challenge accepted. (elea)

En s'engageant dans le petit restaurant mexicain, le téléphone collé à l'oreille et quelques billets dans une main, elle se maudit d'avoir répondu à l'appel de Julian. Elle est déjà en retard pour rejoindre Elea à son appartement, la file n'avance pas, ses baskets ont un trou et lui, il insiste pour connaître son planning de rendez-vous. Là, en plein milieu des saveurs et des musiques mexicaines, elle n'en a rien à foutre de monsieur Fitzgerald et de son planning. Il l'enquiquine. « T'as aucun rendez-vous demain. Personne veut te voir. Et j'insiste, personne veut te voir. Même moi j'ai pas envie. » Elle affiche une moue moqueuse en imaginant sa mine défaite à l'autre bout du téléphone mais elle ne ment pas. Son prochain entretien est prévu pour dans deux jours, il a tout le temps de la laisser tranquille. Malgré ses airs dispersés, elle s'applique à organiser les journées de Fitzgerald de façon méthodique, à tel point qu'elle connait l'heure, le lieu de tous ses rendez-vous, chacun des noms de ceux qu'il voit et son emploi du temps sur le bout des doigts, à la minute près, ainsi que celui de tous les employés du journal. Mais ce soir, elle n'a ni le temps, ni l'envie de discuter avec lui, de sa vie ou de son travail. Elle avance, balance son téléphone dans son sac et jette un regard vers le reste du restaurant. Elle l'aime bien cet endroit. Peut-être pour son ambiance conviviale, sa nourriture délicieuse et les gens qu'elle commence à bien connaître. Pour avoir longtemps séjourné au Mexique, elle pourrait dire que ce petit restaurant reflète bien les traditions du pays. Le serveur la salue – la dernière fois qu'ils s'étaient vus, il l'avait défié de danser dans ses bras et il ne manque pas de le lui rappeler – et apporte sa commande habituelle. Elle relève les paupières en inspirant l'air glacé de la ville, glissant ses mains dans ses poches, le petit sac de nourriture accroché à son poignet. Elle a refusé de danser. Parce qu'elle doit retrouver Elea. Son corps est happé par le reste de la foule londonienne et son attention – encore focalisée sur le sms qu'elle envoie à sa meilleure amie pour la prévenir de son arrivée imminente – met longtemps avant de voir les voitures qui l'entourent. Elle cligne des yeux en percevant l'immeuble impressionnant dans lequel vit Elea. Après avoir enchainé les petits appartements et être retournée vivre chez sa mère, Danielle s'extasie encore de l'endroit où habite son amie. Elle se laisse un peu distraire par les décorations de Noël qui sont encore installées à l'entrée puis accélère le pas en sentant son portable vibrer dans sa poche. Ce n'est peut-être pas Elea, mais ça la motive à se dépêcher pour la rejoindre. Il ne faut pas longtemps pour qu'elle atteigne son étage et aperçoive la porte de son appartement. Elle est sincèrement heureuse de passer sa soirée ici, de tout lâcher, le temps d'une nuit, pour se retrouver avec Elea. « Hola señorita ! » Elle fait mine de soulever un chapeau imaginaire au moment où son amie ouvre la porte. Sa voix tranche avec une pointe d'amusement malgré son accent désastreux. C'est sa manière de lui annoncer quel plat elle a acheté pour le repas. « Mexicain ce soir. Et j'ai ramené The Notebook. » Elle fouille rapidement dans son sac pour en sortir la boîte du dvd. Avec sa collection de comédies romantiques, ça n'a rien d'étonnant que ce film soit dans son étagère et qu'elle le propose à chacune de leur soirée. Elle donne une tape sur les fesses de Elea en passant à ses côtés et lui tend les sacs rempli de nourriture mexicaines afin de se débarrasser de son manteau, et de ses gants. En voyant la télé allumée, elle s'arrête soudainement pour se tourner vers son amie, une expression mi-amusée, mi-dramatique sur le visage. « T'as commencé à jouer sans moi ? Premièrement, c'est de la triche. Deuxièmement, même avec de l'entrainement, tu vas perdre. »

Reculant bruyamment sa chaise, Elea soupira, passant une fine main sur sa tête afin de repousser les mèches sombres qui lui barraient le visage. Se dirigeant vers la pièce commune de l’étage, elle remit ses cheveux en queue de cheval. Heureusement la journée allait bientôt arriver à sa fin, et elle pourrait enfin rentrer chez elle, se décontracter en la compagnie de sa meilleure amie. Et en plus, elle n’habitait pas loin de son lieu de travail, ce qui rendait la route du retour encore plus agréable ; bientôt sortie, bientôt arrivée. Ses pas la menèrent tout droit vers l’entrée de la salle commune, ses doigts pianotant infatigablement sur son téléphone, n’ayant même plus besoin de ses yeux pour se diriger, ces derniers occupés à relire les lignes étalées dans le mail. Elle avait finit ce qu’elle avait à faire, et il ne manquait plus que les précisions du rapport de polices pour en finir avec cette affaire. Ce qui n’était guère pressant. « J’y vais ! Essaye de pas rester toute la nuit James... » s’exclama t’elle en voyant son collègue, allongé sur le canapé, relisant un dossier, un bout de sandwich lui échappant de la bouche. « Ouais ouais. Oh, la réunion de demain matin a été reporté à dans trois jours, je ne sais pas pourquoi, » ajouta t’il dans un mouvement d’épaule qui semblait inconfortable dans une telle position. Un sourire étira les lèvres d’Elea, et elle s’avança jusqu’à l’évier pour y déposer son mug. « Enfin une bonne nouvelle. Comme ça j’éviterai d’arriver avec la gueule de bois en réunion. » James se retourna vers elle, un sourcil levé, ne sachant pas si ces mots étaient véridiques ou du sarcasme. Avec un autre regard amusé, Elea tourna les talons sortant de la pièce avec un vague mouvement de la main. « Je veux un snap, Marshall ! » résonna derrière elle, et Elea secoua la tête, non sans soupirer en sentant ses cheveux sortir de la queue de cheval qui les maintenaient.
Après avoir récupéré ses affaires, elle sortit enfin de son bureau, prenant la route facile et courte qui la menait à chez elle. Une fois arrivée dans son appartement, elle laissa tomber ses affaires sur son lit, sortant de son tailleur parfaitement coupé pour un bas de jogging sûrement trop large, et un débardeur.
Quelques minutes plus tard, alors qu’elle était en train d’exploser son propre record, Elea se tourna vers la porte après avoir entendu quelqu’un toquer et elle ouvrit rapidement la porte, souriant à Danny. « Hola señorita ! » Elea referma la porte derrière la brune, roulant des yeux. « Je ne te promet pas de pas tout manger... » s’amusa t’elle à dire, son accent anglais professionnel s’évanouissant, laissant apparaître l’accent cajun qu’elle avait conservé. Danny la connaissait assez bien- même trop- pour comprendre ce qu’elle voulait dire, malgré les intonations françaises qui fusaient dans son anglais. Elle se demandait souvent pourquoi elle semblait la seule à avoir conserver autant cet accent du Sud. Sûrement parce que l’anglais n’était pas sa langue maternelle.
Elle attrapa le dvd, le portant contre son torse et faisant mime de s’évanouir devant la tête d l’acteur. « Mon film préféré ! » dit-elle, sarcastique malgré un sourire naif sur les lèvres. Elle se tourna après sentit la main de Danny sur ses fesses, sa jambe en un simulacre de coup de pied touchant à peine Danny. Elle attrapa cependant le diner qu’elle entreprit de poser sur divers plats, les amenant devant la télévision. « T'as commencé à jouer sans moi ? Premièrement, c'est de la triche. Deuxièmement, même avec de l'entrainement, tu vas perdre. » Elea roula des yeux, se postant devant la télé et attrapant la fausse guitare pour la secouer devant les yeux de Danny. « T’as vus la page là ? Meilleures scores : moi, moi, moi, encore moi, oh surprise moi. Essaye pas, t’es nulle Callaghan, » argumenta t’elle faussement, reposant la guitare et se jetant sur le canapé, rebondissant légèrement sur le cuir. « Bon, je veux voir des gens s’embrasser sous la pluie. Comme ça je vais me sentir moins mal avec ma vie sentimentale ! » rit-elle, passant une main dans ses cheveux lâches.