Miles Austin Brant - Can't have you miles away (L)

Drunk talk. Drunk talk. Drunk Talk.
T’as pas mieux que ça pour entendre ce que tu veux entendre de la bouche d’un vieux desséché qui sent le whiskey à plein nez. T’as les mots qui sortent, t’as les trucs qui te dis que tu ne sais pas si tu dois croire ou non, mais ils sont là, débités dans une espèce de vomissure incompréhensible. À Phoenix, dans une soirée retrouvailles à son patelin qu’il avait laissé quelques années à courir après un peu de lui-même avec sa guitare au bras, Miles, accroché comme un infirme au cou de Hortense, sa meilleure amie depuis qu’il est haut comme trois pommes, il vomit par jets ses quelques déboires :

          «Tu sais, Hortie, que je pars pour aller à Londres, hein. Ouaip, je pars dans quelques jours là, juste question de m’organiser un peu, dire mes adieux et puis, BANG! Je pars d’un coup comme une balle part d’un pistolet. Je dégage de cette Amérique pourrie qui m’aura que fait crever lentement, tranquillement. Je dégage et je reviens plus. Je vais dire au revoir à mon putain de père de merde, je vais embrasser ma mère, les yeux vers le ciel, le cœur niché dans ma tombe, qu’elle reste en paix putain, je vais aller saluer ma sœur, cette petite chose fragile, puis je m’en vais. Je ne vais rien dire à mon patron, je m’en fous de ce travail de merde ; me  plier à un homme qui m’exploite, servir des connards qui se sucent entre eux tellement qu’ils sont imbus, gaspiller encore l’énergie qui me reste que je pourrais utiliser dans la musique, rien à foutre quoi! Tu sais ce qui va me manquer le plus? Mai maison. Ma belle grande maison en bois là, rouge et blanche, qu’on a dû vendre avec le temps parce que voilà... mon père est un imbécile. Mais cette putain de maison (rire étouffé et gisement maladroit de pas entrechoqués) cette putain de baraque où j’ai grandi avec Béatrice, on jouait au cowboys, aux eplorateurs, on faisait des trous dans la terre pour cacher des trucs! Hahahaha! Et putain. Hé bien cette maison, elle va me manquer parce que … parce que .. (s’essuie le nez coulent de sa manche) parce que j’étais heureux là-bas, tu comprends, ma chérie? J’étais tellement heureux parce que j’étais insouciant, tu vois. Je pensais à rien, j’avais pas à me poser des tas de questions, à avoir dans ma tête cette voix de merde, ces idées de fou, ces pensées de malade qui m’ont poussés à faire tellement de trucs de con. Ah non, j’avais pas toute cette merde à mes pieds, j’étais gamin, j’étais avec ma petite sœur et je la protégeais comme si c’était la prunelle de mes yeux. Y’avait ce connard qui nous balançait des coups quand il me voyait rire trop fort, quand ma mère nous faisait tourner, mais bon, j’arrivais toujours à lui prendre tête. Un jour, il m’a cogné tellement fort parce que je suis revenu (rire intense et regards perdus aux alentours) ha ha ha, je suis revenue putainement défoncé à la maison. J’avais les yeux, tu vois, gros comme ça et tout rouge, on me voyait à des kilomètres! Je riais tellement fort, tout le monde était à table. Mon père a gueulé des trucs, je sais plus quoi, que j’étais une merde probablement, un bon à rien et il m’a niqué. Un coup, j’étais à terre, il m’a défoncé comme c’était pas possible. J’avais le visage en sang après. Ma petite cœur y a passé aussi. Je me souviens de l’avoir entendu gueulé des minutes, des minutes interminables. Elle criait la gosse, elle pleurait, ma mère se ruait sur ce dingue comme elle pouvait. J’ai jamais pu répliquer, mais je l’aurais tué, tu vois. Parce que je sais que.. que … aujourd’hui, elle en paye le prix. Elle a plus sa tête, ma sœur, elle est partie dans un autre univers et je la vois jamais. Je sais qu’elle couche de gauche à droite, elle est pas bien, elle est danger pour elle-même.Je peux l’aider, je suis pas .. pas bien moi aussi. Je ne peux pas aider une malade quand moi-même … je suis malade. Enfin. Elle me manque comme un dingue, je sais pas elle est où, je sais pas ce qu’elle fait, mais … je mourrais pour la retrouver, tu comprends? Quand ma mère, elle est .. bien tu le sais, morte d’un cancer, bien j’ai essayé de la soutenir, mais y’avait ce gros con là qui pensait qu’on était trop jeunes, trop stupides pour faire un deuil. On a déménagé, on a fait pleins de villes, pleins de trucs de fous. Moi, je me suis mis à faire .. à faire des merde. J’ai pris pleins de dope, j’ai pété des trucs, j’ai touché à tout, moi, j’ai pété des gens, j’ai fait … beaucoup beaucoup de trucs stupides, que je regrette un peu aujourd’hui. (Reniflement) Mais y’avait la musique, au moins, tu vois. Je pouivais gratter ma guitare quand ça allait pas, quand j’étais trop défoncé pour comprendre ce que je faisais de ma peau, ça m’a sauvé tellement que je lui en dois trop à cette guitare. Ca m’a mené loin parce que j’écrivais avec mon putain de sang, chaque mots, chaque corde, c’était un de mes démons que je grattais. Je jouais comme un sauvage. Même si j’ai fait des tournées, quelques bon singles, tout ça, je m’en fous. Je te le dis là, je m’en tape. J’ai tellement de poison comme ça pris en moi que tout ça là, c’est que du superflu.é Je veux ma mère et ma sœur, j’échangerais tout pour les avoir, pour avoiur ma vie, ma famille, mon enfance volée, je veux tout ces trucs que je n’aurai jamais. Je veux aimer, Hortense, j’ai jamais été amoureux d’une femme, une femme belle et indépendante, je la cherche, mais je n’y arrive pas. Je me lasse, j’ai peur, je .. (s’approchant de son visage délicatement, presque collé contre elle) j’ai peur de ne plus être capable de m’en passer, comme une drogue tellement puissante que je peux plus m’en passer. Moi quand je sens une énergie, quand je sens quelqu’un, je peux plus lâcher. Je la tiens, tu vois. Tes yeux, tes lèvres délicates, tes cheveux, c’est comme un poison pour moi. Tout ce que ces femmes elles ont, ça me tue parce que je les désire tellement. Je veux les sentir, les embrasser, les lécher, goûter chaque parcelle de leur peau. (Visages s’effleurant, les lèvres se caressant) Tu vas me manquer, Hortense, Phoenix va me manquer, mes amis vont me manquer, la tombe de ma mère va me manquer. Je reviendrai pas. Laisse-moi t’embrasser, juste une fois parce que je reviens pas et je sais pas ce que je vais devenir, ce que Londres fera de moi une fois là-bas. J’ai envie de te faire l’amour ce soir et de t’avoir dans ma tête. J’ai envie de mourir aussi, à petit feu. J’ai envie de pleins de trucs morbides. Mais embrasse-moi avant. (Les lèvres s’approchent dans des rires éclatés, un long baiser passionné s’ensuit, dans une accolade charnelle et décisive. Maladroitement, ils marchent comme si ils n’étaient qu’un. La nuit s’assombrit, les lumières s’éteignent.)