diamonds were once a girl's best friend; then chocolate happened (jules)

A la naissance, personne ne reçoit jamais les mêmes cartes, il faut bien le dire, mais il vous revient de savoir quoi faire avec celles que vous avez en main pour parvenir au résultat que vous désirez. Certains ont des as dans leurs manches dès le départ et d'autres la pire combinaison qui soit, c'est là la réalité du monde actuel. Et autant dire que Jules n'est pas forcément partie avec les meilleures cartes possible même si rien au départ ne laissait présager qu'il en serait ainsi. En effet, ses parents étaient heureux en apprenant qu'ils allaient avoir un enfant, et dans les premières années, tout se passait à merveille dans le meilleur des mondes, en apparence du moins. Parce que lorsque son père fut renvoyé de son boulot, l'avenir commençait déjà à s'assombrir pour elle et sa mère.

De mari aimant et père proche de sa fille, ce dernier passa à époux et géniteur violent et négligeant. L'alcool n'aidait pas, c'est certain car faisant ressortir certains vieux démons qu'il avait enterré bien loin en principe. Jules trouve refuge dans les livres, elle en empruntait souvent à sa prof à l'époque, déjà curieuse d'apprendre toujours plus sur le monde qui l'entourait mais surtout sur ses univers féeriques qui lui permettaient d'oublier que le sien était loin de l'être. Après de longs mois, voir même une bonne année sans parvenir à retrouver du travail, la famille se voit obligée de déménager dans un logement plus abordable pour le simple salaire de sa mère. Voilà comment ils se retrouvent dans l'appartement 309 de cet immeuble comme on en trouve un peu partout dans les banlieues un peu moins aisée. Jules a neuf ans à l'époque, et déjà une force de caractère que ne sont pas généralement censées avoir les filles de son âge.

Par chance, elle fait une rencontre ce jour là qui va déjà l'aider à entrapercevoir un ciel un peu plus clément pour elle. Un autre enfant habite ce palier, à deux pas de son nouveau chez elle. Adrian. Il est plus âgé mais ils ont quasi la même taille. La curiosité de la gamine est piquée lorsqu'elle croise son regard et lui sourit quand il l'aperçoit. Difficile de ne pas remarquer qu'il a le teint plus foncé que le sien, forcément, mais pour elle, ça n'a jamais été un problème. Très rapidement, ces deux là deviennent inséparables, l'amour les lettres et de la musique les unissant pour les bons côtés, le soutien de l'autre qui comprend ce que l'autre traverse à la maison pour ceux moins reluisants. Jules se montre très protectrice avec Adrian, prenant sa défense plus d'une fois, n'ayant pas peur de s'interposer même si elle faisait une tête de moins que ceux qui s'en prenaient à lui parfois. Trait de caractère qu'elle allait aussi savoir utiliser plus tard pour se défendre elle-même dans le cadre de son boulot, pour dire des vérités que les autres ne voulaient pas entendre.

Les années s'égrainent, ils poursuivaient leur chemin tous les deux, côte à côte, se soutenant comme au premier jour, elle le rassurant sur ses doutes, lui lui offrant une épaule attentive lorsqu'elle a une peine de cœur. Beaucoup pensent qu'il se trame plus entre eux, vu leur proximité depuis des lustres mais il ne s'est jamais rien passé pourtant. Adrian était un frère pour elle, ils ont grandis ensemble, traversés des moments difficiles ensemble, elle l'aime plus que tout mais pas comme ça. Elle n'imagine pas un seul instant que pour lui il en soit autrement. Voilà pourquoi c'est à un autre qu'elle finira par dire oui un jour. Jack. Il la fait rire, il aime la musique lui aussi et il n'est pas comme la plupart des types à venir la draguer en sortant des phrases entendues des centaines de fois déjà. C'est vrai qu'ils forment un couple surprenant, mais si Jules s'arrêtaient à apporter une quelconque importance à ce qu'on disait d'elle, il y a longtemps que ça se saurait.

Persévérante et entêtée, elle fut ravie d'apprendre qu'après maintes tentatives, elle était enfin enceinte. Le bonheur qui venait complété celui de son mariage. Ils le voulaient ce bébé, et ils ont tout fait pour l'avoir. Comme elle en avait fait dans son boulot, pour faire comprendre à ses supérieurs qu'elle en voulait, prouvant par la même occasion à son père qu'il avait eut tort de lui dire qu'elle n'accomplirait jamais rien de sa vie en étant, je cite, « une morveuse qui ne ferait jamais rien de bien dans sa vie ». La maternité change sa vie, c'est certain mais pas sa détermination et elle lira tout ce qu'elle peut avant l'arrivée du petit pour être certaine qu'elle sera en mesure de lui donner ce qu'elle n'a pu avoir en grandissant.

Et durant quelques temps, tout se passe bien. Carl grandit bien, il est un garçon gentil et éveillé, la musique rapproche les trois membres de la petite famille. Mais elle détruit aussi son mariage en finalité. Car Jack ne parvient pas à atteindre son but et elle enrage intérieurement de ne rien pouvoir faire pour l'aider. Elle voit l'homme qu'elle aime, le père de son fils, devenir un autre et ça lui rappelle bien trop ce qui est arrivé à son père et elle ne veut pas le laisser prendre le même chemin que lui par la passé. Ce qui fait que de femme, elle est devenue plus une mère pour lui, le surveillant, l'aidant à ne pas sombrer, s'assurant qu'il ne devienne pas lui aussi un homme violent mais tout ça finira par user leur mariage. Surtout qu'il a toujours été persuadé qu'Adrian et elle avaient une liaison cachée, les deux étant toujours aussi proches que dans leurs jeunes années, ce quoi alimenter sans le vouloir ses tendances paranoïaques.

Heureusement, les choses se sont améliorées. Ça n'est pas encore le retour à la normale mais Jack et Carl renouent leur lien petit à petit, le père se remettant à être l'homme qu'elle avait connu des années auparavant. Elle se doute que ça doit tenir à cette rencontre qu'il a fait et elle est contente pour lui, mais elle a d'autres préoccupations à gérer en même temps. Il y a bien sûr le boulot, qu'elle peut faire depuis chez elle oui mais qui est stressant malgré tout, Carl va bientôt entrer au collège et surtout, elle est un peu perdue d'un point de vue sentimental après ce qui c'est passé avec Adrian récemment.

Si on lui avait dit qu'un jour il ferait une chose pareil, elle ne l'aurait pas cru. Se pointer à sa porte, ivre et lui déballer ses sentiments sans crier gare. Elle ne l'avait pas vu venir, oh ça non et elle avait paniquée sur le moment, lui claquant la porte au nez et l'évitant depuis. Ce qui pour elle était une étrange sensation, vu que jusque là, ils étaient en contact quasi quotidien. Et ce vide l'a fait réfléchir, enfin surtout réalisé qu'en vérité, elle aussi avait de tels sentiments envers son meilleur ami. Elle ne les avaient simplement jamais identifiés de cette façon, parce qu'elle le connaissait trop bien pour avoir le recul nécessaire pour voir ce qu'elle avait juste sous son nez durant toutes ces années. Comment était-elle censée lui dire ça ? Elle qui était tellement à l'aise avec les mots, c'était tristement ironique de voir qu'elle ne pouvait pas trouver ces derniers à présent. Sans compter qu'elle ne savait pas vraiment comment pourrait réagir son fils face à un tel changement. C'était ça son problème aussi, à force de toujours s’inquiéter pour les autres, elle avait souvent tendance à s'oublier elle-même notre chère Jules, et il était donc grand temps pour elle de changer ça. Et qui sait, peut-être que ça se ferait auprès de celui qui avait toujours été là pour elle sans jamais rien demandé en retour.