«Love, I have wounds only you can mend » J’avais envie de la voire, de la toucher et de lui dire toutes ces choses bizarres qui me trottaient dans la tête depuis toujours. Je voulais la prendre dans mes bras et la serrer si fort, qu’elle se serait mise à gigoter dans tous les sens, me sommant de la laisser respirer.
Ma peau craquait au contact du vent froid, tandis que je m’avançais vers elle tel un automate, mes mots suspendus à mes lèvres. Je ne pouvais plus prétendre être un simple ami.
Mon cœur tétanisé par la peur, n’envoyait plus assez de flux dans mon cerveau. Je n’arrivais plus à réfléchir. Mon esprit était prisonnier de mon corps et pour la première fois, depuis notre rencontre, je me retrouvais seul, bouche-bé, et complètement désemparé.
Eugenia était mon refuge, l’endroit secret où toutes mes pensées se perdaient, et voilà que je risquais de tout perdre. Je retins mon souffle ; essayant de lutter contre mes sentiments mais je ne faisais pas le poids.
Nos corps évoluaient, nos vies prenaient deux chemins différents, mais mon cœur était trop dépendant. Je déambulais dans les rues pavées de mélancolie, je voyais son sourire gravé sur le visage d’autres femmes que je ne connaissais pas. Son corps prenait la forme d’autres personnes, me narguant, me toisant du regard.
Loin des yeux, loin du cœur … mon c** !
Je suppose que c’est à ça que ressemblait l’amour : une obsession continuelle qui lentement vous plongeait dans la folie. Je ne pouvais plus me contenir, j’avais fait tous ces kilomètres dans l’espoir qu’elle veuille bien de moi …
J’étais planté devant chez elle, me délectant de mes derniers instants de solitude. Mon poing frôla à peine la porte, mais je prenais plus d’assurance au fur et à mesure que temps passait et que je réalisais qu’elle n’était pas là. Son téléphone ne décrochait pas non plus. A ce moment-là, mes émotions devinrent trop compliquées : j’étais déçu, triste mais soulagé d’avoir évité l’humiliation d’un rejet.
Son téléphone ne décrochait pas ce soir, et il ne décrocha plus jamais.
**
Voilà le dernier souvenir que j’avais d’elle ; de la seule fille qui avait su me rendre faible. Je pris une grande inspiration avant de tirer sur ma cigarette, le regard dans le vide. Je fumais plus par ennui que par addiction. La nicotine pouvait m’étourdir, et attirer mon attention sur autre chose que ma nostalgie.
Mon regard s’attarda sur le nouveau bâtiment de
St Pancras International, la gare terminus de LONDRES. Rien n’avait changé, à quelques détails près. J’écrasais mon mégot discrètement, loin des regards, des agents de la gare.
Je n’avais plus remis les pieds à Londres depuis 1 an, pas depuis que je l’avais perdu de vue, et je devais avouer que je nourrissais au fond de moi l’espoir de la croiser quelque part en ville; dans les anciens cafés ou nous avions l’habitude de traîner, le
Hyde park ou je lui avais sous-entendu pour la première fois à quel point je tenais à elle, le supermarché du coin, n'importe où du moment qu'elle était là. Je n'étais plus sûr de mes sentiments, ni de ma réaction vis à vis d'elle, mais je ne me sentais pas de vivre dans le même endroit sans la revoir au moins une fois... Le vent glacial se leva tout à coup, m’intimant le silence : C’était une mauvaise chose pour moi de divaguer de la sorte!
Je devais me concentrer sur le réel motif de mon déménagement : ma carrière de journaliste au TIMES. Après 1 an de stage café, photocopies et humiliations en tout genre, le rédacteur en chef avait finalement décidé de me donner ma chance et de me transférer au centre de l’action.
J’avais hate de recommencer ma vie à nouveau...