her courage was her crown and she wore it like a Queen / margot

Margot s’installa sur le fauteuil qu’on lui avait pointé du doigt. Elle enleva son manteau, puis croisa les jambes et ses bras, se laissant tomber au fond de son assise. Elle ne dit rien pendant trois minutes, et l’homme en face d’elle resta silencieux lui aussi.
- Comment vous allez aujourd’hui, Margot ?
- Bien, merci.
Elle commença à se ronger les ongles, signe de son ennui. Elle se forçait à venir de temps en temps voir son psychologue. De moins en moins certes. Mais elle ressentait ce besoin d’aller le voir, pour se sentir écouter, pour qu’il lui dise ce qu’elle ne voulait pas entendre. Elle était veuve à vingt-huit ans : ce genre de statut qu’on avait généralement quand on avait passé la soixantaine, le double de son âge. Divorcée à la limite, mais pas veuve.
- Vous êtes allée sur le tombe de Thomas ce weekend ?
- Non, je savais que sa mère irait là bas.
Elle aurait aimé que Mrs. Woolf arrête, quand Thomas était mort, d’avoir quelconque contact avec elle. Mais elle restait l’épouse de son fils décédé, l’épouse de celui qu’elle avait vu mourir sous ses yeux.
- J’ai rêvé de sa mort, finit-elle par dire.
Le psychologue acquiesça. La mort de Thomas. Les images repassaient souvent devant les yeux de Margot. Trop souvent. Mais elle ne pouvait que l’imaginer. Elle n’était pas sur le terrain quand il était mort. On lui avait ramené son corps, à peine vivant, au bord de la mort. Elle avait entendu son dernier souffle, reconnu le corps et proclamer le décès.
- Cette fois-ci il était seul sur le terrain, et c’était mon père qui tirait.
- Vous avez eu des contacts avec lui récemment ?
- Oui, pour son anniversaire.
Son père. Mr. Bernstein. Cet homme dont elle ne gardait que de vagues souvenirs dans sa vie. Il était le genre de mec a ne jamais grandir. Il avait fait un enfant à son amour de jeunesse, avant de partir, du jour au lendemain, pour seule explication qu’il ne se sentait pas prêt à être père. Il avait élevé Margot pendant 3 ans déjà, pourtant. Et puis il était parti. Il lui envoyait une carte d’anniversaire, de temps en temps, souvent avec le mauvais âge, ou avec plusieurs jours voire semaines d’écarts avec la date réelle de son anniversaire. Elle lui en voulait. Mais elle ne pourrait jamais le changer. C’était peut-être pour ça qu’elle avait fini avec Thomas : parce qu’elle avait eu une image paternelle de merde, alors pourquoi finir avec un homme bien ?
- Et le boulot ? Ca va le boulot ?
- J’ai moins de risque de me prendre une balle dans la cuisse, dit-elle d’un ton acerbe en se frottant la dite cuisse qui fût blessé au combat.
Elle avait bêtement suivi Thomas, à la fin de son internat. Margot avait choisi l’armée, les treillis, la peur de mourir et l’amour de la patrie. Elle avait choisit tout ça pour se sentir plus proche d’un homme qu’elle connaissait à peine. Mais l’excitation, ce sentiment qui nous emplie dès qu’on pose le pied sur le sable, elle avait honte : mais ça lui avait plus. L’enjeu, le challenge lui avait plus. Perdre son mari, moins.
Elle commence à jouer avec l’alliance, qu’elle porte toujours à son doigt, nerveusement. Ah Thomas. Au fond, elle éprouvait de la sympathie pour lui maintenant. Une grande sympathie. Leur mariage aurait été voué à l’échec de toute façon. Et autant elle aimerait avoir des enfants, autant elle n’aurait pas voulu qu’ils vivent entre deux parents qui en seraient venus à se détester.
- C’est bizarre. Il me manque comme un vieil ami nous manque. Pas un mari, remarque-t-elle, sans quitter sa bague du doigt.
- C’est sûrement que vous êtes arrivée au bout de votre deuil, conclut-il.