I won't freeze you out (My heart is melting)

Elle se demandait encore ce qu'elle faisait là. Quand elle regardait au dehors, elle n'y voyait rien de connu, rien de chaleureux, juste une ville parmi tant d'autre. Pourtant, tout autour, les décorations de noël avaient envahi les allées, les maisons. Tout n'était que fête à seulement trois semaines des fêtes de fin d'année. Mais dans le cœur de Camilla, c'était bien plus compliqué. Pourtant, elle avait toujours aimé Noël. Elle aimait sentir le goût du thé de noël dans sa gorge, voir les guirlandes lumineuses éclairées la ville, voir des sourires sur le visage de ses proches. Oui, jusque là, elle avait toujours appréciée cette fête parce qu'elle rapprochait les gens. Sauf que là, en plein Londres, à des kilomètres des siens, elle se sentait plus seule que jamais. Elle serra un peu plus la tasse de thé entre ses mains, regardant par la fenêtre les passants pressés de rejoindre leurs foyers chaleureux. Elle balaya une larme solitaire sur sa joue. Elle se refusait de pleurer. Si elle était là aujourd'hui, c'était parce qu'elle l'avait choisie. Elle ne pouvait blâmer personne, pas même Jude. Elle avait fait son choix, un peu tard sûrement, mais elle l'avait fait. Et voilà comment elle se retrouvait dans une ville dont elle ignorait tout à quelques jours de Noël. Mais seule, elle ne l'était pas tout à fait comme le lui rappelait la petite voix dans son dos. Maxine. La petite siffla pour attirer l'attention de sa mère. Rien que pour elle, elle devait rester la tête haute. Elle ne pouvait lui imposer sa mauvaise humeur, son hésitation, la gamine n'avait rien demandé et encore moins à déménager ici. Tendrement, Camilla caressa le visage rieur de sa fille. « Tout ira très bien, tu verra ».

Cette promesse, elle se la faisait plutôt à elle, elle en avait bien conscience. Elle voulait que tout aille bien, mais elle n'était plus sur de rien maintenant qu'elle avait mit les pieds ici. Elle prit la petite dans ses bras et la berça quelques instants avant d'entendre le son régulier d'un bébé qui dort. Camilla remit la petite au lit et attrapa son portable. Elle pianota un texto rapide avant d'envoyer le message. Elle n'était pas sur qu'il vienne, enfin pas totalement. Si Ezra et elle avaient gardé le contact durant ces deux années séparés, rien n'affirmait qu'il finirait par la rejoindre. Elle jouait plutôt sur l'effet de surprise, après tout, il la croyait encore à Edimbourg. Mais à regarder autour d'elle, elle n'était vraiment pas chez elle. Elle louait un petit appartement dans un vieux bâtiment. Elle avait dégoté ça en cherchant des locations sur internet. C'était pas le paradis, c'était une solution dans l'urgence mais c'était là qu'elle avait posé ses bagages, avec sa fille sous le bras. Elle n'avait pas grand chose ceci-dit étant donné qu'elle n'avait eu que sa voiture pour charger le tout. Quelques cartons, quelques souvenirs et elle avait quitté l’Écosse pour l'Angleterre. En peu de temps, elle avait perdu toute stabilité. Elle avait perdu son emploi, sa maison, son cadre confortable, Jude... Elle avait tout laissé derrière elle hormis sa fille et sa dignité. Mais Camilla n'était pas du genre à se laisser abattre. Elle avait toujours réussi à se sortir la tête de l'eau, du moins jusque là en tout cas. Elle entendit son portable vibrer. Il était en route.

Une fois l'annonce de son arrivée prochaine, Camilla frémit. Deux ans qu'elle ne l'avait pas vu. Si ce n'était pas grand chose à grande échelle, pour eux, c'étaient une éternité. Bien qu'ils aient eut l'habitude de ne pas trop se voir pendant les 5 ans où Ezra était dans l'armée, ils n'avaient jamais été autant distants. Ils avaient survécus à pas mal de choses finalement, mais tout ceci avait eu raison d'eux. Camilla coiffa ses cheveux, les laissa retomber sur ses épaules. La dernière fois qu'il l'avait vu, ils étaient plus long et pas aussi sombre, mais Ezra avait toujours été habitué à la voir changer de look. Elle se demanda si lui, il avait changé. Elle avait toujours trouvé réconfortant ses grand yeux clairs et sa carrure, elle qui pouvait se glisser toute entière entre ses bras. Elle frémit de nouveau à repenser au passé, quand son portable afficha un message : il était en bas. Elle sentit une furieuse envie de fumer. Elle avait arrêté pendant très longtemps mais quand elle se sentait anxieuse, ses mauvaises habitudes faisaient de nouveau surface. Elle mis un pull en laine et descendit en vitesse les quelques marches le séparant de lui. Sur la dernière, elle reprit son souffle, respira à fond. Finalement, elle traversa le petit hall et ouvrit la porte d'entrée. « Ezra », souffla-t-elle pour attirer son attention. Il se tourna vers elle et elle sentit ses mains trembler. Elle masqua son trouble tandis qu'il la rejoignait. « Salut ». Elle hésita sur la démarche à suivre. Il était terriblement beau et elle tremblait comme une feuille. « Viens monte », dit-elle pour lui tourner le dos et reprendre ses esprits. Ce n'est qu'une fois chez elle qu'elle lui fit face de nouveau.

C'était presque irréel. Lui, elle, ici, dans un appartement miteux dénué de charme, au milieu de cartons à peine déballés. Pourtant, ils avaient connu ça au début, quand ils vivaient dans un petit appartement à Phoenix, un petit deux pièces qu'ils avaient peine à payer chaque mois. Mais cela leur suffisaient. Ils s'étaient contenté de peu parce que l'autre était là, parce que le plus important c'était leur couple, leur amour et la solidité de ce qu'ils s'apportaient l'un l'autre. Après ils avaient connu mieux, évidemment, quand leurs salaires et leurs situations avaient évolué. Ils avaient un petit cocon rien qu'as eux mais là encore, ce n'était pas l'important. Camilla n'était pas du genre matérialiste. Même enfant, elle préférait de loin le sourire de sa famille les jours de fête plutôt que les cadeaux sous le sapin. Et ces plus beaux cadeaux étaient de voir revenir Ezra après plusieurs semaines ou mois de déplacement. Le voir sur le perron, un bouquet de rose blanche à la main, son baluchon aux couleurs de l'armée sur le coin de l'épaule, restait un souvenir impérissable. Ils étaient là ces meilleurs moments, ceux de revoir l'être aimé après tant d'absence mais jamais, jamais, elle n'avait perdu espoir. Ezra étant souvent en déplacement, il n'accordait que peu d'importance également à leur milieu de vie. Ils se contentaient de la présence de l'autre et d'un peu de réconfort. Oui, il était loin ce temps-là, il semblait aussi loin que la distance qu'il y avait entre eux à cet instant. Avant, elle se serrait collé à lui avec tant d'empressement qu'elle aurait manqué de le renverser, qu'il aurait rit aux éclats, qu'elle se serait accroché à lui comme à une bouée. Le voir à la fois si proche et si loin lui faisait mal, atrocement mal. Inaccessible, Ezra semblait déjà appartenir à ses meilleurs années qui s'enfuyaient à vue d’œil.

Ezra avait pénétré dans l'appartement, jeté un petit regard à la dérobée. Elle aurait voulu s'excuser pour ça, mais également un tas d'autre chose, mais rien ne semblait venir. Finalement, elle regrettait les textos échangés qui permettaient de briser le silence progressivement installé entre eux. Elle était fébrile, lui aussi, elle le voyait bien. Ils étaient risible à se regarder ainsi, comme des inconnus, à se deviner sans plus vraiment se connaître. Tant de mots pourtant, de choses à dire, mais rien qui ne semblait prendre son sens dans ce contexte. Rien. C'était la première fois qu'elle ressentait ça avec lui et c'était aussi effrayant que troublant. Avant ça, il n'y avait jamais eu de silence, ils se complétaient tellement bien que chaque blanc étaient comblé par la parole de l'autre. Mais pas là, pas ici et elle sentait son estomac se contracter violemment. Puis Ezra voulu parler et elle le remercia silencieusement de le faire, parce que le silence lui faisait trop violence en cet instant, sauf qu'il fut coupé dans son élan. Dans la pièce voisine, Maxine se fit entendre. Camilla se surprit à ne plus respirer durant quelques secondes. Elle avait presque oublié qu'il ne savait pas. Durant tout ce temps à s’échanger des banalités, elle n'avait pas évoqué Maxine, pourtant devenue essentiel à sa vie. Soudain le visage fermé d'Ezra s'ouvrit et il souria. Pas à elle, non, mais à la petite impatiente de faire sa connaissance. Elle aurait tant apprécié ce sourire si la suite n'était pas venue la ramener à la réalité. «  Tu es venue avec une amie  ? ». Camilla  croisa ses bras sur sa poitrine, cachant son regard. Elle n'avait aucune idée de comment aborder la chose, mais lui mentir n'aurait aucun sens, pas maintenant qu'elle avait tout plaqué pour se retrouver ici. Ezra ne la quittait pas des yeux et elle sut qu'il avait deviné qu'il y avait un problème. Il la connaissait toujours aussi bien mais elle ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Maxine se fit entendre de nouveau, comme si elle souhaitait prendre part à la conversation. Camilla se détourna d'Ezra le temps de la prendre dans les bras, la mettant à sa hauteur. « Je te présente Maxine... Ma fille », conclu-t-elle. Parce que nier l'évidence ne ferait que le faire fuir de nouveau et maintenant qu'elles avaient leurs visages collés, Ezra ferait bien le rapprochement de lui-même. En effet, Maxine avait prit le même teint clair que sa mère, ainsi que les deux fossettes aux creux des joues. Il la fixa, indéchiffrable. « J'aurais dû te le dire, je sais. » Elle aurait voulu rajouter tant de chose, lui expliquer, mais c'était trop compliqué. Comment lui balancer qu'il était potentiellement le père de l'enfant ? Comment ne pas lui faire peur ? Et comme si Maxine avait lu dans ses pensées, elle fit un geste vers Ezra, souriant de plus belle. Maxine était une enfant très ouverte pour qui le contact avec des inconnus était très facile. Si Camilla avait souvent peur de ça, elle était plutôt soulagée qu'elle se montre aussi avenante en cet instant. Elle se tourna vers Ezra, sans avancer vers lui. Son cœur semblait vouloir sortir de sa poitrine, son estomac menaçait de se retourner. Mais il était encore là, à la fixer, puis fixer la petite. Pour le moment, il était encore là en tout cas.

Elle avait choisie de le garder pour elle. Encore maintenant, plus d'un an après, elle ne savait pas pourquoi elle l'avait fait. Ou plutôt si, elle savait et n'avait pas envie de s'y confronter. Ezra avait toujours été la personne en qui elle avait le plus confiance, celle pour qui elle aurait donné sa vie sans réfléchir. Pendant des années, il avait été la première personne à qui elle pensait au lever et avant de s'endormir, l'homme qu'elle souhaitait avoir auprès d'elle quand elle était malade ou triste, quand elle avait besoin de rire ou de pleurer. Il avait été son tout pendant tellement longtemps qu'elle avait presque oublié comment ils avaient pû en arriver là. Comment après toutes ces années à s'aimer tendrement, ils étaient presque devenus étranger. Pour Ezra, elle avait quitté sa famille pour emménager avec lui, elle avait mit de côté sa peur quand il partait en mission, elle avait attendu sagement qu'il rentre, elle avait enduré ses longues heures de souffrance après sa dernière mission... Quand elle y réfléchissait, prés de la moitié de sa vie avait tourné autour de lui. Et soudain, tout avait prit fin. De sa faute, oui, mais aussi de la sienne. Camilla avait fini par lui cacher ce qui aurait dû être la chose la plus importante qui soit : sa grossesse. Elle avait peu à peu caché son ventre arrondit et quand cela ne suffisait plus, préféré les mails aux rendez-vous skype. Elle avait également réduit leurs conversations et se laissait croire que c'était autant pour lui que pour elle. Pour qu'ils aillent de l'avant, pour que chacun puissent prendre son propre chemin. Elle avait presque réussi à l'arrivée de Maxine, dans son bonheur de devenir mère, mais très vite, le visage d'Ezra avait refait surface et une fois de plus, tout bouleversé autour d'elle.

Alors oui, elle ne lui avait rien dit de cette grossesse. Mais comment lui avouer porter un enfant qui aurait pu être le sien ? Un enfant conçu en même temps que leur rupture imminente... Ezra se sentait trahit et elle pouvait difficilement lui en vouloir. Elle aurait sans doute réagis de la même manière s'il était devenu père seulement quelques temps après qu'ils se soient séparés. Mais dans cette situation, Camilla était encore plus mal à l'aise, parce qu'aujourd'hui encore, elle ignorait qui de Jude ou d'Ezra était le père de sa fille. « Pourquoi ? Qu'est-ce que tu fais là ? Qu'est ce que tu veux Camilla ? ». Elle baissa le regard une fraction de seconde. Elle ne savait pas par où commencer. Camilla se raccrochait à la présence rassurante de Maxine tout contre elle. La petite, contrairement aux deux adultes, semblait incroyablement à l'aise en cet instant. Ezra venait finalement de comprendre que sa présence ici n'était pas juste de dire bonjour. Une fois de plus, comment lui aurait-elle dit qu'elle comptait emménager à Londres après deux ans sans se voir ? Elle-même n'avait rien prémédité et avait prit sa décision si rapidement qu'elle n'avait pas eu le temps de comprendre tout l’enjeu de cette situation. « J'ai emménagé il y a quelque jours... ». Elle devait bien lui faire comprendre qu'elle ne comptait pas repartir, que cette fois-ci, personne ne partirait. Ezra était tendu, le front plissé sous la colère. Il ne faisait que s'énerver un peu plus avec les minutes. « J'ai quitté Jude. J'ai pris la petite et j'ai emménagé ici. Je... J'avais besoin de me retrouver ». Et de te retrouver, voulu-t-elle ajouter mais les mots ne purent sortir de sa bouche. Elle tremblait trop, beaucoup trop. «  Je ne comprends pas Camilla, vraiment pas. ». Maxine s'agita et troubla durant quelques minutes la tension palpable dans l'appartement. Camilla la mit à sa hauteur et l'embrassa sur le bout de nez avant de faire rire la petite. Ce petit moment de tendresse sembla dérider quelque peu Ezra mais celui-ci se renferma aussitôt. « Que ce que tu veux entendre ? », demanda-t-elle un peu brusque. Parce qu'elle ne savait pas ce qu'il voulait entendre. Elle ne savait pas quoi lui dire pour se faire comprendre. « Dit-moi », ajouta-t-elle plus calmement, la voix légèrement tremblante. Le regard d'Ezra suffit à la faire douter. Il était perdu, torturé, malheureux. Il voyait l'ex qui l'avait quitté revenir brutalement dans sa vie avec un bébé. Pendant une seconde, elle pensa au bébé qu'elle avait porté avant Maxine, au bébé d'Ezra, à cet enfant qu'il n'avait jamais connu... Maxine s'agita de nouveau et cette fois-ci, le coup du baiser ne fonctionna pas. Il était tard et la petite avait besoin de dormir. « Je vais la coucher. Je reviens. » Elle passa devant lui, le frôla légèrement. « Reste, s'il te plaît ». Dans le doute. Parce qu'elle ne savait pas s'il serait toujours là quand elle reviendrait dans le salon. Elle partit coucher Maxine dans la minuscule chambre qu'elles partageaient toutes deux. Heureusement, Maxine était disposé à s'endormir rapidement ce soir-là et ferma les paupières après quelques minutes, tandis que sa mère chantonnait. Ce petit moment ne dura pas et elle dû rejoindre Ezra, le cœur battant à tout rompre. Elle fut presque soulagé de le voir encore là, toujours en colère, mais là. « Tu m'en veux, je comprend, mais me fusiller du regard ne changera rien », dit-elle en attrapant un paquet de cigarette dans la petite commode. Elle avait pourtant arrêté, grâce à Jude, mais en retrouvant Ezra, elle renouait avec d'anciennes habitudes. Elle prit place près de la fenêtre, lui proposant en silence d'en prendre une s'il le souhaitait. « Pourquoi tu pense que je veux quoi que ce soit d'abord ? », lui demanda-t-elle en repensant à sa première remarque.

Tourner la page... Camilla avait toujours eu horreur des phrases toutes faites comme celle-ci. Elle trouvait ça irritant qu'on réduise tout à un simple proverbe, comme ci ceux qui les avaient inventés n'avaient jamais rien ressentit. En tant que journaliste et auteur, elle aurait pourtant dû comprendre mieux que quiconque cette petite phrase qui sonnait faux... Mais Camilla, du haut de ses 27 ans, n'en comprenait pas vraiment le sens. Peut-être parce qu'au fond, elle n'avait jamais voulu le faire. Lui dire au revoir, le quitter pour de bon... Elle l'avait fait pourtant, vraiment. Elle l'avait vu faire ses valises et quitter leur maison en Écosse. Elle ne l'avait pas rattrapé ce jour-là, parce qu'ils semblaient déjà avoir perdu une partie d'eux même mais une partie subsistait, Camilla en était convaincu. Elle n'avait connu que lui, lui et Jude. Dans sa vie, elle n'avait aimé que deux fois et Ezra avait partagé son cœur pendant sept ans. Alors était-ce si improbable qu'elle ne veuille pas tourner la page aussi facilement ? Comment faisaient-ils, les autres ? Camilla ne pouvait pas se baser sur ses parents pour répondre à cette question, car il était évident qu'ils n'avaient jamais été vraiment amoureux. Son modèle d'amour parentale c'était résumé à des absences et des déceptions. Autour d'elle, des amis, masculins pour la plupart et souvent célibataires ou au cœur brisé. Là encore, elle n'avait pas de clé pour la réussite du bonheur. Jusque là, elle s'était seulement appuyé sur sa propre histoire avec Ezra, sur leur amour à priori à tout épreuve. Rencontrés à 17 ans, ils ne c'étaient pas arrêté à une amourette d’adolescent mais avaient été bien au-delà. Ils avaient vécu ensemble, fait tout un tas de projet, pour finalement se retrouver ici, à se regarder de travers, à se faire du mal sans vraiment le vouloir. C'était ça le final, alors ? Non, Camilla refusait d'y croire.

Camilla souhaitait vraiment être honnête, elle lui devait bien ça. Elle n'avait jamais été menteuse, n'avait jamais cherché à lui cacher quoi que ce soit, si ce n'était Paris, mais c'était encore une autre histoire... Alors en lui disant avoir quitté Jude pour se retrouver, elle disait vrai, même si la destination n'était pas anodine. « Juste comme ça ? Pourquoi tu n'es pas rentré à Phoenix ? ». Elle soupira. Contrairement à Ezra, Camilla n'était pas resté très proche de sa famille. Une partie d'elle n'avait jamais pardonné à sa mère d'avoir été si peu présente et l'autre s'en voulait de l'avoir fait autant souffrir. Camilla c'était toujours sentit bien plus à son aise parmi les Donovan que dans son propre foyer. Elle savait qu'elle n'était pas seule, que ses frères et sœurs pouvaient l'aider en cas de besoin mais elle se refusait à les appeler. Phoenix avait compté, bien sur, mais aujourd'hui ce n'était plus pareille sans Ezra à ses côtés. « Phoenix, Phoenix... Tu pense que c'est une solution à tout ? », dit-elle, vaguement agacé. «  Tu es rentré à Phoenix, toi, après Edimbourg ? ». Non, elle le savait bien puisqu'elle était ici. Ezra avait pourtant sa famille la-bas, ses sœurs, ses frères, une nièce qu'il aimait tant, ses proches, leurs proches... Ezra et Camilla avaient quittés tout ce qu'ils connaissaient pour vivre à Edimbourg et même quand leur couple avait éclaté, Ezra préféra s'installer à Londres plutôt que de les retrouver. « Rien, je ne veux plus rien entendre ... Je voulais juste passer à autre chose Camilla, c'est tout ce que je demande, et tu débarques comme une fleur, comme si rien ne c'était passé ... ». Elle détestait ce genre de discours et il le savait bien. Il jouait le torturé, comme si elle-même n'avait pas souffert de cette situation. Elle était tendu, en colère, triste. Elle ne savait plus comment gérer l'ambiance qui grondait sous son toit. Elle ne répondit pas et préféra allé coucher la petite, leur laissant à tous deux le temps de reprendre leurs esprits.

« Tu vois le pire, c'est que je ne sais même si je t'en veux ... Presque j'arriverais à te pardonner, tellement je suis idiot, j'arrive pas à t'en vouloir, pour je ne sais quelle raison en plus ». Elle tira une latte, s'adossant à la fenêtre, le fixa quelques secondes. « Et moi, je n'ai pas le droit de t'en vouloir je présume ? Tu veux que je m'excuse encore ? ». Elle souffla de nouveau sur la cigarette, laissa son regard s'attarder sur le sol avant de revenir se poser sur lui. « Tu ne m'en veux pas parce que je ne suis pas la seule coupable Ezra. Je veux bien assumer de t'avoir trompé, ok, je te l'accorde, mais je n'endosserais pas l'entière responsabilité de notre rupture ». Et elle ne cilla pas. Sur ce point, elle ne ne ferait aucune concession. Même si elle s'en voulait, même si c'était elle qui avait provoqué la chute, le précipice avait déjà commencé avant ça et il fallait bien qu'Ezra l'admette. « Pourquoi je le pense ? Qu'est-ce que tu ferais là alors ? Tu as forcément une idée derrière la tête, sinon tu serais rentrer à la maison ... ». Elle leva les yeux au ciel, recrachant sa fumée en même temps. « Maison, mais tu n'as que ce mot à la bouche ? Quelle maison Ezra ? La seule que j'ai jamais eu c'était avec toi ! ». Elle avait fini sa phrase sur un sanglot et s'en voulait déjà de lui avoir montré sa faiblesse. Elle lui tourna le dos, fixant le dehors pour cacher son trouble. Il n'y avait qu'avec lui qu'elle c'était sentit aimée, choyée, protégée et même aujourd'hui, elle savait que sa présence ici lui faisait encore cet effet là. « Tu veux entendre quoi ? Que je suis revenue pour toi ? Oui Ezra, oui je suis là pour te voir parce que tu me manque. » Elle écrasa sa cigarette, rageuse. Une fois encore, il avait l'emprise, elle était fragile.  

Ils avaient grandit ensemble. Combien de gens pouvaient se vanter d'être tombé amoureux adolescents et d'être resté ensemble autant de temps ? Camilla n'en connaissait pas, ou très peu. Pourtant, ils avaient des amis à Phoenix, tout un groupe avec qui ils avaient traîné. Et ils étaient les seuls à avoir connu un chemin aussi long, à leur grande surprise finalement. Quand Camilla avait présenté Ezra à sa famille, ses frères et sœurs lui laissait peu de temps avant qu'elle ne foire tout, qu'elle envoi tout balader comme à son habitude. A en croire ses proches, Camilla n'avait pas un tempérament de grande romantique, elle n'était pas du genre à s'attarder trop longtemps sur les sentiments. Sauf que Ezra avait su changer la donne et donner à cette irlandaise une autre façon de voir les relations humaines. Avant lui, Camilla était une adolescente révoltée, écorchée, qui en voulait à la terre entière de toute la souffrance que son corps avait enduré pour un si jeune âge. L'amour n'est pas grand chose quand on est gamine, il ne représente rien du tout hormis ce qu'on veut bien nous montrer dans les films ou les romans de gare. On se moque, on se dit que cela n'arrive pas dans la réalité, qu'un amour de jeunesse le reste et c'est tout. Pour Camilla et Ezra, il est resté sept ans, contre toute attente.

Après que la femme de ma vie m'est largué... Elle sentit son cœur faire un raté. Dans le fond, elle le savait, elle l'avait toujours su. Ils étaient fait l'un pour l'autre et même après tout ce temps, après cette souffrance enduré, après ces douleurs, elle continuait de le croire, même si la folie des premiers temps c'était atténué. Ezra avait présenté Camilla à sa famille et elle savait à quel point cela avait compté à ses yeux. Elle s'était parfaitement intégrée à cette famille, ses coutumes, ses habitudes et elle avait aimé ça. Contrairement à chez elle, elle s'était sentit bien dans sa peau parmi les Donovan, prise en compte. Quand elle l'entendait dire ça, elle se demandait ce qui leur été arrivés. Comment voir l'avenir dans les yeux de l'autre un jour et ne plus supporter le présent le lendemain ? Camilla c'était beaucoup interrogé à l'époque, quand Jude avait surgit dans sa vie. Comment un homme connu depuis quelques semaines pouvait à ce point tout remettre en compte ? Peut-être parce qu'elle n'y croyait plus, qu'ils avaient tout deux niés leurs difficultés, partant en pensant que cela les guériraient. Mais cela n'avait rien guérit du tout, la situation n'avait fait que s'enfoncer un peu plus jusqu'à commettre l'irréparable. Alors oui, elle l'avait quitté, mais pas un jour ne c'était écoulé sans qu'elle y repense. Au début, c'était juste un pincement au cœur, une sensation de vide qui finissait par s'apaiser avec la certitude que la décision était la bonne. Puis au fil des semaines, le vide avait enflé, grossit et l'avait envahi de doute, d'incertitude. Finalement, le grand amour existait bel et bien et Camilla avait attendu plus de sept ans avant de le comprendre pour de bon.

«  Non tu as raison, je vais m'excuser à la place, si ça peut te faire sentir meilleure, ta culpabilité tu as dû t'asseoir dessus depuis longtemps, on va passer outre ... Je suis désolé d'avoir vécut en enfer pendant des mois, je suis désolé vraiment, mais crois moi, je m'en serais volontiers passé ! ». Il confondait tout et cela la mettait folle de rage ! Même après deux ans, même après tout ce temps à réfléchir à cette foutue situation, il n'avait pas évolué d'un pouce sur la cause de leur rupture. Certes, l'adultère était un acte impardonnable et Camilla s'en voulait depuis ce jour-là. Mais elle lui avait dit, elle avait eu ce mérite là. Elle avait été honnête envers son cœur et avait accepté de souffrir pour cela, parce qu'elle le respectait, parce qu'elle l'aimait beaucoup trop pour se jouer de lui. Mais Ezra n'avait pas entendu, il n'avait vu que son acte ignoble, que sa tromperie et cela se comprenait. Mais du temps c'était écoulé et la blessure semblait toujours à vif pour le Donovan. Elle ne demandait pas à ce qu'il l'excuse car il semblait évident qu'il lui en voulait encore, mais elle avait espéré qu'il puisse prendre en compte tout ce qu'elle avait enduré pour en arrivé là. « Arrête Ezra ! J'te parle pas de ma culpabilité, j'te remercie, mais elle se porte très bien ! J'veux juste que tu comprenne que la situation n'était pas évidente pour moi non plus ! J'ai passée des nuits entières à te surveiller parce que j'avais la trouille que tu te foute en l'air putain ! Des mois à t'entendre marmonner, à m'écarter quand tu te croyais dans une foutue guerre parce que j'avais peur que tu m'en foute une ! Alors merde, j'ai aussi le droit de dire que j'ai trinqué dans cette histoire ! ». Cela faisait du bien, même après tout ce temps. Elle s'en foutait pas mal qu'il n’adhère à ces paroles et qu'il la toise comme si elle était tarée, elle, elle savait ce qu'elle avait vécue durant tout ce temps, ce qu'elle avait sacrifié, ce qu'elle avait ressentit. Contrairement aux Donovan, Camilla avait partagé tous ces temps du quotidien avec lui et aujourd'hui encore, elle frissonnait en se rappelant de certains événements. « Tu m'as manqué aussi Camilla, tous les jours, chaque seconde de ces putains de journées loin de toi pendant des mois, j'ai envie de me convaincre que ce n'est plus le cas, j'ai pas envie... ». Elle ne voulait pas croiser son regard, c'était trop dur. Elle sentait tout son corps trembler et elle n'avait pas besoin de le voir pour savoir qu'il était dans la même situation. Alors qu'elle fixait le sol, elle sentit des larmes rouler sur ses joues et ne chercha pas à les stopper. Pas par faiblesse ce coup-ci, mais parce qu'elle n'en n'avait plus la force. Pendant deux ans, ils s'étaient voilé la face et il était clair maintenant que la réalité les rattrapait et leur en faisait voir de toutes les couleurs. Elle se leva, lui faisant face véritablement pour la première fois de la soirée. « Tu n'as pas envie de quoi ? Tu peux partir Ezra, j'te promet de te foutre la paix si tu décide qu'on ne dois plus se voir. J'arrêterais d'entrer dans ta vie comme ça. » En vérité, elle n'était pas sur d'en avoir la force. Mais ce qui était certain, c'est qu'elle n'aurait pas la force de le voir s'éloigné encore comme ça.