i would rather walk with a friend in the dark, than alone in the light. (maura)

Elle avait les yeux posés sur son ordinateur depuis des heures, la notion du temps disparu, le visage criblé de fatigue, les seules horaires qu'elle respectait réellement étaient celles du soleil, elle suivait ce rythme, Maura, se levait trop tôt et se couchait trop tard. Même le vibreur de son téléphone n'avait pas réussi à la faire décrocher de sa paperasse, ses collègues avaient bien tenté de la pousser hors du commissariat, puis abandonné l'idée. Elle rangea un classeur, ne sachant pas encore que Venus venait tout juste de pousser les portes, et se précipitait déjà dans son dos. Ce n'était pas la première fois que sa meilleure débarquait de cette façon. Pimpante et fière de venir la troubler dans son travail. Elle soupira, s'avança à sa rencontre et s'arrêta, prête à lui dire d'oublier ses idées pour la soirée. « tu viens avec moi, interdiction de protester. » Venus devait bien voir, à son expression qu'elle n'était pas prête à faire ce genre d'effort, mais cela ne semblait pas la démotiver, un large sourire sur ses lèvres, les mains posées sur ses épaules pour la contraindre à la regarder. « On avait prévu de se voir ? » Elle se garderait bien de lui dire qu'elle n'avait pas consulté son téléphone depuis la veille, celui-ci sans doute rempli d'appels manqués et de messages qui attendaient d'être lus. Elle jeta un coup d'œil à l'horloge qui trônait au-dessus de la porte, dont le claquement des aiguilles devenait incessant et insupportable. Elle resta quelques instants immobiles, les bras ballants, un dossier dans une main, l'esprit embrumée par la fatigue, se demandant si il était possible de se noyer dans une montagne de papiers. « A force de rester tard après la fermeture tu vas faire des cauchemars, alors prends ton parapluie on va faire le tour de la ville jusqu'à trouver un endroit qui nous plais. » Sa meilleure amie ne se rendait sans doute pas compte qu'elle visait parfaitement juste. Elle était hantée, Maura, par certaines enquêtes, des scènes de crime particulièrement insupportables mais elle demeurait persuadée que cela faisait parti intégrante de son job, cela n'était pas si grave si elle dormait peu, si ça lui restait dans la tête. « et je crois que tu as beaucoup de choses à me dire, petite cachotière. » La vision de Venus, les bras croisés, cette moue enfantine étirant ses traits lui arracha un sourire. Elle appréciait sa compagnie, même si elle passait son temps à mettre son nez dans ses affaires et à vouloir la faire sortir. Elle était indépendante, réussissait ce qu'elle voulait et elle représentait l'amie idéale à la perfection. Elle avait du caractère, de l'humour, elle avait ce truc en plus qui poussait Maura à aimer sa présence. « Il pleut ? Attends-moi deux secondes, je vais prendre mes affaires. » Elle s'avouait vaincue, rapidement, elle ne savait pas trop ce qui la poussait à ça, peut-être la présence rayonnante de Venus. Il aurait été plus facile de refuser au téléphone, mais la voir la rendait faible. Elle s'éclipsa quelques secondes vers son casier, espéra un peu qu'un collègue la retienne, les suppliant du regard mais sans doute étaient-ils tous heureux de se débarrasser d'elle. « Je n'ai rien à raconté. C'est toujours toi qui as des histoires incroyables. » Elle affichait son expression taquine, posa son parapluie quelques instants contre un mur pour enfiler son manteau, soulevant ses boucles blondes pour les extirper de son col. Elle n'avait aucune idée de où elles iraient, Venus voulait laisser le hasard faire les choses et peut-être auraient-elles le coup de cœur une fois devant un restaurant. Elle se laissa guider jusqu'à la porte du commissariat, marchant d'un pas assuré, et fit un signe de la main à ses collègues. Sans oublier, derrière le dos de Venus, de mimer un téléphone pour que ses collègues comprennent qu'ils pouvaient l'appeler à n'importe quel moment. Elle fixa la rue, l'air concentré, un instant à peine avant de reporter son attention sur sa meilleure amie. « Jeremiah passe la soirée avec ta grand-mère je suppose ? » Elle marqua une pause. « Si j'accepte de sortir ce soir, tu ne fais aucune remarque sur mon job. »

« Tu te moques de moi ? Parlons en de ton travail, il est si passionnant que ça que tu supplies tes collègues du regard de te retenir dans ton bureau moisi ? Ma présence est si désagréable que tu préfères avoir le nez plongé dans tes dossiers, Maura Belshaw ? » Elle poussa un long soupir, s'arrêta subitement à son tour au milieu du trottoir sans prendre la peine de déplier son parapluie. De fines gouttes de pluie tombaient sur son visage, de ses joues jusqu'à sa mâchoire, elle n'y prêtait aucune attention, en chassa une sur le bout de son nez avant de se redresser, les épaules droites, la nuque tendue, le regard plongé dans celui furieux de sa meilleure amie. Son travail faisait parti intégrante de sa vie, et pourtant, elle ne s'y était jamais autant investie avant de tout perdre l'année dernière. Elle y mettait tout son cœur, même lorsqu'un dossier particulièrement ennuyeux ne l'intéressait pas, parce qu'elle avait été éduquée avec la foi d'aider et protéger les autres, tout du moins, Maura l'avait interprété de cette façon, celle de ne pas montrer ses faiblesses, devenir le roc, être le pilier des autres. La vie l'avait poussé à se réfugier au commissariat, à trouver là-bas ce réconfort et cette sécurité qu'elle avait brusquement perdu en même temps que Brahms et leur bébé. « J'ignorais qu'une dispute était prévue dans le programme de notre soirée. Parfois j'ai l'impression que vous attendez tous que j'abandonne mon travail parce que vous détestez les flics. » Elle soupira, passa le revers de sa main contre son front pour retirer quelques gouttes. Elle fixa quelques secondes l'entrée du commissariat, secoua la tête de droite à gauche avec lenteur, comme pour se résigner et rendre les armes. Elle consacrait trop de temps à ses dossiers, elle avait parfaitement conscience que c'était ça, le réel problème. Mais elle avait plutôt imaginé que cette soirée commencerait d'une autre façon. Que Venus lui réchaufferait le cœur à grands coups d'histoires dont sa meilleure amie, elle seule, possédait le secret et le talent, qu'encore une fois elle aurait été une oreille attentive et son épaule pour la soutenir dans son deuil. Parce que même si son amie n'en parlait pas, Maura n'était pas stupide, Venus pensait à sa sœur. Alors elle l'écouterait, lui parlerait jusqu'à tard dans la nuit, si c'était là tout ce que Venus avait besoin. Plus encore, elle mourrait d'envie de lui annoncer ses fiançailles, pour lui offrir une bonne nouvelle, elle s'était empêchée de le faire par téléphone trouvant ça trop impersonnel, de ne pas voir la réaction qu'aurait réellement sa meilleure amie à ce moment-là. Mais maintenant qu'elles se tenaient face à face, elle ne pouvait pas lui avouer cela dans un contexte où l'une était fâchée contre l'autre. « Ne sois pas ridicule, Venus Strudwick, qu'est-ce que je deviendrais sans toi ? » Elle tenta l'ébauche d'un sourire, inclina légèrement la tête, elle avait cette moue innocente, cet air suppliant parce qu'elle n'avait aucune envie de se disputer avec Venus. Elle était épuisée, le trop plein de travailler se lisait de plus en plus sur les traits fatigués de son visage, elle ne le réalisait pas encore réellement, que passer du temps avec sa meilleure amie, c'était exactement ce dont elle avait besoin. La main sur sa hanche, elle courba légèrement son bras pour que Venus y glisse le sien. « Prends mon bras, j'aurais toujours du temps pour toi. Et ce n'est pas en restant ici qu'on risque de trouver un restaurant. »