"Fermeture" de London Calling
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I don't mean to suggest... (Benedict)

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() message posté Dim 11 Fév 2018 - 23:57 par Invité

I DON'T MEAN TO SUGGEST THAT I LOVED YOU THE BEST
Leonard Cohen - Chelsea Hotel #2

Février 2018. Cela fait presque neuf mois que Benedict et Shinya vivent ensemble. Ils ont eu le temps d'apprendre à se connaître, à construire une amitié et à s'habituer, surtout, à vivre avec l'autre. Ils se retrouvent presque tous les soirs autour d'un dîner, parfois ils continuent même de partager leur soirée en discutant ou en regardant un film. Ce sont des activités banales pour des colocataires, mais pour Shinya, elles sont presque devenues nécessaires. Lui qui n'apprécie pas la routine d'ordinaire, s'est surpris à apprécier une compagnie aussi pleine de simplicité et de naturel que celle qu'il partage dorénavant avec Benedict. Même les différences entre leurs deux personnalités ne les empêchent pas de très bien s'entendre, ce à quoi l'asiatique ne s'attendait pas. Au début de leur colocation, Shinya s'imaginait qu'ils se contenteraient de vivre en priorité sous le même toit, sans forcément partager grand-chose ensemble, parce qu'il estimait qu'ils avaient trop peu de points communs pour y arriver. Bien sûr, il n'avait pas pour intérêt de vivre avec Benedict uniquement pour avoir un bel appartement, autrement il n'aurait jamais accepté les conditions que celui-ci lui avait présenté le jour de leur première rencontre. Shinya pensait tout bonnement que, avec leurs caractères respectifs, une forte complicité serait difficile à atteindre sur le long terme. Il s'était trompé. On dit que les contraires s'attirent et, dans leur cas, c'est exactement ce qui est arrivé.

Ce soir, les deux hommes sont rentrés tardivement de leur travail. Shinya est arrivé le premier à l'appartement. Comme il était déjà vingt et une heures, il a à peine déposé ses affaires qu'il s'est lavé les mains et a commencé à cuisiner. Un risotto au fromage et aux champignons de Paris, saupoudré de parmesan et agrémenté de vin blanc - malgré son sevrage, utiliser de l'alcool pour la cuisine n'est pas un problème pour Shinya, il arrive même à trouver des petites bouteilles pour éviter qu'il en reste et qu'il soit tenté de les finir au verre. Des effluves terriblement appétissants émanent de la cuisine jusqu'au salon. Quand Benedict rentre à son tour, il doit aussitôt les sentir. Le japonais entend la porte s'ouvrir puis se refermer, et reconnaît le pas de son colocataire quand il s'avance dans le salon. Ce pas, il le reconnaîtrait parmi des milliers tellement il a pris l'habitude de l'entendre et, à chaque fois, il le rend heureux parce qu'il sait qu'il ne va pas tarder à retrouver Benedict. Depuis quelques temps, bien qu'il le nie lui-même, Shinya pense régulièrement au bel irlandais. Quand leurs regards se croisent, le japonais se met toujours à sourire. Quand il aperçoit Benedict de dos, il ne peut s'empêcher d'observer ses épaules fines et carrées, sa taille de guêpe et ses longues jambes. Il a tendance à le déshabiller du regard, sans que ce soit lubrique. À vrai dire, il l'a déjà imaginé nu, avec une certaine gêne parce que Benedict, comme son prénom l'indique, a grandi dans une famille pieuse dont il a hérité des croyances. Ce simple fait a suffit à persuader Shinya qu'il ne pouvait être que hétérosexuel, donc inaccessible. C'est un cliché stupide, de se dire qu'un chrétien est forcément dérangé par l'homosexualité, mais c'est ainsi qu'a raisonné l'asiatique. Il a à peine avoué son attirance pour les hommes, parce qu'il a trop peur d'être jugé et surtout rejeté. Si son colocataire le repoussait ou décidait qu'ils coupent les ponts entre eux, Shinya serait extrêmement blessé. Son attachement pour cet homme est devenu trop fort pour le laisser indifférent, à tel point que la dernière fois où Benedict a annoncé avoir un rendez-vous avec une fille, le japonais n'a pas été capable de se contenir et a finit par provoquer une dispute entre eux. Depuis ce jour, quelques tensions ont pointé le bout de leur nez dans leur relation, mais les deux garçons tentent de noyer le poisson en faisant semblant que tout va bien, refusant d'aborder ce sujet. D'ailleurs, peu de temps après que son colocataire soit rentré, Shinya rejoint le salon pour venir le saluer avec un sourire chaleureux. « Salut. Tu rentres pile quand j'ai terminé de cuisiner ! Ce soir c'est risotto au fromage. Si tu veux bien, on peut manger maintenant. »  Les deux hommes sont affamés et le japonais ne se fait pas prier pour retourner dans la cuisine. Il y récupère des assiettes et des couverts, puis installe la table dans un silence un peu pesant. Depuis leur différend, ils ont tendance à moins se parler. C'est dans une ambiance un peu étrange qu'ils finissent par se mettre à table et par commencer à manger. Shinya prend la parole le premier pendant le repas, abordant des banalités relativement ennuyantes. « Toi aussi tu as été retenu au travail ? Il a fallu que je règle un problème de dernière minute ce soir, c'était pénible. J'ai cru que je n'allais jamais m'en sortir avec mon patronage, le styliste m'a dessiné un croquis illisible. Qu'est-ce que ça m'énerve... »  Il lève les yeux au ciel et soupire, comme toujours quand il est agacé. Son expression a l'air un peu surjouée, sans doute parce que ce qui irrite Shinya est l'ambiance qui règne entre lui et Benedict, plutôt que les aléas de son métier. Il laisse à son colocataire le temps de lui répondre et de lui raconter sa journée. Le japonais l'écoute, attentif à ses propos malgré son esprit concentré ailleurs. Depuis plusieurs jours, il n'a pas cessé de se ressasser certaines idées qui le dérangent...

Au bout d'un instant, alors que Benedict est encore en train de parler, Shinya redresse sa tête, dirige son regard de son assiette jusqu'aux yeux clairs de l'irlandais et lui coupe d'un seul coup la parole. « Benedict. »  L'intonation de sa voix se fait sèche, ferme. Ses lèvres restent entrouvertes un bref instant, tandis qu'il cherche par quels mots commencer. Il a besoin d'exprimer son agacement et sa fatigue face aux tensions qui règnent entre eux depuis quelques temps. Il a l'impression que Benedict arrive à se satisfaire de leur routine, comme si rien ne s'était jamais passé, et ça l'énerve au plus haut point. Comment peuvent-ils continuer à ignorer que quelque chose ne va plus entre eux ? Shinya ne le supporte plus. Si ça continue ainsi, il deviendra incapable de vivre plus longtemps avec cet homme et il ne veut pas en arriver là. L'idée de quitter Benedict l'effraie encore plus que celle de continuer à faire semblant que tout va bien. Quand le japonais réussit à reprendre la parole, il a d'abord l'air d'hésiter, avec sa voix qui se fait petite et discrète. « Il faut qu'on parle. Il le faut vraiment. »  Shinya lâche ses couverts, les dépose de chaque côté de son assiette et avale une gorgée d'eau comme si cela allait lui donner du courage. Son regard a fuit un instant dans le vide avant que ses yeux ne se plantent à nouveau dans ceux de son interlocuteur avec un air sombre et triste. « Depuis notre dispute, il s'est passé quelque chose, je le sens bien. On fait semblant mais c'est stupide. Je ne le supporte plus, Benedict. »  L'asiatique prend une grande inspiration. Il sent venir les larmes, qu'il réfrène avec une force étonnante. Ses poings se serrent sur la table, à tel point qu'il est évident qu'il est en train de prendre sur lui pour réussir à exprimer ses émotions. « Je ne veux pas qu'on continue comme ça, autrement je songerai à partir. »  À défaut de pleurer, les yeux de Shinya deviennent vitreux. Son cœur bat la chamade et son souffle s'accélère un peu sous l'effet du stress. Outre sa colère, c'est aussi son angoisse qui le ronge. Quelques temps après leur dispute, les deux hommes ont discuté ensemble pour essayer d'apaiser les tensions. Shinya s'est excusé en prétextant qu'il était fatigué et à fleur de peau. Il a hésité à avouer à Benedict que ça l'avait blessé d'apprendre qu'il ait un rendez-vous galant, mais puisqu'il ignorait lui-même pourquoi il avait réagi ainsi, l'asiatique avait été incapable de s'expliquer auprès de son colocataire. Cependant, ses propos avaient été révélateurs de ses tendances sexuelles, sans qu'elles soient pour autant clairement évoquées. Et si Benedict avait compris ? Et s'il était dérangé par l'idée que son petit colocataire soit attiré par les hommes, sans oser le lui avouer ? Une multitude de raisons pour expliquer la distance qui s'est installée entre eux. « Mais je ne suis pas sûr de vouloir en arriver là. »  Sa voix s'étrangle sur cette dernière phrase. Faire un tel aveux n'est pas chose facile et si son besoin de parler n'avait pas été si puissant, Shinya aurait préféré s'abstenir, tellement il lui est douloureux de parler à cœur ouvert.

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() message posté Lun 12 Fév 2018 - 12:52 par Invité

« On n'a qu'à essayer. Ça marche. Mais si dans un mois ça ne se passe pas bien, je partirai. Est-ce que ça te convient ? » La voix de Shinya raisonne encore dans ma tête, alors que lentement, j'avance dans le froid de ce mois de février. Mes joues sont rougies, mes yeux sont humides face à l'agression d'un vent sec et hivernal qui s'abat violemment sur moi. Mes jambes poussent avec nonchalance sur les pédales de ma bicyclette. Comme depuis plusieurs jours, je tarde pour rentrer chez moi. J'emprunte les chemins les plus longs, les ruelles les plus étroites, les croisements les plus fastidieux. Je fais tout pour repousser l'échéance. Celle de me retrouver en face de cet homme, celui avec qui je partage mon appartement depuis maintenant neuf mois. Je me rappelle encore la première discussion que j'ai eu avec lui, les premières paroles échangées, la glace se brisant déjà petit à petit. Je me rappelle de la joie que j'ai ressenti alors qu'il me proposait de faire cet essai d'un mois. Finalement, huit autres se sont écoulés. Le jeune asiatique accompagnent mes jours et mes nuits, tel le parfait colocataire dont j'ai toujours rêvé. Et pourtant ; pourtant, aujourd'hui je ne supporte plus ces soirées en tête à tête. Et pourtant, je n'ose plus regarder ce fidèle ami dans les yeux. J'essaye tant bien que de mal de faire semblant, de feinter l'indifférence. Faire comme si tout allait bien, sourire, discuter comme si de rien n'était ; Je n'ai jamais su faire ce genre de chose, mais cette fois, j'essaye vraiment. De toute mes forces, je m'accroche. Je ne veux pas perdre cette personne qui m'est si chère. Combien de temps pourrons-nous continuer ainsi, combien de temps pourrons-nous vivre dans cette médiocre mascarade ? Chaque soir, je ne suis plus sûr de pouvoir en supporter d'avantage. Je souris une dernière fois à Shinya, avant de claquer la porte de ma chambre ; et une fois dans l'obscurité la plus complète : je m'effondre. Je m’effondre d'une souffrance sourde, indétectable. Parfois, les émotions sont trop nombreuses, et trop lourdes à porter. Elles finissent par nous rabaisser, jusqu'à ce que nous nous retrouvions à ramper sur le sol. Je finis par m'endormir, en me demandant à quel moment tout a dégénéré de façon aussi irrémédiable. Tout était parfait, au début. On commençait à se découvrir, à s'apprécier. Dois-je vraiment en arriver à la conclusion que ce sont toujours les sentiments qui finissent par faire foirer n'importe quelle situation ? C'est une réflexion que je me suis déjà faite auparavant. Et là voilà qu'elle revient sur le tapis, une fois de plus.

Mais peut-on vraiment parler de sentiments cette fois ? Il est vrai que la relation que j'entretiens avec Shinya a évolué au fil des mois. Après la découverte de l'autre, il y a eu l'appréciation. Ce jeune homme si atypique a su retenir mon attention, assez pour que mon regard commence à se poser plus que nécessaire sur lui. Je me suis surpris plus d'une fois à l'admirer, jusqu'à parfois rester bloquer sur l'accoutrement d'un simple T-shirt et pantalon de pyjama sur lui. J'aime observer la moindre de ses expressions, cela me semble être de plus en plus important. Je commence à remarquer des détails futiles, comme la façon dont le rictus de ses lèvres se relève lorsque j'arrive à le faire rire, son déhanché lorsqu'il traverse le salon en ma présence. J'ai toujours été très observateur, à défaut d'être bavard ; mais je ne rougis en général pas de façon aussi virulente quand on me surprend à ausculter quelqu'un du regard. À quelles conclusions suis-je censé arriver ? Je ne préfère pas vraiment y songer. Surtout que s'il ne s'agissait que de ça, je pourrais encore le supporter. Ce n'est pas vraiment désagréable d'apprécier le physique de son colocataire, d'avoir des bouffées de chaleur quand en rentrant j'entends la douche couler ; et ce n'est pas non plus un crime. Ce qui semble plus lourd à porter, c'est sûrement les cachoteries par rapport à ma maladie. Il y a des fois où je voudrais tout dire à Shinya, pensant qu'il comprendrait. Mais dans d'autres moments, je le sens plus fermé d'esprit, comme s'il risquerait de me juger si j'en disais trop. Je me rappelle encore de cette conversation, celle qui nous a mené à parler d'homosexualité. Je viens d'une famille très pieuse, mais j'ai probablement su casser les codes de la chrétienté en me baladant de la main d'une fille à celle d'un garçon lorsque je n'étais encore qu'un adolescent. Au final, j'ai rapidement eu la désagréable impression d'être la personne la plus tolérante entre mon colocataire et moi. J'ai senti le jeune homme très fermé sur le sujet, comme s'il y avait une sorte de blocage. Sur le coup, j'aurais presque pu interpréter ça comme de l'homophobie, mais j'ai préféré laisser à mon interlocuteur le bénéfice du doute. Peut-être qu'à Tokyo, ce sont des choses mal venues. Seulement, on sait tous que dans l'imaginaire collectif, le VIH est bien souvent associé à l'homosexualité. Que pensait alors ce jeune homme si je lui avouais être porteur de cette maladie ? Bien que ce soit une femme qui me l'ait transmise, que dirait-il alors qu'il semble plutôt intolérant à ce genre de sujet ? Ne vaut-il mieux pas garder le silence dans ce genre de cas ? J'apprécie grandement Shinya, j'aime sa vivacité d'esprit, son enthousiasme, sa jovialité. Nos conversations sont souvent enrichissantes et divertissantes ; mais j'imagine qu'il vaut mieux garder certaines zones dans l'obscurité pour le bien-être de tout le monde.

Je pose mon vélo dans la cage d'escalier, et grimpe les marches deux par deux jusqu'à l'appartement. Je marque un temps d’arrêt avant d'ouvrir la porte de l'appartement. Mes doigts se stoppent à quelques centimètres de la poignée. De l'autre côté du mur, à seulement quelques pas de moi, j'entends le bruit des assiettes et des casseroles. Je sais automatiquement que Shinya est en train de préparer à manger. C'est une mélodie que je connais par cœur, une habitude inconsciente mais rassurante, qui signifie que je suis bientôt de retour dans mon chez moi. Je prends une longue inspiration, puis j'ouvre finalement la porte. Une odeur délicieuse de nourriture s'en émane immédiatement, me rappelant que je n'ai rien avalé depuis le midi. La lumière tamisée et la chaleur dans laquelle baigne la pièce principale est réconfortante. Lupin est le premier à me souhaiter la bienvenue chez nous, m'offrant son affection accueillante et habituelle. Je pose mon manteau à carreaux noir, blanc et gris en tweed sur le porte manteau accroché au mur de l'entrée, et balance ensuite mon cartable en cuir marron sur la chaise de mon bureau. Mes richelieus cirés claquent contre le vieux parquet et raisonnent dans la pièce principales. C'est un colocataire souriant qui se dresse finalement devant moi. « Salut. Tu rentres pile quand j'ai terminé de cuisiner ! Ce soir c'est risotto au fromage. Si tu veux bien, on peut manger maintenant. » me dit-il sans détour, d'une voix enjouée. La dernière zone d'ombre semble se dresser une fois de plus devant moi, devant le reste, alors que je tente de reproduire ce sourire amical qu'il m'offre. Cette zone d'ombre qui me fait véritablement perdre pied, et qui me rendu confus depuis des semaines. Lorsque j'essaye d'encastrer les éléments ensembles, ça ne colle pas. C'est comme s'il manquait un élément. Ou que j'avais les mauvaises pièces du puzzle. Cette dispute, elle a été l'élément déclencheur de tout ce désordre dans ma tête. Rien ne va ensemble. La façon dont il s'adresse à moi, les signes qui prouve son intérêt concernant ma personne ; j'ai bien vu comment il me regarde parfois. Mais la façon agressive dont il réagit lorsque l'on pourrait aborder le sujet de l'homosexualité me laisser perplexe ; je ne peux me renier définitivement, je me suis déjà laissé aller à l'idée d'être en couple avec Shinya, comme une sorte de fantasme le soir, entre mes draps au moment de m'endormir, qui ne se réalisera jamais. J'ai rapidement laissé tombé en me rendant compte qu'il pouvait être très fermé à propos de ça. Mais alors pourquoi avoir réagis de façon aussi virulente, lorsque plusieurs semaines plus tard, je lui annoncé avoir un rencard avec une jeune femme ? Il a semblé jaloux, mais l'était-il de moi ou de la fille que j'allais voir ce jour-là ? Finalement, le rendez-vous ne s'est pas concrétisé, et pour cause ; je n'avais en tête que cette foutue dispute avec mon ami. Plus tard, il a justifié ça par le fait d'être à fleur de peau et d'être très fatigué. J'ai hoché la tête, et fait mine que ces excuses étaient recevables à mon sens ; mais elles ne l'étaient pas. Cela ne justifie pas cet excès de colère. Shinya n'est clairement pas intéressé par moi, comment pourrait-il l'être alors que la simple appellation d'un homme avec un homme semble le mettre dans tous ses états ? Mais alors, pourquoi a-t-il réagit de cette façon, pourquoi les mots qu'il a dit, les sous-entendus que cela aurait pu engendré ne semblaient plus du tout coller avec l'image que je m'étais faite de lui ? « Salut, hm... C'est parfait, je meurs de faim ! » Ai-je finis par répondre d'un ton faussement enthousiaste, plongeant les mains dans les poches de mon jean bleu nuit. Je suis donc mon colocataire jusqu'à la cuisine, où je l'aide à mettre la table pour que l'on puisse manger derrière le plus rapidement possible.

En vérité, je n'ai pas si faim que ça ; mon estomac est noué, comme tous les soirs depuis plusieurs semaines lorsque je rentre à l'appartement. Mais plus vite on aura mangé, plus vite je pourrais prétexter être fatigué et aller me réfugier dans ma chambre. D'ordinaire, nous passions toujours nos soirées ensemble, Shinya et moi. Mais c'est un quotidien que je ne pense plus possible compte tenu des événements récents. Tout ça sonne faux, et je déteste ça. Je reste très silencieux, alors que d'habitude je raconterais en large et en travers ma journée à mon ami. Je finis par m'assoir, laissant le jeune asiatique me servir copieusement dans mon assiette. J'avoue n'avoir jamais aussi bien mangé que depuis qu'il habite ici avec moi. J'essaye de manger sain depuis que j'ai été diagnostiqué porteur du VIH, et Shinya m'aide vraiment dans cette tâche. Je commence à manger le risotto en soufflant un peu dessus puisqu'il sort tout juste de cuisson. « C'est très bon. » Me suis-je laissé dire à mon interlocuteur, les yeux rivés sur mon assiette. Lupin s'est installé par terre à côté de moi, quémandant pour un peu de nourriture. Je n'y prête qu'à peine attention, bien trop perdu dans mes pensées. Ce silence pensant, Bon Dieu, cela me rappelle les soupers avec ma famille. Je donnerais à peu près n'importe quoi pour ne plus avoir à revivre ça encore une fois. Mon colocataire me coupe dans le courant de mes souvenirs, en me demandant soudainement si moi aussi j'ai été retenu par mon travail ce soir, m'expliquant par la suite qu'il a eu quelques galères de son côté avec le styliste. D'ordinaire je me serais volontiers prêté au jeu d'en savoir plus sur ce fameux patronage, mais là le cœur n'y est pas. J'observe Shinya rouler des yeux avant de lui répondre en tapotant de ma fourchette la nourriture dans mon assiette. Je ne croise pas son regard et me contente de trouver un intérêt particulier pour un morceau de champignon trônant sur le haut de mon repas. « J'avais une réunion parents-professeurs ce soir en effet. Ça s'est bien passé mais certains parents m'ont retenus plus que de raison pour me dire qu'ils avaient regardé mes vidéos sur Youtube et qu'ils voulaient me féliciter. » Un sourire insouciant s'est dessiné sur mes lèvres, tandis que je me remémore la scène. Je me retiens bien évident d'expliquer à mon ami que comme depuis plusieurs jours, je tarde volontairement pour rentrer.

Un nouveau silence s'installe à table, où l'on entend plus que le bruit des couverts et la respiration haletante de Lupin. Je finis par reprendre la parole, même si tout semble sonner atrocement faux. Marie-Joseph et tous ses apôtres, à quoi tout cela rime-t-il vraiment ? « Il faudra que tu prennes en photo ton patronage lorsque tu l'auras termin... » Mais je n'ai pas le temps de finir ma phrase, que Shinya me coupe dans mon élan en m'interpelant par mon prénom d'une manière qui me rappelle ma mère lorsqu'elle avait quelque chose de désagréable à me dire. Je relève la tête, et pour la première fois depuis le début de la soirée, je fixe intensément du regard mon colocataire. Mon cœur s'emballe inutilement, une fois de plus. Je n'ai pas l'habitude d'entendre le jeune asiatique s'exprimer de façon aussi ferme avec moi, et cela m'angoisse presque automatiquement. « Oui ? » Ai-je répondu d'un ton faussement innocent tout en haussant les sourcils. Je sais exactement de quoi il s'agit. Mon ami n'est pas un idiot, il doit sûrement ressentir les choses de la même façon que moi. Quelque chose s'est brisé depuis la dernière fois, et depuis, malgré le fait qu'on essaye de recoller les morceaux ensemble, tout semble allait de travers, tout semble surjoué telle une pièce de théâtre de la parfaite petite ménagerie.  « Il faut qu'on parle. Il le faut vraiment. » Je rabat mes sourcils vers le bas et les fronce, avant de baisser les yeux une nouvelle fois sur mon assiette. Il a raison, mais Dieu seul sait à quel point je déteste les confrontations. Je suis comme un animal sauvage, une petite bête qui fuit au premier danger. J'aime me cloitrer dans ma bulle, éviter toute altercation. Je déteste par dessus tout me disputer, j'évite tout cela avec précaution. Les engueulades me rendent malade, horriblement triste et m'affecte énormément. On pense parfois que certaines choses ne m'atteignent pas ou que je peux vivre confortablement avec. Le soucis se situe d'avantage dans le fait que j'intériorise énormément tout ce que je ressens. Devant Shinya, là, j'ai l'air indifférent à ce qu'il se passe. Je fuis son regard et semble plus agacé qu'autre chose ; en vérité, je souffre énormément de cette situation, parce que j'ai l'impression que je vais perdre l'un de mes plus précieux ami d'un instant à un autre si je ne réagis pas de la bonne manière. Je ne réponds rien pour le moment, et mon colocataire enchaîne sur une autre réplique. « Depuis notre dispute, il s'est passé quelque chose, je le sens bien. On fait semblant mais c'est stupide. Je ne le supporte plus, Benedict. » Au moins, nous sommes d'accord là dessus ; ce n'est plus supportable. Je n'en attendais pas moins de mon interlocuteur. Comme je le disais plus tôt, il n'est pas stupide, et ressens bien les choses correctement. J'ai toujours eu tendance à penser que Shinya est le genre de personne à se voiler la face par moment ; surtout quand il s'agit de son alcoolisme dont il dédramatise totalement les répercussions. Mais sur ce coup-là, il semble tout à faire mesurer l'ampleur de la situation. Je finis par lâcher ma fourchette à mon tour, alors que j'observe les poings de mon ami se serrer sur la table. Je pose mes mains à plat sur le même support, le regardant avec plus d'insistance qu'auparavant. Mon cœur me donne l'impression d'être piétiné en miette lorsque mon interlocuteur enchaîne finalement sur une menace. « Je ne veux pas qu'on continue comme ça, autrement je songerai à partir. »  Je jugerais que ses yeux soient devenus plus humides en disant cela. En tout cas, je sens les larmes me monter automatiquement, et le rouge s'emparer de mes joues devenues pourpres. Quel idiot je fais. Était-on vraiment obligé d'en arriver si loin, de se faire aussi mal avant de discuter ? J'aurais dû prendre les choses en main avant. Lâche, fuyard, dégonflé. J'ai préféré éviter la confrontation car j'ai du mal à y voir clair dans cette histoire. La dernière altercation que j'ai eu avec Shinya semble avoir vraiment rendu confus mon esprit. J'étais persuadé d'avoir un colocataire qui ne s'intéresserait jamais à moi d'une autre façon qu'en simple ami. Et j'ai l'impression aujourd'hui d'être en face d'une personne un tantinet possessive ? À moins qu'il ne me dise pas tout ? Je ne sais plus comment me positionner par rapport à tout ça, et cela me rend mal à l'aise.

Je laisse le jeune homme terminer de s'exprimer, avant de prendre presque automatiquement la parole à mon tour. « Ce n'est pas ce que je veux moi non plus. » C'est sorti d'une façon pressée mais tout à fait naturel, d'une voix timide trahissant cependant ma sincérité. Mes sourcils sont toujours froncés, et je baisse le regard avant de l'ancrer à nouveau dans les yeux de mon ami, hochant légèrement la tête. « Tu as raison, cette situation ne peut plus durer. » Je prends une longue inspiration. Que dire de plus ? Suis-je censé faire le premier pas dans cette discussion houleuse ? Ce n'est vraiment pas mon fort. Je me racle la gorge, et passe l'une de mes mains à l'arrière de ma nuque, grattant machinalement la naissance de mes cheveux s'y trouvant là. «Hum, je ne sais pas par où commencer... Mais cette fameuse dispute semble être un bon point de départ. J'ai... J'ai l'impression que, hum, j'ai dû mal à emboîter les éléments ensemble, ça me rend vraiment, hum, perplexe, confus. J'ai l'étrange sentiment que quelque chose sonne faux, que tu n'as pas été totalement honnête avec moi la dernière fois qu'on en a discuté. » Je marque une pause, me rendant soudainement compte à quel point les mots ont du mal à sortir, à quel point il est vraiment difficile d'exprimer ce que je ressens de manière intelligible. « Est-ce que j'ai raison ? » Ai-je ensuite demandé afin de conclure ma réplique, d'une voix encore moins affirmée que précédemment. Cherchant à adoucir les bords, je m'empresse de rajouter seulement un instant plus tard, ne laissant pas encore à Shinya le temps de me répondre. « Tu sais, je déteste vraiment me disputer avec les autres. Et au début la justification que tu m'as donné, je m'en suis contenté parce que, hum, parce que c'était plus facile. Je voulais plus y penser, ça m'avait tellement boulversé sur le moment. » Je marque une nouvelle pause, baissant les yeux, cherchant mes mots. « J'ai même totalement foiré mon rencard, tellement je me sentais mal. Mais au final, les non-dits, plus j'y repense, et plus ça commence à me peser. Alors, je préfèrerais que tu me le dises si quelque chose ne va pas avec moi. » Voilà, les fondements d'une discussion grave sont posés. Je sais que je ne peux plus revenir en arrière, et que quoi qu'il arrive, je ne pourrais plus fuir à partir de ce moment. Je suis fais comme un rat, et peu importe ce que Shinya va me dire, je serais bien obligé d'y répondre, et d'agir avec lui en conséquence. Je me dis que peut-être, d'une certaine manière, il n'apprécie pas ma façon d'être, peut-être même a-t-il compris que j'étais bisexuel. Peut-être que je l'agace par ce mode de vie étrange, cette façon que j'ai de vivre dans mon monde, dans ma bulle et de me laisser porter au gré du vent, emportant avec moi des zones d'ombre et de mystère où personne n'a encore jamais mis les pieds. Cela m’effraie au plus au point, car au delà de devoir faire tomber les murailles qui entourent mon jardin secret, au delà de crever l’abcès, j'ai peur de perdre mon interlocuteur, ce colocataire, cet ami, ce confident, cet homme auquel je tiens tellement.

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() message posté Mar 19 Juin 2018 - 2:09 par Invité

I DON'T MEAN TO SUGGEST THAT I LOVED YOU THE BEST
Leonard Cohen - Chelsea Hotel #2

Les non-dits sont toxiques. Ils provoquent des malentendus et des tensions, voire détruisent des relations. On peut s'imaginer toutes sortes de choses absurdes au sujet de l'autre, quand on ignore le fond de sa pensée mais qu'on s'évertue à la deviner sans pourtant poser de question. Depuis quelques semaines, la complicité entre Shinya et Benedict s'est dissipée pour laisser place à une étrange atmosphère, froide et désagréable à la fois. Malgré leurs efforts - qui s'avèrent être aussi vains que stupides - et les faux-semblants dont ils font preuve pour essayer d'atténuer le malaise, leur situation ne s'est pas améliorée. Elle s'est même empirée, à tel point que ni l'un ni l'autre ne sait plus sur quel pied danser, ni si cela vaut la peine qu'ils continuent de vivre ensemble. Comment ont-ils pu en arriver là, après huit mois de parfaite colocation ? Il a suffit d'un malheureux rendez-vous galant et d'une dispute pour que leur amitié vole en éclats, au grand désespoir de Shinya. Aujourd'hui encore, il ne comprend pas pourquoi il a si mal réagit lorsque Benedict lui a annoncé qu'il prévoyait de passer une soirée avec une jeune femme. C'était comme si on lui donnait un coup de poing dans le ventre, un sentiment brutal et douloureux l'a saisi quand il s'est imaginé son colocataire dans les bras de cette fille. Mais pour quelle raison est-ce que cette simple idée a pu le blesser à ce point, lui qui n'a jamais éprouvé de la jalousie envers qui que ce soit, en particulier en amour ? La possessivité ne fait pas partie des défauts de Shinya, jamais, au grand jamais, il a refusé de partager ses amis et même ses amants avec d'autres personnes. Tout comme il n'aime pas l'idée d'appartenir à quelqu'un d'unique, il n'aime pas que quelqu'un n'appartienne qu'à lui. Cependant il a éprouvé un pincement au cœur en songeant à l'idée que Benedict puisse s'intéresser à une autre personne que lui. Est-ce la peur du rejet ? Ou d'être moins bien que la jeune femme ? L'asiatique n'en sait rien, tout comme il ignore les sentiments qui ont éclos en lui depuis qu'il fréquente son colocataire. Pour la première fois de sa vie, l'amour a réussi à se frayer un chemin jusqu'à lui et, puisqu'il en ignore encore les symptômes, Shinya est incapable de reconnaître qu'il soit tombé amoureux. S'imaginer qu'il puisse aimer Benedict est une chose qui lui paraît trop absurde pour être possible. D'ailleurs, l'asiatique peine à croire que les sentiments amoureux existent sincèrement car, jusqu'ici, il n'a jamais rencontré la moindre personne capable de le retenir. Son cœur de pierre a l'habitude de se montrer très dur, et nombreux ont été ses amants qui, le fréquentant régulièrement, ont eu le malheur de s'imaginer qu'ils pourraient le garder avant de déchanter complètement.

Les deux hommes parlent de choses futiles tandis qu'ils dînent, essayant pour une énième fois de faire semblant que tout va bien. L'intonation de leurs voix sonne faux, ils ressemblent à des mauvais comédiens qui répètent leurs textes sans la moindre motivation. C'est une scène absurde et triste à la fois, qui laisse un poids de plus en plus insupportable sur les épaules de Shinya. Il sent qu'il n'est pas loin de craquer. L'asiatique n'écoute qu'à moitié les propos de Benedict quand il lui parle de sa réunion parents-professeurs. Quelques mois plus tôt, il l'aurait écouté avec un vif intérêt, se serait amusé de ses propos, mais ce soir il n'a pas le cœur à ça. Son regard est rivé sur son assiette, il porte quelques bouchées de risotto jusqu'à sa bouche sans enthousiasme, mangeant par automatisme plutôt que par plaisir. Les idées fusent dans l'esprit de Shinya. Alors que les paroles de Benedict lui passent au-dessus la tête, il ressent comme un poids dans son estomac, qui lui coupe brutalement l'appétit. C'est une réaction qui ne s'explique pas, typique de l'impulsivité du japonais. Il est capable de changer de comportement d'un instant à l'autre, de ressentir d'un seul coup l'envie d'exprimer une idée ou une émotion trop forte pour pouvoir être intériorisée. Et voilà qu'il coupe la parole à Benedict pour aborder le sujet qui fâche : celui de leur dispute et des tensions qui règnent dorénavant entre eux. Malgré le regard fuyant et l'air agacé de l'irlandais, Shinya persiste à lui expliquer son ressenti vis-à-vis de leur situation, terminant sa tirade par un semblant de menace : celle de le quitter. Il s'apprête à mettre Benedict en colère, à subir son courroux, mais contre toute attente il se retrouve face à un colocataire au visage rouge et aux yeux humides. De voir l'irlandais au bord des larmes blesse aussitôt Shinya. Il n'aime pas faire du mal aux autres, plus encore à ceux qu'il aime. D'en arriver à ce qu'ils souffrent tous les deux de leur situation lui fait songer qu'ils ont été trop stupides d'avoir attendu si longtemps. Le japonais pince ses lèvres, renifle bruyamment en essayant de ne pas pleurer. « Ce n'est pas ce que je veux moi non plus. » À ces mots, Shinya craque aussitôt. Par chance il arrive à rester silencieux pendant qu'une larme commence à rouler le long de sa joue gauche. Une seconde ne tarde pas à la rejoindre, glissant cette fois-ci du côté droit de son visage. Il baisse les yeux, incapable de croiser plus longtemps le regard de Benedict. Il est rare que l'asiatique tente de s'effacer de cette façon, excepté lorsqu'il va mal et qu'il refuse qu'on le voit. « Hum, je ne sais pas par où commencer... Mais cette fameuse dispute semble être un bon point de départ. J'ai... J'ai l'impression que, hum, j'ai dû mal à emboîter les éléments ensemble, ça me rend vraiment, hum, perplexe, confus. J'ai l'étrange sentiment que quelque chose sonne faux, que tu n'as pas été totalement honnête avec moi la dernière fois qu'on en a discuté. » Sur ce point, Benedict a vu juste. Mais comment Shinya aurait-il pu être honnête, alors qu'il refuse de lui avouer sa bisexualité? Il a trop peur d'être jugé, pire encore, d'être rejeté. Il ne peut pas expliquer à son colocataire qu'il a éprouvé de la jalousie face à cette autre fille, uniquement parce qu'il aurait aimé être à sa place. Il aurait aimé que Benedict soit enthousiaste à l'idée de déjeuner avec lui, pas avec elle. Il a l'impression d'être stupide face à ses sentiments et à ses émotions, comme un adolescent susceptible qui se retrouve en plein émoi amoureux et hormonal. S'il en était capable, Shinya en rirait. Au lieu de ça, tout ce qu'il trouve à faire c'est pleurer discrètement. Il passe le revers de ses mains sur son visage pour essayer de cacher ses larmes, en vain. Il est déjà trop tard pour que ces dernières puissent passer inaperçues. Ses yeux rougis et vitreux se plantent dans ceux de l'irlandais quand celui-ci ajoute : « Est-ce que j'ai raison ? » Comment répondre à cette question ? Shinya entrouvre ses lèvres, comme s'il s'apprêtait à dire quelque chose, mais il reste parfaitement silencieux. Il éprouve même du soulagement quand son interlocuteur s'empresse de reprendre la parole, car cela lui donne l'opportunité de se taire. « J'ai même totalement foiré mon rencard, tellement je me sentais mal. Mais au final, les non-dits, plus j'y repense, et plus ça commence à me peser. Alors, je préfèrerais que tu me le dises si quelque chose ne va pas avec moi. » Dans d'autres conditions, le japonais aurait éprouvé de la joie en apprenant que son comportement ait pu influencer le rendez-vous de Benedict avec cette fille, néanmoins il est trop mal à cet instant pour pouvoir savourer cette nouvelle semblable à une bonne petite vengeance. Qu'importe, qu'est-ce que ça change qu'il ait raté son rencard puisqu'il ne s'intéressera de toute façon jamais à un autre garçon ? C'est fou à quel point Shinya a mal au cœur en songeant à cette idée, celle qu'un homme qui lui plaît ne soit pas de son bord.

Lorsque Benedict cesse de parler, un silence s'impose pendant un instant qui semble être une éternité. On entend seulement les reniflements de l'asiatique devenu incapable de retenir ses larmes. Il attrape sa serviette encore propre pour s'essuyer les yeux et surtout pour cacher son visage. Il a honte de se présenter de la sorte à son colocataire. S'il le pouvait, Shinya se lèverait et s'enfuirait dans sa chambre, mais puisque la conversation est lancé, il serait absurde de disparaître et de s'arrêter là. Ça ne ferait qu'empirer les choses. Avant de réussir à prendre la parole, il laisse échapper un gémissement minable qui le fait se sentir terriblement stupide. « Benedict... je suis... désolé. Tellement. » Il respire fort en essayant de se contenir, ses mots sortent de sa bouche de façon hachée. Shinya ignore par quel bout commencer, comment répondre à la question de Benedict sans se trahir. D'ailleurs, pourquoi continuer à se voiler la face ? Ne ferait-il pas mieux d'avouer une bonne fois pour toute qu'il aime les hommes comme les femmes et que, oui, il a finit par désirer son colocataire ? Il n'y a rien de pire que le mensonge, en particulier pour une personne d'ordinaire aussi franche que Shinya. Quitte à continuer à vivre avec Benedict, il serait idiot de faire semblant d'être quelqu'un d'autre. « Ben... » C'est la première fois qu'il l'appelle par son surnom depuis plusieurs semaines. Jusque-là, il s'était contenté d'utiliser son prénom complet, comme pour marquer une distance. Le regard suppliant de Shinya se pose sur son ami tandis qu'il froisse nerveusement sa serviette en papier entre ses doigts. Ses lèvres  se serrent à quelques reprises, alors qu'il cherche ses mots et qu'il songe à lui avouer la vérité. Et si lui dire une bonne fois pour toute ce qu'il a sur le cœur pouvait arranger les choses ? Au pire, il choquerait Benedict et leur relation s'arrêterait là, plutôt que de continuer à se maintenir grâce à de mauvais mensonges. « Tu as raison. Je n'ai pas été honnête avec toi. Mais c'est difficile. Trop difficile. » Une sensation désagréable s'empare de Shinya, c'est comme si une main maléfique venait d'attraper ses tripes pour les lui arracher, ou qu'une pierre trop lourde venait d'être déposée dans son ventre. Il inspire profondément comme s'il peinait à respirer avant de poursuivre : « Je ne veux pas que tu me juges pour ce que je suis. Je ne veux pas te décevoir... Mais je ne peux pas non plus te mentir sans arrêt. Tu sais bien que ce n'est pas ma fatigue qui m'a fait mal me conduire, tu n'es pas stupide bien sûr. Mais comment... » Ses mots se coincent d'un seul coup dans sa gorge et ses pleurs le reprennent avec un calme étrange. Shinya aurait aimé avoir un verre de whisky à cet instant, juste une petite rasade pour délier sa langue et lui donner la force de parler, mais il a promis à Benedict d'arrêter de boire alors il n'a rien sous la main qui puisse l'aider. Il va devoir faire avec, en toute sobriété, ce qui est difficile pour lui. Ce n'est qu'après deux petites minutes à renifler en essayant de ravaler ses larmes, que le japonais réussit à reprendre la parole de façon à peine audible. « Je crois bien que j'étais jaloux. Parce que tu me plais, Benedict. » Les yeux rivés sur son risotto devenu froid, incapable de croiser le regard de son ami, Shinya a quasiment murmuré ses six derniers mots, comme un enfant qui avoue honteusement sa faute et qui craint la sentence. Cette fois-ci, il fond définitivement en larmes au point de ne plus pouvoir retenir quelques gémissements. Il recouvre son visage avec ses mains pour se cacher, penche sa tête en avant pour éviter que Benedict le surprenne même si c'est devenu inutile. Shinya a toujours assumé sa bisexualité sans le moindre problème, tout comme il a toujours eu le tact de ne rien dire plutôt que de mentir quand cela était nécessaire au sujet de son orientation sexuelle. C'est la première fois qu'il se sent honteux d'admettre ses tendances alors qu'il ne le devrait pas, parce que c'est naturel, parce qu'il est né ainsi. Mais le regard de celui qu'il aime sur lui vaut plus que tout le reste et il a peur, tellement peur que Benedict le rejette, qu'il est devenu prêt à éprouver son amour pour un autre homme comme un déshonneur.

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() message posté Mer 27 Juin 2018 - 15:46 par Invité

Il scrutait la moindre expression du visage de son ami, en quête de réponse. Il voulait savoir, il voulait comprendre. L'envie d'en terminer au plus vite avec cette discussion sérieuse le taraudait, mais il savait qu'elle était nécessaire pour que les choses aillent mieux. Le moindre mal pour lui. Benedict avait toujours fui ce genre de moment, les repoussant jusqu'à échéance, jusqu'à ce que ce ne soit plus possible d'aller en travers. Peut-être était-il un lâche, bien qu'il se considérait d'avantage comme une personne redoutant la réaction des autres. La menace de Shinya semblait toujours trotter dans l'air tandis que le jeune professeur tentait tant bien que mal de lui expliquer son point de vue sur la situation. Il sentait ses joues s'empourprer, ses mains trembler. Il s'imaginait déjà aider le jeune homme à plier bagage, lui dire adieu, et lui souhaiter le meilleur pour la suite. Il ne voulait pas voir son colocataire quitter les lieux, lui qui avait instauré dans cet appartement un quotidien agréable et routinier qui convenait grandement à Benedict. Il n'était pas là depuis un an, que le trentenaire avait du mal à se remémorer à quoi pouvait bien ressembler sa vie avant Shinya. Il y survivrait, c'est certain. Il avait traversé des obstacles bien plus périlleux. Mais il y aurait toujours ce manque, cette absence qu'il ne pourrait combler. Et cette déception au creux de son cœur de s'être attaché aussi intensément à une personne qui, au final, était loin de ressentir la même chose.

D'une nature optimiste, ce soir le professeur se montrait cependant plutôt inquiet dans ses pensées. Le long silence qui suivit son monologue lui donnait l'impression que cela n'en finissait plus. Il déglutissait difficilement, son cœur lui donnant l'impression qu'il allait sortir d'une minute à l'autre de sa poitrine. Le sang tambourinait dans ses oreilles, lui donnant cette étrange sensation que l'on a parfois lorsqu'on est sur le point de s'évanouir. Il passa nerveusement une main dans les poils ras de son chien, toujours assis à ses côtés. Ce dernier lui lécha la main, mais c'est à peine si Benedict le remarquait. Il était bien trop occupé à observer son interlocuteur, toujours muet. Il l'entendait renifler, assez bruyamment d'ailleurs, comme s'il était sur le point de pleurer. Le professeur se retenait lui aussi, ses yeux embués se plissant légèrement pour contenir les larmes tentant de s'échapper. Il baissa la tête quand la voix de Shinya raisonna finalement dans la grande pièce. « Benedict... je suis... désolé. Tellement. » L'intéressé leva le regard vers son ami, et Dieu sait à quel point ça lui faisait du mal de le voir dans cet état. Lui aussi se sentait désolé. Tendu sur sa chaise, la tête rentrée dans ses épaules, Shinya hoquetait difficilement tout en reniflant, tentant de formuler une phrase correcte. Le trentenaire aurait voulu le prendre dans ses bras pour le réconforter, mais la situation était vraiment mal choisie pour ça. Son regard soutenait alors le sien, comme pour l'encourager à poursuivre, même si son cœur saignait devant cette vision. L'empathie de Benedict était bien aussi grande que sa sensibilité. Il était bien capable de fondre en larme lorsqu'il voyait un inconnu pleurer, alors il n'était pas difficile d'imaginer ce que ça pouvait donner lorsqu'il s'agissait de son colocataire. Une part de lui souhaitait cependant que Shinya ne s'arrête pas là, pour enfin comprendre ce qu'il se passait dans la tête de son ami. Ce dernier était désolé, mais pour quelle raison ? Allait-il lui annoncer qu'il était trop difficile pour lui de cohabiter avec quelqu'un comme Benedict ? Son surnom raisonnait à présent dans l'air, s'extirpant dans un souffle de la bouche de son ami. Surnom sonnant autrefois bien souvent de manière guillerette, mais qui avait aujourd'hui un goût amer. Et puis Shinya se confiait enfin, bien que cela n’aiguillait pas Benedict d'avantage sur ce qui se passait réellement.  « Tu as raison. Je n'ai pas été honnête avec toi. Mais c'est difficile. Trop difficile. » Il se racla la gorge, sentant un nœud y loger domicile. Plus le moment fatidique se rapprochait, plus le jeune trentenaire se sentait imploser de l'intérieur. Il finit par fuir le regard de son ami, posant ses yeux sur le contenu de son assiette qui devait être à présent froid. Durant ce laps de temps, Shinya ajoutait difficilement :  « Je ne veux pas que tu me juges pour ce que je suis. Je ne veux pas te décevoir... Mais je ne peux pas non plus te mentir sans arrêt. Tu sais bien que ce n'est pas ma fatigue qui m'a fait mal me conduire, tu n'es pas stupide bien sûr. Mais comment... » À ce moment-là, Benedict était pratiquement sûr qu'il avait mis le doigt sur ce qui n'allait pas. Il était certain que son colocataire avait découvert, d'une manière ou d'une autre, qu'il était bisexuel, et qu'il avait déjà louché un peu trop longtemps sur ses lèvres ou ses fesses. Ou alors, ce dernier savait qu'il avait contracté le VIH. Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre ? Après tout, Shinya avait très rapidement su lui faire comprendre qu'il était hermétique à l'homosexualité, n'est-ce pas ? Bien évidemment que Benedict se doutait que ce n'était pas là l'oeuvre de la fatigue qui avait poussé son ami à se comporter de manière aussi déplacée lors de leur dispute. Bien sûr qu'il n'était pas idiot. Ce qu'il redoutait le plus prenait petit à petit des traits bien définis. Rien d'autre ne traversait l'esprit de Benedict que ce qui pouvait clocher chez lui (d'un regard extérieur un peu fermé d'esprit). Instinctivement, le jeune professeur se recroquevilla sur lui-même, s'entourant de ses bras comme d'une armure contre ce qui allait suivre. Son regard était baissé en direction du parquet pour qui il avait vraisemblablement trouvé un grand intérêt. Des larmes silencieuses coulaient sur ses joues, qu'il dégageait d'une main habile. Il déglutissait une nouvelle fois, tandis qu'une sensation nauséeuse apparaissait dans son estomac. Si tout cela ne cessait pas rapidement, il allait vomir, c'était certain.

Et puis, d'autres mots finirent par sortir. « Je crois bien que j'étais jaloux. Parce que tu me plais, Benedict. » La respiration de l'intéressé se bloquait alors, tandis qu'un frisson étrange traversait l'intégralité de son corps. Il eut du mal à encaisser le coup, tant est si bien qu'au début, il n'eut tout simplement pas compris. Il fronça les sourcils, levant lentement ses yeux clairs et humides pour les poser sur son interlocuteur. Benedict était au début, incapable de répondre quoi que ce soit. C'était déconcertant, impossible à vrai dire, d'intégrer l'information dans sa tête. Shinya pleurait devant lui, visiblement honteux. « Je... Quoi ? » Il ne dit rien d'autre pendant quelques secondes. Et puis soudain, ses sourcils se haussèrent, et il prit conscience de la situation, de ce qu'il venait de se passer. Son ami, son colocataire, son confident, venait de lui avouer qu'il avait une attirance pour lui. Et il pleurait à chaudes larmes, probablement parce qu'il se sentait idiot de toute cette situation. Benedict de son côté, se reprit en main, séchant ses larmes, continuant de fixer Shinya qui n'en finissait plus de détourner les yeux. Il ne s'attendait clairement pas à ça. À tout, sauf à ça, à vrai dire. « Je te plais mais... je pensais que... tu étais plutôt fermé à l'idée qu'un homme puisse... hum, aimer un autre homme ? » Sa phrase sonnait comme une question, bien qu'il fut idiot de la lui poser, au vu de ce que venait d'avouer le jeune asiatique. Il n'osa cependant pas parler d'homophobie, de peur de blesser d'avantage son ami.

Puis Benedict se leva brusquement, fronçant à nouveau les sourcils. Dans sa tête, ça cogitait pas mal. Mais une sensation étrange s'empara de lui. Il aurait dû être perplexe, angoissé, triste, peut-être même en colère, indigné. Mais finalement, ce simple aveux semblait à lui seul démêler la situation. Il n'avait plus envie de vomir. En fait, il avait envie... de sourire ? Et de façon plutôt niaise pout tout dire. Ce n'était cependant pas le cas de son colocataire, toujours en train de pleurer à chaude larme sur sa chaise, les yeux baissés. Le professeur s’éclipsa dans la cuisine pendant quelques instants, ses chaussures cirés claquant bruyamment contre le parquet, avant de revenir avec une boîte à mouchoirs. Il s'approcha ensuite de Shinya, prudemment. Il s'accroupit lentement devant lui, ses genoux reposant contre le sol. Il posa la boite en carton sur la table, juste à côté d'eux. Il prit un mouchoir dans ses mains et le tendit avec douceur à son colocataire, toujours accroupit en face de lui. Ses mains tremblaient. Il baissa la tête, passant ses doigts à l'arrière de sa nuque, comme à chaque fois qu'il était anxieux à propos de quelque chose. Maintenant qu'il était à son tour de parler, lui non plus n'osait soutenir le regard de son interlocuteur. « J'ai vraiment été un idiot. Je crois bien qu'il y a eu méprise... Je ne pensais pas qu'un jour tu pourrais... t'intéresser à moi. » Lupin s'invita en voyant son maître par terre. Mais Benedict le repoussa gentillement avec ses bras. Il prit une longue inspiration avant de poursuivre. « En fait, je pensais que tu avais découvert quelque chose à propos de moi... et que tu me détestais à cause de ça. » Dit-il dans un murmure, comme le début d’un aveu. Visiblement, le professeur avait eu faux sur toute la ligne. Il n'était pas certain de ses sentiments envers Shinya, mais il ne pouvait pas nier que le fait de savoir qu'il lui plaisait le rendait heureux. Il s'était toujours refusé ce genre de rêverie à propos de son colocataire, mais à présent il savait que la situation n'était pas désespérée. Pourtant, lorsqu'il aurait pu poursuivre sur sa lancée, lui parler de sa propre bisexualité, de son attirance, voir même lui avouer des secrets moins bien avouables, notamment à propos de son état de santé, Benedict se bloqua. Il ne dit rien de plus. Il y avait toujours cette peur de la réaction de l'autre, la peur de dire les mots. Et la pudeur aussi. Le jeune trentenaire se contenta alors de prendre un mouchoir à son tour et de se moucher silencieusement, honteux de n'avoir le courage d'en dire d'avantage.

"I don't mean to suggest.." (@COHEN // beerus)
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() message posté Dim 11 Nov 2018 - 17:56 par Invité

I DON'T MEAN TO SUGGEST THAT I LOVED YOU THE BEST
Leonard Cohen - Chelsea Hotel #2

Pendant des mois, Shinya a intériorisé sa colère et ses angoisses. Puis tout s'est transformé en une charge trop lourde à supporter, à tel point qu'il lui est devenu nécessaire de tout extérioriser, avant qu'il n'atteigne le seuil critique et ne s'emporte brutalement contre Benedict. D'une nature franche et directe, il est rare que le japonais intériorise à ce point ses émotions. On le décrit généralement comme expansif et franc, et non discret et réservé. Prendre sur lui n'est pas son propre, c'est une chose qu'il supporte assez mal. Autant admettre que le fait d'avoir mené une relation pleine de faux-semblants avec son colocataire pendant une aussi longue période est un miracle. Shinya aurait pu mettre les points sur les i plus tôt, au moment-même où ils se sont disputés au sujet du rencard de Benedict. Mais, étonnamment, il s'en est senti incapable, parce que la peur de décevoir son ami a été plus forte que tout le reste. L'asiatique a tendance à se moquer de ce que les autres peuvent dire de lui, comme il se fout des carcans sociaux, mais quand il aime une personne, il est constamment effrayé par l'idée de la décevoir. Après tout, il n'a jamais su construire de relation durable, excepté en amitié, parce que cela lui permet de fuir cette crainte capable de le ronger jusqu'à l'os. La fuite, c'est la spécialité de Shinya quand il s'agit des rapports humains compliqués. Certes, on ne peut pas toujours pratiquer cette technique, en particulier avec celui qui partage le même toit que soi.

Shinya n'a jamais eu aussi honte de lui-même qu'à cet instant. Recroquevillé sur sa chaise, gémissant parfois comme un désespéré et incapable de retenir ses larmes, il se sent terriblement minable. Quelle image est-il en train de donner à Benedict ? L'avant de son corps est penché en avant, ses coudes appuyés sur le rebord de la table pour pouvoir cacher son visage dans ses mains. On ne voit plus que sa tignasse décolorée et ses oreilles devenues aussi rouges que ses joues. Juste devant lui, comme un détail incongru de cette scène, son assiette de risotto trône toujours à sa place. Shinya n'y pense même plus, son esprit est trop occupé par la crainte de la réaction de Benedict. Il s'attend à ce que dernier soit choqué ou en colère, qu'il lui clame haut et fort qu'il devrait avoir honte de faire un aveu pareil, parce qu'un homme n'est pas censé en aimer un autre. N'est-il pas l'enfant d'une famille extrêmement pieuse ? Shinya s'est toujours fait à l'idée que Benedict ait pu hériter d'une conception très patriarcale de l'amour et de la famille, où il est inconcevable d'aimer une personne du même sexe que soi. Bêtement, il s'est même arrêté sur cette erreur, sans jamais chercher à la démentir parce que, pour lui, il est évident qu'en tant que croyant, l'irlandais ne peut pas avoir l'esprit ouvert en matière de sexualité. C'est une idée terriblement cliché, mais c'est celle que Shinya s'est mit dans le crâne en voyant chaque jour son colocataire lui prouver sa foi envers Dieu. Il n'a jamais pris la peine d'aborder le sujet de l'homosexualité pour essayer de connaître l'opinion de son ami et, à vrai dire, la seule fois où Benedict lui-même a tenté de le faire, Shinya a fui par crainte de créer des tensions. Quel idiot il fait. S'il avait pris la peine de discuter à cœur ouvert avec son colocataire, ils n'en seraient jamais arrivés jusqu'à cette situation absurde.

Prostré sur sa chaise, le japonais n'écoute plus ce qui se passe autour de lui. Il n'a pas remarqué les larmes de Benedict tout à l'heure, ni même son malaise. Quand ce dernier réagit à son aveu par la surprise, il ne le voit pas non plus, comme il n'entend pas ses deux premières phrases, jusqu'à sa question : « je pensais que... tu étais plutôt fermé à l'idée qu'un homme puisse... hum, aimer un autre homme ? » Il faut un instant avant que Shinya comprenne ce que Benedict vient de lui dire, et quand il y arrive enfin, il a du mal à en croire ses oreilles. Lui, fermé à l'idée qu'un homme puisse en aimer un autre? C'est bien la première fois qu'une personne se méprend sur ce point. Avec son allure androgyne et sa façon de briser les codes des genres sexuels, la majorité des gens s'imaginent plutôt que Shinya est gay, quand ils ne le prennent pas pour une femme. Shinya est prit d'un petit hoquet quand il cesse de gémir, continuant toutefois de pleurer. La phrase de l'irlandais fait progressivement son chemin dans son esprit. Et si toutes ces tensions sont arrivées uniquement par sa faute, parce qu'il s'est méprit au sujet des convictions de son colocataire ? Comment a-t-il pu être aussi stupide pour se monter la tête de cette mauvaise façon ? Shinya n'éprouve maintenant plus de la honte à l'idée que son homosexualité puisse choquer son ami, mais à celle qu'il ait pu se faire une idée toute arrêtée au sujet de celui-ci. Il ne sait même pas comment réagir face à la réaction de Benedict, parce qu'il se sent totalement stupide. Alors il reste silencieux, continuant de renifler parce que son nez coule à force d'avoir pleuré et qu'il ne peut pas s'essuyer tant qu'il garde son visage enfoui dans ses mains, refusant de faire face à son ami. Même quand ce dernier disparaît dans la cuisine, l'asiatique reste incapable de changer de position. Oh, il aurait envie de disparaître, là maintenant, et d'oublier tout ça. Lorsqu'il entend Benedict revenir dans le salon, il angoisse en songeant qu'il finira bien par devoir lui faire face. Sans rien voir, il perçoit le bruit d'un objet qu'on pose sur la table et celui de Benedict qui s'installe juste à côté de lui. Shinya inspire alors tout fort, dévoile le haut de son visage en repliant simplement ses doigts, pour apercevoir son colocataire en train de lui tendre un mouchoir. Ses yeux s'écarquillent un bref instant, parce qu'il est surpris par l'empathie et la douceur qu'affiche l'irlandais. C'est bien la dernière réaction à laquelle il s'attendait de sa part. Il aurait toutes ses raisons d'être en colère après le cinéma que le petit japonais vient de lui faire. C'est timidement que Shinya se saisit du mouchoir qui lui est tendu, et qu'il plaque contre son nez pour se moucher. Il en attrape un second dans la boîte qui se trouve devant lui pour ensuite nettoyer ses yeux humides et gonflés. Les deux hommes ont à peine croisé leurs regards pendant tout ce temps, chacun fuyant l'autre. Et puis Shinya n'a pas envie que Benedict le voit dans cet état, avec ses yeux enlaidis par les larmes et ses cernes marqués par l'épuisement qu'ont entrainé son sevrage à l'alcool et ses dernières angoisses. Encore une fois, un court silence s'installe, jusqu'à ce que Benedict le brise par ses paroles. « J'ai vraiment été un idiot. Je crois bien qu'il y a eu méprise... Je ne pensais pas qu'un jour tu pourrais... t'intéresser à moi. » Shinya est incapable de parler, et encore moins de regarder Benedict. Il a bien vu ses mains tremblantes quand il lui a tendu un mouchoir, sa gêne quand il a passé ses doigts derrière sa nuque, tout ça à cause de lui et de son aveu. Il s'attend à ce que son colocataire lui dise qu'il est désolé pour lui, qu'il ne s'attendait pas à pouvoir un jour lui plaire et que ce ne serait jamais réciproque. Alors il ferme les yeux, en attendant d'entendre ses excuses, comme le font chaque fois les hommes hétérosexuels face à un gay qui leur avoue son attirance pour eux. « En fait, je pensais que tu avais découvert quelque chose à propos de moi... et que tu me détestais à cause de ça. » D'un seul coup, Shinya ouvre de nouveau ses yeux et les rivent sur Benedict, l'air surpris. Il ne comprend décidément plus rien, reste silencieux quelques secondes en observant son ami qui se mouche sans bruit, ses lèvres légèrement entrouvertes tandis qu'il cherche ses mots. Quand il parle enfin, sa voix est à peine audible, comme si ses mots avaient du mal à sortir de sa bouche. « Benedict, je ne comprends pas... »  Shinya secoue doucement sa tête de gauche à droite, puis détourne son attention sur son risotto froid qu'il repousse d'une main vers le centre de la table, comme s'il le dérangeait d'un seul coup. Ou plutôt, il essaie tant bien que mal d'occuper ses mains parce qu'il est nerveux. Il reprend d'ailleurs un autre mouchoir, recommence à nettoyer le bas de son nez pour s'assurer qu'il ne lui reste rien et renifle avant de continuer : « Tu as appris que j'étais alcoolique. Maintenant, tu sais aussi que... que j'aime les hommes... » Le japonais lâche un long soupir, inspire, triture son mouchoir entre ses doigts et continue sur sa lancée en fixant la table et en s'efforçant de parler un peu plus fort cette fois-ci. « Et tu veux que je te déteste à cause de toi ? » Son accent japonais hache ses mots d'une étrange façon, il a l'impression de ne plus parler un anglais convenable et murmure un « Kuso (merde)... » juste avant de poursuivre tout doucement : « Je pensais que tu me détesterais quand je te dirais que... tu vois... Je te l'ai caché, longtemps. Alors que toi, tu ne m'as rien caché. Est-ce que tu me détestes, Benedict ? » Une énième larme coule silencieusement sur la joue de Shinya. Il n'ose toujours pas croiser le regard de Benedict, parce qu'il a peur et parce qu'il se sent laid à cet instant. Même s'il ignore encore ses sentiments pour son colocataire, persuadé qu'il n'éprouve qu'une attirance sexuelle pour lui, il n'a pas envie que ce dernier le voit sous un mauvais jour ou le juge mal. Il n'a pas non plus envie qu'il le déteste. Il a juste envie qu'il l'aime, ne serait-ce qu'en tant qu'ami. Et l'idée que Benedict puisse lui cacher des choses de son côté aussi ne l'effleure même pas car il est prêt à lui faire aveuglément confiance.
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