"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici You have my heart for eternity. Ft Eugenia 2979874845 You have my heart for eternity. Ft Eugenia 1973890357
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You have my heart for eternity. Ft Eugenia

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() message posté Mer 2 Juil 2014 - 0:05 par Invité


I just can't get the emotions to come out

J’avais passé la semaine à ignorer l’énorme boule d’appréhension coincé au fond de ma gorge. J’avais passé la semaine à essayer de vivre dans l’oubli, comme je l’avais si bien fait durant ma dernière année d’étude à Liverpool. En vain. L’alcool n’avait plus aucun effet sur ma mémoire, les filles n’avaient plus le même gout, et mes longues nuits d’insomnie étaient limitées au silence grisant qui habitait mon cœur. Je soupirai avant de me redresser sur mon banc. Je suppose que l’attente était pire que l’échéance en elle-même.

J’étais arrivé au Hyde parc une heure en avance. Je fumais ma cigarette sans trop savoir ou diriger mes pensées. Dans mon imaginaire, j’étais assis dans le noir, les yeux rivés sur le sol, dansant sur les mélodies du désarroi. Les fantômes du passé valsaient autour de moi, portant les mêmes longues jupes en satin blanc. Tout était identique à mes cauchemars d’enfant, à la différence près que j’avais grandis. Je n’étais plus l’enfant rejeté, mais l’homme brisé. Ce qui n’était pas plus mal. Un sourire terne déforma le dessin de ma bouche tandis que je me laissais emporter par le fil de mes songes à nouveau. Ma main se posa presque machinalement sur ma cuisse droite, titillant ma plaie cicatrisante. Je voulais me rappeler que j’étais encore capable de ressentir quelque chose. J’étais là, et je n’étais pas complètement une cause perdue. J’écrasai mon mégot avec lenteur. Chacun de mes gestes était empli de lassitude. Un soupir m'échappa.

Mon regard se porta sur la surface du lac serpentine. Le vent léger s’amusait à onduler l’eau en petites vagues chevauchées, brisant ainsi le calme de ces lieux romantiques. Je souris d’un air triste. J’avais imaginé ma dernière rencontre avec Eugenia ici même, derrière les roseraies fleuries. Sa petite main aurait été ornée par cette saloperie de bague que j’avais choisi le soir de l’accident. Je retins ma respiration en posant la main sur ma poche. Je pouvais sentir la petite boite résister aux pressions qu’exerçaient mes doigts.

C’était assez étrange de voir qu’elle était sur une chaise roulante, immobile et handicapée, mais que j'avais l'air d'avoir plus besoin d‘être sauvé. Mes démons me rongeaient de façons terribles et douloureuses, auxquelles je ne pouvais résister. Ma main tremblante plongea dans ma chevelure dorée, démêlant ma frange rebelle d’un geste agile. Pourquoi lui avais-je donné rendez-vous ? A quoi fallait-il s’attendre après tout ce temps? Nous avions promis de nous revoir le surlendemain, mais j’avais fait profil bas, priant pour que mon cœur change d’avis et que toute cette peine disparaisse. Mais le temps n’y faisait pas, et je ne pouvais plus fuir indéfiniment.

Mon regard se posa sur l’allée parsemée de petits cailloux. Comment allait-elle faire pour rouler jusqu’à moi ? Allait-elle venir ? Je me mordis la lèvre inférieure en reportant mon attention sur le lac et ses ondulations crées par le vent.

J'étais perdu avec ou sans elle.
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() message posté Mer 2 Juil 2014 - 12:38 par Invité
“let's count your scars.”  “why?”  “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ J’y repensais sans cesse. Je le revoyais sans cesse, également. J’avais l’impression d’être prisonnière de mes propres pensées. Mon ventre se serrait à chaque minute qui pouvait bien s’écouler. Personne ne pouvait revenir en arrière, non. Pourtant, en cet instant, j’aurais aimé pouvoir le faire. Mais tout était déjà trop tard. Alors, j’en venais à espérer que le temps s’arrête. « Mademoiselle Lancaster ? » Je revins sur Terre, secouant la tête comme pour me débarrasser de mes pensées volatiles. Comme pour me débarrasser de mes espoirs vains. Je poussai un profond soupir, mon regard se perdant sur mon psychiatre, puis sur le plafond. « Désolée. » marmonnai-je. Mais je ne l’étais pas, non. « Comment se passent vos entrainements de tennis ? » Je me retins de pousser un nouveau soupir. Je me surpris à mordiller l’intérieur de ma joue, puis je déglutis. Il avait beau me parler d’autres choses, mes pensées revenaient toujours sur lui. Julian. Mon esprit confus se perdait à chaque phrase, chaque parole, chaque mot. Il était partout dans mon esprit, partout dans mon être, partout dans mon cœur. Mes pensées ressassaient sans cesse nos retrouvailles et je me perdais dans l’afflux d’informations. « Tennis fauteuil. » corrigeai-je. « Pour l’instant, j’ai beaucoup de mal. » Cela était un euphémisme. A chaque entrainement, j’avais envie de pleurer. A chaque entrainement, je me jurai que je n’y retournerais pas. Cependant, j’étais une personne suffisamment obstinée pour recommencer. Mon entraineur ne me ménageait pas ; j’avais même l’étrange impression qu’il faisait exprès de me mettre hors de moi, comme pour tester mes limites. Comme pour tester l’étendu de ma bêtise. Il me traitait de fainéante. De vaincu. Et, à chaque fois, cela me donnait envie de me battre. Et, à chaque fois, j’avais envie de lui prouver qu’il se trompait et qu’il n’était personne, absolument personne, pour me dire qui je pouvais bien être. « Ce n’est pas grave, si vous ne vous en sortez pas tout de suite. Ça viendra. Vous avez déjà fait la moitié du travail en acceptant d’y aller. » J’hochai vaguement la tête. Il m’avait confié que m’inscrire dans une telle discipline avait été une façon d’accepter mon handicap, une façon d’aller de l’avant ; personnellement, j’avais plutôt vu cela comme rendre les armes et me rendre à l’évidence que mes séances de rééducation ne me servaient à rien. Mais cela n’avait fait que me démontrer, une nouvelle fois, que je ne pensais pas de la même manière que les autres. Que mes visions du monde étaient toujours plus défaitistes que celles de la norme. « Ça vous dérange pas si on termine la séance maintenant ? J’ai un rendez-vous et je ne peux pas me permettre d’arriver en retard. » Mon psychiatre m’observa avec un sourire, et posa doucement son stylo sur son bureau. « Il n’y a pas de problème. » Et il me raccompagna jusqu’à la porte. Et je m’en allai.
J’avais menti, quelque part. Je devais retrouver Julian dans une bonne demi-heure. Je ne pouvais même pas appeler cela un rendez-vous. Cependant, je n’étais pas parvenue à prendre mon mal en patience, à rester face à lui comme si tout allait absolument bien. L’avait-il seulement vu dans mes yeux ? J’étais persuadée que mon regard était fou, que ma détresse pouvait aisément se lire dans mon expression. L’anxiété, mêlée à de la hâte me rongeait. J’avais peur de le revoir. J’avais envie de le revoir. Mes pensées contradictoires m’animaient et me faisaient mal à la tête ; mon ventre se tordait, encore et encore, tandis que j’avançai dans les rues de Londres. Je refusais de prendre le métro. Le cabinet de mon psychiatre ne se trouvait pas très loin de l’Hyde Park, de toutes manières ; j’aimais la manière dont le vent effleurait mes jambes vêtues d’une robe blanche sans que je ne puisse avoir froid. Je ne ressentais pas. Je sentais juste. Je vis le regard des passants s’attarder sur les longues cicatrices de brûlures qui décoraient mes mollets, et je gardai la tête haute. N’était-ce pas ce que mon entraineur ne cessait de me dire ? Sois fière, Lancaster ! Cesse de baisser le regard ! J’esquissai un sourire désabusé. J’étais ce que la société s’appliquait à rejeter. Je ne voyais pas en quoi cela devait me rendre fière. Je demeurais même persuadée que Julian, malgré ses paroles, malgré ce qu’il pouvait bien m’avoir avancé, ne parviendrait pas plus à accepter ma situation que mes propres parents. Mais peu importe. Il n’avait pas à le faire, après tout. Il me détestait. Il nous détestait. Et il était trop tard pour que je parvienne à réparer mes erreurs et les siennes.
Je finis par entrer dans l’Hyde Park. L’air frais d’une fin de journée balayait mes cheveux au rythme auquel je pouvais bien avancer. Puis, je l’aperçus. Je n’avais pas douté une seule fois de sa venue ; cependant, je me surpris à l’observer, immobile et incapable d’aller à sa rencontre. Une boule se forma au fond de ma gorge. Cela n’était pas une bonne idée, de se revoir ; j’avais peur de sa réaction, peur de la mienne, également. Je poussai un soupir avant de finalement m’avancer vers lui, rencontrant quelques difficultés avec le gravier qui, pourtant, étant censé convenir aux fauteuils roulants. Sois fière, Lancaster ! Cesse de baisser le regard ! Doucement, je vins me glisser à ses côtés. J’observai le lac sans réellement le voir. « Tu es en avance. Comment va ta jambe ? » demandai-je. Je me sentais idiote. Stupide. Je ne voyais pas quoi lui dire ; son couteau suisse était dans mon sac, nettoyé après qu’il l’eut laissé sur la table du Starbucks en s’en allant. J’aurais pu simplement lui rendre et m’en aller. Mais je ne parvenais pas à le faire. « Pourquoi l’Hyde Park ? » Une nouvelle question. J’étais comme cela, après tout. Je cherchais sans cesse des questions auxquelles je n’aurais pas de réponse. Je finis par m’autoriser un regard vers lui. Et mon cœur se serra. Il se serra si fort que je ne parvins même pas à soutenir son regard.
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() message posté Jeu 3 Juil 2014 - 1:40 par Invité


I just can't get the emotions to come out


Mon cœur martelait ma poitrine douloureuse au gré de mes pensées. Je ressentais cette explosion d’émotions crépiter à l’intérieur de mon torse, m’incitant à toutes sortes de douleurs. Je ne savais plus dire si c’était physique, ou si mes maux étaient psychosomatiques, reliés aux divers échecs de mon enfance. Le gravier derrière moi couinait sous les pas de couples entrelacés et de jeunes gens souriants dont je ne ferais sans doute jamais partie. Un soupir m’échappa tandis que je sortais ma énième cigarette de la journée. Je fumais comme une cheminée, espérant au plus profond de moi que mes exhalaisons allègeraient mon fardeau. Il n’en était rien. Et je continuais à ruiner mes poumons par habitude. Et aussi par désarroi.  

Je pouvais entendre les lamentations de mon âme entaillée. J’avais ignoré ces appels au secours depuis des années, convaincu que je pourrais passer outre cette histoire d’amour inachevée. Mais en cet instant précis, à 19h, je décidais de lâcher prise. Je rendais les armes aux rayons orangés du soleil couchant, et aux oiseaux volants au loin vers des contrées inconnues. Je  connaissais Ginny depuis le lycée. Elle avait vu l’enfant en moi. Elle connaissait mon histoire déchirante, le décès de ma mère et comment j’avais vécu cet abandon. Elle savait pourquoi je m’obstinais à me faire appeler Lip alors que personne ne prêtait attention aux deuxièmes prénoms. Elle avait découvert que les bleus sur mon corps n’étaient pas causé par le football, et que ma maladresse n’était qu’un faux prétexte pour garder le face. Elle m’avait rendu visite à l’hôpital après mon traumatisme crânien, et avait tenu ma main tremblante lorsqu’on m’avait remis l’épaule en place pour la première fois. Je suppose aussi qu’elle savait que je l’avais embrassé en douce, lorsqu'elle dormait, le soir ou elle m’avait recueilli en sang. Tout cela n’était que la moitié de ce j’étais. Eugenia ne connaissait que ma vie telle que je la vivais.  Au-delà de nos sentiers battus, de nos chemins séparés… Pouvait-elle encore prétendre être ma meilleure amie ? Moi, l’homme fou et violent. J’étais un grand journaliste entouré de gens beaux et influents. Je me pavanais sourire aux lèvres, fier de mes diplômes et de mes grandes études de finance. Mes collègues hochaient la tête en me serrant la main avec courtoisie, impressionnés par la pertinence de mes articles. Mais ils ne connaissaient pas l’enfant. Ils n’avaient jamais cru en moi comme Eugenia l'avait fait.

Je continuais à entendre les lamentations de mon âme souillée. J’avais ignoré ces gémissements depuis des années, convaincu que je pourrais passer outre nous. Mais en cet instant précis, à 19h, je décidais de lever l’ancre. Je rendais les armes aux profondeurs du lac serpentine, et au vent soufflant au loin vers des contrées inconnues.

Eugenia était entrée au Hyde park, mais je ne m’étais rendu compte de sa présence qu’au moment ou son fauteuil s’était posté à coté de mon banc. Je restai assis, regardant au loin. Sa voix douce chatouillait mes oreilles et ma virilité. Je n’étais qu’une lavette pour elle. Je me raclai la gorge, donnant un peu plus de contenance à ma posture.

« Tu es en avance. Comment va ta jambe ? »

Je souris en frôlant ma cuisse. Ma terrible erreur …

« Ça va, je peux toujours marcher. » Marmonnai-je dans ma barbe.

« Pourquoi l’Hyde Park ? »

« Parce que c’est un joli endroit. » Souris-je en me tournant doucement vers elle.

Je m’étais promis de faire un effort, mais mes émotions refusaient de sortir au grand jour. J’haussais les épaules d’un air désabusé. Ce n’était pas juste, que je perde la parole à chaque fois qu’elle était à côté de moi.

« Tu ne te souviens sûrement pas de cet endroit. » Commençai-je, prenant mon courage à deux mains. « Tu avais poussé ma chaise roulante jusqu’au lac après ma rupture du ligament croisé. Je n’avais pas le droit de quitter ma chambre d’hôpital après l’opération, alors tu avais emprunté des béquilles, mais j’étais trop étourdi pour savoir garder l’équilibre. Tu avais fini par me pousser en râlant jusqu’aux roseraies derrières nous. » Je marquai un léger silence. « J’avais oublié que j’avais un jour été incapable de marcher moi aussi. »

Mes mains moites restaient postées sur la poche de mon jeans, pressant, et froissant le tissu de façon mécanique. Je serrais la mâchoire en regardant mes chaussures. J’avais l’impression de retomber en enfance. J’étais tapi dans le noir, attendant le moment ou les coups allaient s’écraser sur mes os fragiles. Ma peur et mes ressentiments de l'époque étaient pareils qu’en ce moment, à la différence près que la batte de baseball de mon père avait pris des allures de destin immérité et que ses coups étaient vachement plus douloureux!

« Il était 19h et le soleil ne se couchait que des heures après. Tu avais décidé d’attendre. » Je déglutis avec lenteur. Mon ton neutre cachait mes réelles intentions, comme si l’histoire que je comptais n’était que le fait divers d’un magasine bon marché. La vérité c'est que je refusais de me laisser gagner par la nostalgie. « Tu portais une petite robe légère dont la couleur verte concordait parfaitement avec l’étincelle audacieuse dans tes yeux. Je t’avais regardé avec insistance, et tu m’avais tapé la tête, me sommant de détourner le regard. Je me rappelle que j’avais saisis ta main. C’était la première fois que je t’avais dit je t’aime. »

Un rire nerveux m’échappa. J’y été arrivé … A la confronter … A lui demander des comptes … Je reportais mon attention sur elle. Mes bras tendus vers elle, fendirent l’air avant de se poser sur ses genoux. Je poussai son fauteuil vers moi.

« Tu as avais ris à gorge déployée. Puis tu m’avais pris dans tes bras en braillant : Je t’aime aussi, tu es  mon meilleur ami. » Je pris sa main dans la mienne, entrelaçant nos doigts. « Voilà comment tu as rejeté ma première déclaration. » Je plongeai mon regard dans le sien, la contemplant avec toute la sincérité et toute la tristesse dont j’étais capable. « Oh, ne t’inquiète pas, il y en a eu d’autres après. Que tu as rejeté aussi. » Raillai-je nerveusement. « Comme celle-ci … »

Je me retirai doucement, laissant apparaitre la petite boite noire que j’avais posée au creux de ses mains. Mon visage blême était implacable, vide de toute émotion. Je jouais de ma froideur, et de mes grands talents de martyre pour lui faire ma confession.

« Tu ne connais pas toute l’histoire. Voilà la seconde moitié. Voilà l’homme que tu as fait de moi. »

C’était la première fois que je la blâmais ouvertement. La première fois que j’étais complètement honnête avec elle.

« Ginny, je t'aimais et j'étais venu pour t'épouser ! »

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() message posté Jeu 3 Juil 2014 - 15:12 par Invité
“let's count your scars.”  “why?”  “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ Une année prenait des allures d’éternité. Je peinais encore à mesurer à quel point les choses avaient bien pu changer, bien au-delà de mon accident. Du jour au lendemain, je m’étais retrouvé avec un nouveau quotidien. Avec de nouvelles désillusions. Avec un nouveau statut. J’avais perdu mes jambes, mon avenir, mon meilleur ami. J’avais perdu mes espoirs, mes envies, mes chances. Les quatre mois qui avaient suivi mon admission au Great Ormond Street hospital m’avaient paru longues, si longues. Chaque jour, chaque heure, j’avais pensé à lui au moins une fois, mon esprit s’attardant sans doute bien trop sur mes souvenirs ; ma mère avait même fini par m’avouer que le premier nom que je prononçais en salle de réveil était le sien. Le sien à lui. Mon inconscient s’était fiché de mes résolutions. Mon inconscient avait eu besoin de lui. J’avais eu besoin de lui, moi, à mon tour, tout au long de ces quatre mois que j’avais passé entre des murs blancs. Tout au long de ces opérations, de ces échecs, de l’acharnement des chirurgiens, du bloc opératoire qui avait fini par me donner des terreurs nocturnes. Mais j’avais refusé de céder ; j’avais été la première à lui souhaiter un grand avenir, et je n’avais pas voulu lui retirer cette chance qui finissait enfin par lui sourire. Au fond, je m’étais sans doute trompée. Au fond, j’avais sans doute fait les mauvais choix. J’avais pensé l’épargner, mais je n’avais fait qu’empirer les choses ; j’avais pensé l’aider, mais je n’avais fait qu’accroitre sa rancune. Sa rancœur. J’avais désiré qu’il me déteste. J’avais désiré qu’il m’oublie. Mais, en le retrouvant, en le revoyant, j’avais fini par me rendre compte que je refusais de ne plus faire partie de sa vie. Nous n’étions plus que des choses fragiles. Des choses perdues. J’avais tout brisé.
Lorsqu’il se rendit compte de ma présence, il ne me regarda pas. Son regard demeura perdu devant lui, tandis que je me décidai enfin à briser le silence. Il s’éclaircit la gorge. Je pouvais sentir la distance qu’il y avait entre nos deux corps ; je pouvais sentir la distance qu’il y avait entre nos deux cœurs. Je gardai la tête haute en ayant envie de partir. Je gardai la tête haute en souhaitant pleurer. Je devais être forte. J’avais prétendu être faible bien trop longtemps. « Ça va, je peux toujours marcher. » me répondit-il en parlant de sa jambe. Mon cœur rata un battement. J’avais l’impression qu’il le faisait exprès ; j’avais l’impression qu’il s’appliquait à choisir les mots qui me blessaient. Je pris une profonde inspiration, refusant de réagir ; au lieu de cela, je lui posai une nouvelle question. Une nouvelle question à propos de l’Hyde Park, comme pour me distraire de mon fort intérieur qui criait à la vengeance. « Parce que c’est un joli endroit. » Il se tourna vers moi en souriant. J’hochai la tête en observant tout autour de moi. Il n’avait pas tort, quelque part. « Tu ne te souviens sûrement pas de cet endroit. » enchaîna-t-il. « Tu avais poussé ma chaise roulante jusqu’au lac après ma rupture du ligament croisé. Je n’avais pas le droit de quitter ma chambre d’hôpital après l’opération, alors tu avais emprunté des béquilles, mais j’étais trop étourdi pour savoir garder l’équilibre. Tu avais fini par me pousser en râlant jusqu’aux roseraies derrières nous. » J’esquissai un sourire à mon tour, un sourire à la fois nostalgique et triste. Je jetai un vague coup d’œil vers les roseraies. Il prétendait que je ne m’en souvenais pas ; cependant, au fil de ses mots, des bribes de souvenirs habitaient mes paupières. Le pousser m’avait demandé tant d’efforts mais, à cette époque-là, j’avais été suffisamment bornée pour ne pas me décourager. J’avais voulu lui changer les idées. Et, pour lui, j’avais toujours été prête à tout. Même à le faire quitter l’hôpital en douce et le pousser sur un kilomètre. « J’avais oublié que j’avais un jour été incapable de marcher moi aussi. » Sa remarque me laissa pensive. Je détournai le regard pour observer les timides rayons de soleil caresser la surface du lac. Je me mordis l’intérieur de la joue. Je me mordis si fort que je sentis un goût de sang prendre possession de ma langue.
Notre première soirée à l’Hyde Park me revenait doucement dans son intégralité. Peut-être était-ce cela, notre problème ; nous avions bien trop de souvenirs en commun. Durant des années, nous avions presque été inséparables. Pendant des années, mon monde n’avait été habité que par lui. Il avait été mon monde. Désormais, cela n’était plus le cas, et mon monde s’était simplement retrouvé en ruines. En poussières. « Il était 19h et le soleil ne se couchait que des heures après. Tu avais décidé d’attendre. Tu portais une petite robe légère dont la couleur verte concordait parfaitement avec l’étincelle audacieuse dans tes yeux. Je t’avais regardé avec insistance, et tu m’avais tapé la tête, me sommant de détourner le regard. Je me rappelle que j’avais saisis ta main. C’était la première fois que je t’avais dit je t’aime. » Mon rythme cardiaque commença doucement à s’affoler. Je ne voyais pas où il désirait en venir. Je ne comprenais pas ce qu’il désirait me sous-entendre. Je me souvenais de cet instant : il m’avait dit je t’aime, la voix cassée par les médicaments, et cela m’avait serré le cœur. J’avais ri en le voyant lutter contre la fatigue de l’opération, lui répondant que je l’aimais aussi, persuadée qu’il ne se douterait pas de ce que cela sous-entendait réellement. Persuadée qu’il oublierait le lendemain. Avait-il maintenant compris que je n’avais pas désiré dire la même chose que lui ? Avait-il maintenant compris que j’avais beau avoir rajouté tu es mon meilleur ami, cela signifiait bien plus que de l’amitié ? Les mains de Julian se posèrent sur mes genoux, et je sursautai, surprise. Il m’approcha de lui, et me yeux se plongèrent dans les siens. « Tu as vu ris à gorge déployée. Puis tu m’avais pris dans tes bras en braillant : Je t’aime aussi, tu es mon meilleur ami. » Il attrapa ma main avec la sienne. J’esquissai un petit sourire. Son contact me rendait nerveuse. Beaucoup trop nerveuse. Mon cœur était parti dans une course incontrôlable. « Tu étais complètement assommé par l’anesthésie… » murmurai-je doucement pour justifier mes paroles, mon amusement. Mais j’avais l’impression que cela ne suffisait pas. J’avais l’impression que je faisais fausse route. Que je me trompais. Que je me trompais comme à chaque fois depuis quelques jours. « Voilà comment tu as rejeté ma première déclaration. Oh, ne t’inquiète pas, il y en a eu d’autres après. Que tu as rejeté aussi. Comme celle-ci… » Je fronçai les sourcils. J’avais presque peur de comprendre.
J’avais presque peur d’enfin apprendre cette vérité.
Sa main abandonna la mienne, pour finalement laisser apparaître un écrin noir. Et mon cœur continua de s’emballer. Cognant ma cage thoracique. Cognant mon esprit. Cognant tout ce qui pouvait bien rester de moi. Je n’avais jamais compris cette vérité-là. Je n’avais jamais songé, ne serait-ce qu’une seule seconde, qu’elle soit possible. Je n’avais jamais interprété ses avances sérieusement. J’avais toujours pensé qu’il s’était fiché de moi, d’une manière ou d’une autre, qu’il n’avait pas désiré dire ce qu’il voulait me dire. J’avais toujours pensé qu’en me touchant il souhaitait simplement combler un vide. Mais j’avais eu tout faux. J’avais toujours tout faux. « Tu ne connais pas toute l’histoire. Voilà la seconde moitié. Voilà l’homme que tu as fait de moi. » finit-il par ajouter. « Ginny, je t'aimais et j'étais venu pour t'épouser ! » Je sentis toutes les couleurs de mon visage m’abandonner, tandis que mon regard était bien incapable de quitter l’écran entre ses doigts. Je me mis à trembler, à trembler si fort. Mes pensées ne me venaient que par bribes ; mon cœur s’accélérait encore et encore, et j’en vins à me demander s’il n’allait pas finir par me lâcher. Ce n’était pas possible. Toute cette situation n’était pas possible. « Tu… Je… » commençai-je sans parvenir à terminer. J’avais envie de pleurer. De pleurer tout ce qui pouvait bien attaquer mon cœur. Mais je n’y parvins pas. Mon corps semblait s’être figé ; mon corps semblait doucement vouloir arrêter de suivre le temps.
Il avait tout gâché. J’avais tout gâché. Le destin avait tout gâché. « Je… Je ne savais pas. » finis-je par articuler avec difficulté, le regard perdu sur mes genoux. « Je… Je n’avais jamais compris. Je n’ai jamais réussi à me dire que tu puisses… Enfin que tu puisses… » Que tu puisses m’aimer. Mais ces paroles ne parvenaient pas à passer la barrière de mes lèvres. C’était une vérité que je ne parvenais pas encore à assimiler. Une vérité qui me paraissait si étrangère. « M’épouser. » Ma voix demeura coincée au fond de ma gorge, tandis que j’attrapai l’écrin avec mes doigts. Je mis quelques secondes avant de finalement me décider à l’ouvrir. Avant de finalement me décider à affronter cet avenir que j’aurais pu avoir. Mes yeux se posèrent sur la bague, élégante, et je dus me reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à faire entrer de l’oxygène dans mes poumons. « Tu étais venu le soir de mon accident pour ça ? » murmurai-je. Toute cette relation gâchée. Tout cet avenir en fumée. J’aurais pu pleurer. Pleurer durant des jours. « J’étais persuadée que je n’étais que ta meilleure amie. J’en étais absolument persuadée. » J’avais brisé son cœur, quelque part. Je n’avais jamais pris en compte, dans mon équation, qu’il puisse m’aimer autrement que comme une sœur. Sois fière, Lancaster ! Cesse de baisser le regard ! Je relevai donc la tête. Et, pour la première fois de toute mon existence, je l’observai comme une personne qui aurait pu être mienne si le destin m’avait été favorable.
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() message posté Ven 4 Juil 2014 - 15:54 par Invité


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Je réalisais enfin ! Je réalisais après des années de silence et d’attente imméritée : Ginny et moi, nous ne serions jamais ensemble. Mon regard se tourna vers l’allée aux petits cailloux et le feuillage des roseraies multicolores. Le vent s’était fatigué, il chuchotait à peine, berçant doucement le rythme de mes pleurs éplorés. Mon âme se consumait à l’intérieur, emportée par les feux de colères et d’injustice qui jaillissaient de mes veines. Je voyais les couples fouler le gravier les doigts entrelacés, les épaules larges et les lèvres comprimées par ce que je pensais être l’expression de leur profonde affection. Mais je n’en savais rien. Après tout je n’avais jamais vécu l’amour. Je n’étais qu’une moitié d’homme. Un enfant rejeté dans le meilleur des cas. J’étais là, en face d’elle. Et je réalisais enfin : Elle était hors de ma portée. Nous ne foulerions plus les mêmes sentiers à présent. Je sentais le sol se dérober sous mes pieds, engloutissant tout sur son passage : mes envies, mon arrogance et mon amour propre. J’étais là, immobile et démuni, seul survivant de cette avalanche d’émotions. La dextérité dont faisait preuve le destin était déconcertante. Mes yeux meurtris se posèrent sur Eugenia, puis sur la petite boite noire.

« Tu devrais la mettre. Elle a toujours été pour toi.» Soufflai-je.

Je n’avais jamais eu les moyens de lui offrir ce genre de choses chères et brillantes auparavant. Ma bourse d’étude et mes petits boulots avaient financés mes dépenses des années après le lycée. Je ne pouvais plus compter le nombre de repas que j’avais dû sauter afin de pouvoir me déplacer de Liverpool vers Londres. Mais elle n’avait jamais réalisé que cet acte pénible était complètement intéressé. Elle devait simplement me prendre pour un pot de glue. Je n’avais jamais été moi-même à ses côtés, et cette perspective me terrorisait. Je devais avoir fait trop d’efforts pour cacher mes réels sentiments. Je n’aurais pas dû !

Elle balbutiait ce qui devait être la formule de son étonnement ou de sa surprise grandissante. Mais encore fois qu’en savais-je ? J’étais engourdi, las et complètement éteint, incapable de saisir le réel sens de ses réactions. Eugenia avait beau me répéter qu’elle ne réalisait, une part de moi, la plus égoïste et la plus têtue, continuait à faire la sourde oreille. Je ne pouvais m’empêcher de croire qu’elle était la plus fautive des deux. Eugenia venait d’être brisé par un malencontreux accident, mais moi, j’avais été brisé tout le long encore et encore. Je serrais la mâchoire avec amertume. La glaire formait une boule au fond de ma gorge. J’avais beau me racler, et m’éclaircir la voix, je ne me sentais plus capable d’en dire plus. Le silence était venu à moi, chaleureux et salvateur. Il était mon seul allié. Mes mains moites se crispèrent sur le tissu de mon jeans une nouvelle fois. Eugenia était en face de moi, les yeux plantés sur moi. Je ne supportais pas son regard inquisiteur et son air désabusé. Je m’inclinai avec lenteur avant de me cambrer, dressant une distance entre nous. Son visage fin, ses yeux verts et les mèches rebelles qui virevoltaient au gré du vent. Voilà, la dernière image que je voulais garder d’elle. Voilà, comment je voulais me souvenir de cet instant et de ma grande déclaration.

« J’ai l’impression qu’il n’y a plus rien à ajouter … » Minaudai-je d’un air absent. « Que tu sois en chaise roulante n’aurait rien changé. J’aurais abandonné l’université pour rester à ton chevet. Peu importe le temps que cela t’aurais pris. Je me serais contenté d’un petit boulot … »

Je me mordis la langue afin de stopper mes pulsions féroces de me lever et de donner un coup de poing dans le vide. Mon épaule se crispa, titillant mon esprit. Eugenia n’arrivait sans doute pas à comprendre, qu’au-delà de ma rage de vaincre … De mon ambition éclatante et de ma violence incontrôlable, je n’étais que le petit garçon qui avait perdu sa mère trop tôt. Je n’étais que l’adolescent battu et brisé, littéralement. Mes os étaient pleins de marques et de blessures mal cicatrisées: Ma clavicule bombée, mes deux côtés détachées de mon sternum, mon genou bousillé, le tissu cartilagineux éparpillé un peu partout sur chacun de mes membres … J’en étais réduit à ça. Je n’étais que ça. Un tas de douleurs concentrées en un seul corps, et j’avais tellement besoin d’elle. Mon cœur voulait tellement revenir vers elle.

« Je me suis retenu durant des années. Mais à présent, que tout cela est derrière nous, c’est plutôt facile de parler à … ma meilleure amie. » Mentis-je. « J’espère que tu garderas la bague. »

C’était ma petite revanche sournoise. Le sort maléfique que je lui adressais du haut de ma prison de feu. Je voulais qu’elle traine avec elle le poids de nos erreurs, comme je l’avais fait pendant une année, comme une malédiction. Le soir, seule dans son lit, son âme se languirait de la chaleur de mon corps. Sa bouche sèche chercherait le contact de la mienne, humectée d’affection et de douceur. Mais je ne serais pas là. Comme elle ne l’avait jamais été durant tout ce temps. Un souffle de vent caressa ma joue …

Te reviendrais-je un jour ? Nous étions à mille lieux l’un de l’autre. J’avais pris mon ticket pour un autre monde. J’étais déjà arrivé sur une autre planète.

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() message posté Dim 6 Juil 2014 - 23:41 par Invité
“let's count your scars.”  “why?”  “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ FLASHBACK – La première chose que l’on entend est ce bip. Ce bip incessant. Puis l’on revient sur Terre sans réellement comprendre l’environnement qui nous entoure. Puis l’on revient sur Terre tandis qu’on préférerait sans doute rester dans une douce insouciance. Une douce inconscience. J’avais mal, mais la douleur me paraissait à la fois lointaine et retenue. L’intégralité de mon corps semblait ne plus m’appartenir ; mon esprit flottait, flottait au-dessus sans parvenir à retrouver mes pensées. Je n’avais pas réalisé, en cet instant, ce qui m’arrivait. Ce qu’il m’était arrivé. Je n’avais pas compris ce qui s’était passé. Ce qui allait tout changer. Mes souvenirs étaient flous. Ma mémoire était imparfaite. La seule chose qui semblait m’importer était la date. L’heure. La date, l’heure et une personne. Julian. Je lui avais promis qu’il pourrait m’appeler plus tard. Je lui avais promis que je décrocherai. Je finis par ouvrir les paupières et découvrir la chambre d’hôpital où je me trouvais. Je ne cherchais pas à comprendre. Je voulais simplement poser mes doigts sur mon cellulaire. Je voulais simplement répondre à son appel. Entendre sa voix. Et me dire qu’il ne me resterait que quelques jours avant de finalement le revoir. J’avais été loin de la réalité, à ce moment-là. La morphine était parvenue à suffisamment étouffer la douleur pour que je parvienne à me dire que cela n’était pas si grave. Je me redressai sur les coudes, la tête tournante. Un vague coup d’œil vers la table de chevet me suffit pour comprendre que mon portable n’était pas là. Je tentai de me relever. Mais mes jambes ne bougèrent pas. Je tentai d’esquisser un mouvement avec mon pied. Mais il demeura immobile. Mon cœur s’affola. Mon cœur s’affola doucement. Les bips réguliers du moniteur s’emballèrent. Je ne comprenais pas. Je n’avais pas voulu comprendre, sans doute. Julian. Julian. Julian. Il n’y avait que ce prénom-là dans mon esprit. Alors, sans réfléchir, mes mains agrippèrent la table de chevet pour m’aider à me mettre debout, persuadée que cela suffirait. Je me tirai de toutes mes forces. Avec tout mon cœur. Mes pieds touchèrent le sol. Je me lâchai, convaincue qu’ils supporteraient mon poids, convaincue qu’ils avaient simplement eu besoin d’un peu d’aide. Et je tombai toute entière par terre. Ils n’avaient pas bougé lorsque j’avais tenté de me rattraper ; ils m’avaient abandonné. Les machines derrière moi s’affolèrent au même instant où je m’affolai. Je me trainai. Je me trainai parce que mon corps ne me répondait plus. « Mademoiselle Lancaster ! » La voix de l’infirmière m’avait paru si loin dans mon esprit. Si loin dans ma détresse. Je me mis à gémir, les larmes inondant mes joues. Je me mis à gémir sans pour autant parvenir à bouger mes pieds. Mes genoux. Je ne parvenais qu’à ressentir cela. De la détresse. Des bras vinrent entourer mes épaules. Des bras qui se voulaient réconfortants. Mais ils n’étaient pas ceux que je voulais. « NE ME TOUCHEZ PAS ! » hurlai-je à travers mes sanglots, me débattant autant que je le pouvais. Mais on ne me laissa pas m’échapper. « Mes jambes… Qu’est-ce que vous avez fait à mes jambes… QU’EST-CE QUE VOUS AVEZ FAIT A MES JAMBES ? » Crier n’avait rien changé. Hurler non plus. Tout le mal avait déjà été fait. On me porta dans mon lit d’hôpital malgré mes protestations. On m’injecta un nouveau sédatif pour m’empêcher d’hurler de plus belle. Pour m’empêcher de me débattre. Pour m’empêcher de penser à lui. Plus tard, j’appris qu’il s’était écoulé quatre jours depuis ma promesse à Julian. Et, en plus de ne plus pouvoir marcher, je n’avais pas pu lui répondre pour la dernière fois.
AUJOURD’HUI – J’avais l’impression de revivre cet instant, cet instant précis où j’avais appris que je ne pouvais plus me tenir debout. Cependant, j’avais l’impression de comprendre, aujourd’hui, que mon cœur ne pourrait plus jamais battre normalement. Que mon cœur ne pourrait plus jamais fonctionner comme avant. Ma respiration était courte. Mon rythme cardiaque s’emballait. J’avais envie de pleurer et d’hurler ; cependant, le temps avait fini par m’apprendre que cela ne m’apporterait rien. Que cela ne changerait rien. Mon esprit flottait. Mon esprit flottait quelque part au-dessus de mon cœur sans parvenir à le rejoindre. Je continuai de me mordre l’intérieur de la joue, le regard perdu sur la bague que je tenais entre mes doigts. Julian m’avait aimé. Julian m’avait aimé autant que j’avais bien pu l’aimer. En observant l’anneau fin qu’il avait désiré m’offrir il y a un an, j’eus l’impression de contempler un futur que j’avais déjà eu le temps de perdre. Je me surpris à me demander si cela m’aurait ainsi à agir de manière différente ; je me surpris à me demander si cela aurait influencé ma façon de percevoir les choses, allongée au fond de mon lit d’hôpital. Je secouai la tête. Je secouai la tête pour chasser ces pensées parasites.
Je relevai le regard vers lui. J’eus presque l’impression d’apercevoir une lueur de plaisir malsain au fond de ses yeux. Je détournai la tête, m’attardant sur le lac qui semblait paisible. Sur le lac qui semblait calme. Après tout, le temps poursuivait le cours des choses, que mon cœur suive la cadence ou non. Que je décide de poursuivre mon combat ou pas. « Tu devrais la mettre. Elle a toujours été pour toi.» me déclara-t-il. Mon regard se reposa de nouveau sur la bague. « J’ai l’impression qu’il n’y a plus rien à ajouter… » Je ne prononçai pas un seul mot. Ma bouche demeura close. Il m’avait reproché de donner mon avis sans qu’il ne désire l’entendre à notre dernière rencontre, désormais, il ne récoltait que mon silence. Que ma douleur. Que mes regrets, peut-être. « Que tu sois en chaise roulante n’aurait rien changé. J’aurais abandonné l’université pour rester à ton chevet. Peu importe le temps que cela t’aurais pris. Je me serais contenté d’un petit boulot… » déclara-t-il et je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire. Il n’avait fait que confirmer l’intention de mes gestes. De mes actions. Je secouai la tête, lasse de me battre contre lui. Lasse de tenter de lui faire comprendre une chose qu’il ne désirait pas entendre. « Je me suis retenu durant des années. Mais à présent, que tout cela est derrière nous, c’est plutôt facile de parler à… Ma meilleure amie. » poursuivit-il. « J’espère que tu garderas la bague. » A ses mots, je refermai l’écrin, le faisant disparaitre entre mes paumes. J’allais la garder, oui. Dans mon cœur. Dans ma tête. Dans mes souvenirs. Je finis par reporter mon attention sur Julian. Je détaillai ses traits. Son expression. Ses mots sonnaient comme s’il mettait fin à une histoire ; au fond de moi, une voix me murmurait doucement qu’une histoire ne pouvait se terminer que si elle avait un jour commencé. J’avais l’impression que la situation m’échappait. J’avais l’impression que mon cœur me faisait mal.
J’aurais préféré revivre cent fois mes désillusions plutôt que vivre cet instant.
Je finis par pousser un soupir. Déglutir me demanda tant d’efforts que je dus m’y reprendre à plusieurs fois. « Je ne voulais pas que tu gâches ton avenir pour moi, tu sais. » murmurai-je finalement, incapable de retenir ces mots qui m’avaient pesé. Pesé si fort. « Je n’aurais pas supporté de te voir te contenter d’un petit boulot alors que tu pouvais aller au sommet. » Je m’arrêtai dans mon élan, tourmentée par la peur d’en dire trop. D’en dire trop comme à chaque fois. J’aurais aimé qu’il comprenne. J’aurais tant aimé qu’il comprenne. Mais les choses n’avaient jamais été faites pour être faciles. Pourtant, j’avais l’impression qu’elles étaient souvent bien trop dures. « Je garderais la bague. Tu peux faire quelque chose pour moi en retour ? » lui demandai-je. J’attendis quelques instants en l’observant. « Je ne veux pas que tu te forces à me revoir. Que tu te forces à prétendre qu’on a encore quelque chose en commun. Lorsque tu penseras à moi, je veux que tu penses à la fille enjouée qui pouvait encore marcher, à cette fille enjouée qui t’aimait si fort qu’elle a accepté de te laisser lui échapper pour ton bien. Pas à celle qui ne parvient même plus à marcher, ni même à sourire. » Je me tus en l’observant dans les yeux. Je ne voulais pas qu’il m’échappe. Je ne voulais pas qu’il s’en aille. Cependant, comme la première fois, je devais simplement accepter qu’il puisse ne plus faire partie de ma vie. Cependant, comme la première fois, je devais accepter de le laisser partir. Il n’était peut-être plus celui que j’avais toujours connu, mais cette part de lui existait toujours quelque part. Quelque part au fond de son être. Et cette part de lui méritait d’être heureuse. Et je continuais d’aimer cette part de lui de tout mon cœur. De tout ce qui pouvait bien rester de mon cœur.
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() message posté Sam 12 Juil 2014 - 1:38 par Invité


I just can't get the emotions to come out

Mon obsession avait pris  le contrôle sur mon esprit. Je ne parvenais pas prononcer ces mots qui me tourmentaient. Je ne pouvais que respirer mon désarroi à plein poumons. Je ne pouvais que me laisser submerger par ces tonnes d’émotions composites, mélange d’une rage déchirante et d’une douleur qui se voulait salvatrice. J’avais nourris l’espoir de la revoir, durant des mois. J’avais imaginé notre rencontre après un an de séparation, rédigeant mon scénario comme je l’aurais fait pour une de mes histoires imaginaires, mais aucune de mes paroles, aussi forte ou poignante soit-elle, ne pouvait décrire ne serais-ce qu’un semblant de ces choses tordues que je ressentais en cet instant. C’était malsain, et extrêmement bizarre de voir la vérité en face. Eugenia vivrait à jamais en moi. Elle avait mon cœur pour l’éternité. Je soupirai à cette révélation apporté par les douces brises du vent. Mes yeux perdus dans l’étendue du lac ne pouvaient plus se défaire de sa beauté enivrante. Je pouvais sentir le parfum d’Eugenia narguer ma trachée et perturber ma respiration. Je me raclai la gorge avec lenteur. Cette situation était invraisemblable : Je me rappelais parfaitement de notre dernière conversation. Mon plus grand regret était de ne pas lui avoir parlé de vive voix. Je n’avais pas pu me délecter des douces vibrations de ses cordes vocales qui agrémentaient sa jovialité et son affection pour moi.  Je n’avais jamais eu droit à un «à Dieu », même pas après tout ce que nous avions vécus. J’avais trainé ma rage pendant trop longtemps, qu’elle faisait partie prenante de ma misérable vie. J’avais en face de moi la fille que je ne pourrais jamais toucher, la fille que je ne pourrais jamais retenir. Il faisait tout le temps froid à l’intérieur de mon cœur. Mon âme suffocante était prisonnière de mes pensées de tortionnaire. Je fixais mes espoirs et mes certitudes disparaitre peu à peu, emportés par une fumée sombre et malodorante. J’étais perdu et incroyablement malheureux. J’avais en face de moi la fille que je n’avais plus le droit d’aimer, la fille qui ne pouvait plus marcher vers moi. A croire que toutes les personnes que j’aimais finissaient toujours par mourir. Quelque part. Je retins mon souffle en me détournant du lac et de ses eaux troubles. J’essayais de comprendre Eugenia du mieux que je pouvais. J’essayais de me placer là ou la raison se trouvait, mais mon cœur était blessé. Mon cœur refusait de pardonner cet abandon de trop.

« Je ne voulais pas que tu gâches ton avenir pour moi, tu sais. Je n’aurais pas supporté de te voir te contenter d’un petit boulot alors que tu pouvais aller au sommet. »

Elle m’avait doucement murmuré une réponse à laquelle je ne m’attendais que trop. Je lui souris tristement, son timbre particulier m’avait tiré de ma torpeur comme à son habitude. Elle ne perdait en rien son pouvoir magique sur moi. Quelque part, j’étais content de garder un semblant de lien avec elle, même si je restais persuadé que c’était complètement irrationnel et malsain.

« Je me serais contenté d’un petit boulot pour un temps, Ginny. » Je marquai un silence, choisissant chacun de mes mots avec précaution. « Malgré tout l’amour que je te porte … » Je me mordis la lèvre inférieure avant de corriger mon erreur de conjugaison:  « … Que je te portais, je doute que tu m’aurais suffit. J’ai toujours eu la flamme de réussir  au fond de moi. L’université m’aurait attendu le temps que tu m’épouses et tu ailles mieux. »

Je détachais doucement mon regard d’elle. J’avais besoin d’un peu d'espace pour assimiler correctement toutes ces nouvelles informations. La semaine que je m’étais donné n’avait pas suffit à m’éclairer l’esprit ou à soulager ma conscience. Je l’avais appelé le soir de l'accident, j’avais troqué mes derniers tickets restaurant pour un covoiturage douteux, puis j’étais venu à la rencontre de la déception. Et le pire c’est que je ne regrettais pas mon geste d’extrême stupidité. Mon sang se noyait dans les flots d’alcool que j’ingurgitais chaque soir, mon cœur broyait du noir à chaque fois que je détournais la raison, mais à aucun moment je ne regrettais de l’avoir envisagé mienne. Parce que nous étions faits l’un pour l’autre. Si ce n’est dans cette vie, dans la prochaine. Je déglutis lentement, soulageant mes gencives irritées par mon amertume.

«  Tu as voulu protéger mes intérêts. Je comprends. Enfin j'essaie. » Je souris avant d’avouer : «  Tu as épargné mes études et mon potentiel, mais as-tu pensé une seule seconde à mon âme ? J'ai changé. J’ai l’impression d’être différent du gamin que tu as connu. »

J’avais besoin d’elle et sa reconnaissance. J’avais besoin de son parfum et de sa voix. Je voulais qu’elle réalise qu’elle avait détruit un homme mais que l’enfant orphelin se languissait toujours de sa défunte mère, tout comme l’adolescent amoureux espérait toujours gouter à ses lèvres pulpeuses. J’étais ce genre de personne. Je vivais mon passé à chaque instant. C’était pathétique mais à chaque fois que je me perdais dans ses yeux, je pouvais apercevoir ce même point lumineux qui avait attisé ma curiosité autrefois. Ma main tremblante se tendait vers son visage angélique, mais je me ravisais. Je ne pouvais plus me permettre de me brûler encore une fois.  

« Ginny. » Murmurai-je. « Je ne voulais pas abandonner. Tu en valais la peine un million de fois. Mais je suis une toute autre personne. »

Le froid qui m’habitait grisait mes organes internes et analgésiait ma douleur. Je savais que mon insensibilité n’était que de courte durée, qu’il me suffirait de rentrer chez moi afin que la vérité sur mes sentiments me percute. Je savais que mon châtiment était à venir, le soir, seul dans mon immense lit. Ginny était un ciel plein d’étoiles, mais il arrive que les étoiles quittent leur constellation pour s’écraser quelque part sur terre. Il arrive que les étoiles cessent de briller.

« Je garderais la bague. Tu peux faire quelque chose pour moi en retour ? Je ne veux pas que tu te forces à me revoir. Que tu te forces à prétendre qu’on a encore quelque chose en commun. Lorsque tu penseras à moi, je veux que tu penses à la fille enjouée qui pouvait encore marcher, à cette fille enjouée qui t’aimait si fort qu’elle a accepté de te laisser lui échapper pour ton bien. Pas à celle qui ne parvient même plus à marcher, ni même à sourire. »

« Tu es toujours la fille enjouée à mes yeux. Certes tu ne peux pas marcher mais tu es cette même fille qui a hanté mes souvenirs. C’est pour ça que je ne me force par à te voir. Nous sommes peut-être différents aujourd’hui, mais je pense que nous avons notre deuil en commun. Ce serait stupide de ne pas pleurer notre amour perdu ensemble. »

Je souris, désinvolte. Je me voulais digne et plein de courage. Je me voulais autrement que la bête assoiffée de pouvoir que j'étais.

« Nos différences nous apprendrons à devenir amis à nouveau. S’il y a une chose que j’ai appris …  je t’aimerais toujours, et ceci malgré mes efforts.»

Ma langue caressa mes lèvres sèches, les humectant de salive et de mauvaises intentions. Je n’étais pas sûr de pouvoir la voir autrement que comme la jeune femme forte et magnifique qu’elle était. Je n’étais pas sûr de pouvoir me laisser engloutir par la zone ami cette fois encore. Je serrais le poing contre ma blessure à la cuisse. Je nous devais d’essayer … J’étais son meilleur ami après tout, et elle avait besoin moi pour réapprendre à vivre et à rire. Mes yeux s’éclairèrent et pendant une fraction de seconde j’eus l’impression de retourner en arrière ; au bon vieux temps. Là ou il n'y avait que Ginny et Lip.

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() message posté Sam 12 Juil 2014 - 22:03 par Invité
“let's count your scars.”  “why?”  “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ Certaines choses étaient mathématiques. Scientifiques. Immuables. Certaines règles étaient gravées dans le marbre et ne pouvaient être changées, certaines règles représentaient la vérité fondamentale de notre monde et demeuraient intouchables. Deux droites parallèles ne se rencontreront jamais. Deux droites parallèles, aussi proches pouvaient-elles bien l’être, ne pourront jamais se croiser. J’avais l’impression que Julian était ma droite parallèle. J’avais l’impression que les fils de nos existences continuaient leur chemin sans que l’on puisse se toucher. Je sentais presque son souffle contre ma peau mais ma main demeurait posée sur mes genoux. Il n’était qu’à quelques centimètres mais j’avais l’impression qu’un monde tout entier nous séparait. Il était ma droite parallèle et je n’avais pas le droit de le toucher. Pas le droit de croire qu’un jour nous aurions pu être ensemble. Pas le droit d’espérer quoi que ce soit venant de sa part. Les choses arrivaient toujours pour une raison ; le destin nous avait séparés lorsque nos chemins avaient failli se rencontrer. Nous ne pouvions défier les lois mathématiques. Nous ne pouvions défier les lois de la science. Nous ne pouvions défier les lois immuables. Nous étions deux droites parallèles et nous étions condamnées à demeurer proches sans jamais nous rencontrer. Sans jamais construire quelque chose. Sans jamais y croire.
Pourtant, je l’aimais. Pourtant, malgré les mois qui avaient bien pu s’écouler, malgré les mots qu’il avait pu me dire, malgré le mal que j’avais pu lui faire, je continuai de l’aimer. De l’aimer de tout mon cœur, de l’aimer à ma manière. J’avais souvent entendu dire que l’on désirait les choses que nous ne pouvions pas avoir. Que l’on voulait les personnes que nous ne pouvions pas toucher. Et, malheureusement, j’étais forcée de constater que cela était vrai. Je déglutis avec difficulté en l’observant. J’avais mal. Mal au cœur. Mal à mon âme. Mal à tout ce qui pouvait bien rester de mon être. Je peinais à garder la tête haute ; je l’observai sans le voir, je parlai sans être convaincue par mes propres paroles. J’aurais aimé qu’il me comprenne. J’aurais aimé qu’il prenne le temps d’envisager la situation comme j’avais bien pu la voir. Mais il était aussi têtu que moi ; alors, je m’expliquai dans un murmure, espérant que cette vérité chuchotée serait plus facile à lui faire entendre. Il eut un sourire triste ; un frisson traversa mes bras et je détournai le regard comme pour fuir son jugement. Je n’étais bonne qu’à cela. Fuir. N’étais-je pas censée être forte ? N’étais-je pas censée rester droite et fière ? J’en avais assez de baisser la tête. J’en avais assez d’endurer sans jamais prouver que j’étais une battante, moi aussi. « Je me serais contenté d’un petit boulot pour un temps, Ginny. » me répondit-il alors. Il prenait son temps pour me répondre, comme s’il cherchait ses mots. Comme s’il cherchait ses mots pour ne pas me blesser. « Malgré tout l’amour que je te porte… Que je te portais, je doute que tu m’aurais suffi. J’ai toujours eu la flamme de réussir au fond de moi. L’université m’aurait attendu le temps que tu m’épouses et tu ailles mieux. » Il s’arrêta. Je relevai le regard vers lui, les yeux brillants. Sa correction m’avait blessé. Mais, par-dessus tout, je me rendais compte qu’il y avait sans doute eu des alternatives. J’avais été si perdue dans mes décisions que je n’avais jamais envisagé qu’il puisse agir différemment de ce que j’avais imaginé. « Tu as voulu protéger mes intérêts. Je comprends. Enfin j'essaie. » Il eut un sourire. J’en esquissai un sur mes lèvres à mon tour, perdue entre l’amusement et la douleur, perdue entre la complicité et le sentiment de m’être abandonnée moi-même. « Tu as épargné mes études et mon potentiel, mais as-tu pensé une seule seconde à mon âme ? J'ai changé. J’ai l’impression d’être différent du gamin que tu as connu. » Je déglutis en passant une main sur mes yeux, fermant les paupières en espérant que mon esprit cesse d’aller aussi vite. Mes pensées, dans la tempête qui les renversait, me blessaient. Je comprenais. J’avais peur de comprendre. Mes choix avaient été basés sur le court terme ; je l’avais suffisamment bien connu pour savoir qu’il aurait été capable de tout abandonner du jour au lendemain pour courir à mon chevet. Lui, mon meilleur ami. Lui, ce meilleur ami que j’aimais. Je n’avais pas voulu qu’il s’arrête en plein ascension pour la gloire. Je n’avais pas voulu qu’il s’arrête sans penser qu’il pouvait reprendre plus tard.
Pire encore, j’avais oublié qu’il avait été ce petit garçon abandonné trop de fois. Je l’avais abandonné à mon tour.
Je ne valais pas mieux que sa mère. Pas mieux que son père. Pas mieux que ce monde entier qui n’avait jamais cru en lui lorsqu’il avait été dans sa phase la plus sombre. Je me mis à trembler. A trembler comme une feuille. J’abaissai ma main pour le regarder, pour le regarder lui. Je le vis esquisser un geste dans ma direction et se raviser au dernier instant. Au lieu de quoi, il ouvrit une nouvelle fois la bouche pour m’achever un peu plus encore. « Ginny. Je ne voulais pas abandonner. Tu en valais la peine un million de fois. Mais je suis une toute autre personne. » Il était différent, oui. Différent de la personne que j’avais toujours connue. Différent de la personne que j’avais toujours vue en lui. Il était devenu un homme, un homme sans doute froide et sans scrupule, blessé trop de fois, délaissé trop souvent. J’étais responsable dans ce qu’il était devenu. J’en prenais doucement conscience, au fil que j’assimilais les sentiments qu’il avait bien pu nourrir à mon égard lorsque j’avais été aveuglée par les miens. « Je sais, Julian. Je sais que tu es devenue une toute autre personne. » lui répondis-je avec un sourire triste. Mon cœur battait si vite que je me demandais quand est-ce qu’il allait bien finir par s’arrêter. Quand est-ce qu’il allait bien finir par m’abandonner comme j’avais bien pu abandonner Julian. « J’ai conscience que c’est de ma faute. Et j’en suis sincèrement désolée. » murmurai-je. « Je… J’ai fait des erreurs. Des erreurs que je regrette, mais que je ne pourrais jamais corriger. J’aurais aimé prendre les bonnes décisions. J’aurais aimé faire les choses comme il fallait. J’ai oublié qu’en t’épargnant, je te ferais plus de mal que nécessaire. Je n’avais jamais compris que… Que je comptais à ce point-là à tes yeux. Je n’avais jamais compris que le deuil de notre amitié te prendrait plus de quelques semaines. J’ai toujours été une idiote, après tout. » J’esquissai un sourire désabusée, la gorge si serrée qu’aucun autre son ne parvint à s’échapper de mes lèvres.
Mes doigts se refermèrent autour de l’écrin, que je refermai soigneusement. On pouvait me parler de fierté et de combattivité, cela ne changerait rien à ce que les autres voyaient de moi ; une poupée brisée. Brisée par le destin. Brisée par ses sentiments. Brisée par son accident. « Tu es toujours la fille enjouée à mes yeux. Certes tu ne peux pas marcher mais tu es cette même fille qui a hanté mes souvenirs. C’est pour ça que je ne me force par à te voir. Nous sommes peut-être différents aujourd’hui, mais je pense que nous avons notre deuil en commun. Ce serait stupide de ne pas pleurer notre amour perdu ensemble. » Il me sourit, mais je n’étais même plus sûre d’avoir la force de le faire à mon tour. « Nos différences nous apprendrons à devenir amis à nouveau. S’il y a une chose que j’ai appris… Je t’aimerais toujours, et ceci malgré mes efforts.» Je ne pus m’empêcher de sourire en l’observant humecter ses lèvres. Nous étions deux droites parallèles. Deux droites parallèles contraintes d’être proches sans jamais nous rencontrer. Deux droites parallèles qui avaient un jour tenté de défier les lois de la science mais qui n’avaient guère réussi à s’en sortir. Nous nous étions perdus. Mais seules les personnes perdues pouvaient être retrouvées, après tout. « Tu me surestimes, Fitzgerald. Tu l’as toujours fait. » lui répondis-je avec l’ombre d’un sourire sur les lèvres. « Les choses auraient pu être plus faciles. J’en suis désolée, d’accord ? Réellement désolée. Mais, tu vois, quand je vois comme tu as réussi… Quand j’entends que tu es journaliste pour The Times désormais, j’ai l’impression que ta victoire est la mienne aussi. Que, finalement, les choix les plus difficiles ne sont pas forcément si mauvais. T’as réussi pour nous deux, Lip. Le pire, c’est que je vais devoir me retenir de découper tous tes articles comme une maman poule. » J’esquissai un petit sourire. Mon cœur battait vite. Si vite. Mes pensées allaient vite. Si vite. Je me perdais. Je me perdais en sa présence. « Viens par-là. » finis-je par ajouter en écartant mes bras, lui faisant signe de s’approcher. J’avais besoin de lui. Je le savais. Je le sentais. Malgré les mois, malgré les mots, malgré ce que nous étions tous les deux devenus, j’avais besoin de lui. Nous étions deux droites parallèles. Nous ne nous rencontrerons jamais. Mais, malgré les lois de la science, malgré les mathématiques, j’avais besoin de lui.
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() message posté Dim 13 Juil 2014 - 2:34 par Invité


I just can't get the emotions to come out


C’était un fabuleux destin que le notre. Les battements de mon cœur sonnaient ternes à l’intérieur de ma poitrine. Mes cotes brisées se pressaient contre mes muscles, resserrant la prise de mon injustice. Je soupirai les épaules dégagées. C’était un karma obstiné que le notre. L’air se décomposait dans ma trachée avant de plonger dans mes poumons. Mes narines sifflaient, incapables d’inhaler plus de traitrise. J’inspirai les yeux mi clos. De malheurs évités, le bonheur se composait. Et nous n’en avions évité aucun. Ceci expliquait sûrement mon état d’esprit et celui d’Eugenia, tristement recroquevillée sur elle-même. Ma main tremblante espérait un contact que je lui interdisais. Je regardais mes doigts se refermer sur le vide. Ces mêmes doigts qui avaient formés mes coups de poings et mes crises de violence. Le poids du monde reposait sur ma tête, et c’était un bien grand et vaste monde ! Mes pensées croulaient sous les décombres sombres et inanimés d'une citée que j’avais bâtis. Tant de rêves ensevelis sous des tas de poussières et de cendres. Je voyais les cadavres joncher par terre, partout autour de moi, seul survivant d’une guerre cruelle. Le combat avait tout emporté sur son chemin, et moi, debout dans les ruines, je n’étais que l’expression d’une triste vérité. Tout ce que je croyais, tout ce que je chérissais, était là. En face de moi. Mort. Je revoyais le visage inexpressif de ma mère. La vie avait quitté ses paupières bleutées, tandis que la rage de mon père ne faisait que s’encrer chaque jour un peu plus sur mes avants bras violacés. Une force surnaturelle qui me dépassait, avait mélangé les cartes. Et moi j’étais le terrible joueur qui perdait à chaque tour de table. Je baissai les yeux, m’attardant sur mes chaussures propres, et sur les ballerines de Ginny. Ses jambes délicatement coincées en position assise ne pouvaient plus jamais bouger. Elle ne pouvait plus jamais marcher. La tristesse gonfla mon cœur agonisant et je me senti soulevé par une force imaginaire. Mon corps se ploya douloureusement, avant de se redresser à nouveau. Mon existence était une plaine triste ou il ne cessait jamais de pleuvoir. Mon existence était une ville de Londres où l’hiver était éternel. Tout était de désillusion, et rien n’était désillusion. Mon désespoir n’avait aucun remède que la pieuse prière d’une âme éplorée, mais comment m’adresser à un Dieu qui m’avait tout pris ? Comment croire en une religion que l’on ne m’avait jamais inculquée ? Je n’étais même plus sûr de désirer cette vie pleine d’infamie.

« Je sais, Julian. Je sais que tu es devenue une toute autre personne. »

Mais elle ne savait rien du tout. Je fermai les yeux, laissant mon esprit vagabonder dans les landes interdites de mes pensées. Mes mains glacées se posaient tantôt sur le tissu froissé de ma chemise, tantôt sur les revers de mon jeans délavé. Je serrais les dents en me raccrochant aux valeurs matérielles qui m’entouraient, et qui recouvraient mon corps ecchymosé.

« J’ai conscience que c’est de ma faute. Et j’en suis sincèrement désolée. Je… J’ai fait des erreurs. Des erreurs que je regrette, mais que je ne pourrais jamais corriger. J’aurais aimé prendre les bonnes décisions. J’aurais aimé faire les choses comme il fallait. J’ai oublié qu’en t’épargnant, je te ferais plus de mal que nécessaire. Je n’avais jamais compris que… Que je comptais à ce point-là à tes yeux. Je n’avais jamais compris que le deuil de notre amitié te prendrait plus de quelques semaines. J’ai toujours été une idiote, après tout. »

Ses mots s’abattaient sur moi comme les armes du destin. Je restai là, immobile,  ailleurs, incapable de gestes héroïques ou de grandes paroles. Je voyais ce monde auquel je ne faisais pas partie. J’avais attendu si longtemps que le soleil réchauffe mon visage blême, mais les rayons de lumière ne pouvaient filtrer à travers toutes les défenses que j’avais dressées devant moi. J’étais hanté par le froid. J’étais le maitre de glace qui dépérissait, bouffé par ses propres maux. Je papillonnai des yeux.

« Ce n’est pas de ta faute. » Soufflai-je après quelques instants de silence. Ma gorge était sèche de ces mots que je ne savais plus prononcer. « Tu n’a été que l’abandon de trop. On croit être habitué, mais en fait non. » Ricanai-je faussement amusé.

Plus Ginny me regardait, plus je me sentais pris au piège. Elle était si belle! Son visage pâle profanait à peine la délicatesse de ses traits. Je pouvais toujours voir sa grâce et sa féminité prospérer dans un mélange d’élégance et d’effroi. Elle esquissa un sourire désabusé. Je fis de même, étirant à mon tour les courbes de ma bouche avec consternation. C’est à cet instant là, que je réalisai que toute la colère qui m’habitait, que cette rage qui m’animait comme elle avait animé mon père avant moi, n’était pas le fruit des tyrannies que j’avais subi. C’était en moi : J’avais la haine à en mourir !

« Tu me surestimes, Fitzgerald. Tu l’as toujours fait. Les choses auraient pu être plus faciles. J’en suis désolée, d’accord ? Réellement désolée. Mais, tu vois, quand je vois comme tu as réussi… Quand j’entends que tu es journaliste pour The Times désormais, j’ai l’impression que ta victoire est la mienne aussi. Que, finalement, les choix les plus difficiles ne sont pas forcément si mauvais. T’as réussi pour nous deux, Lip. Le pire, c’est que je vais devoir me retenir de découper tous tes articles comme une maman poule. »

Je plissai les yeux, surpris.

« Je ne te surestimes pas. » Niai-je avec conviction. « Ma victoire est la tienne quelque part, tu n’as jamais quitté mes pensées même après ta disparition. »

Je sentis la chaleur embaumer mes pommettes saillantes. J’avais toujours renvoyé les souvenirs de ma mère vers Eugenia. Elle était la figure maternelle qui me manquait depuis toujours. Je crois que c’est pour cette raison qu’il m’avait fallut plus de quelques semaines pour venir à bout de son abandon. Je déglutis avec lenteur.

« J’écris pour la rubrique in money, je doute que ça fasse classe de garder des articles de finance dans un classeur quelconque. » Raillai-je pour détendre l’atmosphère.

Mon cœur battait la chamade, dispersant mes angoisses tout le long de mes jambes. Je me sentais si petit. Mon enfance déchue, mes plaies cicatrisées, mes os fissurés … J’avais besoin de sa présence  bien plus que je voulais le réaliser.

«Viens par-là. »

Je m’étais dirigé vers elle, à peine sa phrase prononcée. Je ne perdais aucune occasion ! Ma tête frôla son visage avant de se poser sur son épaule fragile. Je voulais faire comme dans mon imagination ; la prendre dans mes bras et la serrer si fort, qu’elle se serait mise à gigoter dans tous les sens, me sommant de la laisser respirer. Mais j’avais déjà dépassé mon quota d’agressivité avec elle. Je me contentai de presser son corps contre le mien. Mon torse glissa le long de sa poitrine, avant de rencontrer ses jambes. Ma tête se logea sur ses cuisses, tandis que mes genoux touchaient le sol givré. Je senti les froid grouiller sous mon ligament réparé mais je n’en démordais pas. J’étais bien, j’étais à ma place. Ainsi soumis à l'amour de ma vie.

« Je suis désolé de ne pas t’avoir cherché. Ma fierté m’a empêché de fouiller Londres pour te retrouver. » Confessai-je plein de regrets. « Mais ce n’est pas grave. Tu es là maintenant. Et tu ne pourras pas partir bien loin si je m’accroche à toi comme ça. »

Mes paroles cachaient un fond de vérité. Je serrai ma prise sur son fauteuil, m’accrochant à elle comme une sangsue. Mon visage maculé de larmes et de désespoir se nicha contre ses vêtements. Je souris.

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Anonymous
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() message posté Dim 13 Juil 2014 - 17:56 par Invité
“let's count your scars.”  “why?”  “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ Certaines histoires se terminaient avant même qu’elles ne finissent par commencer. Il existait une expression, en anglais. Une expression pour désigner ces relations qui étaient sans doute vouées à l’échec à l’instant même où quelque chose menaçait de se produire. Star-crossed lovers. Il y avait des étoiles qui pouvaient se croiser sans se rencontrer. Des étoiles qui se rencontraient sans s’arrêter. Des étoiles qui s’arrêtaient mais qui se détruisaient. Des personnes qui se voyaient sans se connaître. Des personnes qui se connaissaient sans doute trop pour y arriver. J’avais croisé Julian. Tout avait été à feu, tout avait été différent. Je l’avais croisé et mon univers tout entier avait changé. Puis la vérité nous avait rattrapés. Puis le destin s’était manifesté. Je m’étais éloignée de lui, et nous avions continué tous les deux dans des directions opposés, creusant la distance qui pouvait bien y avoir entre nos deux existences. Son corps était si proche qu’il me paraissait à des milliers de kilomètres. Son être était si proche mais je ne m’étais jamais sentie aussi loin. Entendait-il mon cœur battre ? Entendait-il mes pensées occupées à s’entrechoquer violemment ? Non, probablement pas. Il était proche sans l’être. Il était proche et loin, proche et à des milliers de kilomètres. Je me perdais dans son regard en tentant de me perdre dans son monde. Mais je n’y parvenais pas. J’étais une étrangère. Une étrangère de plus. Nous avions été deux étoiles. Deux étoiles qui s’étaient croisé. Deux étoiles qui s’étaient évertuées à tout changer pour finalement plus jamais se rencontrer. Le destin nous avait rapprochés, le destin nous avait séparés. Au fond, nous n’étions que des marionnettes. Au fond, aucune décision ne nous appartenait réellement. Je n’avais pas choisi de lui parler pour la première fois. Je n’avais jamais choisi de tomber pour lui. Je n’avais jamais choisi de l’aimer, de l’aimer si fort que j’en étais venue à m’oublier. Je n’avais jamais choisi de perdre l’usage de mes jambes. Je n’avais jamais rien choisi. Et les seules choses que j’avais bien pu faire pour tenter de le protéger n’avait fait que nous séparer encore plus. « Ce n’est pas de ta faute. » me lança-t-il et je l’observai. Je sentis mes poumons se libérer, l’air entrer pleinement sans que ma respiration ne soit douloureuse. Cela était la première fois qu’il s’adressait à moi de cette manière. Cela était la première fois qu’il parlait de la situation sans me blâmer, moi. J’avais l’impression d’être libérée dix fois, cent fois, mille fois de ce que j’avais bien pu faire sans m’en rendre compte. « Tu n’as été que l’abandon de trop. On croit être habitué, mais en fait non. » poursuivit-il. Je me mordis l’intérieur de la joue jusqu’au sang, jusqu’à finalement sentir ce goût de rouille et métallique sur le bout de ma langue. Je me demandais s’il se rendait compte de la véracité de ses paroles. Je me demandais s’il se rendait compte que, oui, il avait été abandonné trop souvent. J’eus envie de porter ma main à sa joue, simplement pour essayer de lui adresser mes excuses à travers ce geste simple, mais je me retins.
Je n’avais pas le droit, après tout. Plus le droit. Je l’avais abandonné comme les autres. Il m’avait abandonné aussi, à sa manière. Nous n’étions que des personnes à la fois proches et séparées par un monde. Des personnes à la fois liées et déstruites.
J’avais sans doute appris bien trop de choses. Mon cerveau refusait d’assimiler certains faits ; pourtant, mes pensées continuaient d’aller vite ; pourtant, mes pensées continuaient d’aller beaucoup trop vite. Il y avait la confusion. Puis la culpabilité. Et, enfin, dans ce chaos intérieur, les sentiments s’emmêlaient avec tout le reste. Je n’étais qu’une boule d’impulsivité contradictoire. Il me perdait. Je me perdais. « Je ne te surestime pas. Ma victoire est la tienne quelque part, tu n’as jamais quitté mes pensées même après ta disparition. » me répondit-il, et je vis ses joues se hâler d’une couleur rosée. Mon cœur se serra tandis que j’observai ses yeux verts. J’esquissai un vague sourire en secouant la tête ; sa victoire était la sienne. Je n’avais rien eu à faire la dedans. Je l’avais abandonné au moment le plus cruciale de sa carrière, sans doute, et pourtant il avait quand même réussi à s’en sortir, d’une manière ou d’une autre. Il était un combattant, il était un gagnant ; il survivait pour réussir, il survivait pour prouver au monde qu’il valait la peine. « J’écris pour la rubrique in money, je doute que ça fasse classe de garder des articles de finance dans un classeur quelconque. » Je me mis à rire doucement, avant d’hausser les épaules. Ce fût à mon tour de rougir. A mon tour de sentir mes joues se réchauffer. « Finance, sport, à l’international… Peu importe, il y a quand même ton nom ou tes initiales imprimés à la fin de l’article. » lui répondis-je. C’était admettre. Admettre que cela m’importait encore. Mais je m’en fichais ; j’étais fatiguée de cacher la vérité, fatiguée de mentir, fatiguée de le rejeter pour le protéger et constater que cela ne faisait qu’empirer les choses. Je voulais simplement vivre. Pourtant, j’avais l’impression que cela ne faisait que me tuer un peu plus.
Je finis par rendre les armes. Par abandonner la résolution de maintenir une certaine distance entre nos deux corps. J’avais l’impression que ma peau appelait la sienne. Que mon cœur réclamait le sien. Que mon corps souhaitait simplement se blottir contre lui. Cette proche distance m’épuisait. Je savais que les choses ne pourraient jamais revenir à la normale ; je savais que nous ne pourrions jamais reprendre notre histoire là où nous l’avions arrêté. Cependant, j’avais besoin d’une trêve. Cependant, j’avais besoin d’un peu d’espoir, d’une promesse muette que tout irait bien. J’aurais aimé revivre cent fois le soulagement que je ressentis lorsqu’il vint dans mes bras à peine les eus-je levé. J’avais l’impression de le retrouver. J’avais l’impression que nos deux mondes se touchaient doucement. J’avais l’impression que tout n’avait pas forcément été vain. Sa tête trouva mes cuisses. Il se mit à genoux devant moi, me serrant toute entière, me serrant moi et mon fauteuil qui faisait désormais partie intégrante de mon existence. « Je suis désolé de ne pas t’avoir cherché. Ma fierté m’a empêché de fouiller Londres pour te retrouver. Mais ce n’est pas grave. Tu es là maintenant. Et tu ne pourras pas partir bien loin si je m’accroche à toi comme ça. » Son visage d’ange était inondé de larmes silencieuses. Doucement, je vins les essuyer une à une avec mon pouce. Mon rythme cardiaque était irrégulier mais je m’en fichais ; j’avais l’impression qu’il n’y avait que cet instant, cet instant précis, qui comptait. J’avais l’impression de l’avoir attendu durant des siècles. « Shh. Tu ne m’as pas cherché mais on s’est retrouvé quand même. » marmonnai-je. J’aurais aimé lui dire. J’aurais aimé lui dire que malgré le temps, malgré tout ce qui avait bien pu se produire, je continuai de l’aimer. J’aurais aimé lui dire que j’étais fière de lui, qu’il avait accompli bien plus de choses que je n’aurais pu le faire en une vie entière, mais je demeurai silencieuse. Je remerciai intérieurement tous les Dieux qui pouvaient bien exister. Je remerciai silencieusement pour ce destin qui me l’avait ramené. Nous étions deux enfants perdus. Deux enfants perdus ensemble. « Je ne vais nulle part, d’accord ? Nulle part. » Je lui avais déjà dit, mais j’avais conscience qu’une centaine de promesses ne seraient pas suffisantes pour qu’il vienne à me faire confiance de nouveau. Peu importe. J’avais le temps, après tout. La mort m’avait déjà fait savoir qu’elle ne voulait pas de moi tout de suite. « On a changé. On est tous les deux différents. Mais je ne vais plus te fuir. On va se revoir. On va s’engueuler. On va se détester. Puis finalement on va faire la paix et recommencer. » Et je vais t’aimer. Et qu’est-ce que je vais t’aimer. «  Je vais découper tes articles dans le journal, tu vas me dire que c’est minable. Tu vas vouloir pousser mon fauteuil et je vais te dire d’aller te faire voir. Je vais désapprouver certaines de tes habitudes et tu vas me dire que je n’ai strictement rien à dire sur ton mode de vie. Puis il y aura les choses positives. J’aurais un match de tennis à jouer et tu viendras me supporter. Tu auras une promotion et je te féliciterais. On a changé. Mais je pense que je suis prête à vivre tout ça sans regarder notre passé. » J’y croyais, à mon énumération. J’avais presque l’impression que cela était une utopie ; ce monde était dépourvu de ces sentiments qui me rongeaient, de cette culpabilité qui m’écrasait, de cette honte qui me suivait. Ce monde paraissait presque normal, serein, alors que, pourtant, nous étions tous les deux des tempêtes.
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