014 - 19:50 par Invité
what a shame we all became such fragile, broken things. a memory remains just a tiny spark. i give it all my oxygen to let the flames begin. ✻✻✻ Je lisais et pensais en même temps. Je m’étais perdue dans un monde loin, si loin que je ne savais même pas si je parviendrais à m’y retrouver. Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu l’occasion de faire le point de cette manière dans mon propre esprit ; j’avais peut-être énormément de temps pour moi, mais il était rare que je me permette de prendre de la distance. Après tout, chez moi, il y avait ma sœur et notre colocataire, sans cesse en train de se disputer, sans cesse en train de me rappeler que j’avais besoin des autres pour m’en sortir. Après tout, chez moi, lorsque j’étais finalement seule, mes quatre murs finissaient toujours par me plonger dans des réflexions sur la mort et sur mon accident, et je me rappelais que je n’avais plus de vie, plus d’amis, plus de personnes à aimer. Après tout, à l’hôpital, je me focalisais sur mes chutes, sur mon incapacité à progresser, sur mon handicap qui continuait de prendre toute la place dans ma vie. Je ne sortais plus. Je ne marchais plus. Je ne dormais plus. Je n’étudiais plus. Ma vie n’avait plus de sens. J’étais une malade à plein temps ; j’étais un parasite de la société, un parasite qui aurait mieux fait de crever au lieu de s’accrocher à la vie dans les pires moments comme j’avais bien pu le faire. Je n’étais plus habituée aux pensées calmes. Aux pensées douces. Mon esprit avait été, ces derniers mois, une tempête que je n’étais jamais parvenue à calmer. Alors, cet instant précis m’était particulier et nouveau. J’étais sereine, et cela m’apaisait au plus profond de mon être. Je sentais le vent se glisser dans mes cheveux ; les pages de mon livre se froissaient entre mes doigts. J’étais imperturbable. Peut-être étais-je sur le chemin de la rédemption ; je n’en savais rien. J’étais bien trop heureuse d’enfin parvenir à demeurer calme et silencieuse que je préférais ne pas encombrer mon esprit avec de telles réflexions. Une jeune femme vint troubler ma quiétude, et je revins sur Terre. Je fus incapable de prononcer une phrase correcte grammaticalement ; je me contentai de l’observer, partager entre l’ombre d’une honte éphémère et l’envie de lui demander ce qui avait bien pu la pousser à me prendre en photo. Le timide soleil venait donner des reflets or dans sa longue chevelure ; elle tenait fermement entre ses mains son appareil comme s’il s’agissait de la chose la plus importante pouvant exister sur cette Terre. Puis je me rendis compte que je la détaillai sans doute trop du regard. Je m’attendis presque à la voir tourner les talons pour s’en aller. Mais elle ne le fit pas. Elle commença à doucement s’approcher de moi. « Désolée, d'avoir interrompue votre lecture. » me lança-t-elle, et je fus bien incapable de lui répondre quoi que ce soit. J’étais encore bien trop surprise pour articuler quoi que ce soit. J’étais encore bien trop perdue dans mes pensées pour formuler des paroles cohérentes. Elle n’avait pas l’air d’avoir pensé à mal. D’avoir eu un plaisir malsain à me prendre en photo, moi, la fille coincée dans un fauteuil. Mais le monde m’avait appris à être méfiante. Le monde m’avait appris à ne plus faire confiance aux autres. « Je ne voulais pas vous déranger, mais vous voir de la sorte, était tout simplement magnifique. Je n'ai pas pu m'en empêcher. » Je fronçai doucement les sourcils. Il y eut un silence dans le parc, comme si les oiseaux attendaient une réaction de ma part. Personne n’avait un jour qualifié l’aura que je renvoyais de magnifique. Personne n’avait jamais vu de beauté dans ma situation. Je ne savais pas si elle était honnête. Je ne savais pas si elle disait la vérité. Pourtant, au plus profond de mon être, j’avais envie de la croire. « Je m'appelle Lizzie. » finit-elle par me dire. Non. Elle ne pouvait pas me raconter des mensonges. Elle avait l’air sincère. Si sincère. Gênée, peut-être, mais sincère. « Enchantée. Je suis Eugenia. » lui répondis-je en tentant simplement ma main pour serrer la sienne. Je n’étais pas habituée à ce genre de geste. Je n’étais pas habituée à simplement être gentille et ouverte envers les autres. Seulement, j’avais l’impression que la photographe méritait un sourire. Voire même deux. « Ce… Ce n’est pas grave. Pendant un instant, je me suis demandé si vous l’aviez fait par fascination morbide. » continuai-je avec un demi-sourire. Puis je m’arrêtai dans mon élan. On m’avait toujours reproché d’être trop franche. De toujours dire ce qui effleurait mon esprit. Les mots m’avaient échappé. A vrai dire, ils m’échappaient toujours. Cela n’était pas pour rien que j’avais eu la sale habitude de me faire des ennemis tout au long de ma vie. Je pris une profonde inspiration, avant de corner la page où je m’étais arrêtée dans mon livre et le refermer. « Désolée, ma bouche a dépassé mes pensées. J’ai tendance à devenir légèrement paranoïaque. » plaisantai-je. « Mais comme vous m’assurez que c’est pour une autre raison, je vous crois sur paroles. » Je lui adressai un nouveau sourire en haussant les épaules. Je n’étais pas habituée, non. Pas habituée à attirer l’attention d’une autre manière qu’avec de la pitié. Je ne lui avais pas menti ; j’avais tendance à voir le mal partout autour de moi. Après tout, on n’avait pas encore eu l’occasion de me montrer que le bien existait également.
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(✰) message posté Sam 16 Aoû 2014 - 0:41 par Alycia Hemsworth
Eugenia Lancaster & Lizzie Spencer.
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Je n'avais pas prévu de déranger quelqu'un en prenant mes photos, je pensais être plus discrète. Seulement il était vrai que je m'étais arrêté plus longtemps sur cette fille. Il y avait quelque chose de magnifique dans sa façon de se tenir là. Son livre, la lumière, sa position, le fauteuil... C'était un ensemble de toute ces choses qui m'avaient fait m'arrêter pour la prendre elle, particulièrement en photo. Je dois reconnaître qu'à sa place, j'aurais aussi été intrigué si quelqu'un m'avait prise en photo de la sorte. Maintenant qu'elle m'avait vu, je n'avais pas d'autre choix que de parler, je ne pouvais pas faire comme si de rien n'était et partir. Ce n'était tout simplement pas mon genre. Je ne savais pas vraiment quoi lui dire, je ne la connaissais pas après tout et décidais alors de me présenter, après m'être excusée. Être moi-même c'était ce qui allait être le mieux selon moi. Elle pourrait très bien m'envoyer balader ou ne pas me répondre, c'était un risque à courir. La seule chose que j'espérais c'est qu'elle ne me demande pas d'effacer mes photos. Non, j'avais pris une très bonne série de photo d'elle et je ne sais pas si je pourrai les effacer, j'étais réellement satisfaite de ce que cela donnait. J'avais la réelle impression de l'avoir dérangé et je me sentais un peu coupable. La pauvre n'avait rien demandé et moi j'étais arrivée interrompant ainsi sa lecture. Je ne saurais dire pourquoi, mais j'avais l'impression que je lui devais des explications sur le pourquoi du comment. Mais avant toutes choses, je pris la peine de me présenter. C'était la première chose à faire. Enfin, la première chose à faire aurait été de lui demander si cela ne la dérangeait pas que je la prenne en photos, mais je n'aurais pas eu ces superbes clichés, puisqu'elle aurait forcément fait attention à l'appareil, comme quatre vint dix pour cent des gens. Ce fut avec soulagement qu'elle me répondit. J'avais eu peur un moment qu'elle ne le fasse pas. Elle ne semblait pas particulièrement amicale, mais cela pouvait se comprendre, une inconnue venait de la prendre en photos. « De même. » Je pris en même temps la main qu'elle me tendait pour la serrer. Même si cela m'arrivait très souvent, je trouvais toujours cette façon de se saluer, assez barbare. « Par fascination morbide ? » Je me mit à rire, pensant qu'elle plaisantait, mais je réalisais bien vite que non. « Oh... » Je ne mettais absolument pas attendu à ce genre de remarque. Voilà, ce qui pouvait arriver quand on prenait en photos des inconnus et qu'on finissait par se faire repérer. Je ne connaissais pas son histoire et forcément, j'avais des pièces manquantes à son sujet. Mais sa remarque, me fit me demander si elle était en fauteuil depuis toujours ou non. Je n'étais pas une curieuse de nature, mais maintenant je me posais quelques questions à son propos.
Sans répondre à sa remarque, je m'installais à côté d'elle tout en regardant mon appareil photo. Je remontais jusqu'à la première photo que j'avais fait d'elle. J'avais l'intention de lui montrer ce que moi j'avais vu et non comment elle-même se voyait. Bien souvent un regard extérieur était totalement différent, de ce que nous pouvions voir de nous-mêmes. « Là. Regardez. » Je me penchais pour lui montrer la photo. Elle était loin, assises, un peu flou en train de lire. La lumière présente sur la photo était tout simplement magnifique. « Vous voyez, comme vous semblait calme ? C'est tellement magnifique. » Je me mis à faire défiler les photos, tout en commentant à chaque fois. Une fois lancée dans la photo, je pouvais parler des heures et des heures. Bien souvent Noah devait m'arrêter. Il était, presque, toujours d'accord pour que je le prenne en photo -il était ma personne préférée à photographier-, mais avait beaucoup moins de patience quand je me mettais à en parler. « Et ici, vous êtes tellement concentrée dans votre lecture, que j'ai eu l'impression que vous alliez finir par entrer dans le bouquin. » J'eus un petit rire, « au moins, j'aurais été témoin de cela. » Cela aurait fait une bonne une des journaux locaux. Je m'arrêtais avant de lui montrer tous les clichés, je n'avais pas envie de l'endormir non plus. La pauvre Eugenia avait été dérangée par une folle passionnée de photos qui ne pouvait plus s'arrêter de parler une fois lancée. « Désolée, j'ai tendance à m'emballer quand il s'agit de photos. » Je lui adressais un sourire d'excuse, avant de poser mon appareil sur mes genoux. Je ne voulais pas la déranger plus que je ne l'avais déjà fait, mais je mourais d'envie de la reprendre en photo. Son visage était vraiment jolie, très photogénique. Elle était loin d'être la personne la plus souriante que j'ai pris en photo, mais cela n'avait aucune importance, elle avait une telle présence, que cela n'était pas grave. Je ne saurais dire ce qui m'avait le plus plus chez elle, c'était un tout. Et j'étais convaincue que si elle n'avait pas été en fauteuil, cela n'aurait pas rendu pareil. Ce n'était pas de la fascination morbide comme elle m'avait posé la question, mais de la fascination tout court. « Qu'est-ce que vous lisez ? » Changement de conversation soudain, mais j'étais curieuse et surtout, je voulais changer de sujet. Je ne voulais surtout pas lui faire peur, en lui parlant des photos que j'avais fait d'elle tout à l'heure. Un peu de plus et on aurait pu me prendre pour une serial killeuse, prenant des photos de sa prochaine victimes. Il fallait reconnaître, que j'avais pris pas mal de photos d'elle.
what a shame we all became such fragile, broken things. a memory remains just a tiny spark. i give it all my oxygen to let the flames begin. ✻✻✻ Ma relation au fauteuil roulant était particulière, et ce malgré l’année qui s’était écoulé ; je demandais bien souvent, lorsque j’étais assise dans le canapé, à ce qu’il soit déplacé hors de mon champ de vision, comme pour accorder un répit à mon esprit troublé. Comme me persuader qu’il n’existait pas. Que je marchais encore. Sur les photos, je veillais toujours à ce qu’on ne prenne que la partie supérieure de mon corps ; j’étais la première à pousser des cris de protestation lorsque cela n’était pas le cas. Lorsque l’on ne respectait pas ce que je désirais. Je ne m’étais pas encore habillée à sa présence constante dans mon existence. Cela était plus fort que moi ; je rejetais encore cet objet qui faisait partie de mon quotidien. J’avais l’impression qu’il n’était qu’un corps étranger, une chose qui m’empêchait d’aller de l’avant. Je le blâmais lui, le jugeant responsable si je ne parvenais plus à marcher. Je me trompais, au fond. Je le savais. Je m’étais forgée une image négative et néfaste de ma situation ; je croyais dur comme fer à ce que je pouvais bien croire en mon fort intérieur, et je prenais mes propres préjugés comme la réalité et des faits établis. Je déglutis. Personne n’était venu me contredire, après tout. Personne n’était venu me dire qu’il y avait des bons côtés à mon handicap, que l’aura que je renvoyais pouvait être jugée comme étant magnifique. Alors, si je paraissais si hostile à ce que me disait la photographe, cela n’était généré que par l’incompréhension de ma propre situation. De l’image que je pouvais renvoyer de moi. Je me sentais étrangère à mon propre corps, étrangère à ma propre apparence. Je n’avais jamais été à l’aise avec mon physique, et cela n’avait fait que s’empirer lors de l’année qui venait de s’écouler. Dans mon esprit, les rares personnes qui ne détournaient pas le regard me fixaient avec insistance, simplement occupés à contempler mon handicap. La situation me dépassait, oui. Je ne comprenais pas comment j’avais pu attirer le regard d’une photographe. Je ne comprenais pas comment je pouvais être prise en photo parce que l’atmosphère autour de moi valait la peine d’être vue. Cependant, je tentai d’être agréable, d’abandonner mes mauvais côtés pour simplement être polie, quelque part. J’avais perdu tant de temps à rejeter les autres que mon monde me semblait bien vide, désormais. Peut-être était-il temps d’accueillir de nouvelles personnes autour de moi. Peut-être était-il temps d’être humaine de nouveau, d’une certaine manière. « De même. » me dit-elle après nos rapides présentations. Un sourire était installé sur mon visage, timide mais sincère. Je l’observai avec attention, comme si cela me permettrait de lire en elle comme dans un livre ouvert. « Par fascination morbide ? Oh... » Elle s’arrêta de rire comme un oiseau aurait pu s’arrêter en plein vol. Le silence entre nos deux corps devint presque pesant ; le bruit de la vie autour de nous semblait bien loin tandis que j’entendais sa surprise et, peut-être, sa désapprobation. Je ne répondis rien, et elle vint s’asseoir sur le banc à côté de moi, les yeux plongés sur l’écran de son appareil photo de professionnelle. J’imaginais la qualité que les images pouvaient bien avoir ; cependant, bien rapidement, je détournais la tête en chassant toutes ces pensées de mon esprit. J’osais à peine l’observer faire ; je ne voulais pas être indiscrète, je ne voulais pas envahir son espace sans y avoir été invitée. Alors, je regardai simplement la couverture de mon livre, caressant l’illustration du bout des doigts. Je me mordais l’intérieur de ma joue, comme à mon habitude lorsque quelque chose me tracassait ; les secondes me parurent longues, si longue que j’en perdis rapidement le fil. Puis, elle me tira de mon attente, et je tournai la tête vers elle. « Là. Regardez. Vous voyez, comme vous semblez calme ? C'est tellement magnifique. » me dit-elle en montrant un des clichés qu’elle avait bien pu prendre de moi. Je l’observai avec retenue au départ, avant de finalement céder à ma curiosité et le détailler. La lumière était belle, oui. Si belle que je ne parvenais qu’à la voir, elle. Je n’étais qu’une figurante dans l’Hyde Park. Je me fondai dans la masse comme si c’était ma place, comme si j’appartenais à ce monde. Et, quelque part, cela me plaisait. Lizzie avait raison. J’avais l’air calme. Bien plus calme que je ne l’avais jamais été. « Et ici, vous êtes tellement concentrée dans votre lecture, que j'ai eu l'impression que vous alliez finir par entrer dans le bouquin. Au moins, j'aurais été témoin de cela. » continua-t-elle. Elle fit défiler les clichés, et je les observai avec une attention certaine. On ne me voyait pas comme une handicapée, non. Et cela était la première fois depuis mon accident que je parvenais à y croire. « Désolée, j'ai tendance à m'emballer quand il s'agit de photos. » s’excusa-t-elle, et je finis par ressortir de ma torpeur. Elle rangea son appareil et j’haussai doucement les épaules. J’avais l’impression d’avoir la gorge serrée. Elle m’avait confronté à une vision de moi que je n’avais jamais pris la peine de voir. « Il n’y a aucun soucis, vous ne me dérangez pas. » répondis-je doucement. « Vous êtes très talentueuse et vos photos parlent pour vous. Vous êtes une passionnée. » Je lui adressai un sourire, toujours perdue dans mes propres pensées. Il était rare que j’aime des photos de moi. Je trouvais mes lèvres trop fines, ma mâchoire trop carrée, mon corps trop frêle, tout cela sans compter mon fauteuil qui me suivait où que j’aille. Là, j’avais l’impression de voir une autre personne. Le reflet d’une moi plus heureuse, peut-être. J’aurais aimé lui poser plus de questions sur ce qu’elle faisait, sur les photos qu’elle prenait. Pire encore, je me retins de lui demander si elle pouvait me donner ces clichés pour mon usage personnel ; les envoyer à ma mère qui rêvait d’accrocher une nouvelle photo de moi dans son salon ou bien à mon père qui la mettrait dans son portefeuille. Mais je demeurai silencieuse. C’était ce que j’étais, au fond. Une personne silencieuse. « Qu'est-ce que vous lisez ? » me demanda-t-elle alors, et je tournai la tête vers elle avec un sourire. « Les Hauts de Hurlevent, d’Emily Brontë. Pour la centième fois, sans doute. » répondis-je. « Mais quand je lis ce livre, j’ai l’impression de me sentir chez moi. Comme si je retournai à la maison, en quelque sorte… Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire. » Je lissai la couverture de mon livre. Mes joues s’étaient teintés de rose, tandis que je me sentais légèrement mal à l’aise d’admettre une chose pareille à une personne que je venais tout juste de rencontrer. Je pris une profonde inspiration, avant de passer une mèche de cheveux derrière mes oreilles. « Enfin, vous devez sans doute ressentir la même chose lorsque vous vous retrouvez avec un appareil photo entre les mains. Vous êtes amatrice ou professionnelle ? » Bien souvent, les personnes rêvaient de vivre de leur passion, mais je savais à quel point cela pouvait bien être rare, de nos jours. Et ce, même pour les personnes talentueuses. Des personnes pouvaient encore vivre leurs rêves, cependant. Cela n’était pas mon cas, mais j’aimais rencontrer des personnes dans cette situation. Elles donnaient de l’espoir. Et c’était tout ce dont j’avais besoin.