tu es trop belle pour être gentille. c’est pourquoi tu détruit tout ce que tu touches.

« Ça s'appelle de l'auto-destruction, Cassidy. » Un sourire narquois se glisse sur mes lèvres. "Auto-destruction", pourquoi dont ce terme sonnait si parfaitement dans mes oreilles. « Vous ne vous permettez pas le bonheur. Vous refusez d'être heureuse, parce que vous pensez ne pas le mériter. C'est un esprit torturé que j'ai en face de moi, et ça ne devrait pas être le cas... Vous êtes- » S'en était trop. Je ne le laissais pas terminer sa phrase et le reprenais, sachant parfaitement le discours qu'il allait me citer. Presque mot pour mot. « Vous êtes jeune et jolie Cassidy, vous avez la vie devant vous ! » Citais-je alors avec un joli mélange de sarcasme et d'ironie dans la voix. « La seule personne qui se tient entre le bonheur et vous, c'est vous ! » Continuais-je de plus belles, pointant mon index droit en sa direction avec un petit mouvement de tête accompagné d'un clin d'oeil comme pour citer l'une de ses phrases cultes de chaque foutu psychologue à la con qui pense savoir ce que les gens ont dans la tête. Ils en ont aucune idée. Ils ne savent pas une seule seconde ce qui peut bien se passer dans mon esprit de barrée. Putain, ce que j'ai envie d'une ligne de coke et de planer, tout oublier.Il prend des notes sur son petit carnet, me jetant de temps à autre quelques petits regards entre l'inquiétude et la pitié, et ça me fait rire. Je laisse échapper quelques éclats de rire, m'enfonçant un peu plus dans mon fauteuil. « Vous gribouillez quoi, là-dessus, hein ? » Il relève la tête, prit au dépourvu. « C'est pour mes parents ? Une ordonnance d'amour à m'apporter et la promesse que faire plus attention à moi me sauvera ? » Nouveau sourire narquois, je me redresse et plante mon regard dans le sien. Ce pauvre type n'avait alors rien compris. Je m'asseyais dans son putain de fauteuil chaque jour, j'étais forcée de lui raconter ma vie de merde chaque jour, depuis des semaines, et rien. Il n'avait absolument rien compris et le pire, c'est qu'il ne le faisait pas exprès. Un psy', c'est censé être malin, pourtant. « C'est trop tard. J'suis foutue. » Avouais-je d'une voix calme.



Je ne suis pas née dans la rue, je n'ai jamais été heurté à un drame dans ma famille, mes parents sont tout deux en vie. En réalité, j'ai eu l'enfance rêvée pour faire de moi une petite "miss perfection" dans toute sa splendeur. Unique fille, princesse de la famille gâtée et choyer, je suis venue au monde dans les beaux quartiers de la capitale anglaise, mon père est un riche avocat de renommée internationale tandis que ma mère voue son existence tout entière aux autres. Missions de bénévolat, oeuvres caritatives. L'un a toujours été obnibulé par les dossiers à gagner et l'argent à se faire tandis que l'autre ne pensait qu'à venir en aide aux pauvres petits orphelins de la planète. Souvent, je me suis demandé ce qui avait bien pu les attirer l'un vers l'autre, ils n'avaient absolument rien en commun. Ils partageaient le même nom, le même toit, le même lit, mais semblaient être de parfaits inconnus l'un pour l'autre. Jusqu'à mes treize ans du moins, je n'y portais pas grande attention. Je me disais que c'était comme ça que les choses fonctionnaient entre adultes, que la vie de couple se résumait à un baiser sur la joue le matin avant de partir au boulot, enfin, si on y pensait.

Quand j'avais donc treize ans, ils se décidaient à divorcer. Je pense que si mon père n'avait pas fait des galipettes avec sa stagiaire, ils en seraient toujours au même stade. Pourtant, il a dit être "tombé amoureux" et vouloir l'épouser. Bien sûr, pour épouser une jeunette, il fallait d'abord divorcer. Après ça, ma mère s'est installée à Manchester, m'emportant avec elle. Je n'ai pas vraiment eu le choix, mon paternel ne semblait pas tenir à avoir une enfant dans les pattes, ça risquait d'effrayer Camilla. Camilla, quel genre de pute de base pouvait bien porter un nom pareil. Donc, je suis allée vivre à Manchester, du moins, une semaine sur deux. Ma mère s'est mise à bosser deux fois plus pour pouvoir oublier son connard d'ex-mari et prétendre que la façon dont il l'avait chassé de leur maison familiale pour y faire installer sa maîtresse n'était pas complètement humiliante. C'est une femme forte, ma mère, elle remontait la pente. Elle la remontait, alors que moi je la dévalais. C'est à cet âge que je commence à fréquenter les bureau de psychologues.


Je pense que le divorce a été une excuse. J'ai toujours senti que quelque chose clochait en moi, je ne suis juste jamais parvenue à mettre le doigt dessus. J'ai pris beaucoup de poids durant ma préadolescence. À l'école j'avais toujours été une gamine timide et réservée, la victime parfaite a martyrisé. Les gamins peuvent être cruels, le pire dans tout ça c'est que ça les fait rire. Il n'y a rien de plus méchant que les enfants entre eux, j'en connais quelque chose. Ses attaques perpétuelles durant des années, en plus du fait d'être complètement transparante aux yeux de mes parents, faisaient que je sombrais un peu plus chaque jour. Pauvre petite fille riche, vous me direz. Elle a tout, pourquoi se plaint elle encore ? C'est l'image qu'on m'a toujours donné. Celle de la gosse de riche à la vie parfaite, qui n'a pas le droit de ne pas être heureuse, parce qu'elle a tellement plus que les autres. Et pourtant. Les moqueries et autres attaquent eurent raison de moi, à quatorze ans je fumais mon premier joint lors d'une soirée à Londres et je tombais amoureuse de ce sentiment, de cet apaisement. Je m'étais jamais sentie aussi bien. Mes copines de l'époque ont essayé et abandonner à la première taffe, disant à quel point ça sentait mauvais et c'était mal. Moi dès la première bouffée j'étais dépendante, et ça n'est pas aller en s'arrangeant. Coke, exta', amphét', tout y est passé. J'ai tout essayé pour sortir de ma tête et de mon coeur cette solitude affolante qui hurlait en moi. L'avantage, la drogue est un moyen efficace pour la perte de poids. En quelques mois seulement je suis passée poids plume. Ne rien avaler d'autre que des substances illicites ça aide, et puis vomir intentionnellement le reste dans la cuvette des toilettes aussi. Je me suis esnuite mise à déconner sévère. Sortir tous les soirs, faire le mur, sécher les cours, trouver de nouveaux amis. Le genre d'amis sur lequels mes deux parents auraient été d'accord pour une fois. J'étais dans les vapes 23h sur 24, et le reste du temps je le passais à chercher de quoi m'y replonger. Mes seuls moments de bonheur se résumaient à être défoncée. Et puis un soir, c'est parti en live un peu trop violemment.

« Maman ... ? Il faut que tu ... Il faut que tu viennes. Tout de suite. » Halloween 2014, l'an dernier. Enfermée dans une cabine téléphonique perdue dans l'un des quartiers les moins bien fréquenter de la ville, je tremblais, résultat du manque, de la fatigue, dû choque et du froid. J'étais frigorifiée, en pleure, il était dans les quatre heures du matin. Autour de moi, une tonne de lumières, de bruits, de gens. Je n'étais pas rentrée à la maison depuis des jours, que dis-je, des semaines. J'habitais dans un squat avec d'autres junkies dans mon genre, j'étais dans un piteux état. Mon petit copain de l'époque venait de faire une overdose sous mes yeux, ils allaient le transporter à l'hôpital, je savais pas s'il allait s'en sortir, je n'avais jamais eu si peur de ma vie. Overdose. Ce mot n'avait jamais vraiment eu de sens à mes yeux. Pour moi ça n'arrivait qu'au mal chanceux ou aux abrutis qui ne connaissaient pas leurs limites. Au pire des cas ça touchait la demi-soeur d'une cousine lointaine ou la petite fille rebelle de ma voisine d'en face, pas mon entourage. Pas mes proches. Pas lui. Putain ce qu'il était con. Mais il lui avait pris quoi de faire ça ? Il connaissait toutes ses conneries, les produits à ne pas mélanger, il savait. alors comment il pouvait se retrouver là, allonger sur un brancard, inerte. Il résumait tout ce qui partait en vrille dans ma vie. Il était le chaos, la tempête, l'une des addictions que je me devais d'arrêter avant qu'il ne soit trop tard. J'avais besoin de ma mère, j'avais besoin de mes parents et pour la première fois de ma vie, j'étais prête à l'admettre. Je n'avais vu beaucoup de choses sous l'emprise de la drogue, mais jamais la mort de si prêt. Jamais les dégâts ravageurs et permanents que cela pouvait bien apporter. La déception dans les yeux de ma mère, qui m'avait surprise en débarquant accompagnée de mon père. Je ne les avais plus vu ensemble depuis mon enfance. Ils m'ont alors pris dans leurs bras et serrer de toutes leurs forces. Pour la toute première fois, ils s'inquiétaient et se préoccupaient de moi. Dommage que j'eut besoin de descendre aussi bas pour ça.


Après cet épisode horrible, mes parents prirent la décision de me faire entrer en cure de désintoxication à Manchester. Il est évident qu'au début j'avais refusé catégoriquement. J'voulais pas y aller, je refusais d'y aller. Mais j'y fus finalement forcée. Je fus prise en charge et dire que rester clean fut simple serait mentir. J'ai souffert comme une dingue, sans la seule chose qui m'avait jamais rendue heureuse et fait taire toute cette souffrance en moi. Souffrance que je ne comprenais pas toujours, que je ne contrôlais pas non plus. J'en ai voulu au monde entier, particulièrement à mes géniteurs. Ils étaient la raison de ma présence ici, ironique quand on sait qu'ils étaient également une grande partie de ma raison à me défoncer pour commencer. Le temps passait, les jours se ressemblaient tous. Je plongeais peu à peu dans l'ennuyé. Ma rage se contenait, s'apaisait malgré moi. Ces foutues conneries marchaient, et je m'en voulait d'être aussi faible pour laisser ces personnes me changer. Et puis il a débarqué. J'étais là depuis des mois quand lui est arrivé. On est devenu amis, on s'est compris. Je savais à quel point les premiers jours en cure pouvaient être difficiles, j'essayais de l'aider comme je le pouvais. Chose tout à fait anormale venant de moi, je n'avais pas décroché une parole à un autre patient depuis mon arrivée, sauf si j'y étais forcée, et à lui je me confiais. Zola est rapidement devenu mon pilier dans cet endroit que je détestais plus que n'importe quoi sur terre. On est aussi rapidement passé d'amis à amants, Il a été une sorte de bouée de sauvetage, une raison de m'en sortir alors que j'avais abandonné tout espoir.

Finalement, je suis sortie il y a une semaine, après avoir passé un an de ma vie dans cet horrible endroit. J'ai décidé de quitter Manchester, trop de mauvais souvenirs, et de m'installer pour de bon à Londres. J'ai alors dit à mon père que je voulais me rapprocher de lui, de mes petites soeurs aussi qu'il avait eu de son second mariage. Je voulais prendre un nouveau départ, changer de vie.Papa m'a payé un joli petit appart' où je peux peindre pour extérioriser et tout ça si j'accepte de continuer d'être suivie par un médecin régulièrement. Il est devenu protecteur, c'est chiant, mais en même temps ça fait chaud au coeur. Il recommence à me surnommer "sa petite princesse" il ne le faisait plus depuis mon enfance, j'ai l'impression qu'il s'intéresse de nouveau à moi.  De plus, à Londres il y a Zola. Bien entendu, j'ai nié lorsque mon père m'a demandé si je venais en ville pour me rapprocher de mon petit ami, il voyait d'un mauvais oeil el fait que je fréquente un garçon rencontré en cure. Pourtant, c'est un peu le cas. Nous ne sommes ensemble que depuis un mois, et pourtant il m'apaise tellement. Être avec lui, c'est un peu comme être sous morphine, vous voyez ? Tout est plus simple, plus doux, plus clair. Je me sens bien en sa présence, je me sens bien dans ses bras et j'ai envie de continuer à me sentir bien. Il est ma motivation pour garder le cap et ne pas replonger. Bien sûr, je suis toujours dans le doute constant, c'est un état d'esprit chez moi, mais pour l'instant j'essaie de toutes mes forces de vivre dans le moment. Je connais son passé, je sais qu'il a aimé très fort et qu'il aime encore à ce jour. Mais ça finira par lui passer... N'est-ce pas ? Dans tous les cas, je ne veux pas le perdre. Je ne dirais pas que je suis amoureuse, mais je dirais que c'est une bonne voie. Après tout, peut-être qu'au final, c'est l'amour qui me sauvera ? Ironie, quand elle nous tiens.