"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici Every breath you take feat. Thomas  2979874845 Every breath you take feat. Thomas  1973890357
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Every breath you take feat. Thomas

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Maxime S. Monroe
Maxime S. Monroe
J'aurai tout fait jusqu'à m'en étouffer.
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() message posté Lun 22 Fév 2016 - 16:27 par Maxime S. Monroe
Every breath you take ✻✻✻ Je sillonais les couloirs de l'université à la recherche du bon amphithéâtre. J'avais cours de littérature avec le professeur Knickerbadger. Je ne loupais aucun de ses cours. Qu'importe mes rendez-vous, je faisais toujours en sorte de les déplacer pour m'y rendre. Déjà passionée, il avait fait grandir mon intérêt pour la littérature française. Je m'étais mise à lire du Céline, de la poésie, du théâtre. Je prévoyais par ailleurs de partir quelques semaines à Paris pour parcourir les rues des grands romans de Victor Hugo. Je passais une main sur mon visage, le dégeageant de mes mèches châtains. Je fuyais les regards des étudiants. Je ne voulais pas qu'on m'interrompe, pas maintenant. J'avais rendez-vous avec les lettres. Je souriais à cette pensée et empruntais un couloir. Puis, arrivant devant la bonne porte, je la poussais et m'engouffrais dans l'immense amphithéâtre. Je cherchais Gabriel des yeux et tombais sur son épaisse chevelure de boucles brunes. Ce con était très certainement encore défoncé. Je laissais échapper un sourire moqueur et descendais les marches pour le rejoindre. Je m'asseyais à côté de lui et le saluais. Le cours ne tarda pas à recommencer, juste le temps d'échanger quelques paroles futiles. J'ouvrais mon ordinateur, et ouvrais le fichier word dédié au cours en question. L'heure passa vite. Mais quelque chose attira mon attention. Quelque chose ou plutôt que quelqu'un. Le professeur Knickerbadger. Il paraissait fatigué, et très maigre. Son long corps se déplaçait avec difficulté. Sa voix était faible, son regard furtif. Je n'aimais pas ça. Je n'aimais pas le voir ainsi. Je n'avais jamais eut l'occasion d'apprendre à le connaître, mais j'éprouvais assez d'admiration et de respect pour lui pour m'inquiéter de sa santé. Je jetais un regard au bouclé défoncé et soupirais. Lui ne voyait jamais rien, de toute manière. Et puis la fin des deux heures sonnèrent et je rassemblais mes affaires. Gabriel posa une main sur mon épaule et me demanda si je venais avec lui. Je déclinais sa proposition et l'embrassais sur la joue pour me faire pardonner. J'attendis que la pièce se vide, et m'approchais du professeur. Il était appuyé sur son bureau, une main sur son front. Je lâchais doucement mon sac au sol - histoire de ne pas avoir à racheter un ordinateur d'ici peu de temps - et avançais timidement. « Monsieur... Tout va bien? » Il leva les yeux vers moi, surpris et son bras céda. Je le rattrapais de justesse et l'aidais à s'asseoir sur sa chaise. J'entendis alors les portes battre et je me retournais brusquement vers les escaliers. Quelques élèves venaient de rentrer. Je m'approchais d'eux, un grand sourire aux lèvres et annonçais : « Hey! Je peux faire quelque chose pour vous? » Ils se regardèrent, hésitants et une fille parla : « T'es Shiraz Monroe? » J'affichais un grand sourire. Je n'avais pas le temps de faire semblant d'être une autre. Personne ne devait remarquer la présence - ou l'absence - du professeur de littérature. Je levais les bras au ciel, en riant légèrement, d'un air vaincue. Ils se regardèrent alors, excités. « On pourrait prendre une photo? » Je grimaçais et fronçais les sourcils. Non. Je ne pouvais pas. « Là j'ai pas le temps. Mais tenez, ajoutez moi, on se retrouvera un autre jour, pour une photo, un café, ce que vous voulez. D'accord? » Ils me regardèrent avec de gros yeux. Il fallait dire que j'étais plutôt simple pour une actrice. Ils attrapèrent le papier que je leurs tendis et s'en allèrent en me saluant. Je lâchais un gros soupir une fois l'amphithéâtre vide et retournais auprès de Knickerbadger.
Je rassemblais ses affaires et l'aidais à se lever. Puis tout en l'entraînant à l'extérieur de la salle, je lui dis : « On va éviter que tout le monde vous voit. Et vous allez manger quelque chose, vous êtes tout pâle. » Je m'en foutais qu'il proteste ou m'envoie valser. Il ne semblait pas bien, et je devais l'aider. Avant qu'il ne s'effondre pour de bon. Je fis attention à ce que personne ne nous remarque et l'emmenais dans le pub qui se trouvait juste derrière l'université. C'était le moins fréquenté de tous, parce qu'il était caché par l'imposante bâtisse qu'était le Bloomsburry college. Je le laissais s'installer et commendais deux chocolats chauds ainsi que des cheesecakes. Je payais et allais le rejoindre. « Vous n'auriez pas dû venir enseigner aujourd'hui, ça se voit à des kilomètres que vous dormez sur place. » Je lui souriais timidement. Je regardais alors autour de nous, personne ne semblait faire attention à nous. C'était un miracle. La plupart du temps, je ne passais pas inaperçue. Des étudiants étaient plongés dans leurs ordinateurs ou leurs livres, et ne relevaient la tête que pour appeler un serveur. Je me sentis alors heureuse de ne pas avoir à faire mes preuves, d'aller à l'université juste pour le plaisir d'apprendre, et d'être stable dans ma vie professionnelle. C'était soit l'un, soit l'autre de toute manière. Je reportais mon attention sur le professeur et je croisais son regard. Je ne savais pas quoi faire pour l'aider. Mais parfois, la présence de quelqu'un suffisait pour apaiser la douleur. Et j'étais convaincue que cet homme n'était pas seulement à bout de force. Il ne respirait pas le bonheur. Il paraissait ne pas savoir ce qu'il foutait là. C'est sûrement ça que j'aimais le plus chez lui, c'était ce qui me permettait d'accrocher à ses cours. Il semblait là, tout en étant absent. Perdu dans ses souvenirs, dans des regrets. Dans quelque chose, de révolu, et d'inexistant. Je n'arrivais pas à lire en lui, il était fermé, et ne laissait rien transparaître. Sauf cette faiblesse physique qui m'avait alarmé.
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() message posté Mer 2 Mar 2016 - 0:07 par Invité
Mes mains passèrent sur mes poignets de verre et je relevai le regard vers l’amphithéâtre, vers la voix qui me posait une question sur le texte que nous étudions. J’avais posé mon livre quelque part. Là-bas, sur la chaise. J’étais trop fébrile pour descendre du bureau ou tendre le bras pour le récupérer. Je passai machinalement mes doigts entre mes boucles pour leur redonner un peu de vigueur, mais mes phalanges tremblaient trop. Mon allure resterait la même, quoi qu’il arrive. Mes articulations violacées me faisaient froid dans le dos. Thomas, vous devez manger. Vous êtes bien en dessous de la moyenne. Mais je rendais la moitié des choses que j’avalais, et le reste pourrissait sur ma langue car  tout avait le goût de la morphine. On doit arrêter. Les cachets, les vitamines, tout. Votre sommeil doit redevenir naturel. Plus facile à dire qu’à faire, connard. Les médecins avaient ce visage consterné qui donnait de fausses solutions pour faire sourire les plus démunis. Une chance que je n’y appartienne pas : non, moi, j’étais déjà un pied dans la tombe, mais je n’étais pas démuni, puisque je n’avais jamais eu rien à perdre. Ma logique restait implacable et elle défiait la science, à chaque fois. J’entendis la question de l’élève : elle paraissait plate car il la formulait mal, mais je m’efforçai de le reprendre, lâchant quelques mots dans un soupir sans même le regarder. Il avait compris que j’étais lassé par quelque chose d’autre qu’eux. Je citai le texte de mémoire, sans le regarder, mot pour mot, et pourtant il suffisait d’avoir l’œil un peu attentif pour comprendre que j’étais sur le point de m’écrouler. Je marquai une pause, feignant l’attitude réflexive, durant laquelle je fixai l’estrade en tanguant légèrement vers l’avant. J’étais assis sur le rebord de ce bureau comme je l’avais été au rebord d’un immeuble, six étages s’étirant sans relâche en-dessous de mes pieds téméraires et, dans des instants pareils, je sentais le vent se déchaîner dans mon dos et me rappeler toutes les raisons pour lesquelles j’avais eu envie de sauter dans le vide, l’espace d’une seconde. Puis la réalité déferlait à nouveau sur moi et le bitume imaginé redevenait les lattes d’un plancher usé par l’érudition et les talons de nos semelles. Je marmonnai quelques mots pour ponctuer ma réponse et détachai mes prunelles de la fatalité de mon existence pour les reporter sur l’étudiant qui hocha la tête, le stylo avide d’espace sur sa feuille. Le cours tirait à sa fin. Il arrivait au bout de sa dixième page et c’était, en moyenne, le nombre de feuilles qu’il écrivait en deux heures lorsqu’il assistait à mes cours. Je me repérais ainsi : pas de temps, simplement des détails. Ce fut dans un mouvement las que je leur désignai la porte du fond de l’amphithéâtre pour les congédier. Je sentis une faiblesse parcourir mes muscles alors que je regagnai le sol et je dus trouver un appui au bureau, à nouveau. La salle se vidait mais je ne m’en préoccupais plus. Je me demandais simplement comment j’allais réussir à monter les marches pour sortir et tenir le reste de la journée. La réponse ne vint pas. Seulement une voix : « Monsieur … Tout va bien ? » Je tournai la tête vers la silhouette qui s’était profilée à mes côtés. Trop tard, mon bras céda et je manquai de glisser, mais elle me rattrapa à bout de bras pour que je retrouve l’équilibre. Je saisis l’une de ses épaules et mes doigts se crispèrent autour, maigres et fragiles mais toujours dotés de cette puissante poigne que j’avais hérité de mon père. J’ouvris la bouche mais aucun son ne s’échappa de mes lèvres. C’est sa force vitale que je puisais – la mienne s’était envolée par la porte du fond.

Elle m’installa sur la chaise et je laissai tomber mon livre sur le sol d’un geste maladroit. Le bruit des portes retentit dans mes oreilles mais je ne prêtai pas attention à la scène qui se déroula sous mes yeux. Je restai éteint et immobile, les yeux rivés vers le vide, oubliant la présence de la jeune femme jusqu’à ce qu’elle revienne vers moi, ramasse toutes mes affaires et m’aide à me relever. Je le fis sans broncher : ses mouvements étaient doux et protecteurs, je le percevais dans le regard qu’elle me portait. Mais mon esprit restait embrouillé et nébuleux car mon corps l’avait galvaudé. Combien d’heures as-tu dormi cette nuit, Thomas ? Cela se comptait en minutes car la morphine ne m’offrait plus le loisir de la récupération. Elle feignait le sommeil en alimentant les braises encore chaudes de mes insomnies. Je me redressai et passai mon bras autour de son épaule pour trouver appui et réussir à grimper les marches. Puis je la lâchai. Je l’avais compris, nous devions faire bonne figure pour sortir d’ici. « On va éviter que tout le monde vous voit. Et vous allez manger quelque chose, vous êtes tout pâle. » Je lui jetai un coup d’œil morose. Non, sans blague ? Cela dit, elle paraissait confiante, déterminée à me tirer d’affaire. Pour une fois que ça arrivait, je n’allais pas cracher sur sa mauvaise volonté. « Monroe, c’est ça ? » Je retenais rarement les prénoms. On avait passé ma vie à m’appeler Knick. J’avais fini traumatisé. Ou bien peut-être que je voulais simplement maintenir la distance, car la limite était bien plus fine qu’on ne le pensait entre un professeur et un étudiant, et que j’étais du genre à me laisser plonger à travers. Je n’étais pas un vieux cliché de prof débordant de charme et plaisant aux jolies étudiantes. Au contraire, j’étais l’ombre de cet homme-là, tapis dans un autre monde, où il avait raté sa vie et où il n’avait plus foi en rien. Cependant on ne pouvait réussir à m’empêcher de sonder les esprits que j’avais en face de moi. Je prenais un certain plaisir à m’emparer de leurs pensées, l’espace d’une seconde, pour les relâcher ensuite et les laisser s’envoler en compagnie de mes jugements furtifs.

Ce fut dans un pub aux alentours de l’université qu’elle me laissa m’échouer, me laissant seul à la table puis revenant avec deux tasses fumantes et deux larges parts de cheesecake qu’elle installa entre nous. « Vous n’auriez pas dû venir enseigner aujourd’hui, ça se voit à des kilomètres que vous dormez sur place. » Je haussai les épaules avec désinvolture, la toisant de haut en bas avec cette manie agaçante que j’avais : fixer pour comprendre. Je me redressai avec difficulté pour venir me pencher vers elle. « Une chance que vous soyez là pour me le rappeler, je n’avais pas remarqué. » soufflai-je sur un ton morne et ironie, trop mordant pour sa gentillesse. Il ne fallait pas que j’oublie de la remercier à la fin de notre entrevue. Vu la taille du morceau de gâteau, ça n’était pas pour tout de suite. Je baissai finalement les yeux vers celui-ci, respirant au passage l’odeur sucrée de la boisson, mais ce fut la couleur brune de celle-ci qui m’indiqua la nature du breuvage et j’eus le réflexe de froncer du nez avec malice. « Je n’en ai pas bu depuis des années. » dis-je, presque amusé, avant de désigner le gâteau : « Et j’apprécie votre geste, mais je ne pense pas que mon estomac y survivra. » Il recrachait tout, de toute façon. Il fallait y aller doucement : je saisis la cuillère et écrasai précautionneusement la pointe de la part pour la mener vers mes lèvres. Aucun goût sur mon palais. Je l’imaginai sucré, doux et onctueux mais ces notions s’effacèrent aussi brutalement que la bouchée dans ma gorge. Je sentis les parois de mon estomac se tendre, se tordre de douleur ensuite avant d’accepter la nourriture, pour de bon. « Merci. » soufflai-je enfin, de peur de l’oublier. « Mieux vaut que je vienne, vous savez. Si je m’écrase sur le carrelage de ma cuisine, ça m’embêterait que vous ne soyez pas là pour intervenir. » Mieux valait surtout laisser l’ironie prendre le pas sur les vérités pour que j’apprenne enfin à oublier la couleur du bitume, là, six étages plus bas. Elle n’avait pas besoin que je sois sérieux pour lire les maux sur mon visage. Ils exprimaient tout ce qu’il y avait à savoir. Tout ce que je n’avais plus le courage de cacher.
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() message posté Jeu 10 Mar 2016 - 12:03 par Maxime S. Monroe
Every breath you take ✻✻✻ Parfois, t'essayes. T'essayes de t'en sortir seul, de braver les difficultés et de ne jamais te retourner. Pour continuer d'avancer, pour garde la tête haute, la démarche assurée. Ta fierté. Mais parfois, t'y arrives pas. Parce que c'est trop dur, parce que ton corps a décidé de ne pas te suivre. Parce que ton corps a décidé que s'en était fini. Que tu devais abandonner. Que t'abandonnais déjà, sans t'en rendre compte. Et parfois. Parfois... Parfois t'es obligé t'abdiquer. Te baisser la tête, le regard, et d'accepter l'aide de quelqu'un. J'ai mis du temps, j'ai mis du temps avant d'accepter qu'on m'aide. J'ai mis du temps avant d'accepter les bras de Lenny autour de moi, pour calmer mon esprit bien trop tourmenté, trop troublé, par des souvenirs lointains et pourtant toujours aussi vifs. Poignants. Blessants. J'ai revécu cette nuit de Cape Town des centaines et des centaines de fois. J'ai ressenti le corps de Tancredi contre le mien, impuissant. Cette panique. Cette impuissance. Cette douleur, d'avoir été trahie, incompréhensive. Laissée pour compte. Seul mon corps avait été considéré ce soir là, ce corps qui était capable de lui provoquer ce désir tant recherché. Non. Je ne voulais pas. Pas comme ça. Pas ici. Pas après tout ça. Pas après avoir perdu ma mère, pas après avoir enchaîné une autre traînée de poudre de blanche sur la table du salon. De cette escapade, je n'en ai gardé que très peu de choses. Très peu de souvenirs. Celui là, marqué au fer rouge sur ma peau pâle, incrusté dans mon cœur avec fermeté et force. Des moments, sous le soleil, à la plage. Agressée par la lumière, alors que mes yeux encore endoloris, ne cherchaient pas à voir les choses dans toute leur lucidité. Non. Je voulais juste vivre, et ressentir quelque chose. De bon, de délicieux. Pour oublier que ma mère n'était plus là. Pour oublier que je continuais de grandir, de vieillir, et que le monde entoure de moi n'allait jamais cesser de s'effondrer. Mon père allait nous quitter. La jeunesse allait me quitter. L'innocence, l’insouciance. Et puis les gens autour de moi allaient s'écrouler. J'allais me mettre à compter les années, les mois, les semaines, les jours... J'allais m'habituer à la perte, au deuil, à la solitude. La fin de ma vie avait commencé à vingt ans. J'avais compris que l'amour était éphémère. Qu'il ne durait que le temps d'une vie. Que cet amour, même emporté dans la tombe, dans l'au delà, dans l'autre monde, n'avait plus aucune reconnaissance une fois parti. Un vague souvenir. Un mot, écrit par ci-, par là. Et puis, les mouvements de ma main allait devenir universel. On allait oublier, que je les avais écrit, ces mots. Ils allaient devenir ceux des autres. Tant répétés. Parfois oubliés. Et j'allais me perdre, m'évanouir dans l'oubli. Sans que personne n'ai eut connaissance de mon existence. On s'évanouissait tous les jours un peu plus. Le professeur Knickerbadger s'effaçait lui aussi. Physiquement, mentalement. Sa voix était faible, s'évanouissait dans l'immense espace de cet amphithéâtre. Et personne ne semblait se soucier de son état, de cette disparition progressive. Je sentais, je sentais qu'il avait besoin d'aide. Solal était là, à rire, à déconner. Encore défoncé par son traitement contre sa maladie. Solal essayait d'oublier, d'oublier qu'il n'avait connu que la maladie. Il ne voyait pas autour de lui. Il ne voyait pas que d'autres gens semblaient s'effondrer. Il se contentait de blaguer, et de rire seul à ses blagues. Pour lui, beaucoup de choses étaient futiles. Par rapport à ce qu'il avait connu. Et je comprenais sa manière de penser. Peut-être aurais-je agis de la même manière si je m'étais retrouvée dans son cas. Mais je déclinais sa proposition de le rejoindre dehors. Tu n'as pas besoin de moi, actuellement. Professeur Snickers, oui. Alors je m'approche de lui, tente d'attirer son attention. Mais il est trop faible. Il a déjà trop disparut. Je détourne l'attention des quelques élèves qui entrent. Ma notoriété termine toujours pas me rattraper. Parfois elle me dessert, cette fois, elle le sauve. Ce professeur en voie de disparition. Et je le porte, je l'aide à sortir de l’amphithéâtre, je l'aide à regagner l'extérieur. Il parle, prononce mon nom et je souris en tournant la tête vers lui. « C'est ça, Shiraz Monroe. » Il semble se rendre compte de ce qui se passe. Remettre les choses en place, au bon endroit. Il le faut.
On atteignit finalement un pub, et je le laissais assis autour d'une table. J'allais commander deux cheescake et deux chocolats. Il avait besoin de forces. Et moi, comme d'habitude, j'étais toujours prête à engloutir ce genre de douceurs. Il se rend compte, et j'attire enfin un regard plus ou moins éveillé. Il sourit à ma remarque, ironiquement et je roulais des yeux. Ce prof s'était toujours montré incroyable désagréable tout en étant profondément touchant. « J'ai des doutes quant à votre clairvoyance. C'est du suicide de venir dans une université dans cet état là: les étudiants sont des animaux que rien n'arrête vous savez. ». Je croisais les bras et le regardais. Il était professeur, et les gens se poussaient sur son passage. Mais dans cet état là, personne n'aurait remarqué son allure frêle et presque spectrale. On l'aurait poussé, ignoré. Comme tous étaient capables de le faire, trop plongés dans leur téléphone, ou dans leurs bouquins. Il n'y avait pas de place pour la galanterie en ces lieux. C'était chacun pour soit. Et j'en étais consciente. Les jours où j'étais habillée simplement, où je passais inaperçue, je n'étais plus rien, plus personne. Je n'étais plus la jeune actrice weird et cool. Non. J'étais une étudiante comme une autre. Qu'on avait le droit de bousculer sans lui accorder un regard en s'excusant. J'étais comme tout le monde, banale. Et pourtant, je l'étais au jour le jour. On tentait tout simplement de se convaincre de l'inverse, pour se donner un idéal, pour laisser entendre que certains d'entre nous étaient capables de représenter un idéal, une singularité. Je tournais la tête et regardais par la fenêtre. Je le laissais reprendre ses forces. Déguster ce ce que je lui avais offert. Mais je me rendis compte bien assez vite qu'il n'était pas prêt à manger. Pas encore. Je souriais lorsqu'il m'annonça ne pas en avoir mangé de plus longtemps. Mais je fronçais les sourcils à la suite de ses mots. « Essayez... Ou au moins, buvez le chocolat. Vous êtes trop pâle, et je ne veux pas avoir votre cadavre sur les bras. » Je souriais, tristement. Il semblait si minable, si seul, si sombre. Il ne m'avait jamais inspiré le bonheur, ni même la sympathie. Seulement la solitude, et des soirées dans le noir, illuminé par la seule lumière d'une loupiote au dessus d'un bureau en bois, le nez plongé dans un roman français, une tasse de café encore fumante posée non loin de là, et une cigarette se consumant doucement. Il me remercia néanmoins, et je souriais. Il justifia alors sa présence à l'université. Et je fronçais les sourcils. Non. Cet homme n'était pas seul. Il avait Elsa. Ma petite Elsa. Je m'étais rendue compte, peu de temps auparavant, qu'ils se connaissaient. Peut-être devrais-je l'appeler. Peut-être était-elle capable de l'aider ? Non, j'attendrai. J'attendrai qu'il reparte et qu'il se gère par lui-même. Et j'en toucherai deux mots à la petite blonde hystérique et précieuse. « Vous en avez parlé à Elsa ? Oui pardon... Je ne suis pas une psychopathe, ou quoique ce soit. Mais elle m'a parlé de vous il y a peu de temps, et j'ai fais le rapprochement... » Le monde est petit. Londres est petit. Je baisse la tête, et je soupire. Tout le monde semble se connaître, être conscient de l'existence des autres. Et pourtant, nous restons à jamais seule. Car la douleur est individuelle. Elle se comprend. Mais elle ne se partage pas. Et se divise encore moins.
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() message posté Sam 19 Mar 2016 - 16:09 par Invité
« C’est ça, Shiraz Monroe. » Mais déjà mon esprit était ailleurs, trébuchant sur les épines que la maladie avait plantées dans mon crâne. Je cherchai désespérément à me rappeler la dernière fois que j’avais avalé quelque chose d’autre qu’un café ou qu’un morceau de pain. Un repas consistant. Un repas que mangeaient ceux qui n’avaient pas perdu le goût des choses. Et, à chaque fois, je ne parvenais pas à m’en souvenir, alors je me raccrochai à la silhouette d’un docteur dont le nom m’échappait aujourd’hui qui s’était tenu devant mon corps maigre, semblable à un organisme grêlé, pour lui annoncer la nouvelle : vous souffrez d’anorexie. J’avais senti la fatalité dans sa voix même s’il avait voulu que celle-ci reste neutre et professionnelle. Mais il ne me connaissait pas. Il ne savait pas que j’avais développé un véritable don pour observer les autres et anticiper leurs moindres faits et gestes. Je souffrais d’anorexie. Je n’avais qu’à cocher les cases une à une, accumulant les symptômes qui me menaient au cancer, et pourtant mon médecin ne m’avait toujours rien dit. Peut-être que je n’avais encore rien. Peut-être qu’il ne voulait simplement pas me prévenir car il redoutait déjà de me voir débarquer toutes les semaines pour devoir me dire que mon mode de vie n’était pas sain. Le corps médical n’avait plus la notion de l’espoir. Le sol de l’hôpital serait baigné de larmes si cela avait été le cas. Vous souffrez d’anorexie, oui, et d’insomnies, et de dépression chronique, et de nausées fréquentes alors que je n’avais rien dans mon estomac. Mes organes étaient sûrement de sacrés cyniques, eux aussi. J’avais souri froidement puis hoché la tête avant de tourner lentement la tête vers le mur alors qu’il m’énonçait un à un les médicaments que j’allais devoir prendre, en plus de tous les autres. Des repas aseptisés au goût d’antidépresseurs et de morphine médicale. Mes papilles gustatives n’en pâtiraient pas. Je ne sentais même plus la saveur âpre des antibiotiques. La poudre blanche se diluait dans l’eau et j’avais tout. Du suicide lent. Du suicide, comme on en avait jamais vu auparavant, puisque j’étais incapable de me jeter du toit d’un immeuble en dernier rescapé d’une vie passée à supporter la déception. Du suicide que l’on voyait mais que l’on ne pouvait pas nommer ainsi, car les maladies étaient des marches d’escalier qui me tiraient vers le grand saut final, sauf que j’allais mourir sur le carrelage de ma salle de bain sans que l’on ne fasse la différence entre le corps que Shiraz traînait à travers le couloir et celui de feu Thomas, feu l’insurgé désabusé, feu celui qui était mort en s’étouffant ironiquement avec la cendre de ses propres idéaux.

« J’ai des doutes quant à votre clairvoyance. C’est du suicide de venir dans une université dans cet état-là : les étudiants sont des animaux que rien n’arrête vous savez. » Sa voix était douce, porteuse de conseil et de bon sens, mais ce fut le mot suicide qui me fit sourire, non pas avec bienveillance mais avec cette ironie qui ne me quittait jamais, car elle visait juste sans le savoir. Je m’écroulai lentement contre le dossier de la chaise. L’allure n’avait plus lieu d’être mais je mis ça sur le compte de la désinvolture. Elle restait polie et conciliante, gardant ce détachement que les élèves avaient avec leur professeur alors qu’elle n’avait pas devant elle la silhouette d’un enseignant, mais bien celle d’un spectre. Mes doigts glissèrent sur mon ventre creux avant de rencontrer le relief escarpé de ma crête iliaque et je soupirai en les laissant retomber le long de mon corps. « J’ai connu pire. » déclarai-je avec résignation. Je perdais en agilité chaque jour mais le dynamisme de l’université me convenait. J’avais au moins l’impression de survivre, comme si l’agitation me tenait debout. Il s’agissait là du dernier rempart et on venait d’y jeter la première pierre. Shiraz en avait été témoin. Et j’avais connu pire. Je m’étais connu moi-même après tout, c’était assez pour surmonter l’arrogance et le dédain de chacun des étudiants. Ça n’existait plus, la jeunesse telle que je l’avais vécue. Celle-ci connaissait les entraves de sa génération et non de la mienne. Elle parlait d’animaux mais elle avait le mâle alpha devant les yeux. Il était simplement vieux, sans personne pour prendre sa relève. « Essayez … Ou au moins, buvez le chocolat. Vous êtes trop pâle, et je ne veux pas avoir votre cadavre sur les bras. » Je levai instinctivement les yeux au ciel, amusé. Je n’avais jamais aimé que l’on me dise quoi faire. Je rejetais l’autorité et elle s’accrochait à ma peau blanchâtre comme l’encre sur le papier soigné d’une ordonnance. Mes yeux se baissèrent vers la tasse : le chocolat fumait toujours, sa consistance épaisse et onctueuse ayant pu faire saliver n’importe qui, et pourtant elle me laissait de marbre, chétif et impuissant. Mais Shiraz me plaçait devant le fait accompli. Je n’avais jamais refusé de manger. C’était mon corps qui ne le supportait plus. J’avais mis ça sur le compte de l’oubli chronique qui rythmait ma vie. Je me retrouvais dans une impasse lorsqu’on m’apportait la nourriture et que l’on me disait de la manger. Mes doigts se contractèrent et je tendis le bras pour venir saisir l’anse de la tasse et la porter lentement à mes lèvres. La boisson était encore brûlante mais j’avais terriblement froid. Je fermai les yeux, cherchant à me vider l’esprit pour me concentrer sur cette tâche qui paraissait si simple en apparence. Je me voyais déjà rendre de tout en feulant sur le sol de ma salle de bain le soir-même, m’abstenant de pleurer de douleur parce que ça ne servait à rien non plus. Je pouvais bien faire cet effort. Il le fallait, si je voulais avoir une chance de me lever et finir la journée sans m’écraser sur le trottoir. Mon palais s’imbiba de chocolat et je cherchai ainsi à imaginer l’infini soulagement, comme l’odeur et la saveur d’un foyer festif et réconfortant, quelque chose de bien trop niais, bien trop lisse pour que j’y trouve ma place, mais qui paraissait pourtant si réel lorsqu’on le voyait dans les publicités à la télévision. Je déglutis avec difficulté, forcé de reposer la tasse car mes mains tremblaient de plus en plus. Mes yeux fatigués se relevèrent vers Shiraz. « Il ne fallait pas vous soucier de moi en premier lieu alors. » soufflai-je avec désinvolture. « Vous êtes la preuve vivante que tous les étudiants ne sont pas des animaux. » Non, elle était humaine. Fatalement humaine. Comme nous tous. Comme moi, tout particulièrement. Peut-être était-ce là le destin que je redoutais tant. Le fait d’être simplement humain et de ne jamais mourir en aigle. Le fait de pouvoir sauter dans le vide sans savoir voler ni m’écraser en bas.

« Vous en avez parlé à Elsa ? Oui pardon … Je ne suis pas une psychopathe, ou quoique ce soit. Mais elle m’a parlé de vous il y a peu de temps, et j’ai fait le rapprochement … » Je fronçai les sourcils, sceptique. La simple mention de ce nom suffisait à provoquer en moi cette étrange réaction de repli, même si Elsa restait l’une des seules raisons pour lesquelles je pouvais me tenir devant elle aujourd’hui et lui parler. Car malgré tout, Elsa restait. Malgré la drogue, malgré le mépris, malgré l’indifférence et malgré l’odeur du tabac froid qui empiétait sur son parfum féminin et délicat. Je cillai, jouant un instant avec la cuillère sur la table, avant de hausser les épaules. « Elle est au courant, ne vous en faites pas. » C’était dit avec tout le cynisme du monde. Elsa se battait contre des démons qui n’étaient pas les siens, en effleurant à peine leur carapace noire. Elle me l’avait dit : si je mourrais, elle me détesterait. Mes prunelles s’égarèrent un instant sur le glaçage luisant du cheesecake et un nouveau soupir m’échappa : elle était même bien trop au courant. Bien plus que ce que Shiraz pouvait s’imaginer. « Elle vous a dit que j’étais méchant et malpoli ? » ajoutai-je finalement en retrouvant un semblant de sourire malicieux. « C’est soit ça, soit je suis génial. Il n’y a pas de juste milieu avec elle. » Il n’y en avait jamais eu et il n’y en aurait jamais, car sa personnalité extrême nécessitait des opinions tranchées. « Et en ce moment, je comprendrais qu’elle se plaigne plutôt que le contraire. » J’étais silencieux depuis notre retour de Glastonbury. Me ressourcer au sanctuaire originel n’avait jamais été dans mes habitudes mais je faisais l’effort pour elle. Même si cela signifiait des mois de mutisme, de palabres évasifs et d’insomnies auxquelles je ne voulais pas qu’elle assiste. Tout cela valait bien les quelques jours où je lui permettais d’être heureuse, apparemment.
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Maxime S. Monroe
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J'aurai tout fait jusqu'à m'en étouffer.
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() message posté Jeu 28 Avr 2016 - 23:28 par Maxime S. Monroe
Every breath you take ✻✻✻ J'aurai pu craquer. J'aurai pu abandonner. Continuer ce parcours dangereux dans les tréfonds de la drogue. J'aurai pu baisser les bras, laisser mes démons me dominer. J'aurai pu me perdre dans mes souvenirs, dans ma colère, dans ma tristesse. Dans tout ce que Tancredi m'avait prit, ce soir là. A Cape Town. J'aurai pu me laisser mourir, et ne jamais chercher à retrouver un équilibre. Mais je ne l'ai pas fait. Car l'envie de vivre était plus forte que tout. Plus forte que n'importe quel douleur. J'ai toujours eut cette peur angoissante de vieillir, de ne jamais avoir le temps de faire tout ce que j'avais envie de faire. Si j'avais abandonné, j'aurai manqué tant de choses. J'y ai pensé, une fois. Seule, dans le noir, dans ce grand appartement de Soho. Mes démons se sont emparés de moi, m'ont emprisonnés sous mes draps. Je me suis levée, j'ai observée, du haut de mon balcon, les passants. J'ai imaginé mon corps, écrasé sur le bitume. La douleur, envolée. La souffrance, inexistante. Mais j'ai eut peur. La panique s'est emparée de moi. J'avais beau ne pas supporter ces sentiments, je voulais les ressentir, encore et toujours. Pour continuer de me sentir vivante. Je voulais oublier, continuer d'être moi, tout en prétendant être une autre. J'ai voulu être forte. J'ai surmonté mes angoisses, mes peurs. Mes souvenirs. Mais ce rapport à la mort, je ne l'ai ressenti qu'une seule fois. Je l'ai fuit. Je ne voulais pas de ça. Je ne voulais pas qu'on voit en moi un corps à peine vivant. Et aujourd'hui, mes yeux se sont posés sur ce corps à peine humain. A peine existant. Je n'étais pas capable de faire en sorte que le professeur Knickerbadger aille mieux, mais je pouvais lui montrer. Je pouvais lui montrer qu'il y avait, malgré tout, encore des choses à découvrir. Des rencontres à faire. Je pouvais l'aider, aujourd'hui, à ne pas s'échouer lamentablement sur le sol froid de l'université. Il médita quelques instants sur mon nom. Je ne lui avais jamais véritablement adressé la parole auparavant. Il était le genre de personnes qu'on observait de loin, mais qu'on apporchait jamais véritablement, par peur de souffrir de son jugement tranchant et de ses mots soigneusement choisis. Mais je m'en foutais qu'il se donne cet air d'enfoiré de première. Il était humain, et il avait le droit qu'on l'aide. Je l'emmenais donc dans un bar, non loin de l'université, et commendais à manger. Il était si pâle. Il semblait prendre la chose avec tant de détachement. J'ai connu pire. Je baissais les yeux vers la table. Moi aussi vous savez, ce n'est pas une raison d'abandonner. Je relevais les yeux vers lui et soupirais, lèvres pincées. Je ne comptais pas partir tant qu'il n'aurait pas essayé de manger. Je l'écoutais parler. J'étais humaine. Oui. Peut-être un peu trop. Je ressentais trop les émotions des autres, mais j'étais incapable d'exprimer les miennes. J'étais incapable de me dévoiler complètement car j'avais trop peur des répercusions. J'avais trop peur qu'on me brise, comme Tancredi l'avait fait. J'avais trop peur de ne jamais trouver la force de me relever. J'avais trop peur. Tout simplement. Je posais les mains sur ma tasse de chocolat chaud et fis la moue en relevant les yeux vers lui. « Il faut l'être de temps en temps. Pour garder un peu d'espoir. » Je lui souriais, timidement. Je ne supportais pas de voir l'égoïsme. Je ne supportais pas de voir des gens détourner le regard face à quelqu'un dans le besoin. Je ne supportais pas cet air de dégoût sur les visages face à un sans abri. Je ne supportai pas tout ce mépris. Je regardais autour de nous. Les gens n'accordaient aucune attention à Thomas. Pourtant, son air maladif se voyait à des kilomètres. Je soupirais et me mordillais la lèvre, puis j'apportais ma tasse à mes lèvres, lentement. Il y avait bien des gens. Il existait bien des gens qui l'aimaient assez pour l'aider, chaque jour qui passe. Je pensais à Elsa, à ce farfadet aux allures de Lady Diana qui cachait au fond de son coeur bien des secrets, bien des douleurs. Elle m'avait tant parlé de Thomas, de ce modèle, de cet homme qu'elle avait toujours adoré. C'était lui. Ce spectre, devant moi. C'était lui. Et je ne pouvais croire qu'il s'agissait du même homme. Il m'assura qu'Elsa savait. Mais je fronçais les sourcils. Je n'étais pas convaincue qu'elle sache dans quel état il se trouvait aujourd'hui. Elle ne l'aurait jamais laissé partir travailler. Elle l'aurait attaché au lit si besoin est. Mais Thomas ne semblait pas réaliser. Il ne semblait pas réaliser qu'il était sur le point de faillir. Ou il s'en foutait. Il préférait mettre en avant son caractère antipathique plutôt que de s'occuper de ce qui importait vraiment. « IPeut-être bien, mais je m'en fous. Ce que je sais, c'est que vous êtes un excellent professeur, et je ne veux pas vous voir crever. » Je désigne alors le cheesecake, l'encourageant à manger. Il avait raison, Elsa était un personnage haut en couleur, toujours dans l'extrême. Mais c'était compréhensible, elle n'avait pas la vie facile, et vivre avec lui ne devait en rien arranger les choses. Je tournais la tête vers la fenêtre et observais les passants silencieusement. Je ne comprenais pas, je ne comprenais pas qu'un homme si intelligent laisse la vie le détruire. Son corps mourir. Je plongeais à nouveau mon regard dans ses yeux et demandais d'une voix douce : « Pourquoi vous laissez-vous mourir?» Je fronçais les sourcils. Je pouvais comprendre certaines choses. Mais pas ça. Nous n'avions qu'une vie, il fallait en profiter, la mériter. Faire en sorte d'en être digne. Et je ne voulais pas croire qu'un homme, aussi malheureux soit-il, n'ai plus aucun espoir en la vie, et en lui-même.
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() message posté Dim 7 Aoû 2016 - 14:46 par Invité
Quelques secondes passèrent durant lesquelles mon regard fut livide, méprisant le moindre éclat de vie qui restait dans mes veines car ils me maintenaient debout, alerte, capable de ressentir la douleur cinglante que je m’infligeais. Je le savais déjà : je ne voulais pas mourir. Le monde gardait en son sein une beauté inégalable et j’étais apte à l’observer avec attention – voilà un don qui n’était pas offert à tous. Mes yeux s’attardèrent sur la part de gâteau puis s’égarèrent sur le visage de mon élève, souriant et moralisateur. On aurait dit une psy, conciliante malgré elle, jolie malgré elle, intelligente malgré elle. Elle ne le faisait pas exprès. C’était simplement naturel de s’avancer vers celui qui avait besoin d’aide lorsque le troupeau courait à contresens sans y prendre garde. L’espoir brillait dans ses prunelles aux reflets d’or, et je la fixai un instant, devinant ses mots avant qu’elle ne les prononce : ils étaient évidents donc sans goût, mais elle était jeune et je décidai d’être indulgent. « Il saut l’être de temps en temps. Pour garder un peu d’espoir. » Je ne cillai pas, laissant l’un de mes sourires froids et imperceptibles s’éveiller sur mon visage. L’espoir. L’espoir. Je ne voulais pas répondre autre chose que si tu le vois, dis-lui que je l’emmerde. J’en parlais avec violence car il était celui qui m’avait planté un couteau dans le cœur. La querelle avait une origine : cet espoir mesquin qui enduisait le décor comme une résine amère et collante dans laquelle on taillait les reflets de nos rêves inachevés.

« Peut-être bien, mais je m’en fous. Ce que je sais, c’est que vous êtes un excellent professeur, et je ne veux pas vous voir crever. » Je haussai les sourcils, amusé par sa répartie. Elle ne semblait pas se rendre compte qu’elle parlait justement à un professeur. Je ne lui en tins pas rigueur car moi-même je l’oubliais parfois. Je soupirai, mes pensées s’envolant vers Elsa, redessinant son visage candide dans mon esprit et les expressions qui le traversaient lorsqu’elle ne savait plus si elle devait m’aimer ou me détester, sans se rendre compte que ce n’était pas une histoire de devoir. Etait-ce alors un devoir que de sauver l’âme en peine que j’étais alors que je refusais catégoriquement toute aide ? Shiraz ne me connaissait pas : elle ne voyait que le verni écaillé que constituait mon costume noir de jais, celui que je portais systématiquement chaque jour, celui qui s’accordait si bien avec mes yeux sombres et dont elle pouvait observer les teintes ternes aujourd’hui car il était finalement à mon image : poussiéreux et négligé. Que ressentait-elle alors qu’elle pouvait enfin voir mon visage de plus près ? En comptait-elle les rides comme autant de failles mystiques dans lesquelles se cachaient des rivières de secrets ? Remarquait-elle à quel point ma barbe chaotique poussait au fil des longues journées brodées d’un ennui parfois brisé par le simple fait de frôler l’extinction, comme il m’était arrivé quelques minutes plus tôt dans l’amphithéâtre ? Ne comprenait-elle pas que c’était ce que je recherchais, ce que je surpassais ? Non. J’étais de ces créatures que l’on ne pouvait cerner simplement en s’approchant, car elles ne se laissaient pas leurrer : elles leurraient elles-mêmes, véritables prédatrices, patientes et entraînées. « C’est presque flatteur. » répondis-je avec ironie, baissant le regard et souriant d’un air narquois. Elle aurait pu se passer des compliments et me dire que j’étais simplement humain, car on remplaçait les excellents professeurs par d’autres, mais que les individus étaient uniques et précieux, d’où leur nom. Mais elle faisait passer l’admiration avant la logique, et j’appréciai sa consternation avec toute la gentillesse que j’étais capable de fournir, tout en sachant qu’elle ne pouvait égaler la sienne.

« Pourquoi vous laissez-vous mourir ? » Sa voix calme me fit de nouveau lever les yeux vers elle et je cillai cette fois, étonné qu’elle me pose une telle question avec tant de facilité. Elle devait l’avoir puisée dans le courage infini qu’elle possédait au fond d’elle. Je voyais la jeunesse dans ses yeux, mais également la mélancolie d’un naufrage, reflet des âmes qui avaient trop vécu. N’étais-je pas de ceux-là moi aussi ? L’analogie me fit sourire et je haussai les épaules, portant à mes lèvres un peu du gâteau qu’elle m’avait offert, n’en décelant fatalement pas le goût crémeux désiré, simplement le sucre étouffant qui s’écrasa sur mon palais. Je faisais l’effort, au moins, dirait-on. Déglutir me fit mal et je craignais de faire bonne figure à présent pour aller rendre le tout à l’heure suivante, perdant à la fois l’appétit et la dignité. Mais je voulais lui faire plaisir car je notai la force qu’elle mettait dans ses mots et ses gestes, une force que je ne possédais plus depuis longtemps et que je prenais plaisir à retrouver parfois chez les autres. Je reposai la cuillère sur la table et croisai lentement les doigts pour adopter une attitude réflexive. « Pourquoi vous me posez cette question alors que vous savez pertinemment qu’aucune de mes réponses ne vous conviendra ? » La question ne se posait même plus, en vérité. J’avais échoué à mettre fin à mes jours et ceux-ci se vengeaient en s’allongeant de plus bel et en rendant mes nuits interminables. « Ne séchez pas les cours pour ça, ça n’en vaut pas la peine. » Je n’en valais pas la peine car ses efforts étaient vains à l’avance. Elsa l’avait enfin compris, je la voyais inspecter des appartements au cœur de Londres où elle pourrait s’épanouir sans moi, car c’était la seule façon pour elle de le faire. Shiraz pouvait me laisser là. Je connaissais le chemin qui menait à l’université ou bien, dans le pire des cas, celui qui me ramènerait chez moi. Je ne lui avais pas menti : j’avais connu pire à des instants où personne n’avait affronté le fleuve à contre-courant pour venir me sauver de la noyade.
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() message posté Jeu 25 Aoû 2016 - 0:27 par Maxime S. Monroe
Every breath you take ✻✻✻ On se trompait sur mon compte. Je n'étais pas seulement une jeune femme dont la vie s'était résumée à l'admiration, à la réussite. Je n'avais pas toujours été heureuse, je n'avais pas toujours eut en claquant des doigts. J'avais bossé pour devenir Shiraz Monroe, je m'étais battue pour entrer à Oxford. J'avais fait le choix d'abandonner au bout de quelques mois, et m'étais débrouillée pour entrer au Bloomsbury college. J'avais mérité ce que j'avais eut, et comme tout le monde, j'avais eut mes soucis. J'avais perdu ma mère, j'étais tombée dans la drogue, m'étais fait violée par mon petit ami. J'avais souffert moi aussi. Mais je m'étais protégée des médias, j'avais protégé mon coeur de la célébrité, de la diffamation. Ainsi, j'apparassais toujours pour la jeune femme naïve et idéaliste. Celle pour qui la vie lui avait toujours sourit. Et je voyais dans le regard de Thomas qu'il n'en pensait pas moins. Mais je ne lui en voulais pas, c'était naturel de penser ainsi. Je ne cessais jamais de sourire, je gardais toujours cette bonne humeur, cette joie de vivre qui réchauffait le coeur de ceux qui me fréquentait. J'étais ainsi, et heureuse d'apporter des ondes positives à mon entourage. C'était facile de parler d'espoir, mais plus compliqué d'y croire. Moi-même, pendant deux ans j'avais refusé d'y croire. Je m'étais enfermée dans mes peurs, terrifiée à l'idée de relever la tête de souffrir un peu plus. Je n'insistai donc pas, laissais mon professeur méditer mes paroles et apportais ma tasse à mes lèvres. Je ne devais pas être la seule à lui avoir parlé d'espoir. Elsa devait faire partie de ces personnes là. Je le vis sourire légèrement à mes mots. Mon vocabulaire n'était en effet pas réellement adapté. Il était un professeur, mais seulement quelques années nous séparaient. Je me foutais des règles, du comportement à avoir avec certaines personnes. Nous étions tous égaux après tout. Il se sentait flatté. Ce n'était pas le but, mais j'étais satisfaite du pouvoir de mes mots. Un sourire, certes narquois, mais un sourire s'était étiré en un étrange rictus au coin de ses lèvres. Monsieur Knickerbadger n'était pas du genre à exprimer ses sentiments, ses joies, ses peines. Il laissait les choses arriver, se montrer. Tout comme moi, même si mon talent de comédienne me permettait de garder secret ce qui cherchait à se rendre évident. Il faisait pitié à voir, et ses mots ironiques ne détournaient pas mon attention. Il ne pouvait se cacher. Il était possible de lire en lui, de percevoir son mal être, son état critique. Mais pourtant, je ne parvenais pas à comprendre, à le comprendre. Il était un mystère, et le resterait.
Pourtant, il fit une chose à laquelle je ne m'attendait plus. Il se mit à manger, et je le regardais faire, surprise. Il semblait si déterminé à n'écouter personne d'autre que lui, à laisser la vie le prendre sans même se débattre. Il semblait prêt à mourir, et pourtant il se forçait à manger. Peut-être essayait-il, au fond, de me satisfaire pour que je retourne à mes occupations. Mais il devait savoir que les gens comme moi n'abandonnaient jamais. Il avait raison. Aucune de ses réponses n'était en mesure de me satisfaire, mais je voulais tout de même savoir. On avait toujours une raison pour se laisser mourir, et je croyais fermement que chacune avait sa solution. Rien n'était jamais perdu comme rien n'était jamais acquis. « Monsieur, sachez que je ne fais rien à contre coeur. » Je préférais être ici plutôt que d'être en cours. Il était mon professeur préféré, celui qui parvenait à me passionner et je n'avais aucune envie de laisser cet homme se perdre seul. J'étais prête à rester des heures, assise dans ce bar. Mais mon téléphone vibra. Je l'attrapais et consultais mes messages. C'était le boulot. Le réalisateur de la troisième saison de Believe me demandait de me rejoindre de suite à la City pour parler de l'avenir de la série, et donc de nos personnages. Je relevais les yeux vers le professeur et profondémment désolée, j'annonçais : « J'aurai aimé rester plus longtemps, mais je dois y aller. C'est le boulot. » Je ramassais précipitemment mes affaires et attachais mes cheveux dans la foulée. Puis, je lui adressais un dernier sourire et lançais : « C'était un plaisir de parler avec vous. Je serai là à votre prochain cours. J'espère vous y trouver, en meilleur état. » Je quittais donc le café, en jetant régulièrement des regards à mon professeur afin de vérifier qu'il ne s'effondrait pas. Je ne voulais pas partir et le laisser seule. Mais j'y étais forcée. Je pris donc un taxi, et rejoignais les studios de tournage, le coeur et l'esprit plein d'inquiétudes.

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