MAÏLA ~ a light in the dark.

Été 1987, 2 ans.
Je n’ai pas un très bon souvenir de mon enfance, mais assez pour me souvenir des points importants. Je me souviens d’une grande villa de Californie toute vitrée avec vue sur la mer. Les oiseaux qui volent au-dessus de l’eau en lançant des cris joyeux, les vagues qui viennent se briser sur le sable. Mais ça, ce ne sont que des petites images floues. Le reste, c’est le néant total. À ce moment, je devais avoir environ 4 ans.  Nous étions sur la plage et je m’amusais à faire des châteaux avec le sable encore mouillé par les vagues. Mes parents étaient en retrait un peu, mais ça ne m’empêchait pas de les entendre quand même. Ce n’est pas parce que j’avais 2 ans que j’étais stupide. Je me souvenais de certaines images comme des échos lointains, flous et pas très nets. Leur visage me revenait à l'esprit, mais pas leur façon d'être avec moi. Non, juste des images. Je me souviens aussi que quelques temps plus tard, je me retrouvais dans un grand endroit où il y avait beaucoup d’enfants. Je ne trouvais plus mes parents, mais je me suis dit qu’ils allaient surement revenir. Je me souvenais d’une grande chambre vide et d’une madame avec une grosse voix qui me faisait peur. On me dit que je suis à l’orphelinat, mais moi je sais pas c’est quoi l’orphelinat… C’est peut-être une nouvelle sorte de garderie…
Été 1988, 3 ans.
« My, je veux qu’on se marie toi et moi. » Nous sommes dans la cour derrière l’orphelinat sous un grand chêne. Il fait un soleil radieux et je me sens heureuse parce que je suis avec Kennedy. J’ai mis ma petite robe blanche et je tiens dans mes mains un petit bouquet de lilas que Ken m’a donné. Je suis très contente, car j’aime ça quand il me donne des cadeaux. Je n’ai jamais vraiment eu beaucoup de cadeaux dans ma vie. On est ici parce qu’on va se marier. Ken nous a acheté deux bagues en bonbon qu’on va s’échanger comme preuve d’amour. Il me prend les mains. « My, je t’aime et je veux que tu restes avec moi pour toujours. On va jamais se séparer ok ? » Je fais un petit signe de tête discret. J’étais assez timide à l’époque. Nous nous donnons un petit bisou sur la bouche et s’échangeons nos bagues. Je suis très contente d’être mariée avec Kennedy parce que c’est mon meilleur ami. C’est la seule personne qui me comprend ici et c’est avec lui que je passe tout mon temps. Je l’aime beaucoup.
Hiver 1989, 4 ans.
Pourquoi ils me fixent ainsi ces inconnus ? Je me sens comme un morceau de viande à l’épicerie qu’on évalue pour être sûr qu’il est encore bon. Ou encore un animal dans une cage. C’est vrai qu’ici, j’ai l’impression d’être dans une cage, mais ce n’est pas une raison pour me regarder ainsi. Ça m’intimide et je n’aime pas ça. La madame à la grosse voix est avec eux. Je ne sais pas du tout pourquoi elle est là plutôt que près de moi en train de me protéger. On m’a toujours dit de ne pas approcher les inconnus, mais là c’est eux qui sont pas mal trop près de moi. « Coucou petite chouette. C’est moi ton nouveau papa et elle c’est ta maman. » Je regarde la dame à la grosse voix les yeux pleins d’eau. Je ne veux pas d’eux. Moi je veux mes vrais parents et rester ici avec Ken. Je ne veux pas m’en aller avec eux. « Sont où mes parents ? » Ils me regardent d’un air attendri et me disent que ce sont eux mais vrais parents maintenant. Je ne comprends pas… C’est possible d’avoir plus que deux parents ? « Et on va où ? Kennedy peut venir avec nous ? » Finalement, ils ne m’ont pas expliqué. On est juste partis comme ça tranquillement. Peut-être qu’ils me jugeaient trop jeune pour comprendre. Après tout, je devrais avoir un droit de veto sur le choix de ma famille, mais on dirait que non. Vous ne pouvez pas imaginer la crise que j’ai fait en partant. D’abord, parce que je m’étais habituée ici et ça ne me tentais pas de partir à nouveau dans un endroit inconnu. Ensuite, parce que je ne voulais pas quitter mon Kennedy adoré. Avant de partir, je l’ai serré dans mes bras, les yeux pleins d’eau, le cœur gros. Je quittais le seul ami que je n’avais jamais eu. « Je ne t’oublierai jamais c’est promis. »
Année 1996 11 ans.
« Lina, tasse-toi. Tu prends toute la place ! » Chaque fois que ma petite sœur venait me rejoindre la nuit, elle prenait toute la place dans mon lit. Je savais qu’elle avait besoin de se faire rassurer la nuit et ça me faisait un grand plaisir de le faire, mais j’avais besoin de mon espace vital. J’avoue que moi aussi j’avais souvent besoin de me faire rassurer. Même à mon âge, je faisais souvent des cauchemars. Je rêvais à un homme un peu vieux, mais très beau. Je n’ai pas de réel souvenir de mon père, mais j’ai l’impression que c’est lui, mais il finit toujours par s’en aller et disparaître dans le lointain sans un regard ni un mot. À ce moment, je me réveille et chaque fois je me sens toute drôle. Comme un vide. Parfois, j’aurais aimé connaître davantage mes parents biologiques, mais j’avoue que j’aime bien mes parents Bradshaw. Je me suis habituée à eux et à ma sœur Linaëlle. Je me demande souvent ce qu’aurait été ma vie si je ne les avais pas connus. J’avoue que j’étais quand même contente quand ma sœur dormait avec moi la nuit, parce qu’au fond, je disais que c’était pour la rassurer, mais c’était plus elle qui me rassurait par sa présence douce et réconfortante. J’aimais bien la regarder dormir. Avec son souffle paisible, ça me détendait et elle avait l’air si fragile. Ma sœur était née 2 ans après mon adoption. Les parents Bradshaw  avaient enfin réussi à avoir un enfant biologique et j’étais très heureuse pour eux. Dès son tout jeune âge et malgré que je sois plus vieille, nous nous sommes très vite bien entendues et notre relation est très fusionnelle. Nous étions des meilleures amies, des confidentes et je me donnais comme devoir de la protéger. Nous nous connaissions par cœur et nous aurions presque pu passer pour des jumelles si nous avions le même âge. Elle n’était pas très populaire à l’école contrairement à moi, mais j’essayais toujours de l’intégrer le plus que je pouvais et de passer le plus de temps possible avec elle. J’étais solidaire et je comprenais la solitude qu’elle pouvait ressentir, ayant moi-même été très seule à une certaine époque.
Mars 2012, 26 ans.
«C’est un petit garçon. » Ethan était fou de joie quand il a vu le mignon petit poupon qui venait de naître. Il avait crié si fort que les infirmières avaient sursauté. Je ne pouvais m’empêcher de pleurer. À la fois parce que le stress de l’accouchement venait de retomber et de joie par ce beau moment que je venais de vivre. J’avais encore du mal à croire que je venais de donner la vie à un petit être. C’était absolument merveilleux. Je doutais un peu de mes talents de mère, mais je savais qu’Ethan ferait un excellent papa et que nous allions former une belle petite famille. J’étais un peu inquiète, car on peut dire que j’ai eu une enfance assez particulière. Je n’ai pas vraiment connu mes parents biologiques et ayant été à l’orphelinat, il y a eu un bon moment où je n’ai pas eu de figure parentale. Mais si je me fie à la façon dont Karen Bradshaw m’a élevée, je ne m’inquiète pas trop, car elle m’a transmis de belles valeurs et une bonne éducation. J’ai regardé Ethan fièrement. « Que dirais-tu de Adam ? »
Aujourd’hui, j’ai 29 ans.
Je suis mariée, mère d’un petit garçon de 3 ans et totalement comblée. Je suis propriétaire d’un restaurant gastronomique et d’une boîte de nuit et je compte continuer mon expansion en m’ouvrant un café, mais ce sera en temps et lieu.