"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici tragedy is sewn into your soul, darling, you will always eventually fall. / julian 2979874845 tragedy is sewn into your soul, darling, you will always eventually fall. / julian 1973890357
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tragedy is sewn into your soul, darling, you will always eventually fall. / julian

 :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
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() message posté Dim 27 Mar 2016 - 19:41 par Invité
JULIAN & EUGENIA (tragedy is sewn into your soul, darling, no matter how bright your halo glows, or how high your wings take you, you will always, eventually, fall. the sun was never supposed to be yours.) « Mais theítsa tu sais bien que je ne peux pas prendre l’avion, »  dis-je avec douceur alors que cela faisait la centième fois que je lui disais. Je roulai des yeux en croisant le regard de Julian, comme pour commenter silencieusement l’entêtement de ma tante. Je parlais en grec donc je doutais qu’il comprenne avec exactitude que je disais ; cependant, lui adresser un sourire amusé pour qu’il me le rende me remplissait d’une profonde satisfaction. D’une joie étrange mais pourtant bien réelle. Ma tante, quant à elle, me suppliait presque à l’autre bout du fil. Elle semblait décider à m’attirer jusqu’en Grèce pour les vacances d’avril mais elle ne se rendait pas compte que je ne pouvais pas me permettre de prendre l’avion à sept mois de grossesse, alors que j’attendais des jumelles, alors que j’étais handicapée. D’une certaine manière, elle me rappelait ma mère. Probablement parce qu’elles étaient soeurs et qu’elles étaient toutes deux animées par la même naïveté enthousiaste. « Je suis désolée, on pourra venir en septembre avec les filles si tu veux, »  poursuivis-je. A l’autre bout du fil, je l’entendis pousser un profond soupir, comme si c’était moi qui me montrais bien peu coopérative. En même temps, elle essuyait un deuxième refus ; Scarlet avait décliné sa proposition un peu plus tôt dans la semaine, passant des examens le mois prochain et ne pouvant pas se permettre de voyager dans le pays natal de notre mère. Elle avait placé beaucoup d’espoir sur moi. « Julian aussi ? »  J’esquissai un sourire, le regard toujours posé sur mon mari. « Oui, Julian aussi. »  Ma mère avait dit tellement de bien de lui à sa soeur que, systématiquement, ma tante l’avait porté dans son coeur ; elle demandait sans cesse de ses nouvelles et, si la langue n’était pas une barrière, elle passerait sa vie à l’appeler également. « Vous avez trouvé des prénoms d’ailleurs ? J’espère que tu n’as pas oublié tes origines grecques, jeune fille, je suis sûre que Vea aurait voulu que ses petites-filles portent des prén… »  s’emporta-t-elle, mais je l’interrompis. « On ne s’est pas encore mis d’accord, »  la coupai-je. C’était un mensonge, mais je n’avais pas envie d’avoir une discussion à propos des prénoms avec ma tante. Mon coeur s’était serré en entendant le surnom de ma mère, Vea, pour Veatríki, la forme grecque de son prénom. Elle avait passé la moitié de sa vie à se faire appeler Beatrice au Royaume-Uni, comme pour se faire une place dans ce pays. Comme pour se donner l’impression qu’elle était légitime.
Ma tante eut l’air d’être soucieuse. « Toujours pas ? »  Cela sonnait presque comme un outrage. Je secouai la tête en levant les yeux au ciel. Ma main était posé sur mon bas ventre, un peu au-dessus de mon entrejambe. l’autre tenait mon téléphone portable. « Propose à Julian Louíza, c’est un prénom que… »  Mais je ne l’écoutais plus réellement. Je posais ma main sur le micro de mon téléphone pour me tourner vers Julian. « Ca va ? » lui demandai-je dans un murmure. Cela faisait un moment que j’étais au téléphone, un moment que je déblatérais en grec alors qu’il était juste là, à mes côtés. Je lui lançai un sourire avant de poser mes yeux sur mes doigts. Ils étaient tachés de sang.
Mon coeur eut un raté et, avec automatisme, je reportai ma main à mon entrejambe pour sentir que c’était légèrement humide. Lorsque je la remis sous mes yeux, de nouvelles tâches de sang étaient apparus.
Les jumelles, quant à elles, donnèrent des coups contre mon ventre comme pour m’assurer qu’elles allaient bien. « Theítsa, j’ai un petit problème, je te rappelle. Filiá. »  Je raccrochais précipitamment. Mon coeur tambourinait dans ma poitrine mais je tentais de contrôler mes inspirations. Au fond, je savais que ce n’était pas très grave. C’était même courant lors des grossesses gémellaires ; mon corps était si tendu, mon corps était si sollicité, que les saignements étaient fréquents.
A vrai dire, l’une de mes inquiétudes étaient d’avoir tâché mon plaid. Le sang était difficile à ravoir, après tout. « Julian ? »  demandai-je. Je me raclai la gorge. « Ne t’affole pas mais… Je saigne. »  Je montrai mes doigts puis mon entrejambe pour qu’il comprenne de quoi je pouvais bien parler. Je le connaissais. Je savais qu’il pouvait s’inquiéter bien plus que raison mais je n’étais pas sûre de pouvoir assumer son inquiétude et la mienne. Je savais qu’il pouvait s’emporter mais je ne savais pas si je pouvais être calme pour deux. Je lui fis un petit sourire. « Je suis quasiment sûre que c’est pas grave mais je pense qu’il vaudrait mieux qu’on aille à l’hôpital. »  Ma voix était douce, posée. Je n’aurais sans doute jamais imaginé, il y a un an, pouvoir être aussi calme que cela. J’avais grandi, d’une certaine manière, j’avais muri. Je n’étais plus la même, j’avais évolué, j’étais une Ginny mariée qui s’apprêtait à avoir des enfants.
J’étais une Ginny que je n’avais jamais pensé être un jour. Et, quelque part, depuis que je m’étais rendue compte que j’étais différente, une version améliorée de la gamine perdue, j’étais bien plus en paix avec moi-même. Comme si je valais la peine d’être là, au final.
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() message posté Mar 29 Mar 2016 - 1:13 par Invité

“We pass through this world but once. Few tragedies can be more extensive than the stunting of life, few injustices deeper than the denial of an opportunity to strive or even to hope, by a limit imposed from without, but falsely identified as lying within. ” Nous regardions nos passions lubriques. Nous, les autres, plongés dans la pénombre de la nuit, tournoyant comme des astres perdus dans la ciel. Le fauteuil crissait sur le sol. Ses roues glacées, constellées d'étoiles radieuses. Il poursuivait sa course dans le temps. Chaque jour durait une éternité. Alors, hochant le menton, silencieux face à la tragédie de nos destins amoureux, nous parcourrions l’existence convulsive. Je marchais. Je piétinais les allées verdoyantes. Et Berenice, la petite fée éclopée, s'enlisait dans la froideur du métal. Le caoutchouc rongeait ses doigts. Sa vie entière était figée dans l'immobilité. Son rire avait cessé de résonner dans la magie éternelle. Les jambes handicapées, le cœur infirme. Lequel de nous souffrait le plus de la différence ? Je n'étais pas normal. Je m'évanouissais dans la colère infinie. Je redoutais l'excès et l'essence des mots lorsque je les prononçais trop vite. En découvrant l'accident, j'avais opposé une résistance sauvage à la douceur des sentiments. J'avais pris peur face aux souvenirs, face à la beauté blafarde qu'elle était prête à m'offrir. Je l'avais abandonné de la même manière. Parce que je savais, bien avant de le sentir, que les regards qui jugeaient les déséquilibres de notre couple s'étendaient sur ma silhouette fuselée à ses côtés. Elle portait une étiquette et j'avais un nom. L'amant de l'handicapée. Nous montions sur l'échafaud à deux, condamnés par la société des apparences et des préjugés. Mais ce n'était pas important. La peur se transformerait tôt ou tard. Elle prendrait la forme de la douleur puis celle de la délivrance. Toutes les âmes étaient différentes. Toutes les romances chantaient les psaumes du désespoir avant de s'accorder aux chœurs philharmoniques. Mon esprit oscillait entre le besoin et le pessimisme. Je n'attendais rien de l'avenir. Je l'acceptais... Je suspendis mes gestes au dessus du clavier. La papier s'enroulait sur la barre dans un grincement strident, mais une fois arrivé à l'extrémité de la ligne, j'actionnai le levier de retour situé au bout de la machine à écrire. Je pinçai les lèvres d'un air concentré en relisant les inscriptions. Je n'étais jamais satisfait de mes premiers jets alors je les triai afin de les disposer dans une petite boite. Je les assemblais dans mon esprit avant de les restituer, plus tard, lorsque je serais libre de consommer mes élans d'ingéniosités fugaces. L'ambiance morose de mon ancienne chambre me manquait. Les murs grisonnants et l'odeur âpre du tabac fermentaient mes longues nuits d'éveil. Pourtant, je n'échangerais les circonstances de mon mariage pour rien au monde. Il n'y avait pas un seul instant que je désirais effacer. L’imperfection de nos routines nous avaient rendu plus forts. La perte d'un être cher avait recomposé nos visions du bonheur. Je souris en tendant les bras sur la table. Mes pensées étaient bercées par la voix Ginny au téléphone. Elle parlait grecque. Je ne parvenais pas à saisir le sens de ses phrases mais je distinguais mon prénom et le timbre excédé de la conversation. Sa tante insistait encore pour qu'on lui rende visite. Je haussai les épaules en lui adressant un regard compatissant. J'effleurai délicatement son bras, puis je me dirigeai vers la commode afin de changer les rubans encrés de la machine. « Julian ?» Je me tournai avec agilité, les mains crispés autour des cartouches. Elle se racla la gorge et je plissai les yeux en observant son visage. « Ne t’affole pas mais… Je saigne. »  Je découvrais seulement maintenant, sur le tard, les tâches pourpres entre ses jambes. Je restai immobile, pris de panique face à l'éclat rougeoyant de ses vêtements. Elle était enceinte. Elle saignait. Et je ne devais pas m'affoler ? Je déglutis en lâchant les recharges d'encre. « Je suis quasiment sûre que c’est pas grave mais je pense qu’il vaudrait mieux qu’on aille à l’hôpital. »  Déclara-t-elle avec douceur. Je fronçai les sourcils, la gorge serrée. Je la fixai en hochant la tête, mais je n'exprimais pas la moindre émotion. J'étais complètement dépassé par la situation. Je me saisis de mon manteau avant de la prendre dans mes bras. A l'intérieur de moi-même, tout était signification, intensité, fatalité. Je conduisais nerveusement en actionnant le kit bluetooth du véhicule. La tonalité du téléphone résonnait dans le vide. Robin ne répondait pas à mes appels. Certes, il était chirurgien cardio-thoracique mais il était le seul à pouvoir me calmer. Je le croyais. Parce qu'avant d'être un charlatan, il était mon meilleur ami.  
On nous installa dans un boxe au service des urgences. Le gynécologue de Ginny était en route. Il exerçait dans un cabinet au centre-ville mais la réceptionniste l'avait bipé dès notre arrivée. En attendant, une horde d'internes entouraient la silhouette de ma femme. On avait calculé ses constantes, mesuré sa tension et pris un échantillon de sang afin d'effectuer un bilan hormonal. Je croisai les bras en la fixant d'un air fébrile. Je sentais la sueur perler sur mon front. Mon corps était traversé de spasmes douloureux. J'imaginais le pire. J’envisageais déjà la fausse couche, une rupture placentaire, un signal d'alarme. Je claquai les dents en voyant arriver l'échographe. Nous n'avions pas eu de rapport sexuels, nous étions très vigilents car son utérus était fragile à ce stade. Le spécialiste passa la sonde sur son ventre. Il observa les mouvements des jumelles dans le liquide amniotique avant de se concentrer sur leurs battements cardiaques. Il se leva ensuite, et écarta les jambes de Ginny afin de commencer un examen vaginal. Il m’expliquait la manœuvre. Il voulait trouver l'origine du saignement. Je le regardais en vacillant puis lorsque les gouttes tombèrent sur le carrelage, je me sentis dériver. L'espace se dérobait sous mes pas. Lorsque je me réveillais j'étais alité à mon tour, un cathéter relié à une poche de liquide physiologique, plongé dans le bras. Je me redressai en papillonnant des yeux. «Qu'est-ce qui se passe ?» Marmonnai-je en émergeant. L’infirmière me sourit d'un air complaisant. «Tout va bien. Votre femme est de l'autre côté du rideau. Le gynécologue n'est pas encore arrivé.» Je pressai mes mains contre mes tempes brûlantes avant de me lever. « Vous devez rester allongé monsieur Fitzgerald.» Je la toisai du regard. Comme s'il n'était pas assez humiliant de tomber dans les pommes devant Ginny, il fallait en plus que je sois séquestré contre ma volonté. Je me relevai en traînant la tige porte-sérum. Ma démarche était peu assurée mais je parvins à me dresser au chevet de Ginny malgré les protestations. Je grimaçai en maintenant mon équilibre. «Te moque pas. C'est parce que ça fait longtemps que j'ai pas été entre des cuisses. » Sifflai-je d'un air boudeur. Ma fierté en prenait un coup.
 
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() message posté Mar 29 Mar 2016 - 5:33 par Invité
JULIAN & EUGENIA (tragedy is sewn into your soul, darling, no matter how bright your halo glows, or how high your wings take you, you will always, eventually, fall. the sun was never supposed to be yours.) Il ne disait rien mais je sentais la tension qui habitait son corps. Il ne disait rien mais je me rendais bien compte qu’il était à cran, qu’il s’imaginait le pire, qu’il pestait après son meilleur ami qui ne répondait pas au téléphone. Il envisageait les pires scénarios mais je ne pris pas la parole pour le rassurer—je ne désirais pas le perturber plus qu’il ne l’était déjà, je ne voulais pas l’interrompre dans le fil de ses pensées. Avec réactivité, il m’avait mis dans la voiture, avait démarré pour filer aux urgences. Avec réactivité, aussi, il en avait oublié de parler. Je ne lui en voulais pas. J’avais déjà assez à faire avec mes propres inquiétudes ; je savais que cela n’était sans doute pas alarmant puisque ma mère avait déjà vécu une grossesse similaires, avec les mêmes troubles, les mêmes inconvénients. Et puis, je sentais les jumelles bouger dans mon ventre alors je me disais que tout allait bien.
Si elles bougeaient, c’était qu’elles étaient hors de danger.
J’étais bien plus concernée par les tâches de sang que j’avais laissé sur mon chemin ; sur la manche de Julian, je voyais quelques gouttes qui étaient venues salir le tissus de sa chemise. Je repensais au canapé et à mon plaid qui étaient désormais marqués par cet évènement, puis à mon legging. Mes sourcils se froncèrent lorsque nous arrivâmes aux urgences et que je fus directement prise en charge ; généralement, être en fauteuil roulant m’avait valu des faveurs, mais depuis que j’étais enceinte je devenais à chaque fois la patiente prioritaire de l’hôpital. Ils m’installèrent sur un fauteuil d’examen gynécologique, Julian à mes côtés, prenant toutes mes constantes. Ils me firent une prise de sang, exercèrent une échographie ; je vis les jumelles et je ne pus m’empêcher de sourire. Le soulagement se déversa dans mes veines lorsqu’on entendit leurs deux coeurs battre.
Puis, finalement, un médecin m’écarta les jambes pour faire un examen vaginal et je vis Julian vaciller. « Jules ? »  demandai-je doucement, mais c’était déjà trop tard. Sans que je ne puisse rien y faire, il tomba dans les pommes. Je n’aurais pas pu le retenir, je n’aurais pas pu l’empêcher de se fracasser la tête par terre, mais je me redressai en attrapant la poignée au-dessus de moi. « Jules ! »  lançai-je et la personne qui s’occupait de moi était déjà en train d’aller une infirmière. « On va s’occuper de votre mari, ne vous inquiétez pas. Ca arrive souvent avec le stress et l’émotion, »   m’expliqua-t-il et je l’observai. Mes yeux étaient écarquillés, mon corps s’était raidit sous la tension, mais je finis par hocher doucement la tête. On l’allongea sur un brancard et on me demanda de me réinstaller correctement.
Je suivis des yeux Julian jusqu’à ce que je ne le vois plus et enfonçai mon dos dans le fauteuil. Je déglutis avec difficulté, incapable de me concentrer, incapable d’être calme. Je tentais d’ignorer ce que le médecin était en train de me faire ; je fixai le plafond avec application, ignorant les douleurs désagréables. « Il semblerait que votre col est enflammé, à quand remonte votre dernière relation sexuelle ? »  Je baissai la tête pour l’observer retirer ses gants. Je sentis mes joues rosir. « Je… Hm, je sais pas, dix jours peut-être… »   A vrai dire, je savais très bien parce que je n’arrêtais pas d’y penser. Cela faisait neuf jours, neuf jours qu’on avait rendu les armes parce que c’était absolument impossible de faire quoi que ce soit avec un ventre pareil. Nous avions tous les deux fait le deuil de nos désirs. « Dans votre condition, il vaudrait mieux arrêter tout rapport, madame. Votre col de l’utérus est trop fragile à cause de votre grossesse gémellaire, » me dit-il. Au final, il se fichait bien de ma vie sexuelle, de ce que je pouvais bien faire, mais cela me mettait toujours mal à l’aise comme s’il s’agissait d’instants qui m’appartenaient. Je n’avais pas honte de mes envies, je n’avais pas honte de ces moments que je partageais avec Julian mais il s’agissait de ma vie. De ma vie privée. « On va attendre votre gynécologue pour confirmer tout ça. Je reviens, »  ajouta-t-il avant de partir. Il avait recouvert mes jambes d’un tissu et je poussai un soupir. J’étais soulagée du diagnostique mais je m’inquiétais bien plus pour Julian, à présent.
Il se passa quelques minutes avant que le rideau qui me séparait du patient d’à côté ne se tira, dévoilant mon mari, pâle. Il n’avait pas fière allure et je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire amusé. « Te moque pas. C'est parce que ça fait longtemps que j'ai pas été entre des cuisses, » m’expliqua-t-il et je ris doucement. Il était vexé. Je le connaissais suffisamment bien pour savoir qu’il était profondément vexé. « C’est si terrible que ça, en bas ? »  demandai-je d’une voix innocente. Au fond, c’était basé sur un semblant de vrai. Je n’avais absolument aucune idée d’à quoi ça pouvait ressembler puisque mon ventre m’empêchait de voir. « Comment tu te sens ? Assis-toi, Jules, »   lui dis-je en désignant la chaise à mes côtés. Je tendis le bras pour toucher son front fiévreux. « Il va falloir qu’on s’entraîne pour l’accouchement, tu sais. Je pense que ça va être légèrement plus… Désordonné. »  J’esquissai un sourire même si j’avais peur, au fond. Peur qu’il ne veuille pas être là. Peur qu’il me laisse toute seule, contre sa volonté.
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() message posté Ven 1 Avr 2016 - 23:54 par Invité

“We pass through this world but once. Few tragedies can be more extensive than the stunting of life, few injustices deeper than the denial of an opportunity to strive or even to hope, by a limit imposed from without, but falsely identified as lying within. ” Je titubais dans le couloir des urgences. Les murs s'embrouillaient sous mon regard. Je m'obligeais à garder une expression calme. Les animaux cachaient leurs faiblesses. Ils étouffaient leurs douleurs pour souffrir dans la solitude. Mais les Hommes étaient différents. Ils agissaient comme des miroirs les uns pour les autres. Leurs pensées se répondaient, elles se correspondaient. Je pinçai les lèvres en relevant ma tête vers le profil de Ginny. Je l'observais en silence. Je la regardais vraiment et je distinguais une forme de quiétude, de parenté, naturelle, douceâtre entre ses prunelles ombrées. Les choses se passaient exactement tel que je les avais imaginé. Je réalisais mon incapacité à protéger ma famille. J'étais faible. Je ne servais à rien. Nous étions radicalement opposés ; elle possédait tout ce qui manquait dans mon esprit. L'air pour respirer, la joie pour vivre, la force pour continuer. Je n'avais jamais connu l'ambiance conviviale des dîners de Noël. Je n'avais jamais orbité autour d'une entité qui m'était propre. Un père pour moi. Une mère à moi. Un frère, une sœur, une jumelle. J'ignorais tout de ces sentiments, alors je l'avais retranscris comme un idéal secret. J'avais écrit des lignes entières sur ma crise d'identité. Un sujet de prédilection. Une répétition ennuyeuse. Thomas l'avait prédit. Il s'était assis au bord de la serpentine et il avait raillé mon talent. Je me reposais trop sur mes acquis, sur l'abandon que j'avais ressenti durant mon enfance. C'était peut-être laconique mais certains complexes remontaient jusqu'à l'époque d'Œdipe. Ma vie était un nœud croisé entre le désir sexuel, l'amour incestueux et la tentation du parricide. Ma vie se brisait en mille fragments sous mes doigts engourdis. Je croisai les bras autour de ma perfusion. «C’est si terrible que ça, en bas ?» Murmura-t-elle d'un air paisible. Je crispai la mâchoire. Je n'avais pas réellement eu le temps de voir. Je m'étais simplement effondré lorsqu'elle avait écarté les jambes. J'étais habitué au sang. Sa couleur perlait au de ma langue, son goût ferreux tapissait le fond de ma gorge. Je n'avais pas peur de ça. Je n'avais pas peur du tout. «Comment tu te sens ? Assis-toi, Jules,»  Je n'osais pas décrire mon état émotionnel. Je ressentais les ondulations de sa respirations avec une telle frénésie, jusqu'aux extrémités du chaos. Et il n'y avait personne pour commander la tempête qui faisait rage dans mes organes. Le poison coulait dans mes veines. Il se transformait en filets de perles tranchants. Et si je les perdais toutes les trois ? Je soupirai en prenant position sur la chaise. « Il va falloir qu’on s’entraîne pour l’accouchement, tu sais. Je pense que ça va être légèrement plus… Désordonné.»  J’acquiesçai sans grande conviction. Je l'avais prévenu. Je n'avais pas oublié ses paroles. Je n'avais pas oublié mon départ en Irlande et mes promesses. Je pensais qu'il lui suffisait de me guider. Je pensais que je serais heureux de lui obéir. Mais il fallait qu'elle sache. Ce que je ressentais en sa présence, avec les jumelles, dans notre appartement. Le fait que mon corps réponde par un sourire à toutes ses déclarations. Il y avait quelque chose en elle qui m'inspirait confiance. En la voyant lutter chaque jour, si fatiguée, si lasse, comme si elle appartenait à une autre réalité. J'étais assailli par le doute. Mes joies étaient biaisées. Mes sacrifices étaient dénudés de sens réel. Je me conformais à ses exigences, je désirais trouver un équilibre. Je le ferais jusqu'au bout. Mais ce soir, je venais de franchir une limite. Les chants du désespoir grondaient encore dans ma tête. Il était trop tard pour effacer nos erreurs, trop tard pour assumer les conséquences. «Je ne sais pas Ginny.» Marmonnai-je en tendant les bras vers sa silhouette. Ma gorge avait grogné. Un profond sérieux voilait mon visage. Je représentais un miroir. Mes reflets étaient envahis par une expression de gravité aussi insondable que les yeux vides d'un masque. «Je ne sais pas si je vais y arriver. Chaque personne que je m'autorise à aimer, est une personne que je perd. Je flippe parce que je t'aime Ginny. T'as saigné. T'as saigné dans mes bras. » Je sifflais avec gravité. Mon âme semblait si oppressée. Je parvenais à peine à respirer, à contrôler les flux de mes pensées. Elle avait survécu à son accident. J'avais survécu à son départ. Et c'était sa faute. Ça faisait si mal parce que je l'aimais vraiment. J'avais ressenti toutes les formes de douleurs ; les brûlures, les pincements, les coups, la déchirure, la rupture. Mais cette peur était plus grande. Elle bloquait tout le reste. Elle m'empêchait de me relever lorsque j'étais à bout de souffle, elle m'empêchait de survivre. «On doit être heureux tous les deux. Si je n'y arrive pas avec toi, je n'y arriverais jamais. Tu es ma seule chance. Et ça me fait peur à chaque fois. » Je me détournai lentement. J'effleurai son poignet avec délicatesse mais je restais en retrait, plongé dans ma détresse. Suspendus aux gouttes du liquide qui roulait dans le tuyau avant de s'enfoncer dans le cathéter.
 
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() message posté Dim 3 Avr 2016 - 17:45 par Invité
JULIAN & EUGENIA (tragedy is sewn into your soul, darling, no matter how bright your halo glows, or how high your wings take you, you will always, eventually, fall. the sun was never supposed to be yours.) Je ne m’étais pas attendue à le voir partir. A le voir tomber. Je ne m’étais pas attendu à le voir perdre toutes ses couleurs, à le voir sombrer. De nous deux, c’était lui qui savait endurer, après tout. Lui qui avait eu un père qui lui avait fait tout voir. Lui qui avait trop vécu, lui qui avait connu beaucoup d’horreurs. De la même manière, j’avais innocemment pensé qu’après m’avoir vu avec mes poches et mon corps inerte, rien ne pouvait plus le faire fuir.
Je m’étais trompée, peut-être. Il avait fallu du sang.
Je l’avais vu défaillir, lui, ce pilier de ma vie, lui, celui qui me maintenait encore toute entière. Je lui adressai un sourire, prenant sa température du bout des doigts, effleurant son front pour me rendre compte qu’il avait de la fièvre. J’avais pour résolution d’être suffisamment forte pour nous deux mais cela me paraissait presque improbable. Je n’étais pas forte. Je n’étais pas courageuse. Je n’avais certainement pas les épaules assez larges parce que j’avais déjà bien du mal à gérer mes propres désillusions.
Mais je n’avais pas le choix. Je n’avais pas le choix parce que Julian avait fait un faux-pas, parce que Julian était tombé et avait besoin d’être rattrapé. Je n’avais pas le choix parce que c’était à moi de nous rassurer tous les deux, à moi de sourire, à moi d’être mature. Je n’avais pas le choix parce que j’étais celle qui se devait de dire que tout irait bien sans savoir si elle disait la vérité. Je voulais simplement y croire. J’étais lasse d’avoir peur. J’étais lasse d’appréhender chaque étape de mon existence alors que je pourrais tout simplement être heureuse avec lui. Alors que je pourrais simplement goûter au bonheur et me délecter de cette sensation comme tout le reste du monde. « Je ne sais pas Ginny, » me dit-il. Je voyais la tristesse qui prenait possession de ses traits, je voyais la profonde lassitude qui l’habitait, lui aussi. Il s’était inquiété. Il s’était inquiété plus que nécessaire mais cela me prouvait qu’il tenait réellement à nos filles malgré tout. Je n’avais pas été en danger directement, après tout. Ma vie n’avait pas été en péril. Non, il avait s’agi du bien être de nos enfants, du bien être de nos bébés.
Et il s’était inquiété. Il s’était inquiété parce qu’après tout ce temps à les rejeter il avait quand même fini par les aimer. « Je ne sais pas si je vais y arriver. Chaque personne que je m'autorise à aimer, est une personne que je perds. Je flippe parce que je t'aime Ginny. T'as saigné. T'as saigné dans mes bras, » poursuivit-il et il tendit la main vers moi. Ses doigts m’effleurèrent et je les serrais avec les miens en retour. « On doit être heureux tous les deux. Si je n'y arrive pas avec toi, je n'y arriverais jamais. Tu es ma seule chance. Et ça me fait peur à chaque fois. » J’esquissai un sourire en secouant la tête. Il était trop loin pour que je le serre dans mes bras, trop loin pour que je le force à me regarder dans les yeux. Nos rôles étaient inversés ; généralement, j’étais celle qui exprimait ses inquiétudes, celle qui montrait qu’elle n’était pas suffisamment forte. Généralement, c’était lui qui me rassurait. Mais pas cette fois. « Tu n’as pas à t’inquiéter, l’interne a dit que c’était juste une inflammation, »  dis-je doucement même si je savais que cela n’était pas ce qu’il sous-entendait. Ce n’était pas cet instant précis qui comptait mais tous les autres où il avait eu peur de me perdre. « On est privé de relations sexuelles. Franchement, Jules, c’est ça le drame. »  Je me mis à rire doucement pour l’encourager à me suivre. Je voulais simplement l’amuser. Je voulais simplement faire disparaître cette expression remplie de tristesse de son visage. « Puis, tu penses vraiment que j’ai survécu à un accident de voiture pour mourir en couche ? C’est mal me connaître, Julian Fitzgerald, si je dois crever un jour, ça sera grandiose. Assassinée par le Professeur Moriarty, ça fera la une de tous les journaux. Tu pourras même accompagner Sherlock Holmes dans son enquête pour te venger de la disparition de la femme de ta vie, »  déclarai-je avec un regain d’entrain. Je serrai ses doigts avec affection. Je ne pouvais pas réellement lui promettre quoi que ce soit ; je ne pouvais pas savoir de quoi demain serait fait mais j’étais bien loin d’être imprudente. Au fond, il avait peur de me perdre mais c’était lui qui risquait sa vie tous les jours. Je passais la plupart de mes journées chez nous. J’étais une personne isolée et recluse alors qu’il partait sans cesse à la conquête du monde sans savoir s’il serait encore vivant la minute suivante. « Fais-moi un sourire, Jules. S’il te plait. On est heureux, tous les deux. Si tu ne l’es pas encore, ça viendra. J’en fais une mission personnelle. »  Je lui fis un sourire pour l’encourager à en faire autant ; cela me faisait mal au coeur de savoir qu’il n’était pas heureux avec moi mais je tentais de ne pas m’en formaliser. Je n’avais pas le droit de me vexer, en cet instant. Je n’avais pas le droit de lui en tenir compte.
Mais cela ne faisait que me montrer que je n’étais pas suffisante.
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() message posté Dim 3 Avr 2016 - 23:47 par Invité

“We pass through this world but once. Few tragedies can be more extensive than the stunting of life, few injustices deeper than the denial of an opportunity to strive or even to hope, by a limit imposed from without, but falsely identified as lying within. ” Mes poumons s'étaient affaissées afin de supporter l'air épouvantablement glacial. Pendant un instant, je l'avais senti m’écorcher la gorge. Puis j'avais perdu connaissance. Mon esprit avait été traversé par une sensation amère et violente. Je n'étais pas fatigué. J'avais peur et cette émotion, bien que devenue habituelle, avait prit une forme étincelante. Comme l'acier. Comme une épée. J'aurais tant voulu maintenir mon équilibre et briser le complexe sentimental qui faisait vaciller mon corps vers le sol. J'aurais tant voulu lui montrer mon visage souriant, la teinte abyssal de mon regard amoureux, mais j'étais trop faible. Ginny avait saigné et j'étais trop faible. Je redoutais l'expression compatissante qui s'était peinte sur son profil. Je redoutais ses pensées et ses réponses. Ma voix résonnait comme un rire sonore dans ma tête. Elle moquait mon attitude. Mes démons riaient tellement fort que leurs vibrations s'élevaient dans les airs en faisant des échappées battues. Je me penchai lentement vers le lit. Je n'arrivais pas à lui parler. J'étais encore troublé par les derniers événements, par sa conversation téléphonique avec sa tante, par les premiers chapitres de mon nouveau libre et le cliquetis de la machine à écrire. Tout c'était passé si vite. Je m'étais levé, puis j'avais découvert le sang à ses pieds. J'avais besoin de l'entendre pour comprendre. Il fallait qu'elle insiste pour que je réagisse. Les teintes empourprées imbibaient le tissu qui recouvrait ses cuisses. Les gouttes tombaient sur le parquet comme une pluie légère et timide. Je m'étais précipité vers la porte. Mes gestes avaient été mécaniques, désordonnés et rapides. Je n'étais pas sûr d'avoir réfléchi. Je n'avais pas eu le temps de percuter, de me mordre les doigts en songeant au pire. Parce qu'il était déjà là. Le pire se produisait sous mes yeux. Un soupir m'échappa alors que je tirais sur le tube du cathéter. Mon poignet était engourdi à l'endroit où l'aiguille avait percé le peau. J'agitai le bras en saisissant l'étreinte de Ginny. Son ventre était toujours arrondie. Elle semblait sereine et reposé. J'étais le seul malade dans le couloir. Ma respiration s'apparentait à la surface de la mer, à un mouvement sans signification, perdu dans l'écume vaseuse et inconsistante. «Tu n’as pas à t’inquiéter, l’interne a dit que c’était juste une inflammation,» Déclara-t-elle avec douceur. Je plissai le front. Je la croyais. Je lui faisais confiance. Elle savait mieux gérer la situation depuis l'annonce de la grossesse. Après tout, Eugenia était déjà une mère et je n'étais que l'esquisse d'un père. Une image floutée qui se constituait lentement. «On est privé de relations sexuelles. Franchement, Jules, c’est ça le drame.»  Je savais qu'elle essayait de ponctuer ses paroles avec une touche d'humour destinée à adoucir mon humeur. Mais je n'y arrivais pas. Je n'avais pas encore trouvé le purgatoire pour expier toutes mes fautes. Je vivais avec ce fardeau depuis mon retour d'Irlande. Je réalisais à quel point mon comportement était inopportun. «Puis, tu penses vraiment que j’ai survécu à un accident de voiture pour mourir en couche ? C’est mal me connaître, Julian Fitzgerald, si je dois crever un jour, ça sera grandiose. Assassinée par le Professeur Moriarty, ça fera la une de tous les journaux. Tu pourras même accompagner Sherlock Holmes dans son enquête pour te venger de la disparition de la femme de ta vie,»  Je fis la moue avant de grogner, puis, je haussai les épaules avec désinvolture. Ma grimaça s'estompa, emportée par un éclat de rire éraillé. Je tordis mes doigts autour de sa main. Elle était fidèle à son caractère enjoué, à son univers de fiction policière. Et j'étais là, suspendu entre les murmures de sa bouche. J'avais le vertige et le mal de la vie. « Fais-moi un sourire, Jules. S’il te plait. On est heureux, tous les deux. Si tu ne l’es pas encore, ça viendra. J’en fais une mission personnelle.»  Je me sentais envahi par une grande détresse. J'étais coupable dès la naissance. Je me voyais, écrivain harassé, chargé de tous les livres utiles dont j'étais l'auteur, de tous mes articles et de tous mes essais. Je me voyais cheminer à travers le désert sans trouver d'issue. Les mots possédaient un charme, mais leur philosophie n'était pas réelle. J'aspirais à la délivrance véritable. Pas aux divagations spirituelles. Je voulais être heureux pour de vrai cette fois. «Je te souris mais tu ne le vois pas.» Murmurai-je en pinçant les lèvres. Je me rapprochai lentement afin d'effleurer sa joue. «Je t'embrasse même. » Je me repositionnai sur mon siège, le bras tendu par la perche à mes côtés. Une simple inflammation et j'étais presque tombé dans le coma. Je méritais un prix d’excellence pour ma prestation dramatique. Je passai ma main sur les jointures de ma mâchoire. «Pas de sexe pour nous deux ? J'ai pas d’inflammation. Je me suis juste vautré pourquoi on me puni ? » M'enquis-je avec douceur, en essayant de la rejoindre dans son délire. Je m'adossai à mon accoudoir puis je relevai mon visage vers le sien. «Merci, Ginny. Je sais c'est nul mais la seule famille que je connais est une supercherie. » Mon expression était triste et abattue, mais j'essayais simplement de lui dévoiler mes complexes. Je n'étais pas complètement idiot, outre mon penchant démesuré pour la violence et l'évanouissement, j'essayais réellement de faire de mon mieux. Pour nous. Tous les quatre.
 
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() message posté Mar 5 Avr 2016 - 21:43 par Invité
JULIAN & EUGENIA (tragedy is sewn into your soul, darling, no matter how bright your halo glows, or how high your wings take you, you will always, eventually, fall. the sun was never supposed to be yours.) Il avait ri. C’était peut-être pas grand chose mais cela m’encourageait dans ma bêtise ; je détestais cette expression empreinte de tristesse qui habitait ses traits, je ne supportais pas de le voir dans un tel état de détresse alors qu’il n’y avait rien de grave. J’allais bien. Il allait bien. Les filles allaient bien. Le monde pouvait continuer de tourner, nous pouvions reprendre notre quotidien où nous l’avions laissé. La vérité, c’était que je pensais déjà à ces tissus que j’allais devoir ravoir, à ce plaid tout doux et tout neuf qui était désormais marqué par des tâches sombres. Mon esprit était parti bien loin de l’hôpital. J’étais déjà passée à autre chose.
Nous ne pouvions pas nous inquiéter tous les deux, après tout. Alors, je lui laissais ce rôle, préférant être mature pour une fois. Préférant lui montrer que je pouvais assumer chaque bavure lors de cette grossesse, que je pouvais encaisser chaque épreuve.
Au fond, j’y croyais. Je pensais réellement que j’avais grandi au cours de ces derniers mois. J’étais devenue plus calme, plus posée, plus sûre de moi. Je n’avais absolument aucune confiance en moi mais j’avais puisé ma force ailleurs ; je n’avais pas peur d’avoir des enfants, je n’avais pas peur d’être mère, je n’avais pas peur d’être là pour nos filles durant de nombreuses années. Je n’avais pas peur de leur donner le sein ou de changer leurs couches. Je n’avais pas peur de leur apprendre à marcher alors que je ne savais même plus le faire moi-même. Je n’avais pas peur d’entendre les récits de leurs premières déceptions amoureuses alors que je savais ô combien j’avais pu souffrir à cause de Julian. Je n’avais pas peur d’essuyer leurs larmes même si je savais parfaitement que lorsqu’elles se mettraient à pleurer j’en ferais probablement de même.
Mais je n’avais pas peur. Malgré tout cela, je n’avais pas peur de ce qui se profilait à l’horizon. Je n’avais pas peur et je ne m’inquiétais pas parce que j’avais la conviction que si je pouvais réussir une chose dans ma vie cela serait sans doute celle-là. Avoir une famille et avoir ma place au sein de celle-ci. « Je te souris mais tu ne le vois pas, » dit-il avant de se rapprocher de moi. Ses lèvres effleurèrent ma joue et j’esquissai un sourire. C’était comme une caresse. L’esquisse d’un geste tendre qui se voulait presque pudique dans un lieu public. « Je t'embrasse même. » J’esquissai un sourire en l’observant. Il s’était réinstallé sur la chaise. Il paraissait épuisé. Après tout, il venait de se remettre de ses émotions ; cependant, j’avais l’impression que cela allait bien plus loin que son étourdissement.
Il était profondément las, profondément fatigué, profondément triste. Je pouvais sentir toutes ces émotions flotter dans la pièce. Je pouvais le sentir, lui, avec cette aura de désespoir qui émanait de sa peau. Je ne pouvais rien y faire à part tenter de le faire rire. Je ne pouvais rien y faire à part tenter de le faire sourire. Parce que si j’avais la conviction que tout irait pour le mieux, il avait besoin de temps pour se faire à cette idée à son tour. « Pas de sexe pour nous deux ? J'ai pas d’inflammation. Je me suis juste vautré pourquoi on me punit ? » me demanda-t-il alors, rebondissant sur ce que j’avais dit un peu plus tôt. J’haussai les sourcils, théâtrale. « Parce que c’est plus ou moins de ta faute si j’en ai une, »  répliquai-je sans aucun détour. Bien entendu que je ne lui en voulais pas, parce que cela n’était pas réellement de sa faute. Je le taquinais simplement. « Tu n’as pas été assez doux avec moi, du coup mon corps fait grève maintenant. »  J’eus une moue boudeuse au visage. Il continuait de m’observer avec cet air triste aux traits. Il continuait de me regarder comme s’il s’attendait à ce que je perde les bébés dans les secondes à venir. « Merci, Ginny. Je sais c'est nul mais la seule famille que je connais est une supercherie, » reprit-il finalement. Le coin de mes lèvres s’étirèrent en un demi-sourire. Ses doigts écrasaient les miens mais je ne retirais pas ma main. J’étais là. Toujours. « Moi aussi je suis une supercherie ? »  demandai-je avec douceur. Je savais qu’il n’avait pas encore tout à fait admis que nous soyons une famille. Je savais que j’étais la seule, de nous deux, à ne plus me poser de question à ce sujet.
Il avait besoin de temps. Simplement de temps. « Je pense que tu te poses beaucoup trop de questions. Tu cherches à atteindre l’impossible, »  poursuivis-je. « Tu dis que c’est ta seule chance d’être heureux mais la vérité, Jules, c’est qu’on le sera probablement jamais. C’est un idéal que des millions de personnes tentent d’atteindre en se perdant en chemin. On doit juste se débrouiller pour être le moins malheureux possible. »  Je poussai un soupir abattu. J’avais abandonné l’idée d’être heureuse depuis bien longtemps ; je savais que le bonheur était une chose que je ne parviendrais jamais à atteindre, pas tant que mes jambes étaient immobiles, pas tant que je n’étais pas mieux dans ma peau. Cependant, j’admettais pouvoir vivre des instants presque-parfaits. J’admettais pouvoir m’échapper de mon malheur. Avec lui.
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() message posté Jeu 14 Avr 2016 - 21:21 par Invité

“We pass through this world but once. Few tragedies can be more extensive than the stunting of life, few injustices deeper than the denial of an opportunity to strive or even to hope, by a limit imposed from without, but falsely identified as lying within. ” Je créais l'angoisse dans mon esprit. Je tremblais en revoyant les tâches de sang, les jambes immobiles de Ginny ou son profil arrondi. Il était si facile d'établir les connexions. Je déglutis en la regardant d'un air hébété. Je tentais de sourire, de lui renvoyer une certaine quiétude, mais je ne parvenais pas à calmer les pulsations hargneuses de mon cœur. Je ne parvenais à me désengager de cette peur qui me broyait l'estomac. J'avais perdu ma mère. Elle avait promit de rester avec moi. Mais elle était parti quand même. Ses mots n'avaient rien changé. Ses mots étaient crus et dénudés de vérité. Je joignis les mains sur mes cuisses. Ma vision s'embaumait dans l'espace, aveuglée par la blancheur des urgences. Je glissais entre les parois des murs. Je dégoulinais sur le dossier de ma chaise. Je n'étais plus apte à la protéger maintenant. Les rôles étaient inversés, les souffles s'embrasaient entre les vapeurs de l'alcool et de la térébenthine. L'odeur des hôpitaux s'infiltrait sous ma peau, elle formait des nuages dans mes poumons. Je l'avais senti une million de fois auparavant. Je soupirai en  tendant mes bras vers la bordure du lit. Eugenia adoptait une attitude nonchalante, presque insouciante. Je me rendais bien compte que ma réaction était excessive mais le sentiment était indicible dans mon cœur. Il dépassait ma pensée, ma raison, mon sens critique. Ici, je n'étais plus qu'un mari paniqué. Un père effrayé. Je portais tous les masques de la peur et aucun, ne me permettait de respirer.
Je voulais justifier mes émotions. Je cherchais réellement à m'accrocher aux entités matérielles qui se dressaient autour de moi. Le matelas, les draps, le porte-sérum. Je voulais me relever et arborer la figure digne et impétueuse qu'elle me connaissait. Mais les médicaments avaient volé toute mon énergie. La colère avait disparu, emportant mon impulsivité, ma joie de vivre et d'exister. Je me sentais inutile et fatigué. Les cernes contournaient mes yeux irrités par la lumière alors que je me penchais vers le profil de Ginny. Je laissai échapper un éclat de rire volontaire. J'essayais de la rassurer. Pourtant, ma salive gardait une saveur amère. Il y avait quelque chose de mal. Quelque chose qui me rongeait de l'intérieur. «Parce que c’est plus ou moins de ta faute si j’en ai une,» Son ton était enjoué, chargé de résonances musicales et taquines. J'arquai un sourcil en fixant mes yeux sur son visage. Ma faute ? Elle était la première à réclamer. J'esquissai un rictus léger. «Tu n’as pas été assez doux avec moi, du coup mon corps fait grève maintenant.»  Je pinçai les lèvres en agitant les épaules en signe de protestation. J'étais très délicat en amour. C'était étrange, je n'avais pas réellement de pulsions sauvages ou malsaines. J'étais peut-être ennuyeux. Parfois, je voulais lui demander. Je m'intéressais à ses préférences, à ses envies ou ses fantasmes. Puis je réalisais qu'elle n'avait aucun repère. Elle calquait ses sensations sur les miennes. Elle calquait son avenir sur le mien. Mais j'étais un navire sans voiles, je tanguais au rythme des vagues qui déferlaient sur mon étrave. Je n'avais aucune stabilité. «Comment veux-tu que je sois ? » M'enquis-je d'une petite voix. Je haussai les épaules avec lassitude avant de m'adosser au meuble qui se trouvait sur le côté. J'avais le tournis. Rien de grave, seulement une impression de léviter dans la pièce. Une impression d'être étranger dans mon propre univers. «Moi aussi je suis une supercherie ? »  Je me tournai vers elle en silence. J'avais encore du mal à considérer toutes ces notions. Eugenia et les jumelles. Voilà ma famille. Une part de moi, refusait d'y croire. Comme si, à la minute où je serais prêt à enlacer cette réalité, le destin s'amuserait à me dépouiller de tout ce qui m'était précieux. Je déglutis en crispant mes doigts sur le rebord. «Je pense que tu te poses beaucoup trop de questions. Tu cherches à atteindre l’impossible. Tu dis que c’est ta seule chance d’être heureux mais la vérité, Jules, c’est qu’on le sera probablement jamais. C’est un idéal que des millions de personnes tentent d’atteindre en se perdant en chemin. On doit juste se débrouiller pour être le moins malheureux possible.» Je plissai les yeux. Elle parlait comme moi. C'était presque divertissant de constater à quel point nous essayons de converger l'un vers l'autre. J'avais adopté ses habitudes, je me conformais à ses idéaux mais je ne parvenais pas à me détacher de mon désespoir. Je ne parvenais pas à être un idéaliste malgré toute la conviction que je mettais dans mes gestes. Cette quête du bonheur, de l'amour, des niaiseries. Je l'avais entamé pour elle. J'avais abandonné mon culte nihiliste pour lui offrir l'esquisse de ses rêves d'enfant. Et la voilà, libre et éloquente. La voilà, qui me rappelait l'origine de toutes mes réflexions. Pas le bonheur. Le non malheur. J’acquiesçai en souriant. «Je me pose des questions pour te donner les réponses. Je déteste ça en vrai. Être incapable de t'apporter ce que tu veux. La plus part du temps, je ne sais même si tu es bien ou si tu as mal. Tu ne dis presque rien. Je suis juste là et j'essaie de deviner. » Je ne voulais pas créer une distance entre nous. Il y avait déjà le fauteuil. Alors, je tentais combler le vide. Je voulais équilibrer la perte par une complicité tacite, par un pouvoir imaginaire : lire ses pensées.
 
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() message posté Mer 27 Avr 2016 - 22:17 par Invité
JULIAN & EUGENIA (tragedy is sewn into your soul, darling, no matter how bright your halo glows, or how high your wings take you, you will always, eventually, fall. the sun was never supposed to be yours.) J’étais incapable de savoir si j’étais courageuse. J’étais incapable de savoir si j’étais réellement forte ou tout simplement trop faible pour oser me plaindre à voix haute de mes douleurs. Je ne parvenais pas à m’exprimer à propos de cela, après tout. Je ne réussissais pas à le dire, à le clamer, à hurler tout ce que je ressentais. Je n’en savais rien et je n’étais pas sûre de vouloir connaître la vérité—j’avais peur de me rendre compte que je n’étais qu’un fardeau, qu’une masse inhumaine d’ondes négatives, qu’un monstre de souffrance influençant son entourage. Après tout, je pouvais très bien ne rien dire mais projeter autour de moi une atmosphère morbide. Un prisme de douleurs infinies.
Alors, je me contentais de ne rien dire. Je cessais de me poser des questions qui étaient bien trop grandes pour moi, des questions qui n’auraient pas de réponses, de toutes manières. Je tentais d’ignorer les commentaires de mon entourage. Ma soeur me disait souvent que j’étais courageuse, après tout ; elle me le disait mais elle ne savait pas qu’au fond j’étais comme les autres. Qu’au fond j’endurais en me demandant quand est-ce que mon corps allait bien finir par lâcher. Qu’au fond j’endurais en voulant de tout mon coeur que cela s’arrête. Qu’au fond j’endurais parce que je n’avais pas d’autre chose que de le faire. Je n’étais pas une héroïne, je n’étais pas une personne hors du commun. J’affrontais la douleur uniquement parce que je n’avais pas suffisamment de courage pour y mettre un terme.
J’y avais pensé, par le passé. Plusieurs fois. Mais plus maintenant.
Je ne l’avais jamais dit à Julian que j’avais songé au suicide avant que nous ne nous retrouvions. Au fond, il y avait encore beaucoup de choses dans ma tête que je ne lui avais pas dites ; j’avais peur de le décevoir, peur de l’affoler, peur de lui révéler une facette de ma personnalité que je n’assumais pas forcément. « Comment veux-tu que je sois ? »  me demanda-t-il finalement lorsque je l’accusais faussement de ne pas être suffisamment doux avec moi lors de nos ébats. J’haussai les sourcils, surprise que sa question soit sérieuse.  Je ne m’étais pas attendu à ce qu’il me demande cela. Je ne m’étais pas attendue à ce que cela soit réellement un sujet d’interrogation. » Comme ça. Exactement comme ça, »   lui répondis-je avec assurance. Je l’observai dans les yeux pour lui montrer que je ne mentais pas.
Et je le pensais. Je le pensais réellement.
Je n’avais aucune expérience. Jamais je n’oserais avancer le contraire ; hormis une fois ratée je n’avais connue personne d’autre hormis sa tendresse, personne d’autre hormis sa douceur. Il était mon seul point de repère. Il était le seul à m’avoir fait découvrir cet univers. J’avais appris à calquer mes sensations sur les siennes, à éprouver du plaisir lorsqu’il en avait. Je ne ressentais pas beaucoup de choses mais je percevais notre couple, notre danse, notre rythme.
J’esquissai un sourire en revenant sur Terre. Mon regard était posé sur Julian, dans la salle d’urgence, alors que je lui rappelais que le bonheur n’était qu’une chimère. Il paraissait presque dubitatif en entendant mes propos ; cependant, ses lèvres finirent par s’étirer. « Je me pose des questions pour te donner les réponses. Je déteste ça en vrai. Être incapable de t'apporter ce que tu veux. La plupart du temps, je ne sais même si tu es bien ou si tu as mal. Tu ne dis presque rien. Je suis juste là et j'essaie de deviner, » finit-il par me dire. Je fronçai les sourcils en entendant ses mots. Je ne comprenais pas bien la suite logique qu’il y avait eu entre mes paroles et les siennes mais je m’y conformais. « C’est que ça va si je ne dis rien, »  lui répondis-je avec douceur. J’étais une personne silencieuse par nature. J’avais été introvertie bien avant mon accident et je l’étais d’autant plus depuis. Avec mon entourage, j’étais un peu plus loquace, mais cela ne m’empêchait pas de connaître des grands instants de silence. Je n’avais jamais songé que cela puisse déranger Julian. « Je ne peux pas te faire l’inventaire de tous mes maux, Julian, parce que j’ai à peu près mal tout le temps. Je ne vais pas te dire non plus que je manque de sommeil parce que ça fait longtemps que j’ai arrêté de dormir la nuit. C’est pas grave, tout ça. Ca finira par aller mieux, » repris-je. C’était comme les pensées suicidaires qui m’avaient habité suite à l’accident ; je n’en parlais pas. Je demeurais éveillée la nuit en silence. Je supportais mes douleurs fantôme en silence.  Tout simplement parce que je partais du principe que le monde ne s’arrêtait pas de tourner parce que je n’allais pas bien. « Mais tu dis des bêtises, sinon. Tu m’apportes ce que je veux. T’as oublié toutes les tasses de thé que tu m’as faites en l’espace de trois mois ? »  Je donnai une légère pression sur ses doigts avec taquinerie. Il avait peur de ne pas être suffisamment là mais la vérité était que cela me convenait parfaitement. Il en faisait assez même s’il ne s’en rendait pas compte. Il était là.  
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() message posté Mer 11 Mai 2016 - 1:45 par Invité

“We pass through this world but once. Few tragedies can be more extensive than the stunting of life, few injustices deeper than the denial of an opportunity to strive or even to hope, by a limit imposed from without, but falsely identified as lying within. ” Il me semblait presque improbable que ce regard que je lui adressais eût été aussi fixe et pensant. Je me redressai lentement sur mon siège. Mes bras étaient croisés sur mes cuisses. L’accalmie prenait possession de mon corps fébrile. Le médecin urgentiste nous avait rassuré sur l’origine des saignements. Le pronostic était favorable, ce n’était rien de grave. Toutefois, je demeurais incapable de faire le saut vers la réalité avec la même légèreté funambule que Ginny. Je pinçai les lèvres en relevant le visage vers son profil. Je savais qu’elle avait mal parfois. Elle avait ses chimères et ses moments de trouble psychologique. L’accident avait laissé une marque indélébile sur son esprit. Elle souffrait de douleurs fantômes et de longues insomnies. Elle se déplaçait sur une chaise roulante et cela la contraignait à subir les jugements de la société. Eugenia devait lutter tous les jours. Pourtant, à cet instant, elle paraissait si bien avisée, si saine et sûre de sa grossesse. Elle endossait parfaitement son rôle de mère, tandis que je bataillais contre mes angoisses. Une partie de mon âme buvait ses paroles en y ajoutant la foi. Je voulais y croire de tout mon cœur. Je voulais me conformer à son idéal optimiste et naïf. Réellement. Mais il y avait cette voix, celle qui acquiesçait dans un souci de conciliation, tout en notant les risques et les probabilités. J’avais toujours peur de la perdre. Je redoutais la finalité et le dénouement. La vie m’avait déçu tellement de fois. Je soupirai en levant la main dans un geste nerveux. Je pressai les doigts contre ma barbe naissante en vacillant. Quelle honte ! Je m’étais avachi sur le sol en plein milieu de la salle d’examen. Mon corps avait lâché prise alors que je tentais de maîtriser mes émotions. J’agitai les pieds contre le rebord du lit en maugréant. Et c’est alors, que je réalisai à quel point j’étais fatigué. Mes muscles frétillaient sous les plis du tissu. Ma tête était lourde de réflexions, de sentiments nuisibles et incertains. Lentement, je posai la tête sur le matelas. J’étais reconnaissant qu’elle soutienne ma chute. Et pour remercier ses efforts, je me montrais réceptif à toutes les tentatives d’humour. Je pinçai les lèvres à l’évocation de nos ébats sexuels. Elle répondait avec assurance à ma question, pourtant, je gardais une certaine retenue. Eugenia n’avait aucune expérience. Lior ne comptait pas. J’étais le seul. Je représentais un point fixe et non un repère. Je ne voulais pas qu’elle calque ses plaisirs sur les miens. Elle avait le droit de toucher, de goûter cent sources de volupté et de raffinement. Je plissai le front en la regardant d’un air attentif. «Tu n’as jamais pensé au sex avant ? Il n’y a pas un truc qui te donne des envies étranges ? Tu peux tout me dire. Saisis ta chance, je suis enchaîné à la perf je pourrais pas aller bien loin. » La taquinai-je en me redressant. J’essayai de prendre appui sur mes coudes pour mieux entretenir la conversation. Ma vision était légèrement trouble. Les battements de mon cœur étaient sourds et discontinus. Je poussai un soupir en replaçant mon cathéter sur mon poignet. «C’est que ça va si je ne dis rien,» Je comprenais. Je ne pouvais pas imaginer sa douleur ou son handicap. Je ne pouvais pas lui imposer mes idées et mes retranchements. Mais les événements s’enchaînaient de manière trop brutale et j’avais l’impression d’accumuler les faux pas dans notre couple. « Je ne peux pas te faire l’inventaire de tous mes maux, Julian, parce que j’ai à peu près mal tout le temps. Je ne vais pas te dire non plus que je manque de sommeil parce que ça fait longtemps que j’ai arrêté de dormir la nuit. C’est pas grave, tout ça. Ca finira par aller mieux,» J’aurais tant voulu partager ses chagrins. A l’intérieur de moi, tout était signification et intensité. Je m’endormais en mesurant les vibrations de sa respiration contre l’oreiller. Je m’épuisais en comptant ses rythmes et ses soupirs. « Mais tu dis des bêtises, sinon. Tu m’apportes ce que je veux. T’as oublié toutes les tasses de thé que tu m’as faites en l’espace de trois mois ?» Je souris en me glissant à ses côtés. Je posais ma tête sur son épaule en enlaçant sa poitrine. Alors que nous étions silencieux, absorbés par les badinages incessants de l’amour, mon âme prit congé de l’hôpital. Je m’évadais ailleurs. Je devinais les arabesques de notre chambre, la pénombre des rideaux tirés et les couinements de Dany dans son panier. Je rejoignais notre bulle imaginaire. «Il t’en faut si peu, Lancaster. Je t’offrirais une tasse de thé pour chaque connerie. Je crois que ça me fera une éternité à te servir le petit déjeuner au lit. Mais je suis tellement reconnaissant d’être là. Tu dois penser que c’est pénible de vivre avec toi, je ne vais pas te mentir il y a des jours où c’est fatiguant. Puis il y a ces sourires, ces regards et ces complicités qui effacent tout le reste. C’est toi, Ginny. Ce sera toujours toi. » Marmonnai-je en déposant un baiser sur sa joue. Je souris en humant le parfum de ses cheveux. Je savais qu’elle avait besoin d’être rassurée, mais à cet instant, c’était à moi que j’adressai cette confession. Je souris en me tournant vers le côté. «Imagine on nous fait passer la nuit à cause de moi. Le comble de l’ironie ! Faut trop que je raconte ça à Victoria. Elle va se moquer un peu mais ça nous fera commérer.» Je fronçai les sourcils d’un air contrarié. Je me sentais vaseux. J’avais une humeur ambivalente, douce-amère, joviale et perturbée. Je n’avais plus aucun équilibre autre que la présence de Ginny. Je levai les yeux au ciel. Vivement qu’on rentre.

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