Adrian ▲ Je fais partie de ces types qui sont plus fidèles aux souvenirs qu’à la personne.

Le réveil compliqué. Adrian dans les vapes ne saurait dire où il est vraiment. Quelques nanas sont étalées ici et les autres types encore profondément installés dans un coma violent. Le mal de crâne pourrait avoir sa peau et les paupières ont de la difficulté à s'ouvrir, mais pourtant il se réveille, repoussant la brune dormant contre lui comme si elle n'était rien de plus que le cadavre de bouteille qu'il tenait toujours dans sa main. Les souvenirs de la soirée ne revenaient pas et le jeune homme comprenait aussitôt qu'il avait un peu trop tiré sur la corde. Comme toujours, jeune et con, sans but défini, il n'avait pas les fréquentations les plus populaires de Londres, mais peu importait en définitive, car depuis la mort de sa mère, il s'autorisait cette spirale d'auto destruction. Période de rébellion propre à sa génération. Encore jeune, ce n'était pas comme-ci il avait des obligations le lendemain. Adrian ne suivait plus vraiment les cours, mais davantage l'évolution du milieu underground de sa ville, c'était là qu'il se sentait chez lui, c'était là qu'il oubliait toutes les merdes qu'il se tapait dans une réalité alternative. Vivre ainsi pour lui c'était se rapprocher un peu plus de sa liberté, ne rien devoir à personne et ne rien demander au monde. Seulement les mois passaient et défilaient. Il ne semblait plus sortir de ce cercle infernal, prise de conscience soudaine, il fallait se ressaisir, se bouger et sortir de cette merde dans laquelle ce pauvre type s'enfermait. La gonzesse à nouveau contre lui fut repoussée encore une fois « Bordel va cuver ailleurs. » Soupirant, se lever relevait de l'exploit et pourtant il se forçait, endurant les noeuds musculaires parcourant son corps. Ses jambes trouvèrent la sortie d'elles-mêmes, butant contre quelques personnes par moment qui ne se manifestaient que dans un grognement sonore, il s'extirpait finalement du lieu, soudainement ébloui par un soleil au zénith. Le compte des jours ne se faisait plus depuis bien longtemps, l'heure lui était constamment inconnue. Adrian réalisait qu'il s'était échoué dans un abysse plus profond qu'il n'aurait jamais pu l'imaginer. Cigarette entre les lèvres, s'accordant une dose de nicotine pour aider au réveil. Il se devait de regagner sa piaule ou plutôt son squatte, trainant longuement dans les rues, jusqu'à finalement y arriver. La gueule de bois était violente, la nausée et la migraine aussi. Les relents d'alcool auraient raison de lui et rien ne semblait pouvoir faire passer cela, alors il prenait le temps de s'asseoir dans un vieux fauteuil, observant une boite posée à côté, la seule chose en bon état, signe d'un grand soin apporté. La prenant sur lui et l'ouvrant pour en observer le contenu. L'appareil de sa mère précieusement gardé. Il était temps de changer quelques détails, sans pour autant se renier. Il était temps de se ressaisir et de s'évader autrement.


« T'as jamais pensé à te reconvertir ? » Elle le regarde, de son visage faussement innocent, interrogative face à sa remarque et lui, bâtard dans l'âme, sourit simplement, tirant sur sa clope un peu plus. « T'es plus efficace dans un lit que face à l'objectif. Je dis ça, je dis rien. » Et il se marre simplement alors qu'elle lui donne un coup, l'insultant dans une langue qu'il ne comprend pas, qu'il ne veut pas comprendre, car là est tout le charme de cette brune. Il lui offre un clin d'oeil, car il sait qu'elle est douée et que putain il se sent bien avec elle, ouais il se sent vraiment bien avec elle. L'amour c'est surfait, c'est une connerie futile qui blesse et arrache tes tripes et Adrian le sait ça, il ne fera plus cette erreur, il ne s'attachera plus jamais, c'est dit, il s'y tient, mais bordel ce que cette gonzesse pouvait lui plaire. Elle était à la fois unique et pourtant tellement générique, il ne savait rien d'elle ou si peu, il ne voulait pas en savoir davantage, mais elle était le complément parfait à son art, ne se lassant jamais d'avoir l'information qu'elle était le modèle à photographier. Avec elle, il se sentait plus libre que jamais. Ô douce liberté, amante de l'anglais, qui ne souhaitant pas se retrouver en cage, ne souhaitant pas s'enfermer dans un moule n'en fait qu'à sa tête pour toujours avoir cette impression de ne rien devoir à personne. Elle était belle, terriblement belle, pas plus qu'une autre, peut-être pas, mais à ses yeux elle sortait du lot, lui offrant multiples inspirations, multiples envies, des plus avouables aux plus tabous. Il voulait la détruire, ne pas l'épargner, lui faire mal à en crever, la tuer autant qu'elle le tue lorsqu'elle part à l'autre bout du monde. Elle, elle représentait finalement la source que tout artiste recherche. Il ne croyait pourtant pas au karma, encore moins au destin, les choses arrivaient pour une raison certes, mais il reste une énigme dans tout ça, pourquoi elle, pourquoi pas une artiste, une nana lambda se tuant dans la finance ou il ne sait où. Non par-dessus tout c'était avec elle qu'il pouvait parfois se laisser aller, sans jamais se confier, sans pour autant lui expliquer pourquoi il est ainsi, pourquoi il n'est qu'un connard vaniteux semblant se foutre du monde. Dédaignant volontairement la mode alors que la mode il la forge de ses clichés et autres vidéos. Adrian c'est l'histoire d'un type étrange, unique en son genre échappant à toutes règles. Quelque chose a dû merder dans sa conception, le mélange des sangs, peut-être celui des cultures. Celui d'une mère douce et aimante face à un putain de raté amère servant de géniteur. Il n'en savait rien, ne voulait rien savoir, car là, étrangement, il était paisible, il se sentait bien, planant si haut qu'il n'avait pas hâte de devoir atterrir. C'était étrange, c'était comme une drogue dans le fond, c'était affreusement effrayant et il devait se protéger ou inverser la tendance, mais c'était plus fort que lui, comme un aimant il était irrémédiablement attiré par elle, impatient de la faire passer sous son objectif, de l'immortaliser encore et encore, de faire d'elle en partie ce qu'elle était aujourd'hui. L'embarquer dans mille et un projets dont il était le seul à avoir le secret. Ensemble, dans une heure ou deux, ils iraient voir la collection à photographier et pendant qu'elle s'habillera, lui, arrangera la lumière à sa guise, s'occupera de ses appareils, avant de surement lui intimer des ordres étranges, lui dire de faire des trucs sans sens, de la pousser dans ses retranchements pour qu'elle lui offre ce qu'il souhaite, car ouais il est comme ça Adrian, il obtiendra satisfaction, il la ramènera dans son appart après ça, après un détour chez un chinois du coin et encore une fois il la couchera sur les draps déjà souillés d'un acte passé pour en écrire un nouveau.