(✰) message posté Jeu 3 Déc 2015 - 16:49 par Theodore A. Rottenford
“It was a soulless gaze, burning with a wild hatred that shouldn’t be there in anyone who could call themselves a parent.” ✻ Je fermai les yeux un instant. Dans cet espace clos et lugubre, je pouvais enfin devenir moi-même. Hier soir, j'avais eu l'occasion d'observer mon reflet pour la première fois à la surface d'un bol de soupe. On m'avait attribué une drôle d'expression. Ma bouche était abîmée par les compromis. J'avais perdu ma barbe et ma prestance, mais le cœur du prédateur habitait toujours au creux de mes pensées. Il semblait différent. Il fixait le sol avant de se cacher derrière la battants de ma poitrine chétive. J'étais ce tueur là. On m'avait conditionné à devenir l'exacte représentation du vice et de la douleur. Tu es grand maintenant, Theodore. Le souvenir de Médusa cheminait autour de ma tête comme un vieux maléfice. Tu ne peux plus m'appeler maman. Sa voix encerclait mon esprit avant de se briser dans la lumière aveuglante du couloir. C'était de cette façon qu'elle putréfiait les mortels : En leur interdisant d'être innocents. Clara Ó Ceallaigh n'était pas une créature mythologique comme les autres. C'était une femme du pouvoir. Maman. Je pinçai les lèvres en me tournant vers le mur. Il était enduit par un film gris et sale. Ses imperfections me défiaient au fur et à mesure que je m'étendais sur la couchette. La prison était oppressante. Ses parois étaient courroucées par le temps. Ici, les heures pouvaient durer toute l'éternité. J'étais condamné à attendre ma sentence finale. Le bureau des libérations sur parole exigeait une analyse complète de mon dossier avant de se prononcer. J'étais accusé de plusieurs crimes. Il y avait les délits que j'avais commis en exerçant mes fonctions d'agent de police, les fraudes fiscales et les meurtres avec préméditation. Les faits existaient mais ils n'étaient pas encore avérés. Il n'y avait aucune preuve matérielle de mon implication dans les affaires de la mafia. Je n'avais aucune conscience – pas de vérité à partager. Mon surnom d'aigle irlandais me rendait invincible car au fond de moi, j'étais complètement détaché des gens. Je ne connaissais plus les règles du troupeau. Mon caractère sauvage, mon anxiété maladive, mon estime pour ma fille et ma nostalgie de Samantha m'avaient transformé en solitaire. J'étais enchaîné à cause d'une simple erreur de jugement. Je crispai les doigts autour de mes genoux d'un air maussade. Le vieux matelas couinait au gré de mes gestes disgracieux dans la cellule du pénitencier. J'écoutais tous ses bruits en faisant preuve de bonne volonté, mais mon esprit était troublé par le vide. Je voulais partir et retrouver les étreintes glacées du vent. Mes jambes tremblaient, avides de courir sur les étendues brumeuses de Belfast. J'éprouvais un certain attachement pour l'univers de mon enfance. Je revoyais les façades larmoyantes de la paroisse du village et les croix qui brillaient au clair de lune. J'entendais les appels de la miséricorde sans que mon cœur ne puisse réellement s'imprégner des messages de Dieu. Il n'y avait aucune issue dans l'inconnu. Tu es grand maintenant, Theodore. Je frissonnai en me redressant. Un homme au visage double, capable d'entrevoir les firmaments de l'humanité ne devrait pas vivre dans un monde dominé par l'incertitude. Pourtant, j'étais resté entre les rangs. Et lorsque l'ampleur de mes contradictions devenait trop gênante, j'en imputais la faute à la famille en ignorant volontairement que la mafia constituait la meilleure partie de moi-même. J'étais l'héritier O'Connor, le fantôme de Jamie. Son prénom désignait tout ce qu'il y avait de dangereux en moi, tout ce que la loi considérait condamnable et préjudiciable : mon amour, ma dévotion, ma sincérité. C'était de cela qu'il s'agissait en réalité. De ma façon d'aborder les sentiments et de protéger les miens. Mon meilleur ami était mort. Et je tomberais afin d'honorer sa mémoire. Comment pouvait-on dénoncer un crime aussi noble ? Je crispai la mâchoire en tournoyant dans ma cage. Mon co-détenu dormait les yeux ouverts. Son regard perçant était fixé sur un point obscur qui flottait dans l'ambiance morose de la pièce. Je savais qu'il ne pensait à rien. Derrière sa façade, Howard-Clark était un loup enragé qui avait usé ses crocs. Aujourd'hui, il ne lui restait plus que la perpétuité. Je connaissais son histoire et la minutie de ses choix, mais les morsures les plus douloureuses ne venaient pas toutes du loup. Il avait souffert avant de faire souffrir. Je lui adressai un hochement de tête avant de commencer mes exercices de musculation.
Mon avocat avait annoncé une fourchette comprise entre trois et douze-ans pour tentative de meurtre. J'avais presque tué mon père lorsqu'il avait menacé de me prendre Jasmine. Je ne pouvais pas en démordre, il y avait des témoins. La suite du chef d'accusation n'était qu'un ramassis de conneries. J'anticipais les raisonnements du système judiciaire. J'étais l'appât destiné à capturer le gros poisson. J'avais une longueur d'avance sur la police car elle était incapable de détecter les failles de l'organisation irlandaise. Au delà, de cet univers sombre, il y existait des créatures gracieuses et effrayantes, puissantes et fragiles, entièrement écrasées par la fable de l'aigle royal. C'était mon trône qu'ils convoitaient sans s'apercevoir que j'étais à la fois l’appât et le poisson. Tu es grand maintenant, Theodore. Je décortiquais chaque fragment de ce souvenir. J'étais grand maintenant. Je ne pouvais pas l'appeler maman. J'étais grand et je n'avais plus besoin de la famille. Je m'alignai derrière les autres prisonniers dans la file. La salle était déjà pleine de visiteurs mais je ne reconnaissais aucun visage dans l'assemblée. Je cherchais alors parmi les tables éparpillées un signe d'appartenance à la mafia – une rencontre fraternelle avec l'un de mes anciens camarades. Sans succès. Le désordre se tressait sur les expressions parfois tristes, parfois ébahis. Mais il n'y avait personne pour moi. J'agitai les poignets autour de mes menottes en suivant les pas pressés de mon surveillant. Ses talons dessinaient des cercles dans la poussière qui recouvrait les sols crasseux de l'établissement. Je les voyais. Je les sentais s'infiltrer sur ma peau afin d'empoisonner mon esprit. Je déglutis difficilement avant de me ranger sur le côté du mur. On me désigna une jeune femme blonde. Son teint clair avait un goût suave dans la pénombre. C'était donc vrai. Heaven était un jardin paradisiaque peuplé par des colonies de monstres nocturnes. Je m'assis en face d'elle en esquissant un faible sourire. « Mi lady. » Soufflai-je en courbant l'échine. Je relevai les manches de mon uniforme avant de poser les mains sur la table. C'était le règlement. Rester à découvert. Être complètement transparent. Je plissai le front en me penchant au dessus de mes chaînes. « Tu t'es trompée de papa ? » M'enquis-je sur un ton séducteur. Un gardien siffla en ma direction afin de me contenir. Je haussai les épaules d'un air innocent. Puis je me focalisai sur la position de ma visiteuse. Que faisait-elle ici ? Pourquoi cette envie soudaine de rencontrer la réplique de l'homme qui avait détruit sa réputation ? Je commençais à m'impatienter. Je voulais entendre les souffles de sa voix et retrouver les similitudes entre son regard biaisé et sa bouche rosée.
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(✰) message posté Jeu 3 Déc 2015 - 17:20 par Invité
Theodore & heaven — princess with lips made of glass and a voice cut from steel, features born from thunder and battle. ✻ ✻ ✻ Heaven était agitée. Ses doigts pianotaient sur ses jambes sans qu’elle ne puisse s’arrêter. Son regard allait et venait dans la pièce mais, en réalité, elle ne parvenait pas à capturer la moindre image et l’imprimer sur ses rétines. Sa respiration était irrégulière et elle se mordait l’intérieur de la joue, inlassablement, comme pour tenter d’étouffer ses nausées. Comme si cela lui serait suffisant. Mais elle savait. Elle savait que cela ne serait jamais suffisant. Elle connaissait cet état. Elle le connaissait sans doute trop bien. Elle avait conscience que cela signifiait qu’elle était en manque, que son corps réclamait sa dose, la dernière dose, encore une fois, mais elle refusait de croire qu’elle était de retour sur ce chemin-là. Elle ferma les yeux douloureusement, l’intégralité de son corps la faisant souffrir. Elle avait des courbatures dans ses bras, dans ses jambes, dans des muscles dont elle n’avait jamais soupçonné l’existence jusqu’alors. Son ventre se tordait en de violentes crampes sans qu’aucun médicament ne change la donne. Elle tremblait, tremblait de tout son corps ; elle tremblait mais elle ne parvenait pas à s’arrêter. Elle tremblait parce que tout cela la dépassait, parce qu’elle n’avait absolument plus aucune prise sur la réalité. Elle était ridicule. Ridicule, ridicule, ridicule. Ridicule d’avoir cru être au-dessus de ses démons. Ridicule de s’être impliquée de cette manière. Ridicule d’avoir emprunté ce chemin sans se douter qu’elle finirait dans cet état. Ridicule, ridicule, ridicule. Ridicule parce que Theodore Rottenford derrière les barreaux ne changeaient rien. Ridicule parce que, malgré tout, lorsqu’elle revenait sur Terre, la réalité était toujours là. Caleb était décédé. Son père était un tueur. Et elle, elle, n’était qu’une putain de misérable, une putain d’imbécile ridicule. Ridicule, ridicule, ridicule. Ridicule, ridicule, ridicule. « Howard-Clark ? » Elle revint sur Terre, l’écho de ses pensées continuant de taper dans son crâne dans un bruit sourd. Elle leva la tête vers l’homme qui s’était adressé à elle et elle mit une demi-seconde avant de comprendre qu’il fallait qu’elle bouge, qu’il fallait qu’elle se lève, qu’il fallait qu’elle réagisse. S’il tentait d’être impassible en l’accompagnant, elle pouvait aisément lire sur son visage qu’il l’avait reconnu. Qu’il avait reconnu son nom de famille, du moins. Howard-Clark. Cela ne faisait plus que désigner une famille rendue tristement célèbre à cause d’un assassin. Les autres ne se rappelaient plus qu’il s’agissait d’un nom de famille pur, d’un nom de famille noble, d’un nom de famille habitué à fréquenter les bancs du Parlement Britannique. Si Heaven avait toujours détesté être une lady, elle ne savait pas si elle préférait les nouvelles connotations de ce patronyme. Lady, assassin, assassin, lady. C’était presque du pareil au même. On la fit passer par des grilles, des portes sécurités. Sur sa poitrine était accroché un badge visiteur, précisant son nom, son prénom, muni d’une puce sans doute avec plus d’informations sur elle encore. On l’installa dans la pièce de visite, à une table, avec d’autres personnes venues sans doute pour leurs proches incarcérés. Et elle, pour qui était-elle là ? Ce n’était pas son père qu’elle était venu voir. A vrai dire, son père, elle ne désirait plus le voir. Alors, pour qui était-elle là ? Ce n’était pas un proche. Ce n’était pas sa famille. Ce n’était pas un ami. C’était rien. Rien et personne. Une ombre sur son existence, la cause de l’effondrement de sa vie. C’était rien, c’était tout. Mais peu importait. Elle était là quand même. Elle patienta, le corps parcourut de spasmes nerveux. Elle rongea ses ongles un à un, incapable de contenir les bouffées d’angoisse qui la parcourait. Puis, finalement, il s’assit en face d’elle. Puis, finalement, elle croisa pour la première fois le regard de Theodore Rottenford et elle se rendit compte qu’il avait exactement le même regard que son père. Elle fut parcourue d’un frisson. « Mi lady, » la salua-t-il finalement en posant ses mains en évidence sur la table. « Tu t'es trompée de papa ? » Heaven serra les dents, lui jetant un regard mauvais. Il savait, donc. Quelque part, cela ne l’étonnait pas. Theodore Rottenford avait fait partie de la police, après tout, et il aurait été très peu probable qu’il n’ait pas entendu parler de l’affaire de son père. Peut-être avait-il même vu le dossier. Non, ce qui l’étonnait, c’était la lueur qui brillait au fond de son regard. Comme s’il savait. Comme s’il savait tout. « Non, » finit-elle par répondre. « C’est vous que je voulais voir. » Elle se pencha au-dessus de la table, mimant sa position. Elle le regarda droit dans les yeux même si elle aurait sans doute préféré ne plus croiser son regard. Parce que, dans ses prunelles, elle voyait son père. Elle voyait cette folie douce et silencieuse. Elle voyait son propre fils, Ezra. Elle voyait toutes ses peurs. Elle voyait tout ce qui la rendait malade. « Pour vous montrer à quoi ressemble une fille de tueur. Jasmine, elle s’appelle, c’est bien ça ? » Elle le provoquait, elle en avait conscience. Mais elle avait toujours été ainsi. Elle avait toujours répondu à ses peurs avec de la provocation. Elle avait toujours fait ainsi avec son père, avant qu’il ne finisse derrière les barreaux. Avant qu’elle ne se rende compte qu’elle aurait pu payer de sa vie avec un pareil comportement. Cela en allait de même avec Theodore Rottenford, sans doute. Mais Heaven Howard-Clark n’avait pas encore appris la leçon.
(✰) message posté Lun 4 Jan 2016 - 15:28 par Theodore A. Rottenford
“It was a soulless gaze, burning with a wild hatred that shouldn’t be there in anyone who could call themselves a parent.”✻ Mes yeux glissaient suavement sur son cou. Heaven exaltait un parfum étrange. Elle était faite de mystères et de contradictions. De beautés sublimes et éphémères. Elle me donnait envie de courir vers ma cellule afin de retracer les courbures de son visage sur le mur. Mon fantasme meurtrier était une malédiction. C'était mon lot, ma punition. J'en avais presque formulé le vœu magique. Et aujourd'hui, j'étais incapable de le retirer. Il ne servait plus à rien de tendre les bras à la surface de la table ou d'agripper une main compatissante. Je ne voulais pas retisser des liens et retrouver la communauté. Cette dernière m'avait déjà oublié. Ma petite sœur m'avait vendu au moins offrant. La mafia m'avait lâché dans la nature. Et les autres ? Je ne les voyais plus. Je me contentais de les imaginer dans l'obscurité de la nuit. Je me redressai en observant la jeune blonde. Les lueurs de la lampe retombaient sur sa chevelure nuageuse, mais plus la pièce s'éclairait et plus elle devenait sombre. Que faisait-elle ici ? Pourquoi m'avoir choisi ? Il y avait tant de criminels dans la salle mais elle venait à ma rencontre. C'était stupide. Plus personne ne se rapprochait de moi. Personne ne se montrait désireux de partager mon existence, maintenant que je m'étais dévoilé. Je vivais dans mon univers de solitaires, dans une atmosphère silencieuse et vengeresse. Je haussai les épaules en jouant avec les chaînes qui ornaient mes poignets. A cet instant, je n'avais pas peur de la prison. Je n'avais plus peur de rien. Le mépris de la Howard-Clark n'était qu'une passade. Elle voulait diriger ses ressentiments vers son père mais elle décidait de m'accorder cette attention. Je trouvais cela amusant. D'être le centre d'une sphère à laquelle je n'appartenais pas. Mes pensées s'embrumaient dans mon esprit, mais je gardais la tête haute et la posture rigide. Je ne descendais jamais de mon perchoir. Elle devait m'y rejoindre afin d'entamer le dialogue. C'était ça, mon idéologie. Transformer les gens. Les rendre aussi détestable que je l'étais. Et je réussissais toujours à ce jeu là, parce que la nature humaine était pathétique dans son origine. « Non, » Je plissai les yeux en me délectant des variations de sa voix. Non. Il lui suffisait d'un seul mot pour capturer cet instant. « C’est vous que je voulais voir. » Heaven se pencha à ma hauteur en mimant mes gestes. Son regard acéré croisa le mien, et sans ciller, elle laissa déborder sa haine sur mon expression imperméable. Je souris, avec toute ma bonne volonté. Je souris, parce qu'elle suscitait réellement mon intérêt et que les programmes de loisirs de la prison étaient d'un ennui mortel. Elle se trouvait sur la bordure du néant. Ici, elle représentait quelque chose. Dehors, je ne lui aurais pas accordé ce privilège. Je courbai l'échine afin de tirer ma chaise vers la table. « Pour vous montrer à quoi ressemble une fille de tueur. Jasmine, elle s’appelle, c’est bien ça ? » Je pinçai les lèvres en fermant les yeux. Jasmine. La fille d'un tueur. Ma fille. L'analogie était si facile. Cependant, sa remarque ne concernait que la simple superficie de la réalité. Si nous disposions d'une science exacte, de valeurs assez courageuses pour lever les voiles sur le complexe du tueur, ces éléments seraient déjà connus de tous. Or, je la regardais. Je voyais la fille d'un tueur. Mais ce n'était pas ma Jasmine. Elles ne se ressemblaient pas car j'en avais décidé ainsi. « Je me sens honoré. » Murmurai-je en humant effrontément son parfum. Son aura flottait tout autour de mes narines. Elle grondait dans ma cage thoracique avant de s'évanouir sur mon flanc. Mon cœur se serra, tout à coup. Était-ce le sentiment ou la frénésie de la chasse ? Je sentais ma langue onduler contre mon palais, prête à laper toutes ses blessures. Prête à la conduire là où elle espérait que je la mène. Jusqu'au souvenir de son père. « Je comprend. Je sais maintenant pourquoi elles te ressemblaient toutes. » Je la tutoyais malgré la distance qu'elle instaurait entre nous. Je notais ses réactions et ses tics nerveux. Cette façon, un peu légère qu'elle avait de se tenir. Les contours de ses ongles rongés par l'anxiété. La pâleur de son teint et l'aspect harassé de sa frange. J'étais derrière les barreaux, mais c'était Heaven, qui semblait crever dans l'enfermement. Moi, je brillais toujours. Mon enfer était devenu ma maison. « Tu as ce petit quelque chose … Je les aurais toutes choisi comme toi ... » Déclarai-je sur le ton de la confession. Ce n'était pas de la provocation. Un simple constat. Elle correspondait au schéma classique des âmes perdues, celles que l'on voulait annihiler afin de se créer une illusion de puissance. Parce qu'il s'agissait de cela en fin de compte. J'avais étudié le dossier. Son père était un psychopathe faible. Il était rongé par les complexes et l'infériorité. Contrairement à lui, j'étais parfaitement lucide lorsque j'arrachais la vie. J'étais égal à mes principes. J'étais l'espion de la pègre irlandaise.
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(✰) message posté Mer 13 Jan 2016 - 19:24 par Invité
Theodore & heaven — princess with lips made of glass and a voice cut from steel, features born from thunder and battle. ✻ ✻ ✻ Le problème d’Heaven, ce n’était pas sa manière de provoquer le monde. Le problème d’Heaven, ce n’était pas ses tendances presque obstinées à tenir tête aux personnes qui l’entourent, aux personnes qui croisent sa route. Non, son problème, c’était de toujours jouer à la plus forte ; de toujours maintenir la tête haute, le menton relevé, de sorte à faire croire à tous ceux qui pouvaient bien croiser son chemin qu’elle n’avait pas peur d’eux. Qu’elle n’avait pas peur du monde. Qu’elle n’avait pas peur d’abandonner son âme quelque part lors du processus. Oui, le problème d’Heaven, c’était de toujours jouer avec ce qu’elle n’était pas. Oui, le problème d’Heaven, c’était de toujours avancer en courant presque alors qu’elle était en équilibre instable. Elle ne faisait que cela, Heaven. Courir. Se précipiter. Tomber. Elle ne faisait que tomber. Elle l’observait dans les yeux. Elle observait Theodore Rottenford dans les yeux comme si elle n’avait rien à perdre. Elle observait Theodore Rottenford comme si cela ne lui faisait rien de se trouver dans cette prison, comme si elle n’en avait que faire de ses mains qui pouvaient bien trembler, comme si elle se fichait bien de faire face à l’image qu’elle s’était faite de son père. L’étincelle qui brillait au fond de son regard la terrorisait et, pourtant, elle maintenait le contact visuel pour montrer au monde entier, et surtout à elle-même, qu’elle ne se laissait pas faire par ses faiblesses. Qu’elle ne se laissait pas consumer par ses peurs. Qu’elle ne laissait pas son être se manifester. Qu’elle s’emprisonnait elle-même dans son propre corps, quelque part. Il semblait captivé par sa présence. Un frisson d’horreur parcourut ses avant-bras mais elle fit comme si rien était ; son esprit s’était enfermé dans une bulle, dans une sphère, loin, très loin de ce corps beaucoup trop faible. Il observait la situation de loin, appréciait presque le spectacle que cela lui offrait. Et il y avait le manque. Ce manque. Encore et toujours ce manque qui ne semblait pas décidé à la laisser tranquille. Encore et toujours ce manque qui ponctuait chaque seconde de son existence depuis qu’elle avait décidé de prendre une voie à sens unique. Une voie sans possibilité de faire machine arrière. Idiote, ridicule, idiote, ridicule. Elle avait l’habitude de ces mots. Ils lui collaient à la peau. Sa mère les avait répété encore et encore lorsqu’elle n’avait pas encore appris à se ficher de tout ce qu’il pouvait bien lui dire. « Je me sens honoré, » répondit finalement Theodore. Il avait l’air confiant. Il dégageait une aura d’arrogance presque aussi forte que celle d’Heaven ; et, malgré celle, cela l’agaçait profondément. Il était comme elle sur certains points, elle en avait conscience, mais cela ne faisait que lui rappeler qui elle était réellement. Idiote, ridicule, fille de tueur, idiote, ridicule, fille de tueur. « Je comprends. Je sais maintenant pourquoi elles te ressemblaient toutes, » poursuivit-il. « Tu as ce petit quelque chose… Je les aurais toutes choisi comme toi... » Son ton. Il y avait quelque chose qui n’allait pas avec son ton, avec sa manière de dire les choses. Elle ne parvenait pas à desceller de l’ironie. Elle ne parvenait pas à sentir de la provocation. Il disait cela avec beaucoup trop de calme pour qu’elle ne s’y retrouve. Il disait cela comme s’il s’agissait d’une vérité. Il disait cela comme s’il le pensait réellement. Finalement, avant même que son père ne tue, elle était déjà fille de tueur. Idiote, ridicule, idiote, ridicule. Fille de tueur. Fille. De. Tueur. « Pas comme moi, » finit-elle par répondre en émergeant de ses propres pensées. C’était difficile de garder le fil maintenant que son esprit semblait se rebeller contre elle, lui aussi. Cela était difficile d’être sereine lorsque son esprit semblait lâcher prise, à son tour. « Comme votre fille. Comme Jasmine. » Son ton était incroyablement neutre, pour une personne qui gardait autant de pression au sein de son corps. Mais Heaven le savait. Elle était une bombe à retardement. Elle finirait par exploser, tôt ou tard. Elle finirait par perdre le contrôle. Elle finirait par se perdre, elle. « Blonde comme les blés. Je suis sûre qu’elle a les mêmes fossettes que moi lorsqu’elle sourit. Encore beaucoup trop innocente pour ce monde. Mais qui est-ce qui va la maintenir dans cette innocence, maintenant que son père n’est plus là ? » demanda-t-elle avec l’ébauche d’un sourire sur les lèvres. Elle savait que sa fille était sans doute le point faible de Theodore Rottenford. Contrairement à son propre père, il avait l’air de tenir à son enfant. Ses pensées papillonnèrent vers Ezra. Si elle était la fille d’un tueur, il était le fils d’une fille de tueur. Est-ce que cela faisait de lui un fils de tueur ? Est-ce que cela faisait-il de lui une âme perdue ? Est-ce que cela faisait-il de lui un Howard-Clark ? « La folie n’est pas nécessairement dans les gênes. Pourtant, c’est quand même celle de son père qui va l’attirer vers le bas avant même qu’elle ne s’en rende compte. » Elle alla poser son dos contre le dossier de sa chaise. Ses poignets reposaient sur le bord de la table. Elle continuait de l’observer. Elle continuait de l’observer et, ses pensées, quant à elles, continuaient d’énumérer. Idiote, ridicule, idiote, ridicule, fille de tueur.
(✰) message posté Mar 26 Jan 2016 - 15:51 par Theodore A. Rottenford
“It was a soulless gaze, burning with a wild hatred that shouldn’t be there in anyone who could call themselves a parent.”✻ C'était dangereux. Elle me poussait à changer, à me joindre aux pulsions sauvages d'une bête différente de celle que j'étais à mon origine. Je relevai lentement la tête vers son visage étincelant. Ce n'était plus la beauté sublimée de la victime que je percevais derrière ses traits tirés par l'anxiété, mais la cause de l'absurde. Je pinçai les lèvres en la regardant avec une fixité étrange. L'expression d'un sentiment était toujours absurde. Et c'était exactement ce qu'elle faisait en cet instant. Elle s'épandait sur mon univers pugnace. Elle effleurait mes ailes recouvertes de sang et de goudron. Elle s'exprimait alors que je n'en avais rien à foutre de sa présence. Ses petits complexes tordus ne m'appartenaient pas. Toutes les images de ces jeunes filles placardés sur la surface vitreuse de son regard ne m'appartenaient pas. Toutes les affiches démesurées, magnifiquement alléchantes de cadavres nus et embrumés ne m'appartenaient pas. Un mafieux n'enterrait pas ses victimes. Il ne les découpait pas entièrement. Je souris d'un air carnassier. Il suffisait de moins que ça pour intimider. Un doigt qu'on tranche d'un geste précis, le bout d'une langue qui frétille encore au fond d'une bouteille en verre. Je n'étais pas comme ces tueurs-là. J'agissais pour le bien de ma communauté. J'étais un moralisateur, un justicier plein de failles. Personne ne pouvait m'ôtait ce droit, celui de parler de la mathématique chrétienne comme si j'en étais l'inventeur. J'humectais le coin de mes lèvres en la regardant avec une étincelle brûlante. Que pouvait-elle faire pour contrer mon imagination ? Je pouvais la voir sous toutes les coutures. Mon esprit débordait déjà sur son cœur. Il ternissait cet aspect lumineux et pâle qu'elle arborait d'un air si inatteignable. Mais petite, je t'ai déjà atteint. Hélas, je n'étais pas une âme charitable. Je ne jugeais pas nécessaire de la mettre en garde contre la menace de son anarchie sentimentale. Elle tomberait toute seule et je foulerais le sol à quelques mètres de sa silhouette dépecée avant de mordre la poussière à mon tour. Après tout, j'étais bien conscient de l'imminence de ma sentence. Je n'étais pas fou. « Pas comme moi, » Je plissai les yeux en me redressant avec nonchalance. La voilà encore, cette légère note de provocation, ce film protecteur derrière lequel Heaven Howard-Clark cachait son éternelle agonie. Ce n'était pas la première fois que je croisais une camée. Ce n'étais pas la première fois que je courbais l'échine en sentant le parfum du manque qui perlait entre ses phalanges rongées par le stress. Hé, toi. La fille du tueur, ce n'est pas joli de manger ses ongles ! « Comme votre fille. Comme Jasmine. » Je restai en suspens, bercé par les ondulations de sa voix suave. Elle enveloppait mon expression trop rigide. Elle s'infiltrait sous ma peau translucide afin de se mélanger aux poisons qui bouillonnaient dans mes veines fragiles. « Blonde comme les blés. Je suis sûre qu’elle a les mêmes fossettes que moi lorsqu’elle sourit. Encore beaucoup trop innocente pour ce monde. Mais qui est-ce qui va la maintenir dans cette innocence, maintenant que son père n’est plus là ? » C'était si facile de s'attaquer à la faiblesse de son opposant. C'était aussi prévisible et charmant. Peu de personnes osaient prononcer le prénom de ma fille de cette façon. Je devais lui accordais ce mérite là, celui d'être complètement inconsciente. Elle dépeignait les faits dans l'ordre. Elle jouait avec insouciance en amalgamant deux histoires, deux petites filles et deux tueurs. «La folie n’est pas nécessairement dans les gênes. Pourtant, c’est quand même celle de son père qui va l’attirer vers le bas avant même qu’elle ne s’en rende compte. » Je ne l'interrompis pas tout de suite. Je la laissai sombrer dans ses lubies fantasques. L'essentiel apparaissait clairement : la haine faisait rage dans sa tête. Une culpabilité violente qui me paraissait extrêmement sympathique. Je restai silencieux contre mon siège, puis lorsqu'elle s'éloigna de la table je fis claquer les chaînes de mes menottes dans un rythme cadencé. Je lui offrais une chanson d'adieu. Une mélodie funeste, identique aux cloches qui résonnaient dans mes souvenirs. Je me languissais des battisses grisonnantes de l'église de Belfast. C'était ainsi que j'avais découvert ma destinée. Je me mordis la lèvre inférieure avant de laisser échapper un rire cristallin. N'avait-elle pas encore compris qu'il n'y avait rien à tirer de la carcasse pourrissante de l'homme qui s'était déjà incliné ? « Tu l'as déjà vu ? » Murmurai-je sur un ton glacial. Je la jaugeais du regard. Je franchissais la limite de l'invisible, celle qu'elle semblait tant hésitante à border avec sa silhouette ridicule et ses jambes trop maigres. Une camé, quelle sacrilège ! « Ma Jasmine est si jolie. J'avais oublié la couleur de ses cheveux, l'allure de ses fossettes. Elle est innocente ? Elle te l'a peut-être dit. La dernière fois que je l'ai vu elle m'a simplement fait un signe de la main. » Mon récit était emprunt d'une fausse mélancolie. Je ne ressentais plus rien. J'étais une coquille creuse. Sa logique implacable ne me faisait aucun effet. Je n'étais pas vaincu par son message mais je percevais tous ses signaux de détresse. C'était elle la petite fille ravagée par l'absence de son père. J'avais déjà pris mes dispositions concernant l'avenir de ma descendance. Je ne correspondais en rien à ses schémas. « Tu penses que c'est ton père qui t'as attiré vers le bas ? » Je ricanai avec froideur. C'était si typique d'une junkie. Se victimiser, rejeter la faute de ses propres échecs sur les autres. Abigail aussi pensait que c'était l'abandon de la famille qui l'avait poussé à se salir, alors que je n'avais tout simplement le temps d'être son grand frère. « Je crois que c'est toi, dès ta naissance qui l'a tiré vers ton berceau. Toi avec tes cheveux comme les blés, tes fossettes qui ressemblent à des trous monstrueux. Et ton innocence qui n'a jamais existé. Regarde toi. Regarde nous. » J'élargis mon sourire. « Ce n'est pas à Jasmine que tu ressembles mais à son père. » Je haussai les épaules en la contemplant. Je fermais les yeux et c'était ses paupières qui clignaient dans le vide. J'étais enchaîné dans une prison fédérale, dans la même cellule que son père, mais c'était elle qui souffrait de cette proximité. En réalité, la prisonnière c'était elle.