(Dyngan&Emma) Somebody save me!

Vendredi soir, 23h30. La réunion avait été beaucoup plus longue que ce qu’elle n’avait pensé. Ils avaient discuté pendant des heures et des heures de choses pour lesquelles Emma n’avait aucun intérêt. Tout ça pour moderniser la bibliothèque, installer de nouveaux ordinateurs, de nouveaux appareils, enregistrer tous les livres dans de nouvelles bases de données… La seule partie de la réunion qui avait attiré son attention était celle concernant les nouveaux achats que l’établissement allait devoir faire pour se tenir à la page. Elle aimait se tenir au courant des dernières sorties, pour elle-même, mais également afin de pouvoir faire autant de propositions que possibles dans ce genre de réunion. Même si son avis n’était pas toujours pris en compte, elle trouvait important de se faire entendre. Après tout, il n’y avait que comme ça qu’elle pourrait espérer obtenir gain de cause un jour. Une fois la réunion terminée, alors que ses paupières tombaient toute seule, elle se dirigea vers son vélo, n’ayant qu’une hâte, arriver chez elle, dans son appartement, et s’écrouler sur son lit pour s’endormir aussitôt. Mais le sort en avait voulu autrement, puisque qu’une fois arrivée à hauteur de son véhicule, elle se rendit compte qu’un petit malin s’était amusé à crever ses pneus. Et à une heure aussi avancée de la nuit, il lui était impossible de l’emmener chez son petit réparateur. Dépitée, elle prit quelques secondes pour connecter ses neurones et réfléchir à ce qui lui restait à faire. Elle n’avait plus qu’à laisser son vélo ici, et le récupérer le lendemain pour changer les malheureux pneus. Et pour rentrer, il lui restait le métro. Elle se dirigea vers la station la plus proche presqu’à reculons. Elle n’avait jamais été une grande amatrice du train souterrain, et encore plus lorsqu’elle pensait au fait que c’était vendredi soir, et que par conséquent, la population des wagons ne serait pas des plus appréciables. Elle acheta un ticket à la borne et se dirigea vers le quai. Par chance, le métro était déjà là, au moins n’aurait-elle pas à attendre plus longtemps. Elle sauta dans la rame juste avant que les portes ne se refermassent. Et miracle, elle trouva même une place assise où dodeliner de la tête tranquillement ! La jeune femme se posa donc, épuisée, dégoûtée par les vapeurs d’alcool mêlées à l’odeur âcre du tabac froid et de la transpiration qui parvenaient à ses narines. Si seulement elle avait pu rester en apnée le temps du trajet, cela aurait été plus que salvateur. Elle jeta un œil sur les gens qui l’entouraient. La quasi-totalité d’entre eux semblait ivre, et l’on aurait pu croire à un concours de qui porterait la jupe la plus courte. Décidément, Emma ne comprenait pas ce qui pouvait passer par la tête de cette jeunesse décadente. Elle fut tirée de ses préoccupations par la sensation désagréable d’être fixée. Elle releva la tête, confirmant son impression. Un type assit un peu plus loin ne la quittait pas de ses yeux injectés de sang. A croire que celui-ci n’avait pas consommé que de l’alcool. Elle essaya de ne pas lui prêter attention, mais ce dernier ne décrochait pas. Le malaise que la blonde ressentait s’amplifia lorsqu’elle vit du coin de l’œil l’individu se lever et se diriger vers elle. A son grand désespoir, la place à côté d’elle était libre, et l’autre s’était empressé de s’y asseoir. Emma se colla autant qu’elle le put contre la paroi du wagon, s’éloignant autant que possible de lui, alors qu’il lui marmonnait des syllabes incompréhensibles, incapable qu’il était d’articuler. Elle détourna les yeux, essayant d’effacer la présence de ce type à ses côtés qui se rapprochait de plus en plus…

La journée avait été longue et dure. En tant habituel mes journées shooting étaient ponctuées de rires et de sourires, sauf que là personne n’avait été d’humeur à rire. J’avais tenté quelques boutades mais rien, un échec total. J’avais eu affaire à des coincés, totalement introvertie, ne lâchant que quelques mots. Les patrons j’en parle pas, eux ils étaient d’un sérieux qu’ils ont réussis à me retirer mon éternel sourire… Une journée pourrie en soi. Et elle fut encore plus naze lorsque je ne vis plus mon vélo. Je l’avais accroché à un poteau avec une sécurité, et je ne trouvais plus que la sécurité en sortant du bâtiment… Quelle belle bande de ploucs ceux qu’on fait ça. J’étais à l’opposé de chez moi qui plus est, et à cette heure-ci, je ne voyais plus que le métro pour rentrer. La loose.
Je me dirigeais alors vers la station de métro la plus proche, ma valise à la main. Et attendais patiemment le premier wagon. Ce n’est pas que je déteste le métro, mais disons que je trouvais l’endroit un peu trop glauque, je préférais être à l’air libre avec mon vélo. Alors j’entrais dans le wagon et prenais place sur un siège. Je n’avais même pas sortie mon appareil pour une fois, bien trop démoralisé et claqué de cette journée maussade.
Je savais que le trajet allait être long, très long, je devais me prendre la ligne au complet puis en attraper une autre au vol, soit une bonne demi-heure dans ce métro… La journée terminait en beauté. Je scrutais les gens autour de moi, beaucoup de gens étaient ronds comme des queues de pelles, au point de se rétamer sur la rame du métro, d’autres avaient les yeux injectés de sang, à croire que c’était la fête nationale aujourd’hui… Ah non, on est vendredi soir, qui dit vendredi dit sortie ! Génial, je vais encore avoir le droit à la femme alcoolisée… Je soupirais d’avance, puis regardais une jeune femme blonde qui ne se sentait pas du tout à l’aise dans cet environnement hostile. Elle fuyait le regard de quelqu’un, et je perçu non loin, un homme pas frais du tout. Il ressemblait à un de ses camés qui ne va pas tarder à faire une connerie… Il s’approchait d’elle avec un regard de prédateur, et immédiatement je me mis sur le qui-vive, je sentais que ça allait déraper. Il s’installait à ses côtés, un sourire de pervers sur ses lèvres, et avant même qu’il ne lui adresse la parole, je me levais et me dirigeais vers la jeune femme, en improvisant totalement…

« Nikky ! Qu’est-ce que tu fais ici ? Viens avec moi on a du temps à rattraper ! Raconte-moi tout de ta vie !! »

J’attrapais la jeune femme par la main, la faisant se lever, et l’emmenais s’installer près de moi à l’autre bout du wagon, en faisant mine de parler avec elle, scrutant la réaction du mec. Je lui fis un sourire en coin à la jolie blonde, puis lui parlais calmement…

« - Désolé d’être intervenu, mais je pense que c’était nécessaire ! »

Alors qu’Emma faisait tout pour ignorer la présence du jeune imbibé d’alcool à ses côtés, tandis que celui ci semblait essayer d’entamer la conversation – bien que cela ne semblât pas vraiment possible – un autre jeune homme, qui lui paraissait beaucoup plus sobre, et qui avait observé la scène de loin, se leva et vînt à la rescousse de la jeune blonde. Il l’interpella comme s’il la connaissait depuis une éternité, et lui pris la main, l’entraînant à l’autre bout du wagon, loin, très loin du prédateur qui l’avait mise plus que mal à l’aise. Bien qu’elle ne connaissait pas son mystérieux chevalier servant, elle lui était infiniment reconnaissante de l’avoir tiré de cette situation plus qu’embarrassante. Une fois à une distance raisonnable de l’autre, qui semblait avoir complètement abandonné ses idées de conquêtes avec l’arrivée du jeune homme, elle se tourna vers son sauveur, qui venait de s’excuser, à sa grande surprise.

« Oh mais ne t’excuse pas ! Au contraire, merci beaucoup, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi… Je ne suis pas vraiment habituée au métro, encore moins à une heure pareille, je ne savais vraiment pas quoi faire… Mais excuse moi, je parle, je parle, et je ne me suis même pas présentée ! Je ne m’appelle pas Nikky, mais Emma. Vraiment enchantée d’être tombée sur toi à un moment pareil ! »

Elle ne pouvait pas s’en empêcher, il fallait qu’elle évacue son stress, et en général, il se manifestait par un flot de parole continue ne s’arrêtant jamais. Elle pouvait parler pendant des heures, tenir une conversation toute seule sans aucun problème, cela ne l’avait jamais dérangé. Mais depuis quelques années, en prenant de l’âge, elle apprenait à faire des efforts sur ce côté de sa personnalité, qui pouvait en déranger plus d’un. Cela lui était déjà arrivée par le passé d’avoir des petits problèmes dû à son côté pipelette. Mais bon, ce soir, c’en était trop pour qu’elle se retienne. L’autre, était toujours là, gardant un œil sur elle, restant sûrement dans l’attente que cette soi-disant connaissance s’en aille et la laisse à nouveau seule. A sentir à nouveau ce regard sur elle, le malaise commença à monter en elle à nouveau. En temps normal, elle n’aurait jamais osé demander quoi que ce soit à un inconnu comme celui qui se tenait devant elle. Mais là, c’était un cas d’extrême urgence, et elle ne se voyait pas aller jusqu’à Chinatown toute seule, surtout si l’autre se mettait à la suivre hors du métro, chose qui pouvait tout à fait arriver, vu le phénomène. Et puis lui, au moins, il était sobre, il n’empestait pas l’alcool à des kilomètres, et en plus, il avait même l’air plutôt sympa, et non du genre à cacher de mauvaises intentions. Non, son instinct lui disait qu’elle pouvait lui faire confiance. Machinalement, elle se tritura les doigts, le regardant de dessous ses cils, prête à l’implorer de rester avec elle.

« Dis moi, je ne voudrais pas abuser, mais… Je ne suis pas très rassurer toute seule dans ce métro… Ça te dérangerait si je restais avec toi ? Enfin, ça dépend de jusqu’où tu vas, mais tant que c’est possible, si ça te dérange pas… »

MILLES EXCUSES:

La jeune femme m’avait semblé désemparé, voire paniquée, si bien que mon côté chevalier servant m’avait pris de court et j’avais volé à son secours. Ses yeux à ce moment précis semblaient me dire merci de la plus belle des façons, et c’est que lorsque je l’ai amené loin du jeune camé qu’elle s’est mise à me parler… Un flot de parole sortait de sa bouche, de manière incontrôlable, ce qui me fit rire. Elle était attachante, et j’avais bien compris que son seul moyen de faire redescendre tout ce stress était de parler… Je me mordais la lèvre et répondis à ses paroles.

« - Alors on est deux « non habitués au métro à des heures tardives » dans ce cas. Ce fut un plaisir de voler à ta rescousse, je n’allais quand même pas laisser ce jeune noyé dans l’alcool te sauter dessus. Enchanté Emma, je m’appelle Dyngan. Comme quoi la vie fait bien les choses des fois ! »

Je riais et portais mon regard sur le mec à l’autre bout du wagon. Cet abruti continuait de fixer Emma comme un prédateur fixe une proie. J’avais qu’une envie c’était d’aller lui mettre une droite, mais me battre n’était pas tellement héroïque dans de telles situations… Mais clairement cette jeune femme était en danger, il ne semblait pas prêt à la lâcher de sitôt… Je pris mon téléphone, et envoyais un texto à Charlie pour la prévenir que j’allais rentrer un peu plus tard que prévu… J’allais raccompagner Emma chez elle, ce qui me mettrais un peu en retard, mais qu’importe. Je posais de nouveau mon regard sur Emma, ma nouvelle connaissance, qui semblait complètement mal à l’aise, normal avec un mec qui vous reluque comme il le fait. Elle me fit une demande pas du tout surprenante, et je crois qu’à sa place j’aurais fait la même chose…

« - Bien sûre que non ça me dérange pas. Je peux même te proposer de te raccompagner jusqu’à chez toi si tu veux… J’ai bien peur que ce mec ai de trop mauvaises attentions ! Enfin si tu n’as pas peur qu’un sombre inconnu tel que moi te raccompagne bien sûre ! »

Je lui fis un sourire, puis m’installais plus confortablement pour instaurer un climat plus zen, plus détendue. La pauvre fille semblait complètement stressée. Je me mordais la lèvre puis la regardais de nouveau, sans plus prêter une seule attention au mec.

« - Tant qu’on est ici, on peut faire connaissance non ? Alors… Qu’est ce qui te mène, à une heure aussi tardive, dans un métro avec des mecs chelous à son bord ? Une panne de vélo, de voiture ? »

Après tout, je n’avais plus qu’à essayer de faire connaissance, c’était le seul moyen de détourner son attention du gars, je voulais qu’elle se sente mieux, il n’allait lui faire aucun mal, du moins pas en ma présence en tout cas.

Spoiler: