the king of the north - charles chuck lewis - finish

La frustration. C’est ce qu’on appelle un destin tragique. Naître est déjà connaître la frustration, le désespoir. C’est un sentiment qui va me suivre tout au long de mon existence. Un sentiment qui va me donner envie d’aller plus loin, toujours. De ne rien montrer et d’être le plus égocentrique possible. Tant de rancœur envers la vie elle-même ne peut être contenu dans une seule personne. A la base je n’étais pas comme ça, le passé m’a rendu ainsi. Les épreuves aussi. Un croyant vous direz que c’est par les épreuves que l’amour de Dieu est perçu, j’espère bien être aimé et peut-être pardonner de mes pêchés. Peut-être. Charles Chuck Lewis. Mon histoire commence par une bouteille d’alcool débouchée et s’ensuit comme une bouteille qu’on ne finit jamais. Des illusions, des galères, une ivresse tellement cruelle.

Un père absent, une mère omniprésente et toujours fatiguée, inlassablement fatiguée. Une mère qui te donne tout ce qu’elle peut te donner tout en apprenant ce qu’elle a appris de la vie elle-même, la souffrance et le désespoir se lit dans ses yeux, mais la force qu’elle trouve en posant le regard sur ses enfants lui redonnent l’espoir, comptant sur son aîné. Moi. La frustration et le stress de ne pas être à la hauteur a eu un effet direct sur mes études : une perdition de plus en plus poussée au fil des études avant de couper le fil qui me liait à elle. Mon père je ne connais que son nom, je n’ai pas besoin de plus et cela me coûte assez cher, j’ai honte de l’entendre, alors comment le prendre au jour d’aujourd’hui ? La vie offre plusieurs possibilités de s’attacher une personnalité, une façade. Elle en donne même des cadeaux, une femme forte, une autre infidèle et un départ dans la mouise. Voilà le quotidien du Lewis que je suis.

Quand l’on est le grand d’une fratrie de quatre enfants, on apprend rapidement à être débrouillard et à ne pouvoir compter que sur soi et à la limite d’une autre personne. La solitude et la frustration règne en maître dans une vie comme celle-ci. Sans père, aucun modèle à qui se fier et dans la tourmente d’une adolescence à venir. La première personne à qui j’ai appris à faire confiance et à compter dessus fut ma mère : j’ai mis du temps à comprendre que ce n’était pas sa faute et que je devais l’aider et non agir seul. L’amour que je porte à mes proches et une faiblesse et une force en même temps, je ne le montre jamais et je le garde égoïstement pour moi afin de les prémunir de ma propre personne. J’ai été un élève plus ou moins fréquentable autant que je fréquenter l’école. Les besoins de ma famille tourmentant déjà l’esprit du haut de mes 12 ans, je n’ai appris que tard à faire confiance à une autre personne, celle qui fut ma première meilleure amie. S’ouvrir à une personne et pouvoir vider sa frustration m’a donner du baume au cœur, sans pour autant vider la rancœur accumulé envers mon paternel et la situation dans laquelle je vis, des revenus modestes ne suffisent pas à vivre sans avoir peur. Nikky fut la seule qui à réussir à devenir mon amie au moment où je me fermais à tous, m’occupant seulement de ma famille et non des autres, moi compris. Elle a réussi à percer là où je bloquais l’accès aux autres, à devenir celle qui compte pour moi. L’adolescence est quelque chose de pénible quand l’on est naît du mauvais côté de la barrière. Avec elle, tout m’est devenu un peu plus supportable. Alors, petit à petit, on a recrée le monde, à deux.

Après des années et des années à penser aux autres, à m’occuper de ma famille, je prenais le large en compagnie de Nikky, celle avec qui je partageais le lit sans que ça en devienne sexuel ou sentimental, de la pure amitié. Du moins, au début de notre arrivée sur Londres. Tout a rapidement changé. La vie, nos envies. Nous étions libres de nos bagages de Bristol. Plus rien ne pouvait nous empêcher de vivre. L’amour s’est rapidement installé, comme plusieurs premières fois, du baiser jusqu’à l’amour réel. La première demande en mariage et la première trahison. La plus dur. L’idée que je me faisais de passer une vie tranquille à ses côtés s’envola très rapidement et ma carapace se referma bien plus que je ne le pensais ce jour-là. Ma personne devient une personne à elle seule, devenant un peu égocentrique sur les bords mais pour ma propre sécurité. Le travail devint rapidement une échappatoire et c’est ce qui me permit d’arriver à ce point où j’en suis aujourd’hui. Un point où je ne suis plus dans le besoin sans oublier d’où je viens. Partir de rien et arriver là ou beaucoup arriver à cette place, c’est ce que pas mal de gens n’obtiennent pas sans une motivation hors limite. Ma persévérance à payer, pourtant je ne suis pas heureux. Je fais partie d’une classe sociale que je n’ai pas connu en naissant, alors que d’autres, oui. L’amour n’est plus quelque chose que j’accueille facilement, les femmes me sont tel un outil, que je respecte quand même mais dont je me sers seulement. La vie m’a apporté son lot d’épreuves mais elle continue à se jouer de moi, dans le rôle de ma stagiaire dans le cabinet, une belle et ravissante stagiaire dont le nom de papa ou maman a fait réussir à entrer ici. Quelque chose d’insupportablement frustrant. Minerva, un prénom à coucher dehors, ce prénom passe bien dans Harry Potter mais sans plus. Le boulot en devient un peu plus attrayant et moins rébarbatif avec elle dans mes pattes. Je suis l’huile et elle l’eau. Voilà comment est la relation d’un bon tuteur de stage envers sa chère et tendre stagiaire. Si elle n’avait pas déjà fini dans mon lit, peut-être qu’elle aurait déjà abandonné. Je vois bien, cependant, qu’elle a de la ressource, et je retrouve un peu de moi en elle. Peut-être qu’elle est réellement douée pour un job chez nous. Mais ça, je ne le verrais qu’avec le temps. Je suis patient et j’espère qu’elle aussi.