(✰) message posté Jeu 26 Juin 2014 - 21:22 par Invité
Nous faisions tout ce qui était en notre possible pour survivre. Je faisais tout ce qui était en mon possible pour lui survivre. Je n’avais aucune idée de comment je pouvais exprimer ce que je ressentais. C’était un torrent d’émotions composite et hétérogène, sans queue ni tête, sans signification ni portée. Ces trois mots que j’avais au travers de la gorge depuis des années semblaient bien au chaud à l’intérieur de mon âme en éternelle suffocation. Je sentais mon estomac se tordre, je sentais un millier de lames mal aiguisées me transpercer l’abdomen. Mes yeux se plissèrent, tentants vainement de soulager cette injustice. Tout ce que j’étais, tout ce que j’avais enduré était là, en face de ses yeux. Mais Eugenia s’obstinait à ne pas me voir. Elle s’obstinait à nous faire vivre ce calvaire. Devais-je tomber inerte sur le sol givré pour qu’elle réalise que j’étais en pleine agonie ? Ou peut-être fallait-il juste lui dire ? Elle n’aurait pas compris. Elle ne me croirait pas…
Je reportais mon attention sur elle. Son visage blême, ses joues rosies par la colère et ses yeux exprimant une déception qu’elle peinait à dissimuler. Elle tourna le visage vers la fenêtre, pensive, et je pus l’espace d’une seconde apercevoir l’illusion d’une larme perler au coin de son œil. Cette espèce de sort magique qu’elle m’avait jeté prenait des proportions maléfiques. Je sentais les ténèbres m’engloutir au fil des secondes qui se consumaient. J’étais brisé. Elle m’avait brisé.
«Qu’est-ce que tu entends par je n’ai jamais été désintéressé ? »
Sa voix tremblante trahissait la peur qui l’habitait. De quoi au juste était-elle effrayée ? La vérité ? Je me plaisais à croire que quelque part, elle savait que je l’aimais à en devenir fou. C’était impossible autrement !
«Tu supportais ma présence uniquement parce qu’il n’y avait que moi qui avait fini par t’adresser la parole ? Ou bien parce que tu ne supportais plus de déjeuner tout seul au lycée ? Ou bien parce que tu avais besoin d’une personne pour te réconforter après une colère de ton père ? »
Elle venait d’enfoncer ma tête sous les eaux troubles du passé. Elle venait de me poignarder dans le dos, traitresse qu’elle était. Je retins ma respiration en me souvenant des accès de colère de mon père alcoolique. Ma main se posa sur mon thorax droit, frôlant ma dernière côte fendue en deux : Fracture transverse, irréparable ! Je serrais les dents.
« Oui. » Soufflai-je, lassé par cette conversation de sourds.
« Ou bien autre chose, une chose complètement différente ? Parce que tu vois, Julian, j’ai l’impression que tu me dis tout cela sans prendre en compte le fait que je suis humaine. Que j’ai des sentiments. Que j’ai simplement envie d’aller pleurer après t’avoir entendu me rabaisser et me déclarer que de toutes manières les fondements même de mon adolescence étaient des mensonges. Après t’avoir entendu déclarer que je ne valais pas mieux que les autres alors que j’ai passé ma vie à t’idéaliser en tant que personne, et ce même pendant l’année où je me suis tuée à te maintenir loin de moi. »
Je me sentais pris au piège de mes propres mensonges. Mes yeux meurtris la fixaient sans relâche, à la recherche d’une once d’humanité qui aurait pu nous sauver tous les deux. Elle tenait mon cœur entre ses doigts, elle le tenait si fort qu’elle risquait de l’écraser à n’importe quel moment. J’essayais de calmer ma respiration saccadée. J’essayais de laisser aller la douleur qui me hantait depuis trop longtemps, quitte à tout brûler au passage. Tout n’était que désillusion. C’était la fin, le mal était fait. Je voulais prétendre que tout allait pour le mieux, faire semblant que je n’avais aucune réaction mais la vérité ... J’aurais pu mourir sans elle.
« Une chose complètement différente ? Comme si je t’avais aimé toute ma vie ? Comme si notre première rencontrée avait été orchestré par mon esprit dérangé ? Comme si tout faisait parti d'un plan bien rodé : T’approcher, te parler, devenir ton meilleur ami puis bien plus encore ? Comme si tu avais saboté ma seule relation équilibrée, et que tu ne t’en étais même pas rendu compte ? Comme si j’avais songé à t’épouser et que j’avais une bague gravée au fond de mon placard depuis une année ? Ce genre de choses différentes ? C'est ce que tu veux dire ? » Je lui lançai un regard vide, comme si plus rien n’habitait ce corps qui avait été battu, châtié, et détruit tellement de fois. « Ne t’attends pas à ce genre de mots de ma part. Jamais ! »
Je refusais de tomber dans le panneau. Nous étions sensés redevenir amis, je voulais être là pour elle dans cette épreuve mais à chaque souffle qu’elle poussait, à chaque battement de cils je me sentais mourir un peu plus. Le magnifique chandelier qui se tenait entre nous avait fini par se propager, dressant un énorme feu en face de moi. Les mots de Samantha me revinrent comme un songe lointain : ‘’ Tu es amoureux de ta meilleure amie. Tu m’as laissé en plan trop de fois pour la rejoindre. Tu m’as oublié trop souvent pour elle. Tu m’as déjà oublié …’’
Je ne pouvais plus revenir en arrière. Je ne pouvais plus fuir.
« Scarlet ne t’a jamais rien dis ? » M’enquis-je. Elle avait donc gardé mon secret. Je soupirai.
« Eh bien, soit. Pars. Fuis. Fais ce que tu veux. Je ne t’imposerais plus rien. Je te souhaite simplement que me garder loin de toi te sera plus facile que cette année, quand j’ai tenté de te garder loin de moi. »
Je me levai rapidement, presque machinalement. Mes jambes tremblaient, faisant claquer mes genoux l’un contre l’autre. Une vague de fatigue s’empara de moi, et je me sentis tourner autour du starbucks, ou étais-ce le contraire? Mes mains se plaquèrent contre la table, me faisant garder l’équilibre.
« Ce sera plus facile. » Soufflai-je. « parce que je ne compte pas m’éloigner de toi … Je ne t’abandonnerais pas. Je mets un point d’honneur à honorer mes promesses, mais je ne veux plus de ça … Cette chose là qu’il y a entre nous … Ce lien … Cette attraction … Cette amitié … Appelle-le comme tu veux. J’en ai assez de me faire des films à propos de nous. Il est clair, que tu me crois capable de faire la comédie pour ne pas être seul au déjeuner … Je voulais juste que tu saches, que je me plais dans ma solitude. Je me suis toujours plu à broyer du noir. Déjeuner avec toi, était plus difficile que de le faire seul. »
Je n’arrivais pas déglutir, à avaler ou à déguster ma nourriture. Pendant des mois, j’avais dû feindre d’avoir une gastro afin que mon plateau toujours plein ne suscite pas ses suspicions. Au fond elle avait raison, notre adolescence n’était qu’un mensonge. En tout cas la mienne. Mes bras lâchèrent prises, retombant de part et d’autre mon torse musclé. Je regardais Eugenia de haut. C’était la première fois, qu’elle me voyait tel que j’étais réellement : Un être froid et sans scrupules.
« Tu as peur de moi ? » Demandai-je d’un air triste.
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(✰) message posté Ven 27 Juin 2014 - 15:58 par Invité
they say you die twice. once when you stop breathing and the second, a bit later on, when somebody mentions your name for the last time. ✻✻✻ Une larme solitaire. Une seule et unique larme avait fini par passer la barrière de mes cils pour courir le long de ma joue ; d’ordinaire, j’étais une créature bien trop fière pour exposer ainsi mes sentiments. Pour exposer ainsi ma détresse. Pour exposer ainsi ma tristesse. Cependant, la situation finissait par bien trop me dépasser pour que je parvienne à demeurer impassible. Cependant, la situation finissait par bien trop me dépasser pour que je parvienne à me ressaisir, pour que je parvienne à agir comme si cela ne m’importait que trop peu. J’étais faible. Bien trop faible. Mon accident m’avait détruit ; mon accident avait fait de moi un être frêle et fragile, condamnée à supporter ces émotions saisissantes qui m’assaillaient de toutes parts. J’avais pleuré, pleuré des heures en apprenant que je ne pourrais plus jamais marcher. J’avais pleuré, pleuré comme je n’avais jamais pleuré de toute mon existence. Et, depuis cet instant, je n’avais jamais réellement arrêté d’être balayée par un vent de détresse. Je n’avais jamais réellement arrêté d’hurler à l’injustice et à la douleur. Autrefois, j’avais toujours parvenue à maintenir mes émotions. Désormais, je n’étais qu’une tempête, une putain de tempête qui balayait tout sur son passage. J’aurais aimé être forte devant lui. J’aurais aimé lui prouver qu’il ne pouvait pas me faire de mal, même si cela était sans doute le pire mensonge que j’eusse essayé de me faire croire, à moi-même. Cependant, je n’y parvenais pas ; je n’arrivais même plus à soutenir son regard. J’étais devenue une chose fragile. Une chose brisée. Une chose qui avait mal à chacune de ses paroles. Nous ne nous comprenions pas. Pire encore ; j’en venais à me demander si nous nous étions un jour compris. Si nous avions un jour eu quelque chose en commun, un semblant d’histoire ou l’illusion d’un lien. Avais-je été naïve de croire que son amitié avait évolué comme la mienne avait pu changer ? Avais-je été naïve de croire que nous aurions plus être plus, que nous aurions pu aller plus loin, si je n’avais pas été rattrapée par le destin ? J’aurais aimé être dans son esprit. J’aurais aimé comprendre. Je n’avais pas peur de la vérité. J’avais simplement peur de continuer de vivre dans un mensonge plus facile à accepter. « Une chose complètement différente ? Comme si je t’avais aimé toute ma vie ? Comme si notre première rencontre avait été orchestré par mon esprit dérangé ? Comme si tout faisait partie d'un plan bien rodé : t’approcher, te parler, devenir ton meilleur ami puis bien plus encore ? Comme si tu avais saboté ma seule relation équilibrée, et que tu ne t’en étais même pas rendu compte ? Comme si j’avais songé à t’épouser et que j’avais une bague gravée au fond de mon placard depuis une année ? Ce genre de choses différentes ? C'est ce que tu veux dire ? » me demanda-t-il, vide de toute émotion. Ses paroles martelaient mon esprit, mais je continuai de refuser de l’observer. Je percevais presque de la violence dans ses paroles, une violence que je ne lui connaissais pas. Une violence qui dépeignait de manière troublante la vivacité avec laquelle son père avait bien pu le ruer de coups. « Ne t’attends pas à ce genre de mots de ma part. Jamais ! » Il était froid, cassant. Il me brisait. Il mettait un point d’honneur à tout ce que j’avais bien pu croire ; pire encore, il parvenait à embrouiller mes propres pensées, à me faire perdre le fil de la vérité. Mais n’était-ce pas ce que je cherchais, justement ? La vérité ? J’étais simplement sûre de ce que je ressentais, moi. De ce que j’avais un jour ressenti. Le reste s’était perdu dans le brouillard. Au début de notre conversation, j’avais été persuadé qu’il m’avait toujours considéré comme sa meilleure amie. Puis, j’avais fini par me dire qu’il n’avait fait que m’utiliser. Enfin, j’en venais presque à me dire qu’il m’avait aimé. Qu’il m’avait aimé comme j’avais bien pu l’aimer. « Scarlet ne t’a jamais rien dit ? » Je fronçai les sourcils en l’entendant prononcer le prénom de ma sœur jumelle. Je finis enfin par tourner la tête vers lui, essuyant d’un revers de la main ma joue. « Qu’est-ce qu’elle était censée me dire ? » lui lançai-je dans un murmure. Mes paroles sonnaient presque comme une lamentation. « Que mon meilleur ami était à des lieux d’être celui que je pensais ? » Il était las. Je l’étais également. Les questions tournaient si vite dans mon esprit que j’en avais mal. L’avantage avec les dossiers étaient que les choses avaient le don d’être précise ; les interminables débats n’existaient pas. Il n’y avait que des faits. Et il n’y avait pas de sentiments non plus. Je voulais qu’il parte. Qu’il s’en aille. Qu’il me laisse avec toutes mes incertitudes, qu’il cesse de semer le trouble dans mon esprit à chaque fois qu’il pouvait bien ouvrir la bouche. Je voulais qu’il s’en aille avec l’image erronée qu’il avait de moi. Je lui souhaitais plus d’aisance pour le faire. Je lui souhaitais d’être plus chanceux que je ne l’avais été. Il se levait, s’appuyant sur la table en me faisant face. Je l’observai sans réellement l’observer. J’étais bien trop perdue pour retrouver le chemin jusqu’à son regard. « Ce sera plus facile parce que je ne compte pas m’éloigner de toi… Je ne t’abandonnerais pas. Je mets un point d’honneur à honorer mes promesses, mais je ne veux plus de ça… Cette chose là qu’il y a entre nous… Ce lien… Cette attraction… Cette amitié… Appelle-le comme tu veux. J’en ai assez de me faire des films à propos de nous. Il est clair, que tu me crois capable de faire la comédie pour ne pas être seul au déjeuner… Je voulais juste que tu saches, que je me plais dans ma solitude. Je me suis toujours plu à broyer du noir. Déjeuner avec toi, était plus difficile que de le faire seul. » Mon cœur rata une nouvelle fois un battement. Il se redressa debout en face de moi, de l’autre côté de la table entre nous, une chose parmi tant d’autres. J’avais peur de comprendre la vérité, finalement. J’avais peur de comprendre la vérité parce qu’elle me remplissait de regrets. « Tu as peur de moi ? » me demanda-t-il. « Non. » Ma réponse avait fusé. Je n’avais même pas eu à réfléchir. « Ca fait bien longtemps que j’ai appris à encaisser les remarques. Tu n’es pas le premier à me dire les paroles qui font mal. » Mon regard se plongea dans le sien. Je mentais à moitié. J’avais l’habitude oui ; cependant, je prêtais toujours une certaine importance à ce qu’il pouvait bien me dire. Mais je n’avais pas peur de lui. J’étais déçue, mais je n’avais pas peur. Je secouai la tête en repensant aux dernières paroles qu’il avait bien pu me dire. Je poussai un soupir en esquissant un sourire vide d’un quelconque amusement. « Tu ne veux plus de ça mais tu ne sais même pas ce que cela était… Désormais je pense que je peux te le dire, mais savais-tu que j’avais été amoureuse de toi Julian ? Non, probablement pas. Mais ne t’inquiète pas, il semble que je m’étais épris du mensonge illusoire que tu étais à cette époque. Cette chose entre nous dont tu parles n’était qu’un écran de fumée qui masquait la vérité, tu n’as pas à t’en faire pour ça. Il a dû se dissiper désormais. Il a dû me ramener à la réalité et m’ouvrir les yeux : le solitaire préfère manger seul au final, de toutes manières. » Je m’arrêtai, une lueur presque arrogante au fond de mon regard. Y croyait-il seulement ? Me voyait-il mentir ? J’étais incapable de savoir ce que je ressentais au plus profond de mon être. J’aurais aimé que Scarlet ne m’appelle pas, ce soir-là. J’aurais aimé avoir été là lorsqu’il avait attendu sous mon perron. J’aurais aimé savoir ce qui aurait pu se passer si toutes les choses avaient été différentes.
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(✰) message posté Sam 28 Juin 2014 - 19:30 par Invité
I dedicate this song to you ; the one who never sees the truth, that I could take away your hurt, heartbreak girl. I’m right here and I’m your cure. I bite my tongue but I wanna scream out. And I’m stuck in the friendzone again again … I dedicate this song to you ; the one who never sees the truth... But now you do.
«Désormais je pense que je peux te le dire, mais savais-tu que j’avais été amoureuse de toi Julian ?. »
Je tournais en rond. Je tournais en bourrique. Le destin devait vraiment avoir une dent contre moi. Je retins ma respiration pendant quelques minutes, retenant mon cerveau de se lançer dans un monologue intellectuel qui ne ferait que griller mes neurones. Je sentais mon visage devenir cramoisi, mes oreilles siffler et mes yeux piquer, mais je ne pouvais pas relâcher la pression. Je ne pouvais tout simplement pas continuer à vivre comme si de rien n’était. Pas après cette déclaration ! Ma poitrine se souleva, contractant mes muscles abdominaux en cours de chemin. Ma cote fêlée me titilla, me tirant un gémissement de douleur que je n’avais plus ressenti depuis des années. Le soir ou mon père m’avait brisé les os, il avait aussi détruit une partie de moi. Cette partie illusoire qu’Eugenia avait cru aimer durant tout ce temps. Ma peau frissonna, et je ressentis le besoin de me rassoir en face d’elle. Avait-elle seulement remarqué le pouvoir que ses paroles avaient sur moi ? Comme une incantation de sorcière, chaque mot était une coup de poing que je recevais en plein ventre. Pourtant j’essayais de rester impassible, d’agir comme si rien de tout cela ne pouvait m’atteindre parce que j’étais différent à présent. Parce que j’étais un grand aujourd’hui ! Un rictus serré fit courber le dessin de ma bouche fine. Au fond de moi, dans mon cœur d’enfant, je savais que j’étais triste.
Plus je regardais Eugenia, plus je sentais la réalité m’échapper. J’avais la folle impression de perdre ma mère encore une fois. Je croyais que qu’une personne ne pouvait expérimenter ce genre d’épreuve douloureuse qu’une fois dans une vie. Je m’étais trompé. Tellement trompé. Mes mains tremblantes vinrent à la rencontre de mon visage accablé. J’avais envie de pleurer, comme une fille, ou comme l’être fragile et démuni que j’étais devenu, mais mes larmes n’auraient rien changé. Il était trop tard pour nous de toute façon.
« Non, je ne savais pas. » Laissai-je échapper après le spectacle de mon désarroi. « J’ai respecté la zone ami, comme ce que tu attendais de moi. »
Un rire malsain m’échappa, comme si j’étais complètement cinglé. A dire vrai, je crois qu'en ce moment j’avais complètement perdu l’esprit. Eugenia m’avait trop poussé à bout. Je lui avais ouvert mon cœur, je l’avais longuement regardé, me laissant perdre dans la couleur émeraude de ses yeux, j’avais dit toutes ces choses que je croyais n’exister que dans les livres … Mais elle n’avait pas bronché. Jamais. Elle était amoureuse de moi ? Quel genre d’amour cela pouvait-il bien être ? Elle avait toujours trouvé un moyen de m’éloigner : Elle rejetait mes caresses si elle était trop osées, mon souffle sur son cou était trop chaud parce que nous étions en pleine canicule, mes allusions étaient trop ridicules voire hilarantes. Mais dans quel monde vivait-elle ?
« Tu n’as jamais rien dit parce que?? » Je retins mon souffle. « Ne me dis pas, je n’ai pas envie de savoir. Vraiment ! »
J’éclatai de rire. C’était quand même la blague du siècle. J’étais amoureux d’elle, et elle aussi. C’était décidément la blague du siècle ! J’avais attendu le moment où elle réaliserait que j’étais l’homme de sa vie avec impatience. J’étais loin d’imaginer que les choses se passeraient de la sorte. Qu’il y aurait autant de dommages collatéraux. Qu’il aurait fallu qu’elle perde l’usage de ses jambes, et moi l’usage de mon cœur. Je ne me croyais plus capable d’aimer comme j’avais pu le faire auparavant. Je voulais l’emmener dans ces endroits lumineux que j’avais longé à maintes reprises en pensant à notre vie ensemble. Je voulais lui montrer les jardins fleuris de Regent’s Park et les magnifiques roseraies qui avaient accompagnées chacun de mes souvenirs imaginaires dans ses bras. Je voulais lui parler de nos balades main dans la main le long du lac serpentine, et du coin de Hyde park que j’avais choisi pour l’embrasser pour la première fois. Je voulais tout lui montrer mais je n’étais plus sûr de trouver mon chemin. C’était si loin derrière moi. J'avais quitté Londres. J'avais oublié comment y aller. Je voulais pleurer, mais mes yeux desséchés avaient perdu leur capacité à s’émouvoir. J’avais tout perdu. Je m’étais perdu dans les abimes de mon âme, rongé par les démons et les incubes qui me tourmentaient. Eugenia, ce n’était plus possible ! Mes sentiments n’avaient plus aucun sens, plus aucun lieu d’être. Savait-elle que j’avais gardé la bague pour me rappeler à tout jamais de cette erreur ? Savait-elle que je m’étais vu devant elle, à genoux, les bras tendu en avant ?
« Le solitaire … » Soufflai-je.
Elle m’avait déjà collé une étiquette, à peine quelques secondes après m’avoir abandonné. Je voulais l’embrasser pour alléger le poids de cette injustice qui planait au-dessus de nos têtes. Mais mon esprit tourmenté refusait de suivre les dernières instructions de mon cœur à l’agonie. J’avais la fièvre. J’étais fou.
« Tu as raison. Je préfère manger seul. Ce n’est pas une bonne idée de manger ensemble après-demain. » Lançai-je avant de marquer un silence. « Allons au lac serpentine. Il y a cet endroit que j’ai voulu te montré il y a quelques années. »
Je voulais crier, me jeter dans l’eau et me laisser noyer. Je crois que je venais de faire un premier pas vers la démence.
Il était temps de lui dire à dieu, à l'endroit exact ou je voulais tout commencer.
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(✰) message posté Sam 28 Juin 2014 - 23:16 par Invité
they say you die twice. once when you stop breathing and the second, a bit later on, when somebody mentions your name for the last time. ✻✻✻ Je lui avais dit. Je lui avais finalement dit. J’étais une personne réservée et silencieuse concernant toutes ces choses ; je m’étais toujours appliquée à garder mes propres sentiments pour moi. Je n’avais pas l’habitude de dire à voix haute ce que je pouvais bien ressentir. Je n’avais pas l’habitude de dévoiler l’état de mon cœur et de mes pensées. J’avais toujours vécu en silence. J’avais toujours aimé en silence. J’avais toujours détesté en silence, également. Mais cela avait fini par me rendre malade. Je ne voulais pas de cet amour qui avait hanté mon adolescence. Je n’en voulais plus. J’étais fatiguée et lasse de vivre avec ; je demeurais intimement persuadée que cela était derrière moi, mais il revenait sans cesse me percuter depuis que je m’étais retrouvée face à lui. Face à Julian. J’avais presque cru que le dire à voix haute allait me faire du bien ; j’avais presque cru que j’allais me soulager de ces sentiments qui étaient devenus comme un fardeau, entre déception et colère, douleur et détresse. Mais il ne s’était rien produit. Cela ne m’avait pas soulagé. Alors, je me contentais de l’observer, refusant la faiblesse de baisser le regard. Je l’avais aimé, oui. Je l’avais aimé si fort. Aujourd’hui, j’étais incapable de mettre un mot sur ce que je pouvais bien ressentir à son égard ; l’année qui s’était passé m’avait aidé à faire le deuil de cette personne que j’avais été persuadée de ne jamais recroiser. Le revoir avait ravivé ces vieux sentiments qui avaient toujours agité mon être ; lui reparler m’avait blessé, si blessé que je ne parvenais plus à me dire que mon cœur existait encore quelque part. Julian me l’avait arraché sans même s’en rendre compte. Sans même se soucier que ses paroles me faisaient si mal que j’avais l’impression d’être prise au piège. J’étais prise au piège, après tout. Prise au piège dans l’océan des sentiments qui m’assaillaient, à la fois contradictoires et puissants. J’aurais aimé que les choses soient différentes. Mais je savais pertinemment que cela n’était pas possible. Je ne faisais que récolter les conséquences de mes propres choix, les conséquences de ce que j’avais bien pu penser. J’avais cru bien faire. Mais, au fond, je n’avais fait que des faux pas, alors que je ne savais même plus marcher. « Non, je ne savais pas. » me répondit-il. Bien entendu qu’il ne savait pas. Comment aurait-il pu le savoir ? J’avais tout fait, absolument tout, pour qu’il ne se doute jamais de rien. J’avais réfréné mes envies une centaine de fois. Je lui avais dit non une centaine de fois, simplement parce que j’avais toujours été persuadée qu’il n’avait jamais ressenti les mêmes choses que moi. J’avais préféré notre amitié au risque de le perdre. J’avais préféré souffrir en silence plutôt que mettre en danger ce que je pouvais bien partager avec Julian. « J’ai respecté la zone ami, comme ce que tu attendais de moi. » enchaina-t-il, et je poussai un soupir en entendant son rire. Je peinais à assimiler que l’être en face de moi était ce que Julian était devenu. J’avais l’impression qu’il m’avait échappé. « Tu n’as jamais rien dit parce que ? Ne me dis pas, je n’ai pas envie de savoir. Vraiment ! » Mon cœur rata de nouveau un battement. Son ton me faisait mal. Je baissai le regard, incapable de soutenir le sien. Il se mit à rire. Se rendait-il compte qu’il me blessait ? Se rendait-il compte qu’il me faisait mal ? J’avais envie de pleurer. De pleurer parce que je m’étais appliquée à faire les choses au mieux pour finalement tout rater. Je déglutis avec difficulté, relevant la tête vers lui. Il s’était rassis. Je ne m’en étais même pas rendue compte. « Je me fiche de ce que tu as envie de savoir ou pas. » lui répliquai-je, ma voix chevrotante trahissant la douleur que je ressentais. J’aurais aimé être forte, mais je ne savais plus comment faire. « Je ne te l’ai jamais dit parce que je préférais rester ton amie pour le restant de mes jours plutôt que risquer de te perdre. » Je m’arrêtai dans mon élan, tapant la table avec la paume de ma main. J’étais presque en colère. Mon corps réagissait souvent de cette manière ; la douleur amenait la colère. La colère amenait les remarques acides. C’était de l’auto-défense. Je n’avais plus que ça pour me défendre, après tout. Les mots. « Tu n’arrives pas à comprendre que tu as toujours été ma priorité ? Toi ? Que tout ce que j’ai fait c’était pour toi ? Je ne t’ai jamais rien dit pour que je n’aie pas à te perdre, pour pas que tu aies à te dire que ta meilleure amie crevait d’amour pour toi pendant que tu te tapais d’autres filles. J’ai rompu tout contact avec toi après mon accident pour que tu n’aies pas à supporter une putain d’handicapée, pour que tu aies une chance d’être loin de tout ça. Et le pire dans tout ça c’est que j’ai fait tout ça pour un type que je ne connaissais même pas. » J’aurais lui cracher à la figure. J’aurais aimé me lever. J’aurais aimé le regarder de haut. Mais je ne pouvais pas. Je me disais que les choses ne pouvaient pas être pires, mais elles continuaient de se dégrader. Il ne m’avait pas dit qu’il m’avait aimé. Il ne m’avait pas dit que cela avait été réciproque. Sa réaction était disproportionnée ; j’aurais aimé voir ce qu’il pensait. J’aurais aimé voir ce qu’il se passait dans son crâne. Il m’avait ri au nez en entendant ce que je lui avais dit, mais sa colère et sa tristesse étaient si palpables qu’elles m’en donnaient mal au cœur. Que cela pouvait-il bien lui faire, après tout, que je l’aie aimé ? Pourquoi cela l’affectait-il tant ? Je ne supportais plus cette situation qui n’avait aucun sens ; elle me perdait. Elle me perdait et je ne savais pas comment me retrouver. « Le solitaire … » marmonna-t-il. « Tu as raison. Je préfère manger seul. Ce n’est pas une bonne idée de manger ensemble après-demain. » Mon cœur s’emballa dans ma poitrine. Je ne parvenais pas à savoir si cela était bien ou mal. Je ne parvenais pas si cela me faisait plaisir ou si cela me faisait encore plus mal. Je ne parvenais même plus à me comprendre moi-même. « Allons au lac serpentine. Il y a cet endroit que j’ai voulu te montré il y a quelques années. » Je fronçai les sourcils en entendant sa proposition. Je connaissais le lac serpentine ; il y avait un club de sports pour personnes à mobilité réduite, là-bas. Cependant, je ne réussissais pas à comprendre pourquoi il souhaitait m’y emmener. Je ne réussissais pas à comprendre pourquoi il venait replacer notre passé dans la conversation. « Pourquoi là-bas ? Pour me noyer ? » Je n’esquissai même pas un sourire à ma propre remarque. Après tout, il n’aurait qu’à pousser mon fauteuil dans le lac. Il ne fera que m’entrainer vers les profondeurs. Le pire, dans tout cela, était que je n’étais même pas sûre que je chercherais à me débattre. A survivre. « Enfin, peu importe. Le lac, le déjeuner, si tu veux même aller pêcher ou bien faire du saut à l’élastique… » marmonnai-je en balayant l’air avec ma main, soupirant. « De toutes manières, tu décides. C’est toi qui tiens à me revoir. Je suis suffisamment idiote pour te suivre quoi que tu me proposes. » Ma voix s’étouffa au fond de ma gorge. Finalement, peut-être l’aimais-je encore. Finalement, peut-être étais-je simplement encore amoureuse de son fantôme. Des souvenirs que j’avais de lui.
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(✰) message posté Lun 30 Juin 2014 - 4:26 par Invité
Le ciel était d’un bleu pâle, et les quelques nuages qui le surplombaient absorbaient les rayons de soleil qui aurait pu éclairer mon esprit à travers la vitre de Starbucks. Je me sentais gagné par les ombres. Je n’avais jamais eu aussi froid : Y’avait-il donc plus aucun espoir pour moi ? Eugenia était là, juste en face de moi, tel que je l’avais espéré chaque jour, pendant une année. Et voilà que je m’appliquais à tout gâcher… Je ne savais pas quelles raisons obscures me poussaient à agir aussi différemment, mais j’avais la conviction au plus profond de mon être que c’était la bonne attitude à avoir pour m’en sortir. Je la regardai d’un air las. Mes yeux trahissaient mes réels sentiments. Je le savais.
« Je me fiche de ce que tu as envie de savoir ou pas. Je ne te l’ai jamais dit parce que je préférais rester ton amie pour le restant de mes jours plutôt que risquer de te perdre.»
Sa voix tremblante portait préjudice à son discours. Je la sentais faible et presque aussi perturbée que moi. Je continuais à la jauger du regard. La colère montait en moi à chaque fois qu’elle ouvrait la bouche pour me lancer ces faux prétextes que j’avais assez entendu. C’était toujours et encore la même chose : Elle agissait pour moi. Avait-elle seulement analysé mes sentiments avant ? Connaissait-elle les conséquences que tout cela pouvait bien avoir sur mon bon sens ? Ma perception des choses ? Sur moi plus simplement ?
«Tu n’arrives pas à comprendre que tu as toujours été ma priorité ? Toi ? Que tout ce que j’ai fait c’était pour toi ? Je ne t’ai jamais rien dit pour que je n’aie pas à te perdre, pour pas que tu aies à te dire que ta meilleure amie crevait d’amour pour toi pendant que tu te tapais d’autres filles. J’ai rompu tout contact avec toi après mon accident pour que tu n’aies pas à supporter une putain d’handicapée, pour que tu aies une chance d’être loin de tout ça. Et le pire dans tout ça c’est que j’ai fait tout ça pour un type que je ne connaissais même pas. »
J’haussais les épaules avec désinvolture. Je ne voulais pas la blâmer. Je refusais de la tenir pour seule responsable. Je connaissais parfaitement mon degré d’implication et les erreurs que j’avais bien pu commettre. Alors pourquoi mon cœur était-il aussi rempli de haine ? Je pouvais sentir le gout amer de la rancune attaquer l’intérieur de mes joues. Mon palais était en feu. Je pouvais aisément reconnaitre le sale visage de la malveillance qui ne faisait plus qu’un avec le mien. S’en était trop !
« Mais qui t’as demandé ton putain d’avis ? » Rétorquai-je les sourcils froncés. « Depuis l’instant ou mes yeux se sont reposés sur toi, je suis passé par toutes les émotions possibles et inimaginable. Tu as balayé ma bonne foi d’un revers de main. J’ai l’impression d’être un type complètement cinglé. Comme si j’avais un dédoublement de personnalité ; j’étais si content de t’avoir retrouvé, et me voilà tiraillé entre l’envie de te tourner le dos et d’hurler à la lune. »
Je marquai un silence afin de reprendre mes esprits. Cette conversation prenait une tournure désastreuse, et je peinais à contrôler mes pulsions violentes. Je lui en voulais tellement. J’avais pourtant eu l’impression d’avoir dépassé la sensation désagréable d’avoir été pris pour un idiot, je voulais tellement croire en nous à nouveau … Mais tout ça me paraissait tout bonnement impossible ! Elle continuait à parler, mais je ne l’entendais qu’à moitié. J’étais resté bloqué.
« Tu es entrain de me dire que si la situation avait été inversé … Que si j’avais perdu ma vue, ma motricité ou n’importe quel autre sens tu aurais préféré être tenue à l’écart pour ne pas avoir à t’occuper de moi ? Je comprends bien ton allusion ? » Demandai-je en me relevant tout à coup.
Je me surprenais à vouloir inverser les rôles, ainsi elle saurait à quel point je me sens inutile et faible. Etais-je si peu crédible à ses yeux ? Ne pouvait-elle pas se reposer sur moi ?
« C’est parce que tu as vu mon père me battre que tu as cru que je ne pourrais pas te protéger ? Tu ne m’as vraiment jamais vu comme un homme, pas vrai ? »
Je me surprenais à vouloir souffrir, juste pour avoir la satisfaction de la rejeter à mon tour. Ainsi, elle pourrait connaitre ce sentiment d’être vain et impuissant. Au fond, je n’étais qu’un imposteur. J’enfouis ma main dans la poche de mon jeans pour en sortir mon trousseau de clé. Au bout pendait, le canif que mon père m’avait offert pendant notre dernier voyage en Ecosse, bien avant la mort de ma mère, et bien avant qu’il ne perde la tête. J’ouvris le couteau aiguisé afin de me le planter en pleine cuisse, sous le regard médusé des gens. Le sang tacha mon jeans et envahit mes mains.
« Ne bouge pas. Ne fais rien. Je n’ai pas besoin de toi. » Lui lançai-je froidement. « Voilà ce que tu m’as imposé pendant une année. Dans mon imagination tu étais là, saignant à blanc alors que je me pavanais baisant d’autre filles et il y'en a eu tellement! »
Je serrais les dents en sentant la douleur paralyser ma jambe droite. Le sang gouttait sur le sol du café. Je sentais les gens s’agitait autour de moi, mais peu m’importait. Ma vie se résumait à ce moment là; ou mes yeux restaient plantés dans ceux d’Eugenia.
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(✰) message posté Lun 30 Juin 2014 - 16:12 par Invité
they say you die twice. once when you stop breathing and the second, a bit later on, when somebody mentions your name for the last time. ✻✻✻ J’étais face à un inconnu, j’en avais conscience. Un inconnu que j’avais un jour pensé connaître. Je peinais à garder mon calme ; les battements de mon cœur venaient jusqu’à frapper mes pensées, brouillant ma vue et mon audition. J’avais simplement envie de pleurer. De pleurer cette situation, pleurer ce que nous étions devenus, pleurer tout ce qu’il pouvait bien me dire et ce comportement que je ne comprenais plus. Je n’étais plus sûre de rien ; j’avais l’impression que les fondements même de mon existence s’étaient écroulés sous mon poids. J’avais pourtant été si sûre que de l’avoir comme meilleur ami avait valu toutes les autres amitiés que j’aurais pu avoir si j’avais fait des efforts, au lycée. J’avais pourtant été si persuadée qu’il avait valu toutes les batailles et tous les combats. La désillusion venait se mêler à la déception ; je me perdais moi-même dans cet océan d’émotions qui refusait de me laisser tranquille. Son regard sur moi me rendait beaucoup trop nerveuse ; son air las me poignardait la poitrine, encore et encore. Je n’avais jamais imaginé que nos retrouvailles se dérouleraient de cette manière. Je n’avais jamais imaginé me retrouver face à un individu complètement différent du Julian que j’avais bien pu connaître au cours de mon adolescence. Un individu pour qui je me surprenais d’avoir des sentiments, quelque part. Je finis par me demander si le problème ne venait pas de moi, également. De quoi avais-je l’air, à ses yeux ? Etais-je la même ou bien avais-je bien plus changé que je n’osais l’imaginer ? Je déglutis avec difficultés, ne sachant plus quoi penser, ne sachant plus quoi faire. Bien entendu que j’avais changé. J’étais moins souriante. Moins enjouée. J’étais plus terne. Plus désabusée. J’étais simplement un parasite, perdu dans son propre malheur, une personne en train de se noyer mais qui refusait de sortir la tête de l’eau. Cela faisait un an que je me battais tout en refusant de m’en sortir. « Mais qui t’as demandé ton putain d’avis ? » me demanda-t-il finalement, son ton cassant me faisant frissonner. Il était sans doute le mieux placé pour savoir que j’avais une incessante tendance à dire tout ce que je pouvais bien penser sans mesure l’ampleur de mes mots. Mais cela était la première fois qu’il me blâmait pour cela. Mais cela était la première fois qu’il s’énervait après moi pour avoir dit des mots de trop. « Depuis l’instant ou mes yeux se sont reposés sur toi, je suis passé par toutes les émotions possibles et inimaginables. Tu as balayé ma bonne foi d’un revers de main. J’ai l’impression d’être un type complètement cinglé. Comme si j’avais un dédoublement de personnalité ; j’étais si content de t’avoir retrouvé, et me voilà tiraillé entre l’envie de te tourner le dos et d’hurler à la lune. » Il s’arrêta, et un silence s’installa entre nous deux. Je serrai les dents ; il venait de résumer ce que j’étais actuellement en train de ressentir. J’avais été heureuse de le revoir, mais aussi effrayée de le confronter. Puis, finalement, cela s’était doucement transformé en colère, puis en tristesse, pour enfin me remplir d’une douleur sourde qui refusait de me laisser tranquille. Les émotions étaient passées si vite dans mes pensées qu’elles ne me laissaient qu’un goût amer sur le bout de la langue. Je me demandai comment nous avions bien pu en arriver là. Comment nous avions bien pu finir par nous entretuer. Parfois, la plus belle preuve d’amour était de tout simplement accepter de laisser l’autre s’en aller, mais je refusais simplement que cela se reproduise. Je me raccrochais à l’espoir tombé en poussières au fond de mon cœur. Je me raccrochais à tout, absolument tout, persuadée que nous ne pourrions plus tomber encore plus bas. Je croyais en nous. Je croyais en nous sans nous connaître réellement. « Tu es en train de me dire que si la situation avait été inversé… Que si j’avais perdu ma vue, ma motricité ou n’importe quel autre sens tu aurais préféré être tenue à l’écart pour ne pas avoir à t’occuper de moi ? Je comprends bien ton allusion ? » finit-il par me demander. Je levai les yeux au ciel, passant une main sur mes paupières. J’avais mal à la tête ; cette conversation n’avait plus aucun sens. Nous n’avions plus aucun sens. Pourtant, je continuais de m’accrocher. « Je n’ai jamais songé à ce que j’aurais préféré si les situations avaient été inversées, tout simplement parce qu’elles ne le sont pas. » Je poussai un soupir en ravalant un sanglot qui était doucement dans ma gorge. Je savais que mes paroles continueraient de l’agacer. Je savais que mes paroles ne seraient jamais les bonnes. Après tout, je ne lui disais pas ce qu’il désirait entendre. J’aurais aimé qu’il comprenne. J’aurais aimé qu’il sache que je n’avais pas fait tout cela pour lui faire du mal, mais simplement pour qu’il s’en sorte. Cela n’avait peut-être pas été la meilleure solution du monde ; cependant, cela avait été celle pour laquelle j’avais opté. J’avais cru me protéger. Cependant, j’avais simplement réussi qu’à repousser le moment où il me ferait du mal. « C’est parce que tu as vu mon père me battre que tu as cru que je ne pourrais pas te protéger ? Tu ne m’as vraiment jamais vu comme un homme, pas vrai ? » Je vis une lueur de démence briller dans son regard, une demi-seconde avant que je ne comprenne ce qu’il s’apprêtait à faire. Je l’observai sortir un couteau suisse, presque figée par la peur ; puis, sans réfléchir, je tendis la main pour lui saisir l’avant-bras. Mais c’était déjà trop tard. Je n’avais fait qu’attraper de l’air ; le couteau, lui, était venu se loger dans sa jambe. Je poussai un petit cri en voyant le sang s’échapper de la plaie et je relevai la tête vers lui, tétanisée. « Ne bouge pas. Ne fais rien. Je n’ai pas besoin de toi. » me lança-t-il. « Voilà ce que tu m’as imposé pendant une année. Dans mon imagination tu étais là, saignant à blanc alors que je me pavanais baisant d’autres filles et il y'en a eu tellement ! » J’ouvris la bouche, incapable d’articuler quoi que ce soit. Je vis le sang doucement couler le long du tissu de son jean. Ne pleure pas. Ne pleure pas. Ne pleure pas. Je refusais de pleurer et pourtant je sentais mes yeux s’humidifier. Mon cœur battait de manière irrégulière. Comment étais-je censée réagir dans une situation pareille ? Etais-je censée lui hurler dessus ? Lui dire qu’il n’était qu’un abruti ? Ou bien étais-je censée lui prendre le couteau des mains et lui enfoncer dans l’autre jambe ? Je me sentais blessée. Blessée qu’il se blesse pour me prouver qu’il était un homme. Blessée qu’il choisisse précisément de s’enfoncer un couteau dans la cuisse, alors que je ne pouvais plus rien ressentir en dessous de mon bassin. J’étais effrayée, également, effrayée par l’ampleur de cette détresse que je voyais au fond de son regard. Qui avait fini par le pousser dans de tels retranchements ? Moi ou son père ? Je déglutis. Cela était peut-être la faute de sa mère, également. Cette mère qui était morte bien trop tôt. « Julian… Julian tu me fais peur. » lui lançai-je, tremblante comme une feuille, ma voix chevronante ne s’échappant du fond de ma gorge dans un murmure. « Pose ce couteau, je t’en supplie. P… Pose-le. » J’avais l’impression que mes nerfs me lâchaient. Je tremblai, je tremblai si fort. J’avais l’impression de n’avoir plus aucun contrôle sur l’intégralité de mon corps ; seuls mes sentiments semblaient le gouverner. « Je t’ai toujours vu comme un homme, d’accord ? Te faire frapper par ton père n’a jamais fait de toi quelqu’un de faible. T’étais fort, Julian. J’aurais pu mettre ma vie entre tes mains. J’étais la première à dire que t’aurais le droit à un grand futur. Maintenant, arrête, s’il te plait. S’il te plait. » Ma voix se brisa à la fin de ma phrase, et je détournai le regard quelques instants pour essuyer du revers de la main les larmes qui commençaient à perler aux coins de mes yeux. J’entendis un murmure sourd autour de nous ; cependant, je ne parvenais pas à les entendre. Mes yeux étaient rougis par la panique ; mes émotions étaient si fortes que mon corps semblait simplement rendre les armes. Rendre les armes face à lui. Il avait toujours été ma perte, d’une certaine manière.
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(✰) message posté Mar 1 Juil 2014 - 23:24 par Invité
Julian… Julian tu me fais peur…
Le regard terrifié d’Eugenia m’avait stoppé dans mon élan. J’avais beau repousser cette frustration qui grouillait à l’intérieur de mes entrailles, elle ne faisait que devenir plus grisante. Je retins ma respiration. Je venais de commettre l’irréparable. Je venais de dévoiler beaucoup plus que je ne le devais. J’étais un monstre assoiffé de sang, un être sans aucune émotion, sillonnant les rues de Londres à la recherche d’une sérénité qui m'était interdite. J’avais l’impression de carburer au malheur, mon âme sadique se plaisait-elle à être martyre ? Je serrais la mâchoire. Le sang qui ruisselait le long de ma jambe, marquait son chemin d’un rouge ocre, presque brun. Je déglutis avec lenteur. Mes mains blafardes s’ouvrirent en tremblent, priant un Dieu en qui je n’avais aucune foi. J’étais pitoyable, et faible.
Ses lèvres fines tremblaient de ces mots que je ne comprenais pas. Elle m’adressait des prières qui m’étaient inconnues, parce que mon âme insubordonnée était rejetée par les cieux et ses religions. Je fermai les yeux durant quelques secondes, me délectant du silence obscur qui habitait mes paupières. Je n’étais pas prêt à la laisser partir. Elle me manquait déjà. Mais ma présence ici, à ses côtés, ne faisait que ternir nos souvenirs ensemble. Eugenia, allait finir par me détester. Ma décente aux enfers continuait de plus belles, je ne voyais plus le bout. Julian… Julian tu me fais peur… Je detestais mon prénom ainsi prononcé. Je détestais sa voix tremblante. Je détestais être moi. Il n’y avait plus rien de bon, plus rien à sauver! Mon âme immortelle se consumait à l’intérieur de mon corps abondant de colère et de haine mal placées. Je n’étais plus qu’une once d’ombre, un filet de fumée noire, polluant l’univers.
Julian… Julian tu me fais peur…J’étais comme sourd. L’écho de mes pensées tambourinait à peine à l’intérieur de mes oreilles. Je ne comprenais plus rien. Je voulais qu’elle se taise. Je voulais m’approcher d’elle et poser ma main maculée de sang sur sa petite bouche. Je ne voulais plus jamais revivre cette émotion : la perte de quelque chose que je n’avais jamais eu. Mes dents grincèrent tandis que je lâchais prise. Le couteau-suisse de mon père tomba sur la table. Je le vis s’ébrécher, mais je ne bronchai pas. Après tout ce n’était qu’une chose précieuse parmi tant d’autres que j’avais finis par détruire.
Eugenia … Mes plans pour nous étaient différents mais la vie s’était mise au travers de mon chemin. Je me sentais tomber dans les ténèbres. Mes mains tendues dans le vide fendaient l’air sans trouver de point d’attache. Je gémis en redoutant le moment ou mon dos se briserait contre les basfonds obscurs.
« Je t’ai toujours vu comme un homme, d’accord ? Te faire frapper par ton père n’a jamais fait de toi quelqu’un de faible. T’étais fort, Julian. J’aurais pu mettre ma vie entre tes mains. J’étais la première à dire que t’aurais le droit à un grand futur. Maintenant, arrête, s’il te plait. S’il te plait. »
Sa douce voix m’interpellait dans le monde des mortels à nouveau, mais je résistais à cet appel plein de pitié. Elle me disait des choses qu’elle ne pensait pas pour soulager le poids de mon amertume. Elle se jouait de moi encore. Je soupirai sans un mot. Les larmes montèrent au coin de mes yeux, humectant mon regard meurtri. Je la regardais, mais je ne la reconnaissais pas. Ce n’était pas elle; assise sur un fauteuil roulant. Ce n’était pas elle ; incapable de se lever pour me donner la gifle que je méritais. Ce n’était pas elle ; immobile refusant de m’empoigner par le col pour m’embrasser langoureusement. C’était impossible ! Je voyais enfin la dure réalité. Je réalisais enfin cette injustice. Eugenia m’avait rejeté. Eugenia m’avait trahi. Je ne savais plus ce qui me faisait le plus mal. J’avais broyé du noir durant une année, persuadé qu’elle ne partageait pas mon amour. Je croyais qu’elle m’avait quitté parce qu’elle ne supportait plus mes sous-entendus salasses. Je m’étais fait une raison. Alors pourquoi tout foutre en l'air avec une déclaration si peu sincère?
« J’ai vécu une supercherie pendant une année. » Marmonnai-je dans ma barbe.
La chaleur de ma plaie béante se dissipaient tout le long de ma jambe. Je n’avais pas mal, mais j’avais froid. Froid de cette solitude à laquelle je me vouais sans le faire exprès. Je soupirai.
« Je crois que je ferais mieux de te laisser tranquille. » Soufflai-je. « J’ai eu ma dose pour la journée. »
Je sentais mes nerfs lâcher. Je tournai les talons avec difficulté. Dans mon trajet vers la sortie, je me retournai pour lui souffler un « J’appellerais. Retire-moi de la liste de rejet. » avant de continuer mon chemin en titubant.