trust your heart and let fate decide. (lou)

La nuit a été longue pour Swann qui a passé la nuit à des tables de poker, pourtant il ne ressent pas les effets de la fatigue. Sûrement à cause de l'adrénaline que lui provoque le jeu, puis il doit se rendre à un dernier endroit avant de pouvoir rejoindre son lit pour la journée. Avec son rythme de vie complètement décalé, il ne croisait même plus ses colocataires, ce dont il ne se plaignait pas vraiment au fond. Les rues de Londres commencent à s'animer petit à petit avec les premières personnes qui partent travailler, pour une fois il préfère marcher que de prendre le métro. Il espérait surtout se débarrasser de l'odeur de tabac et de whisky qu'il traînait avec lui après avoir passé plusieurs heures enfermé avec des fumeurs. Il marche fièrement malgré son air débraillé, les mains dans les poches, du bout du doigt il peut sentir la liasse de billets qu'il a gagné pendant la nuit. De quoi tenir au moins deux semaines pour la plupart des gens, mais pas pour lui, il risquait fort de tout claquer dans une partie, mais c'était ça la beauté du jeu. Ses pieds le guident sans qu'il ait besoin de réfléchir, il connaissait cette destination par cœur, puis son esprit était bien trop occupé à se repasser en boucle la vidéo du reportage de Lou. C'était son petit plaisir honteux, celui qu'il ne disait à personne, malgré leur rupture il continuait à regarder les reportages de Lou. Quand il ne pouvait pas les voir en direct, il les regardait en replay sur son ordinateur. La veille en regardant son dernier reportage, une chose extraordinaire était arrivée, quelque chose qui n'était pas arrivée depuis plus de huit mois. Elle avait signé à la fin de son reportage, message qu'il savait très bien lui être attribué. Son cœur s'était tellement emballé qu'il en avait presque oublié de déchiffrer les signes, il lui avait fallu plusieurs visionnages pour comprendre le message en entier. Elle lui donnait rendez-vous pour le petit-déjeuner dans un petit café où ils avaient leurs habitudes quand ils étaient encore ensemble. C'est là qu'ils se retrouvaient quand Swann passait ses nuits à jouer et que Lou partait travailler le matin, histoire de passer quelques minutes ensemble avant que la journée ne commence. Il ne savait pas trop à quoi s'attendre après leur dernière confrontation, mais il était trop euphorique après sa victoire au poker pour se poser mille et une questions. À aucun moment il ne s'était imaginé ne pas allait au rendez-vous qu'elle lui avait fixé, même si cela lui donnait des faux espoirs ou qu'il devait souffrir en la voyant. Il voulait voir Lou quoi qu'il arrive, alors c'était ce qu'il faisait. Une fois devant le café, il s'arrête quelques secondes devant la vitre pour observer à l'intérieur. Il ne met pas longtemps à repérer Lou assise à une table avec une tasse devant elle. Probablement du thé, elle ne buvait quasiment que ça. D'ailleurs, il se rappelait l'énorme boite de sachets de thé qu'ils avaient chez eux comprenant toutes les saveurs possibles et inimaginables. Au bout d'une minute, il se rend compte qu'il devait la fixer depuis beaucoup trop longtemps et se décide à pénétrer à l'intérieur. Avant de la rejoindre, il passe d'abord par le comptoir pour commander un café, même s'il ne pensait pas avoir besoin d'un excitant de plus. Sa tasse en main, il se dirige timidement vers la table où se trouve Lou. Il ne sait pas trop comment l'aborder ni par où commencer et son cerveau part dans tous les sens à chercher un moyen d'engager la discussion. Ce n'est qu'une fois au niveau de la table qu'il réalise qu'il doit dire quelque chose pour ne pas avoir l'air complètement à côté de la plaque. « Salut, j'ai bien eu ton message. ». Il lui adresse un sourire fatigué, avant de déposer sa veste en cuir sur le dossier de sa chaise et de prendre place en face d'elle. Le café est bien trop chaud, la tasse lui ayant brûlé les doigts, il préfère s'en désintéresser pour venir se passer une main dans les cheveux. Sa coiffure ne devait déjà plus ressembler à grand-chose à cette heure-ci de toute façon. « Par contre j'ai pas réussi à trouver la tortue, elle était planquée où ? ». Cette fois le sourire est complice, car c'était un jeu qu'ils avaient partagé ensemble pendant des années. Parfois il se demandait si des gens se rendaient compte des messages qu'elle lui laissait en langage des signes ou de la tortue en peluche qui se retrouvait dans tous ses reportages.

Malgré la fraicheur du matin, Lou avait décidé de mettre une robe, enfiler des chaussettes jusqu'à ses genoux et poser un béret sur sa tête pour donner un style un peu rétro à sa tenue. Elle aimait beaucoup, en dépit de tout ce que ses frères disaient toujours sur le choix de ses vêtements. Ils détestaient. Elle adorait. Longtemps elle avait hésité et changea quatre fois de jupes, de robes et de chaussures. Le choix était limité, parce que Lou ne possédait pas beaucoup de vêtements, mais elle trouvait toujours le moyen de ne pas savoir choisir. Elle porta sa main contre ses petites mèches blondes coupées une semaine plus tôt, souriait au reflet que lui renvoyait le miroir et réajusta délicatement l'une de ses chaussettes contre sa jambe. La vérité, c'est que Lou misait surtout sur le choix de sa robe pour faire de l'effet à Swann. Elle voulait lui plaire. C'était comme se rendre à un premier rendez-vous mais elle gardait toujours en tête le risque qu'il ne vienne pas. Swann ne regardait probablement plus ses reportages depuis plusieurs mois. Ou peut-être pour s'assurer qu'elle ne diffuse jamais les vidéos des combats que Stuart avait pu enregistrer. Alors, non, ce n'était pas officiellement un rendez-vous. Ce n'était qu'un petit-déjeuner banal dans un café banal. C'était une tradition perdue, une parmi la longue liste qu'ils avaient un jour créé ensemble. Mais en passant les portes de l'immeuble, elle se promettait de toutes les ramener à la vie, les unes après les autres. Tradition après tradition. Rituel après rituel. Elle pensait pouvoir y parvenir, sans connaître la façon dont il faudrait le faire. Sur le chemin, elle acheta un magazine qui ne l'intéressait pas. Seulement pour sa couverture et un article de plusieurs pages sur le groupe dont s'occupait son meilleur ami. Elle commençait déjà à le feuilleter, curieuse de ce qu'elle pourrait lire et prête à sortir les blagues débiles pour se moquer avec Sawyer plus tard. Elle s'arrêta devant la porte du café pour laisser passer le même homme qu'elle croisait tous les matins et s'engouffra juste après son départ, à l'intérieur du petit café. La serveuse l'accueillit d'un sourire chaleureux puis vint ce moment où elles échangèrent quelques paroles sur les banalités du quotidien, la pluie, le beau temps et le dernier livre qu'elles avaient décidé de lire. Elle prenait place dans un coin, commanda un thé après avoir hésité à prendre leur nouvelle spécialité puis retourna à sa lecture people. Perdue dans ses pensées – et un article qui parlait de Leonardo DiCaprio – elle ne remarqua la présence de Swann qu'au dernier moment. « Salut, j'ai bien eu ton message. » Elle se redressa dans un sursaut sur sa chaise et referma d'un coup le magazine pour le pousser plus loin sur la table. Il avait l'air épuisé par sa nuit mais poser des questions pour savoir ce qu'il avait fait de son temps aurait été inutile. L'odeur de tabac qui l'accompagnait, sa tignasse désordonnée et ses traits tirés le trahissaient. Il avait joué au poker. Sa dégaine naturelle attira toute son attention et Lou aurait été incapable de regarder ailleurs. Elle signa rapidement pour le saluer, envahi d'un frisson d'euphorie. C'était ridicule. « Par contre j'ai pas réussi à trouver la tortue, elle était planquée où ? » Son cœur s'était remis en route, mais Lou aurait pu jurer que les battements n'étaient plus réguliers. Elle s'apprêtait à attraper sa main mais elle se rappela que ce n'était plus possible. « Si je te le dis, c'est de la triche. Elle était dans un panier de cookies, sur une étagère. Stuart n'aime pas trop quand on tourne dans des cuisines. » Parce que la tortue était inévitablement cachée entre la nourriture. Elle porta la tasse à ses lèvres pour continuer à boire son thé. Elle devait retrouver son équipe dans la matinée pour partir sur le lieu de tournage du prochain reportage. Un truc dans une ferme. « Je pensais pas que tu viendrais. J'étais même pas sûre que tu regardais encore les reportages. On peut pas vraiment dire qu'ils sont intéressants, si ? » Ce reportage sur les combats de boxe clandestins aurait probablement aidé pour changer sa carrière, mais désormais, c'était trop tard. Elle bougea sa tasse de quelques centimètres lorsque la serveuse déposa une assiette de pancakes au milieu de la table. Elle la remerciait avant de prendre une fourchette et d'en offrir une deuxième à Swann. Pour la tradition. Tester tous les petits-déjeuners de la carte. Des pancakes, un classique. « J'ai pas pris de risque cette fois-ci. Mais t'as peut-être déjà déjeuné, t'as pas l'air d'avoir dormi. » Une seconde de silence et elle demande. « T'as joué toute la nuit ? »

C'était simple, beaucoup trop simple de retomber dans ses anciennes habitudes avec elle. Au fond de lui, il savait très bien qu'il devrait se protéger et ne pas trop espérer de ces moments avec Lou, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. L'univers s'efforçait de lui rappeler à quel point leur relation pouvait être spéciale, tous ces petits rituels qu'il partageait ensemble et dont ils excluaient le reste du monde. Avec Lou à ses côtés, il avait l'impression de n'avoir besoin de personne d'autre, si ce n'est de personne pour jouer au poker contre lui bien entendu. « Si je te le dis, c'est de la triche. Elle était dans un panier de cookies, sur une étagère. Stuart n'aime pas trop quand on tourne dans des cuisines. ». Sans répondre, il se repasse le film de son reportage en tête en essayant de visualiser où était le fameux panier, mais rien ne lui revenait. Sur ce coup-là il avait perdu, incapable de localiser la petite tortue qu'il avait appris à tellement apprécier. « Je pensais pas que tu viendrais. J'étais même pas sûre que tu regardais encore les reportages. On peut pas vraiment dire qu'ils sont intéressants, si ? ». Il n'aimait pas être pris sur le fait et de se sentir niais de toujours regarder ses reportages, pourtant elle avait la faculté de le mettre à l'aise avec ce qu'il était et ce qu'il faisait. Swann hoche la tête en souriant, il savait très bien que Lou avait des rêves de carrière bien plus grands. « Pas vraiment, mais c'est pas pour ça que je regarde. ». Avec son franc parler légendaire, il ne cherche même pas à cacher que la plupart des sujets de ses reportages étaient particulièrement inintéressants. La seule raison qu'il les regardait, c'était pour avoir la chance d'admirer Lou sans être vu. Il pouvait comater dans son lit ou son canapé tout en regardant Lou, c'était un de ses petits plaisirs. La serveuse s'approche de la table et Swann s'apprête à l'envoyer balader, n'ayant vraiment aucune envie d'être dérangé et de devoir partager l'attention de Lou. Sauf que son estomac réagit favorablement en découvrant l'assiette de pancake au milieu de la table, encore une fois il avait oublié de manger. Il accepte la fourchette avec plaisir, ne perdant pas une seconde pour venir planter celle-ci dans l'assiette. « J'ai pas pris de risque cette fois-ci. Mais t'as peut-être déjà déjeuné, t'as pas l'air d'avoir dormi. ». Instinctivement, il repasse une main dans ses cheveux, comme si remettre sa coiffure en place allait changer quelque chose. Depuis le temps, il savait pertinemment qu'elle était capable de déchiffrer son allure aisément. Impossible de lui cacher quand il avait fumé ou oublié de dormir. « T'as joué toute la nuit ? ». La question le prend un peu par surprise, il s'était attendu à ce que le sujet soit un peu tabou désormais, après tout c'était la cause de leur rupture. Il lance un regard hésitant à Lou avant de répondre, elle connaissait probablement déjà la réponse, mais il ne savait pas s'il devait le formuler quand même. « Possible. ». Aussitôt il enfourne un bout de pancake dans sa bouche comme si de rien était. Il avait choisi de répondre à la question, mais sans répondre clairement. Il aimait garder son petit air mystérieux, bien qu'elle le connaissait par cœur. Il prend bien son temps pour mâcher ce qu'il a dans sa bouche. « Je pensais pas que tu voudrais le savoir. ». Honnêtement, il pensait que Lou ferait tout pour éviter le sujet, comme il l'aurait fait si elle n'avait pas abordé le sujet. Même après des années, elle réussissait toujours à le surprendre, comme le fait qu'elle l'ait invité ici ce matin. « Sinon comment vont les Kipling ? ». Avec le temps, il était devenu attacher à sa famille. À force de voir débarquer ses frères et sœurs pour un oui ou pour un non. Elle avait sans doute eu l'occasion de passer plus de temps avec eux depuis leur rupture. Lorsqu'ils avaient emménagé ensemble, il avait un peu eu peur que les Kipling lui en veuille de leur piquer leur sœur. Swann avait toujours eu une grande fascination pour leurs interactions, lui qui n'avait pas de frère ni de sœur. « Y'aura pas besoin de faire un shifumi pour savoir qui paye, je t'invite. ». Il n'avait pas toujours de l'argent en poche lorsqu'il sortait d'une soirée poker, alors il pouvait bien lui en faire profiter pour une fois.

Peut-être que c'était une mauvaise idée. Lui, elle, ce rendez-vous. Chercher à faire renaître leurs rituels, une attirance, leur lien. C'était sans doute trop tard pour essayer de recoller les morceaux, elle n'en savait rien. Elle-même avait oublié la sensation d'être aimée ou désirée par Swann mais Lou savait, tout au fond d'elle, en avoir besoin. Elle redoutait seulement le moment où il lui rappellerait sa décision de le quitter, ses crises de colère, ou sa manière de l'avoir jeté dehors. Ce moment finirait par arriver. Il venait toujours, peu importe la force qu'elle mettait à le repousser. « Possible. » Inconsciemment, elle pensa que, huit mois plus tôt, ça aurait été une nuit de plus à l'attendre avec Mr. Messy. Elle acquiesça simplement d'un signe de la tête et dû se faire violence pour ne pas prononcer une remarque inappropriée. Une remarque qui aurait entrainé, volontairement ou non, une énième dispute entre elle et lui. Ses yeux faisaient d'interminables aller-retour entre l'assiette de pancakes et Swann qui plongeait sa fourchette dedans. Son appétit avait disparu avec sa réponse. Elle avait pensé pouvoir tout entendre et tout accepter mais elle se trompait. Parce que sa haine contre le poker semblait intarissable. Il avait passé la nuit à une table de jeu comme il aurait pu être chez lui avec ses colocataires ou à la salle de sport. Mais ça n'aurait jamais été avec elle. « Je pensais pas que tu voudrais le savoir. » Même sans les mots, elle l'aurait su. Lou l'avait deviné en voyant son allure de vagabond et ses yeux fatigués. Il en avait oublié de dormir ou de se nourrir simplement pour enchainer les parties et elle le ressentait, comme elle avait toujours eu le sentiment de ressentir ses propres émotions. Comme si, il était la moitié de âme. Mille fois plus important que son existence. Elle avait besoin de Swann autant qu'elle aurait, pour le restant de sa vie, besoin de sa fratrie ou de son violon. « Sinon comment vont les Kipling ? » Elle sourit. « Bien. » Sa colère sembla s'évanouir aussi vite qu'elle s'était glissée dans ses bras. Lou était, d'un coup, beaucoup trop heureuse qu'ils abordent l'un de ses sujets favoris. Un sujet inépuisable pour lequel elle ne manquait jamais d'anecdotes à raconter. « Y'aura pas besoin de faire un shifumi pour savoir qui paye, je t'invite. » Elle releva un sourcil alors que le sourire déjà présent sur ses lèvres s'étira naturellement. Swann lui rappelait qu'il avait été assez proche des Kipling pour être être inclus dans les parties de shifumi de la fratrie ou lorsqu'ils se retrouvaient enfin seuls mais en profond désaccord. Il avait réussi à faire sa place à ses côtés dans le clan. Ils l'avaient tous accepté. « Inutile. C'est moi qui t'aie invité, c'est normal que je paye. Et tu voudrais pas perdre au shifumi, je gagne toujours. » Elle soupira en reposant sa fourchette sur la table, prête à déclencher une véritable partie de shifumi si il refusait. « River est devenu pâtissier dans un restaurant. » Elle avait posé les coudes sur la table et s'approchait comme si c'était un secret. Elle était tellement fière de son petit frère que ça lui paraissait inutile de préciser son statut d'apprenti. Elle ressemblait à un artiste qui évoquait son œuvre la plus célèbre. Ses frères et sœurs étaient sa source d'inspiration et elle aurait pu jurer être capable de poser des notes sur la mélodie que jouait son cœur quand elle pensait à eux. Sa fratrie était merveilleuse, ils étaient soudés les uns aux autres, ensemble pour former une seule planète. Chacun illuminait l'existence des autres. Ils étaient sa force, son air, sa vie, son centre de gravité et sa plus grande faiblesse. Toucher à ses frères, toucher à ses sœurs, c'était comme venir frapper directement dans son cœur. Et Swann s'était glissé dans l'équation. Elle ne savait pas vraiment comment, ni pourquoi, mais il était là. Il était devenu son nouveau centre de gravité, sa nouvelle famille, sa nouvelle force et sa nouvelle faiblesse. « On a fêté l'anniversaire de Janis, c'est lui qui a préparé le gâteau. C'est un artiste. Leo, c'est Leo. Tu le connais. Il pense encore être le chef dans la maison. River aime dire que les garçons ont pris le pouvoir maintenant qu'ils sont en supériorité numérique. Résultat, les filles trouvent refuge dans notre appartement. Tu râlerais de voir leurs affaires partout. » Elle secoua la tête, prenant conscience que ce n'était plus réellement son appartement maintenant qu'il n'y vivait plus. Innocemment, elle préféra regarder ailleurs, plutôt que de corriger sa phrase. Elle porta sa tasse à ses lèvres, puis soupira. « Et toi, comment se passe la colocation avec ceux qui mangent de la viande ? Toi, t'as l'air d'oublier de manger. »

La façon la plus simple de distraire Lou était de lui parler de sa famille. Encore une fois cette méthode de diversion faisait ses preuves. Il ne comptait plus le nombre de fois où il s'était sorti d'une dispute en détournant la conversation sur le sujet des Kipling. Au moins, cela permettait qu'elle arrête de le questionner sur ses activités de la nuit, elle posait des questions dont elle ne voulait pas entendre les réponses et Swann ne voulait pas continuer à jouer à ce jeu-là. La dernière chose qu'il voulait en venant la rejoindre ici, c'était bien de se disputer une énième fois, il avait la mauvaise impression de revivre les mêmes conversations encore et encore. « Inutile. C'est moi qui t'aie invité, c'est normal que je paye. Et tu voudrais pas perdre au shifumi, je gagne toujours. ». Un sourire satisfait s'installe sur le visage du jeune homme. À chaque fois qu'il se retrouvait à devoir affronter Lou dans une partie du shifumi, il faisait toujours la pierre et elle l'avait bien entendu retenu. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que Swann faisait exprès de la laisser gagner simplement pour la voir se la raconter un peu. Il avait un faible pour l'hyper confidence de la jeune femme, il l'a trouvé toujours attendrissante quand elle se vantait d'être imbattable. Sauf que cette fois, il préfère laisser couler sans exiger une partie de shifumi, il n'allait pas se battre pour payer le repas quand même. Si elle ne voulait pas qu'elle paye, il n'allait pas la forcer, puis cela lui ferait plus d'argent pour ses prochaines parties de poker. « River est devenu pâtissier dans un restaurant. ». Il profite que Lou soit occupé à raconter les dernières nouvelles sur la fratrie pour enfourner un autre gros bout de pancake dans sa bouche. Il est bien content d'avoir la bouche pleine quand elle mentionne River, sa dernière interaction avec le jeune Kipling lui restait encore en travers de la gorge, mais il n'était pas certain de vouloir en parler avec Lou. Peut-être qu'elle était déjà au courant et que River lui avait déjà raconté, mais ce n'était pas lui qui allait aborder ce sujet en tout cas. Il se demandait si tous ses frères et sœurs pensaient la même chose, qu'ils le détestaient pour avoir fait souffrir leur grand sœur. Difficile de manquer la fierté de Lou dans sa voix, Swann savait pertinemment qu'à choisir elle préférait voir ses frères et sœurs réussir plutôt qu'elle-même. « On a fêté l'anniversaire de Janis, c'est lui qui a préparé le gâteau. C'est un artiste. Leo, c'est Leo. Tu le connais. Il pense encore être le chef dans la maison. River aime dire que les garçons ont pris le pouvoir maintenant qu'ils sont en supériorité numérique. Résultat, les filles trouvent refuge dans notre appartement. Tu râlerais de voir leurs affaires partout. ». Il a dû mal à avaler la fin de sa bouchée de pancake en entendant parler de leur appartement. Comme si c'était encore le sien et qu'il risquait d'y retourner dans un futur proche. Rien ne lui paraissait plus merveilleux que de retourner dans leur appartement, retrouver leur ancienne vie, il était certain qu'il n'aurait même pas la force de râler si c'était le cas. La vie en colocation était bien pâle en comparaison. « Et toi, comment se passe la colocation avec ceux qui mangent de la viande ? Toi, t'as l'air d'oublier de manger. ». Il s'apprêtait à enfourner une nouvelle fourchette dans sa bouche, croyant qu'elle allait continuer à parler des Kipling pendant un moment comme elle en avait l'habitude. D'un air innocent, il repose la fourchette sans la porter à sa bouche comme s'il essayait de se prouver à lui-même qu'il n'avait pas si faim et que Lou ne la connaissait pas si bien. « C'est génial, on se fait des soirées hamburger et tout ! ». Il utilise un ton faussement enjoué qui ne trompe personne. La vérité c'est qu'il avait rarement l'occasion de croiser ses colocataires et qu'il avait plus l'impression de vivre tout seul qu'autre chose. « On utilise des expressions genre je m'en bats les steaks, l'éclate totale. ». Il roule ses yeux en souriant, bien entendu Lou ne manquait jamais une occasion de lui ressortir ses propres mots. Malgré sa tentative de faire de l'humour, la façon dont elle a parlé de leur appartement lui trotte toujours en tête. Cela faisait maintenant huit mois qu'ils n'étaient plus ensemble, Lou avait eu largement le temps de se faire à son statut de célibataire et à l'absence de Swann dans sa vie. Son regard se fait sérieux et se braque soudain sur elle. « Pourquoi tu m'as invité ? ». Son regard se veut encourageant car il savait très bien qu'elle ne l'avait pas fait venir pour lui poser des questions sur ses colocataires, après tout elle était journaliste, elle aurait très bien pu se renseigner par ses propres moyens. Sans qu'il ne s'en soit rendu compte, sa main s'était naturellement frayée un chemin jusqu'à la sienne pour entrelacer leurs doigts. Soudain son regard quitte le visage de Lou pour venir jeter un coup d'œil à leurs mains et il réalise ce qu'il est en train de faire. « Pardon, je sais pas ce qui m'a pris. ». Tout doucement, il retire sa main de celle de Lou et le contact lui manque instantanément, il laisse sa main sur la table à quelques centimètres de celle de la jeune femme. Swann ne sait plus vraiment comment se comporter avec elle depuis leurs échanges lors du combat de boxe, parfois il se demandait s'il n'avait pas rêvé toute la scène dans le vestiaire. Il ne savait pas où s'en tenir avec elle et cela avait tendance à le rendre fou.

C'était facile de replonger dans cette habitude. Lui parler de sa fratrie et le retrouver à cette table qui avait partagé beaucoup de leurs petits-déjeuners. Swann était là, devant elle, avec ses cheveux blonds mêlés, trop mal coiffés, sa dégaine de voyou, sa veste en cuir et l'odeur d'un tabac qu'elle reconnaissait encore, huit mois plus tard. Il était occupé à dévorer les pancakes, laissant toute la liberté à Lou de l'observer, de redécouvrir les traits de son visage. Ça n'avait pas changé, Swann lui plaisait toujours. Il l'attirait peut-être encore plus après tous ces mois sans le voir. Et lorsqu'il la surprenait à le fixer un peu trop longtemps, elle reportait son attention sur sa tasse. Ses joues se teintaient de rouge, comme si elle avait été vue à préparer une bêtise. Ce n'était pas nouveau, Lou avait toujours eu la manie étrange d'observer Swann pendant des heures jusqu'à ce qu'il lui ordonne d'arrêter. Elle pensa qu'il avait probablement gagné une somme d'argent importante pendant la nuit, pour le connaître assez et savoir qu'il n'aurait jamais demandé à payer le repas sinon. « C'est génial, on se fait des soirées hamburger et tout ! » Il avait dit ça d'un ton faussement enthousiaste. Pour l'embêter ou la rassurer, Lou n'aurait pas su répondre. Elle l'écoutait parler de ses colocataires et faisait mine de s'y intéresser mais l'imaginer vivre avec d'autres gens lui était insupportable. Et l'avouer lui fendait le cœur. Elle aurait aimé oublier cette information mais elle n'avait pas cessé d'y penser depuis qu'il lui avait redonné son violon. Elle avait pensé à en parler à Fred pour qu'il retrouve le nom des locataires qui partageaient l'appartement avec Swann. Pour se renseigner, pour savoir. Mais ça ne lui avait pas semblé correcte. « On utilise des expressions genre je m'en bats les steaks, l'éclate totale. » Il arborait un sourire d'idiot pendant qu'elle soupirait bruyamment. Malgré sa volonté à ne pas vouloir rire à ses blagues douteuses, elle laissa un sourire naitre sur ses lèvres. Il l'amusait, ça n'avait pas changé. C'était un trait de son caractère qui l'avait séduite presque automatiquement. « Sinon tu peux dire ; ça me court sur le haricot. Ça marche aussi et tu laisses les vaches tranquilles. » Elle relève les épaules d'un air innocent, affichant la même expression taquine que lui. Sa tasse de thé à moitié pleine, avait fini par refroidir mais elle n'eut pas le temps de faire signe à une serveuse, sentant le regard azur de Swann lui brûler la peau. Par réflexe, son regard tomba sur ses lèvres. Lou dû se faire violence pour ne pas céder à son envie la plus pressante. Celle de pousser la table pour venir l'embrasser. « Pourquoi tu m'as invité ? » Ça semblait évidemment, mais peut-être que ça ne l'était que pour elle finalement. Elle relevait les épaules, comme si ça allait suffire pour répondre à sa question. Et baissa presque aussitôt son regard vers sa tasse, déstabilisée par ses yeux bleus. C'était confus dans sa tête depuis qu'ils s'étaient retrouvés tous les deux dans le vestiaire l'autre soir. Ils s'étaient avoués beaucoup mais Lou avait comme la mauvaise impression que Swann faisait celui qui avait tout oublié. Elle voulait le séduire tout en ayant l'impression de s'y prendre comme un bourrin. Jusqu'à suivre son regard posé sur leurs doigts entremêlés au-dessus de la table. Elle voulait resserrer sa main plus fort autour de la sienne pour qu'il n'ait plus jamais la possibilité de partir. Son amour pour Swann bouillonnait dans ses veines et son cœur bondissait contre sa poitrine jusqu'à devenir une suite de battements illogiques qui rebondissaient jusqu'à son crâne. Instinctivement, sa main se modelait pour prendre la forme de la sienne, et ses muscles se décontractèrent sous ce contact. « Pardon, je sais pas ce qui m'a pris. » Et en un battement de cil, le contact fut rompu. Comme ça. C'était si simple, si rapide. Elle lui adressa un regard agacé avant de retirer sa main de la table pour la poser sur sa jambe. Il paraissait résolu quand elle, elle ne l'était toujours pas. « Ça t'embête ? » Mais avant même qu'il n'ait le temps de s'éloigner encore ou de répondre, sa main revient sur la table pour s'agripper à nouveau autour de ses doigts. Dans un geste aussi désespéré que désiré. « On est plus ensemble, mais j'avais pensé qu'on pourrait, je sais pas, continuer de se voir. » En quelques secondes, Lou avait oublié tous ses objectifs, tout ce qu'elle avait imaginé pour le reconquérir et tous ses plans drague dont Swann se serait moqué. Elle n'avait jamais été subtile pour le séduire et elle était presque certaine qu'il faisait toujours exprès de rester muet pour ne pas la mettre dans l'embarras. « J'ai lu dans un livre qu'après une rupture, certains ex restaient amis. On pourrait essayer. » Elle lui tenait toujours la main et il devait probablement avoir compris qu'elle mentait. Après tout, Lou n'avait jamais souhaité être son amie. « Et tu peux finir les pancakes si tu veux. »

Lorsqu'ils s'étaient quittés dans le vestiaire de la salle de boxe, elle avait avoué avoir envie de l'embrasser. Tandis que lui avait avoué qu'il l'aimait toujours et qu'elle lui manquait. Malgré tout ça, il continuait à faire comme si de rien était et Swann ne pouvait plus le supporter. Il n'était pas venu la rejoindre pour discuter de la pluie et du beau temps. Certes, il avait essayé de ne pas se faire trop d'espoirs sur ce rendez-vous, mais il ne pouvait pas nier qu'il s'était attendu à autre chose. L'incertitude ne lui réussissait pas et il préférait être fixé vite sur les intentions de Lou, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Il n'aime pas la sensation de ne pas savoir s'il a le droit ou non de lui prendre la main, d'ignorer s'il est en train de dépasser une frontière invisible entre eux. « Ça t'embête ? ». Il secoue négativement la tête. Si cela ne tenait qu'à lui, il ne lui aurait jamais lâché la main. Il ressent un certain soulagement quand c'est elle qui vient unir leurs doigts à nouveau. Lui donnant un petit espoir qu'il n'était pas complètement seul dans ce bateau. « On est plus ensemble, mais j'avais pensé qu'on pourrait, je sais pas, continuer de se voir. ». Les mots qu'elle choisit suffisent à anéantir le petit espoir qui venait de naître. Il ne comprenait vraiment pas où elle voulait en venir. Être en sa présence sans pouvoir vraiment être avec elle était douloureux, insupportable, quasiment contre nature. Swann ne pouvait pas concevoir qu'elle veuille s'imposer une telle torture, lui ne le souhaitait pas en tout cas. Il n'avait aucune envie de faire comme si de rien était avec elle, de mettre trois ans d'amour aux oubliettes. Il était incapable de mettre trois ans aux oubliettes pour faire semblant. Ce qu'elle lui demandait était simplement impossible. « J'ai lu dans un livre qu'après une rupture, certains ex restaient amis. On pourrait essayer. ». Swann ne peut réprimer un rire moqueur de s'échapper de sa bouche. Il ne pouvait pas en croire ses oreilles qu'elle ose lui sortir une phrase aussi clichée. C'était typiquement le genre de phrases qu'on pouvait trouver dans les films ou les livres, mais il ne s'était jamais imaginé que quelqu'un oserait l'utiliser dans la vraie vie. Il n'était pas en mesure de faire ce qu'elle demandait, il ne pouvait pas être juste amis, pas s'il espérait réussir à tourner la page un jour. Déjà qu'il se faisait du mal tout seul en continuant à regarder les reportages de Lou, mais il ne pouvait pas s'imposer de continuer à la voir sans rien espérer de plus qu'être ami. Déjà qu'il n'était pas doué pour les relations d'amitié, mais en plus avec quelqu'un dont il n'avait aucune envie d'être l'ami, c'était peine perdue. « Et tu peux finir les pancakes si tu veux. ». Swann lui adresse un regard incrédule, qu'elle change ainsi de conversation. Sans cérémonie, il lâche la main de Lou pour venir se saisir directement d'un bout de pancake sans utiliser sa fourchette. Il mâche bruyamment, puis adresse un sourire mauvais à Lou. « Je te remercie de me laisser les miettes, t'es bien bonne Lou. ». Son ton est clairement moqueur, parlant tout autant du pancake que de cette idée d'amitié. Pourquoi est-ce qu'elle s'était donnée la peine de l'inviter ici pour cette mascarade ? Il préférait de loin ne plus la voir du tout que devoir subir ces conversations encore et encore. Il pourrait faire tous les efforts du monde, mais il ne la considérerait jamais comme une amie, c'était impossible. « Je crois que t'as loupé le chapitre où ils expliquent que l'amitié homme-femme est impossible ! ». Si c'était la seule proposition que Lou avait pour lui, il savait déjà le résultat et il n'avait aucune envie d'essayer. En temps normal, il aurait tout fait pour se plier aux désirs de son ex, mais pour une fois, il devait penser à lui, à se protéger. Soudain sans prévenir, il recule sa chaise de la table pour se mettre debout. « Si t'avais que ça à me dire, je pense que je vais aller dormir. ». La fatigue ne s'était absolument pas fait sentir depuis qu'il était en présence de Lou, mais il avait besoin d'une échappatoire, car il savait qu'il ne résisterait pas s'il devait affronter les yeux implorants de l'aînée des Kipling. Ses yeux s'attardent sur son visage, tentant de mémoriser les moindres détails comme si c'était la dernière fois qu'il avait l'occasion de la voir. « Prend soin de toi. ». Cela lui déchirait le cœur de dire ça, mais il devait s'y résoudre. Ils se feraient plus de mal que de bien en restant à proximité de l'autre. Swann se rappelait des mots que River avait employé, il l'avait déjà trop fait souffrir et ils devaient réapprendre à vivre l'un sans l'autre. Contournant la table, il se penche au-dessus de Lou pour déposer un dernier baiser sur son front.

Une relation amicale, c'était assez stupide d'y avoir pensé après tout ce qu'ils avaient pu se dire dans les vestiaires. Après tout ce qu'ils avaient partagé pendant trois ans. Beaucoup de disputes, des fous rires, de l'amour, du sexe, des souvenirs, des plats ratés, des nuits séparés, des chansons et encore de l'amour, et encore des cries, des disputes, des déclarations, du sexe et d'autres souvenirs. Stupide d'y penser après la facilité que Lou avait à prendre sa main pour glisser ses doigts autour des siens. Elle pouvait toujours essayer d'y croire mais savait que son corps serait plus difficile à dompter. Déjà sa main ne voulait plus lâcher la sienne et elle restait captivée par le moindre de ses mouvements. Elle l'aimait. Mais pas de la façon qu'une amie devait aimer un ami. Swann n'était pas son pote et elle espérait qu'il ne prenne jamais ce statut. Elle avait plutôt l'impression que l'un sans l'autre, ce n'était pas naturel. Qu'il lui manquait quelque chose sans parvenir à savoir quoi. Et la façon que Swann avait de relâcher sa main pour se saisir d'un morceau de crêpe lui prouvait qu'il était fâché. « Je te remercie de me laisser les miettes, t'es bien bonne Lou. » Sa voix était teintée de sarcasme. Il parlait peut-être de sa proposition d'amitié ou seulement des pancakes mais Lou regretta aussitôt ses paroles. Ses épaules s'affaissèrent et elle dû se retenir de ne pas envoyer valser sa tasse contre le sol. Sa question l'avait surprise, parce que Lou ne s'était pas attendue à ce que le sujet vienne si vite dans la conversation. Alors elle avait simplement parlé du dernier truc qu'elle avait lu dans un livre pour lui en proposer l'idée. « Je crois que t'as loupé le chapitre où ils expliquent que l'amitié homme-femme est impossible ! » Elle soupira, jouant avec sa fourchette. « T'essaies même pas. » ronchonna-t-elle. Pourtant, en l'écoutant, Lou savait qu'ils ne pourraient jamais être amis. Swann avait raison. Encore. Parce qu'elle le désirait, parce qu'elle fantasmait sur lui. Parce qu'il lui plaisait autant qu'il l'énervait. Elle avait arrêté de compter le nombre de disputes qui avaient un jour parsemé leur histoire. Ils se disputaient souvent, se réconciliaient tout le temps et recommençaient. Elle leva ses yeux marrons pour chercher ceux de Swann alors qu'il repoussait sa chaise. Comme ça. Sans raison. Ahurie, elle resta paralysée à sa place, détaillant son visage pour deviner ses pensées. Il voulait partir. Et elle revivait leur séparation pour la millième fois. « Si t'avais que ça à me dire, je pense que je vais aller dormir. » Il mentait mais Lou était fatiguée de lutter. Ses mots lui parvenaient comme une claque en plein visage. Ses doigts serraient sa fourchette d'une telle force que sa main brûlait autour du métal. Elle le regardait sans rien dire, sans bouger, sans respirer, elle le laissait lui dire adieu, laissant son cœur s'endormir tout doucement. Elle se sentait stupide de ne pas être capable de se lever pour le retenir maintenant. « Prend soin de toi. » Il lui bousillait le cœur avec une facilité incroyable. Et le bisou ridicule qu'il vint déposer sur son front suffit à la faire bondir sur ses deux jambes. A ses yeux, ce n'était que de la provocation. Une nouvelle façon de se moquer de leur relation. Une nouvelle façon de l'énerver, de déclencher l'une de ses interminables crises de colère. Il la punissait encore et elle posa une main sur son poignet pour l'empêcher de s'en aller. « Tu pars ? » Et elle était furieuse contre lui. Mais si il restait, Lou se demanda combien de temps ils tiendraient avant de se disputer à nouveau. La fourchette retomba contre la table, laissant une douleur lui brûler la paume de sa main. Ils étaient là, à une poignée de centimètres l'un de l'autre et instinctivement, elle brisa cet espace pour se coller contre Swann. Malgré leur proximité, elle ressentait un manque inexplicable et douloureux lui compresser la poitrine. Il n'était pas totalement  à elle. Lou avait du mal à réfléchir, parce qu'elle avait du mal à imaginer que ça puisse se terminer encore. Il lui brisait le cœur, de la même manière qu'il aurait pu la rassurer. « Je sais pas pourquoi j'ai dit tout ça. D'accord, c'est trop stupide. Je veux même pas être ton amie. On l'a jamais été. » Ce n'était jamais simple entre eux, toujours trop compliqué. Elle secoua la tête pour s'éclaircir les pensées. La colère grondait dans ses muscles, mais étonnamment, sa voix était faible, calme, comme si pour une fois, Lou ne voulait pas attirer l'attention sur eux. Elle releva enfin les yeux pour croiser le regard de Swann, oubliant presque aussitôt son envie de hurler. Elle n'était pas prête à l'abandonner. En dépit de toute la force qu'elle avait mis pour l'oublier pendant huit mois, non Lou n'était définitivement pas prête. Il n'avait pas le droit de s'en aller, pas le droit de la laisser pour une vie sans elle. Parce qu'elle ne voulait pas céder sa place à une autre femme ou au poker. « Tu sais pourquoi je t'ai demandé de venir ? Parce que je veux être avec toi. Qu'on soit ensemble, comme avant. » Elle le suppliait timidement du regard, l'implorant de ne pas partir. Un sourire triste traversait son visage pendant que ses doigts jouaient contre le poignet de Swann. « Mais c'est ridicule de parler de ça ici. J'avais pas prévu ça. » Elle ricane tout doucement. « Dis quelque chose. »

L'embrasser sur le front n'était absolument pas un affront à ses yeux, c'était simplement une façon de lui montrer son dévouement et sa protection. Il l'aimait, c'était indéniable, mais il ne pouvait pas lui donner ce qu'elle voulait, il ne pouvait pas être son ami. Il voulait lui faire comprendre qu'il ne la détestait pas, loin de là. Même lorsqu'elle l'avait largué, il n'avait jamais mal parlé d'elle à ses proches. Malgré tout, il la plaçait toujours sur un piédestal, car il la comprenait, il comprenait ses raisons. Le poker se dresserait toujours entre eux, même quand ils essayaient d'éviter le sujet, le jeu était toujours dans un coin de leurs têtes. Se résoudre à partir, à s'éloigner de Lou était toujours difficile, aussi dur que de décider d'arrêter le poker sans doute. Probablement qu'il savait que Lou réagirait, qu'elle ne le laisserait pas s'enfuir sans se battre. Après tout, il avait toujours été doué pour la faire réagir. « Tu pars ? ». Parfois, il avait l'impression qu'ils ne parlaient pas la même langue. Il regarde Lou un peu étonné sans vraiment comprendre le sens de sa question, il pensait avoir été clair, que ce soit avec ses mots comme ses actes. Elle se rapproche de lui et réveille automatiquement tous ses sens, son cerveau était incapable de réfléchir correctement quand elle était à une si grande proximité. Sa seule envie était de l'enfouir dans ses grands bras et de la protéger du monde extérieur.[color=#a3a858 « Je sais pas pourquoi j'ai dit tout ça. D'accord, c'est trop stupide. Je veux même pas être ton amie. On l'a jamais été. »[/color]. Au moins, elle comprenait que sa proposition était complètement surréaliste et que jamais elle n'aurait pu se réaliser, même s'ils avaient essayé. Après l'épisode de la salle de boxe, voilà qu'ils se disputaient au milieu d'un café, Swann n'était pas vraiment fan des grands éclats en public. Il préférait de loin les disputes dans leur appartement, là où ils pouvaient crier et se réconcilier sans aucune gêne. « Tu sais pourquoi je t'ai demandé de venir ? Parce que je veux être avec toi. Qu'on soit ensemble, comme avant. ». Son regard est trop intense, sa voix trop douce pour qu'il doute de sa sincérité. Cette fois, elle lui disait la vérité, pas comme avec cette histoire d'amitié stupide. Le cœur de Swann s'emballe quand il s'imagine reprendre leur vie d'avant, retrouver leur appartement, leur vie, puis la retrouver elle. Il aurait pu vivre n'importe où avec elle. Depuis huit mois, il avait l'impression de vivre en apnée, il se contentait de survivre en jouant au poker comme un automate. La vie avait perdu toute sa saveur sans Lou. Même lorsqu'ils se disputaient, il se sentait enfin en vie, comme si tout était soudainement possible. Tout ce qu'il désirait, c'était effacé le sourire triste sur son visage, car il savait qu'il était le seul à en avoir le pouvoir. Il voulait voir revenir son attitude joueuse et son sourire taquin. Elle lui donnait envie d'oublier le poker pour l'instant et de s'abandonner dans ses bras à nouveau. « Mais c'est ridicule de parler de ça ici. J'avais pas prévu ça. ». Swann la regarde, s'attendant à ce qu'elle explique ce qu'elle avait prévu. La connaissant, elle s'était jouée la scène des dizaines de fois dans sa tête avant même d'arriver ici. Un léger sourire s'étire sur son visage, Lou était la personne la plus attendrissante qu'il n'ait jamais rencontré. Tout son être se transformer en marshmallow en sa présence. « Dis quelque chose. ». Il ricane à son tour, il était tellement absorbé par la présence de la jeune femme à ses côtés, qu'il avait complètement oublié sa faculté à formuler des mots. Doucement, il s'extirpe de la prise de Lou sur son poignet pour venir signer un peu maladroitement.  "Je t'aime" . Il faut dire qu'après huit mois sans pratique, il était clairement en manque de pratique. C'était les seuls mots qui raisonnaient dans sa tête et les plus honnêtes qu'il pouvait formuler. Après avoir signé, il se saisit de Lou au niveau des épaules pour l'attirer complètement contre lui et l'entourer de ses bras. La voir n'était pas suffisant, il avait besoin de la sentir contre lui pour rassurer ses craintes. Même si Lou lui offrait de belles perspectives, il avait toujours cette peur de la voir lui filer entre les doigts à cause du poker. Il n'était pas certain qu'il arriverait à se relever, si elle venait à le quitter une nouvelle fois. Il devait la serrer un peu trop fort contre lui, mais il s'en foutait royalement, pour l'instant il se perdait dans son odeur et dans la sensation de son corps contre le sien. « J'espère que t'avais pas prévu de glisser une bague dans les pancakes, ce serait vraiment cliché. ». Son sourire est plein d'affection, même si elle ne peut pas le voir car son visage est enfoui dans ses cheveux. Il essaye de tendre le bras pour accéder à sa poche, mais sans succès. Il est obligé de s'écarter un peu de Lou pour réussir à extraire quelques billets de sa poche et les jeter sur la table, largement assez pour couvrir leur petit-déjeuner. Elle voulait payer, mais il ne voulait pas se disputer sur le sujet. Tout ce qu'il voulait, c'était se rendre n'importe où avec elle. « Tu veux aller où ? ». Il la suivrait au bout du monde si elle le demandait.

Lou avait imaginé ce moment des centaines de fois, avec plusieurs scénarios et des fins différentes. Rarement heureuses, souvent tristes. Comme si la vie lui avait appris à ne jamais trop attendre des gens. Parce que le départ de son père l'avait assez blessé pour qu'elle ne croit plus aux fins heureuses. Il y avait toujours eu beaucoup d'amour dans sa vie mais rarement de l'espoir. Jusqu'à aujourd'hui. Lou voulait saisir cette nouvelle chance tout en espérant que Swann marche dans la même direction. Elle avait passé des heures à rêver cette scène, à anticiper ses réactions, ses mots, son attitude. Elle avait longtemps hésité à s'attacher les cheveux, comme si le choix de la coiffure pourrait changer les choses. C'était assez stupide, mais après avoir lu ça dans un livre – dans un chapitre sur les dix meilleures façons de séduire un homme – ça lui était apparu important d'hésiter. Alors elle le suppliait tristement du regard de dire, faire quelque chose. N'importe quoi. Sauf ça. Un son amusé sortit d'entre ses lèvres. Swann riait. Il la regardait comme si il voulait lui prouver quelque chose. Mais c'est ce même regard azur qui l'empêcha de s'en aller. C'est sa façon de reculer tout en levant les mains qui l'empêcha aussi de parler. Ses sourcils se froncèrent tandis qu'elle fixait ses doigts se plier, se détendre, toucher son torse et se plier encore. Elle avait toujours eu un faible pour lui lorsqu'il se mettait à signer. Swann l'aimait. Il le lui avait déjà dit. Plusieurs fois. De différentes façons. A différents moments. Et pourtant ça avait toujours une saveur particulière. Comme une première fois. Elle inclina la tête, le même sourire – un reflet du sien – sur ses lèvres. Elle le laissa capturer son corps pour se retrouver coller contre le sien, entre ses bras immenses, lui offrant cette sécurité qu'elle avait longtemps cru perdu. Être dans ses bras, c'était assez inespéré. Retrouver son odeur et sa chaleur. Elle laissa sa tête se poser doucement contre son torse. Ses mains effleuraient le tissus de son pull, assez pour lui tenir chaud, assez pour ressentir le mouvement de ses doigts contre son corps. Elle l'aimait aussi. Elle l'aimait avec la peur de le perdre, avec la peur de le voir s'en aller après une autre dispute. Cette même peur que Lou avait ressenti à différents moments de sa vie, et qui restait aussi présente que son ombre. « J'espère que t'avais pas prévu de glisser une bague dans les pancakes, ce serait vraiment cliché. » Aussitôt, elle lève les yeux au ciel. Leo la trouvait ennuyante, Swann trouvait ses intentions clichés. Elle savait que, quelque part, ils n'étaient pas tout à fait honnêtes l'un avec l'autre. Ils ne parlaient pas du vrai problème, ils l'évitaient. Le poker finirait par revenir dans leur vie, peu importe qu'il l'aime, peu importe qu'elle l'aime aussi. Swann était obsédée par ce jeu alors que Lou le détesterait toujours. « Tu veux aller où ? » Elle lève le regard vers le sien alors qu'elle n'y avait pas vraiment pensé. Jusque là, Lou avait simplement imaginé qu'ils resteraient dans ce café et n'en sortiraient pas avant un moment. « Je réfléchis. Tu as ruiné tous mes plans, je dois trouver un autre endroit où cacher la bague. » En prononçant ces mots, sa main attrapa la sienne pour le conduire jusqu'à l'extérieur du café. Il avait déposé des billets sur la table et elle ressentait le besoin de s'éloigner de cet endroit. « Si je t'invite à l'appartement, tu vas penser que je te fais déjà des avances et tu pourras pas me résister. Voyons voir. » Posant son index sur son menton, elle fait mine de réfléchir, un sourire moqueur au coin des lèvres. Elle préférait ne pas penser à ça et s'étonnait de pouvoir plaisanter sur leur vie intime avec autant de facilité. « Stuart doit venir me chercher, on a un reportage à faire en dehors de Londres. Sur un homme qui possède une collection de statues de marmottes en bois. Ça va être épique, je suis certaine que t'es jaloux de pas venir. » Autant elle aimait son métier, autant certains sujets de certains reportages lui paraissait réellement tirés par les cheveux. Elle s'approcha de Swann, relevant les yeux vers les siens. Elle n'avait aucune envie de partir avec Stuart et Fred. « Sinon, je peux toujours lui dire que je suis malade. »