I'm ready to face it all If I lose myself, I lose it all (thelliana)

Je me penchai lentement vers le landau de Jasmine. Elle papillonnait des yeux en tendant ses bras vers mon visage, alors je me rapprochais de son expression souriante en répondant à un vieux mécanisme de mon corps. Elle était si jolie lorsqu'elle gloussait contre ma poitrine. Sa bouche humide laissait des marques sur les mailles de mon pull, mais je ne m’accommodais presque plus de ce genre de détails. Au lieu de la reposer immédiatement pour me nettoyer, je la gardais contre moi pendant quelques minutes, avant de prendre un mouchoir et de m'essuyer fébrilement. J'avais l'impression qu'elle grandissait à une vitesse fulgurante. Le regard simplet qu'elle posait sur moi pouvait se transformer à tout moment. Et elle réaliserait que je n'étais  qu'une armure de glace forgée dans le vice et la corruption. Je souris tristement en effleurant son menton. A quel point pouvait-elle ressembler à Amelia ? Elle avait probablement hérité de sa bienveillance et de ses talents pour la musique classique. Le reste de ses traits n'était qu'un amalgame entre mon expression pincée et son caractère enjoué. Jazz n'était pas une enfant de l'amour. Elle avait été crée par l'union fiévreuse entre deux adultes consentants dans le placard d'une salle de réception ennuyeuse. Mais quelle était la mesure du sentiment lorsqu'on ne connaissait rien à ses étendues ? Jazz n'était pas une enfant de l'amour, mais elle étincelait de milles couleurs. Elle incarnait un miracle, telle une créature de lumière qui avait éclore dans la nuit terrifiante. Et moi, je l'aimais. Aujourd'hui, je l'aimais plus que tous les autres.«Daddaaa... Daddaaa ...» Hoqueta-t-elle en s'agrippant à mon cou. Je déposai mes lèvres sur son front avec douceur. «Chut, petite.» Murmurai-je en me dirigeant vers la cuisine. Il était l'heure de préparer son biberon mais elle s'agitait sous ma prise sans montrer aucun signe d'appétit. Soit. Il fallait qu'elle mange et je comptais bien la nourrir malgré ses protestations. J'ouvris le premier tiroir d'un geste précis. Je m’attelais à la tâche en suivant exactement la même routine habituelle, lorsqu'on frappa à l'entrée. Je me redressai, aux aguets. Silas avait disparu encore une fois. Abigail avait sa clé. Je fronçai les sourcils en portant Jasmine sous mon bras, puis de l'autre main, je calai mon arme dans ma ceinture. Je longeais le couloir à pas de velours avant de distinguer une ombre derrière la porte. J'hésitai un instant, inspectant le profil aigu et les formes élancées d'une femme blonde. Je me doutais de son identité. Après tout, Elliana ne s'était jamais conformé à mes recommandations. Je lui ouvris en arborant une expression dégagée. « Bonjour Theodore.. Je sais que je ne devrai pas être ici.. mais cette princesse mérite d'avoir son cadeau.. » Déclara-t-elle en agitant son offrande. Je repositionnai correctement Jasmine contre mon torse avant de m'écarter, l'invitant silencieusement à pénétrer dans le vestibule. « On est au moins d'accord sur ce point.» Soufflai-je sur un ton bourru. En effet, elle n'avait rien à faire chez moi. J'étais seul, mais mon frère pouvait rentrer à n'importe quel moment. Je ne voulais pas qu'il se fasse de fausses idées sur notre relation. S'il voulait vivre une romance avec Elliana, je m'évinçais volontiers.«Daddaaa... Daddaaa ...» Répéta Jazz en désignant le paquet. Elle était attiré par les petits dessins et l'énorme nœud au sommet de la boîte. Je soupirai en capitulant. « Tu peux t'installer dans le salon. Je pense qu'effectivement, elle veut son cadeau. Elle dadada tout et son contraire en ce moment.» M'enquis-je en tendant le bras vers le canapé. La décoration avait changé depuis sa dernière visite. J'avais engagé une architecte d'intérieur afin d'aménager l'espace de manière plus optimale. Les meubles étaient plus harmonieux. Les murs avaient des tons doux et clairs. Il y avait aussi des protections pour enfants à chaque recoin depuis que Jasmine pouvait tenir debout. « Tu veux boire quelque chose ?» Demandai-je avec politesse. Je me comportais de manière trop formel, comme si notre relation n'avait jamais existé. Comme si notre rencontre n'avait plus aucun sens. Et c'était probablement le cas.