| ( ✰) message posté Lun 18 Jan 2016 - 19:03 par Invité j'partirais jamais en laissant l'histoire inachevée
C'était une journée plutôt plate et banale pour Lisa à la base, du moins jusqu'à ce qu'elle croise cet homme, par hasard dans ce café où elle venait chercher son cappuccino vanille de fin d'après-midi. Dès qu'il l'avait vu, un grand sourire avait arboré son visage et il était allé la voir. Il l'avait reconnu, malgré tout... "Lisa!" Elle aussi l'avait très vite reconnu, mais elle eut un sourire différent en le retrouvant. Un sourire timide et un petit peu nerveux, car lorsqu'elle voyait son visage, elle ne pouvait s'empêcher de revoir son passé. "Oh, docteur Jones!" "Tu es si belle, regarde-toi, tes cheveux sont... Magnifiques!" Mauvaise idée de parler de ça, mais elle gardait un petit sourire. "Merci..." Cet homme, c'était son ancien psychologue. Un homme qui l'avait suivi durant un bon bout de temps, du début, jusqu'à la fin de son cancer, en réalité. Il avait su apprendre à la connaître, savoir comment la calmer, la faire remonter la pente, lui faire garder confiance en elle. Malgré cette période si difficile pour elle. Malgré sa difficulté à s'ouvrir aux autres, Lisa avait réussi à lui faire confiance et avait pu se confier à lui durant tout ce temps, mais malgré ça, il n'en savait pas beaucoup sur elle. Elle qui était tellement dans l'optique qu'elle allait finir ses jours à l'hôpital, si jeune, qu'elle était resté mystérieuse jusqu'au bout.
"Alors, qu'est-ce que tu deviens, racontes-moi tout! Et pas en tant que psy, plutôt... Comme connaissance de guerre." Disait-il, le ton rassurant. Lisa et Ezra Jones s'étaient installé dans un coin du café. L'homme tellement heureux de la revoir, beaucoup plus rayonnante que lorsqu'il l'a connu, et la jeune femme... Simplement parce qu'elle avait le temps. Lorsqu'elle lui parlait, le regardait, elle ne pouvait s'empêcher de se remémorer cette pièce froide, ce canapé en cuir, ses larmes, ses peurs et les chimiothérapies... "Hé bien... Je vais mieux, j'ai repris le cours de ma vie, en mieux. Enfin... Presque." Oui, sa vie était beaucoup mieux qu'avant, parce qu'elle se laissait vivre, mais il manquait tout de même quelque chose. Quelqu'un. "En mieux?" "Oui, j'ai appris des choses avec toute ces épreuves. Je vis au jour le jour maintenant, je prévois plus rien, je le fais quand j'en ai envie, c'est tout. J'essaye de ne plus me tracasser." "Tu essayes? Comment ça?" Elle était resté silencieuse un court instant. "Comme tout le monde, j'imagine." Il passa une main sur la repousse de barbe sur son menton. L'homme comprenait bien qu'elle cachait quelque chose, il était psychologue après tout. Mais pour le moment, il faisait le sourd. "Et du coup? Qu'est-ce que tu fais de tes journées? Je vois que tu as beaucoup plus de tatouages qu'avant." "Oh, ouais... Avant je me retenais de les faire pour garder un boulot, mais maintenant je m'en fous. Je suis photographe, je vis avec ça. Je prend en photo des endroits, des personnes, des particules de ma vie. Et je gagne ma vie avec ça. Mes tatouages..." Elle fit un petit regard sur cette citation sur son bras gauche: Si t'écoutes les personnes qui dorment les rêves n'arrivent jamais. "Il est beau, celui-ci. Il te parle?" "Oui, beaucoup. C'est pour ça qu'il est là, pour que je puisse le lire, et me rappeler, quand je n'y crois plus." Il l'observait. Elle en avait plein d'autre, sur le pouce, l'autre bras, une clavicule, la nuque, derrière une oreille... Toujours petit et féminin, noirs et blancs. Et il ne les avait pas tous vu, certains étaient cachés sous ses vêtements, il n'en doutait pas. "Ta famille, qu'est-ce qu'elle devient?" "Ils se sont séparés peu après ma rémission. Mon père est retourné à Hawaï, et ma mère, je la vois de temps à autre. Quant aux autres, j'ai l'impression qu'ils m'ont enterré trop vite, ils étaient là à essayer de me remonter le moral pendant mon cancer, mais quand tout s'est arrangé, ils ont disparu." Elle pris une gorgée de sa boisson, le regard ailleurs. Ça lui faisait encore mal. Sa famille l'avait vu grandir et avec le temps, ils la voyait comme la tâche de la famille, parce qu'elle était différente, et lui tournait le dos. Mais quand son cancer s'était déclaré, ils passaient la voir à l'hôpital, souriant et chaleureux. Que de l'hypocrisie. "Je vois..." Il fit de même avec sa boisson, remarquant le point sensible, il changeait alors de sujet. "Et tu as des amis? Des personnes avec qui tu as gardé contact depuis ton enfance? Je ne l'ai jamais vraiment su ça." Disait-elle, se rendant bien compte que la brune était resté si secrète lorsqu'il était sa patiente. "Je n'ai jamais vraiment eu d'amis avant. J'en avais à Hawaï, jusqu'à ce que je déménage à 11ans. A partir de là, j'avais du mal à m'en faire, parce que j'étais différente et nouvelle. Mes rares amis se comptaient sur les doigts d'une main. Ils étaient sympa, j'ai passé de bonnes soirées avec eux, mais je n'ai gardé que mon meilleur ami, les autres ont abandonné avec moi. J'étais trop compliqué et bizarre pour eux." Il avait haussé un sourcil, intrigué, buvant une gorgée de sa boisson avant de demander: "Compliqué et trop bizarre? Qu'est-ce que tu entends par là?" Elle souffla à cela. "Je ne sais pas. C'est vous le psy, non? Vous devriez savoir ce qui n'est pas normal chez moi." Il y avait alors eu un long silence entre les deux personnes, Lisa avait bu une gorgée de sa boisson puis avait jeté un coup d'oeil à son portable. Sans vraiment y prêter attention, elle n'avait même pas regardé l'heure, ni si elle avait reçu un message, c'était juste.. Pour regarder ailleurs. "Tu veux savoir ce que je vois qui ne va pas chez toi, Lisa?" Elle redressa son regard, intriguée. Mais d'un côté, elle ne voulait pas l'entendre, parce que si il visait juste, se serait dur à écouter, et en parler. "Tu te sens seule, voilà ce que je vois chez toi depuis le début. Il te manque quelque chose dans ta vie, quelqu'un. Quelqu'un que tu as déjà connu et que tu as perdu. Mais pas comme une personne que l'on perd parce qu'elle décède ou se dispute avec toi. Non... Pas ce genre de personne."
Elle était resté silencieuse à cela, il avait visé tout juste. Et ce sujet, c'était le plus sensible. Plus que ses parents, son manque de sociabilité, son cancer... Wilhemina. "Je suis obligée de vous en parler..?" "Pourquoi tu ne voudrais pas en parler?" "Parce que... C'est pas ce que j'ai de plus facile à vivre. Je ne veux pas en parler." "Tu peux me parler de tout, Lisa, tu le sais." "Je sais." Elle s'était arrêtée là, terminant sa boisson en une grande gorgée. Se préparant à partir s'il le fallait. "Lisa je t'en pris, je vois que tu es mal à cause de ça, tu ne dois pas te torturer pour quelqu'un, tu peux très bien trouver quelqu'un d'autre." "Je peux pas, c'est pas possible. Personne ne sera comme elle." Il eut un petit déclic, surpris du "elle", mais repris. "Lisa..." "Ça suffit." Elle se leva, enfilant sa veste, récupérant son sac à bandoulière. "Mais non, ne t'en va pas pour ça!" "Vous êtes sympa, monsieur, mais ne cherchez pas trop loin. Je suis plus votre cliente" "Attend..!" Trop tard, elle était partie. Sortant du café les larmes aux yeux, le pas rapide, pensive. Elle ne supportait pas d'y penser, encore moins d'en parler. Et puis, elle était tellement secrète comme fille, sensible, que lorsque l'homme commençait à la forcer à se dévoiler, elle se sentait agressée.
C'était un rêve qui s'était brisé, elle rêvait de la retrouver presque tous les soirs, cette femme était devenu comme un fantôme pour elle, qui la hantait encore et encore. Et le pire, c'est qu'elle le voulait bien. Parce qu'elle l'aimait toujours, à en mourir. Elle n'arrivait plus à aimer quelqu'un d'autre, parce que son coeur était déjà pris depuis longtemps. Ainsi que ses pensées, toutes partielles de son être. Elle était le plus important de sa vie, le plus intéressant et encore aujourd'hui, malgré son absence, elle fait partie de la vie de Lisa. Parce que depuis elle, Lisa n'a plus eu aucune relation. On l'a aimé, et il y avait des femmes et des hommes adorables et méritants dans le lot, mais elle n'y arrivait pas. Même les relations d'un soir, elle en a déjà eu, très peu, et à chaque fois, elle avait eu du mal et ça finissait en catastrophe. Lisa a vécu une histoire avec elle qu'elle n'aurait jamais pensé vivre un jour. Un amour puissant, fusionnel, beau. Elle avait même voyagé à ses côtés, cette fille l'acceptait comme était, elle était la seule à parfaitement la comprendre. Mais malheureusement, la tatouée était parti, l'avait laissé. Parce qu'elle avait pour son cancer, elle avait d'abord tenté de faire avec, mais les choses empiraient, elle ne voulait pas que Mina la voit dans un tel état. Amochée, malade, au corps déformé, meurtrie. Alors, un beau matin, dans cette maison en Australie, Lisa avait laissé cette lettre qu'elle avait écrite pendant plusieurs semaines, tant elle avait mal en l'écrivant. Et elle était partie, commencer la chimiothérapie, les médicaments, la mastectomie... Cet enfer, sans elle. Parce qu'elle ne voulait pas l'amener au fond avec elle, la faire souffrir. Et maintenant que tout ça est terminé, elle regrette. Parce qu'elle était persuadée qu'elle allait terminer dans ce lit d'hôpital. Pourtant, si elle s'était battue, c'était avec l'espoir de la retrouver. Elle regrette chaque jour de l'avoir abandonnée. Elle avait déjà essayé de la retrouver, par des tas de manières, mais elle en vain. Alors continue sa vie, le coeur lourd, avec cet espoir que le hasard fasse bien les choses. Qu'elle la retrouve, un beau jour, comme ça. Qui sait, les deux jeunes femmes sont vraiment destinées à vivre cet amour, alors, tout se fera naturellement, avec un petit coup de pouce du destin. Et ainsi, elle la retrouvera. Son Evangeline.
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