"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici You have my heart for eternity. Ft Eugenia - Page 3 2979874845 You have my heart for eternity. Ft Eugenia - Page 3 1973890357


You have my heart for eternity. Ft Eugenia

 :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Mar 22 Juil 2014 - 4:28 par Invité


I just can't get the emotions to come out


Je sentais cette douleur cuisante grouillait en moi comme un mal incurable. Mes bras engourdis tombaient ballants le long de mon corps crispé et je retins un gémissement de lassitude. Ce n’était pas juste : Le temps ne s’était jamais arrêté et nous étions coincés dans une nuit de regrets sans fin. J’essayais de m’avancer dans l’obscurité, trainant ma solitude et mes sentiments derrière moi du mieux que je pouvais, mais il y avait des maux dont on ne pouvait jamais se dérober. Il y avait le passé, fatal affliction, qui restait encré partout sur ma peau. Mes cicatrices et mes os déformés, mes appels au secours et mes cauchemars d’enfant … J’avais perdu toute notion de réalité depuis trop longtemps. Eugenia et moi, c’était perdu. Nous étions laissés pour morts dans une guerre de vanité sans fin. Nous étions voués à nous retrouver pour mieux nous briser. Je déglutis avec difficulté. Elle était derrière moi mais je ne lui adressais aucun regard. Je ne voulais pas l’envelopper de ma faiblesse, elle pourrait se méprendre sur mes intentions. Je n’étais pas le genre d’homme à rester à ses côtés par culpabilité ou pitié. J’étais bien trop égoïste pour m’abaisser à de tels actes d’altruisme. Je n’étais vraiment pas un homme bien. Un soupir m’échappa. Mes pas étaient rythmés par les palpitations effrénées de mon système vasculaire. Je pouvais entendre les violons de l’enfer m’inviter à succomber à la transe et tous ses pêchers, mais je faisais l’effort de demeurer digne et alerte. Au moins pour ce soir.

Je regardais la beauté du parc se dérober peu à peu, ternie par le gris et ses différentes nuances de tristesse. Les plaines verdoyantes n’étaient plus qu’un décor en carton grotesque que mon pauvre esprit avait façonné pour mieux vivre un nouvel échec. J’avais envie de courir au loin. Ce n’était pas une fuite mais une vaine tentative d’essouffler mon âme rebelle. Je voulais calmer mes pulsions mais je ne voyais plus l’intérêt de me battre contre nos étoiles et leurs orbites. Eugenia devait comprendre ce que je ressentais car elle ne donnait qu’une pale réponse à mes réflexions. Je lui souris en silence : Ce débat était stérile.
Je me dirigeai vers le parking sans presser le pas. Ma berline noire était garée au bout de l’allée, juste en face du grand planton vert qui se dressait au milieu d’une ridicule fontaine. Je me raclai la gorge en activant l’ouverture des portes.

« Je vais avoir besoin d’aide. »

« Je m’en doutais un peu. » Répondis-je avec douceur.

« Il faudra simplement que tu m’ouvres la porte. Après, je pense que je pourrais m’asseoir toute seule en m’aidant des poignées. Il faudra que tu plies mon fauteuil, il suffit de rabattre le repose-pied, appuyer ici et ça devrait être bon. Tu peux le mettre dans ton coffre. »

Je marquai un silence, en lui ouvrant la porte.

« Tu es sûre que tu ne veux pas que je te porte ? » Proposai-je en me penchant de trop près. Mon visage à quelques centimètres du sien était un réel supplice, mais je me devais d’être gentleman. «Laisse-moi faire. » Insistai-je en l’empoignant par la taille. Ses mains se postèrent autour de mon cou presque par réflexe. Je lui souris d’un air maussade en fixant ses jambes inertes. Il était peut-être trop tôt pour moi. Je n’étais peut-être pas prêt à gérer tout ça. J’assimilais avec difficulté tous ces changements imposés, mais je les assimilais quand même. Un soupir m’échappa lorsque je la laissai sur le siège. La chaleur de son corps fragile avait quitté mon torse et je me sentais incroyablement vide.

Elle m’avait minutieusement expliqué le mode d’emploi de sa chaise roulante. Je déposai un léger baiser sur sa joue, amusé par son petit air dégagé. « Ne t’inquiète pas. Je suis agile de mes mains. Puis je compte devenir un expert en la matière, tu auras du mal à me faire remplacer. » Raillai-je en rabattant le repose-pied, tant bien que mal, il fallait se l’avouer. Cette satanée chose ne se laissait pas faire facilement !

Je pris le volant sans allumer la radio. Les pièces brisées de notre histoire frétillaient comme un poisson hors de l’eau, tentants de survivre dans un monde cruel et sans espoir. Je clignai des yeux en entendant le son de sa respiration bercer ma conduite.

« On sera bientôt arrivé. Ne t’inquiète pas. » Lançai-je d’un ton qui se voulait rassurant. « Je sais que ça ne doit pas être facile de remonter dans une voiture. Tu n’as pas besoin de faire semblant avec moi.»

Je stationnai au bord de la route, à trois rues de street bridge. Je me retournai lentement, ma main frôla la sienne.

« Tu es sûre de vouloir rester toute la nuit ? » ] M'enquis-je soudainement en la voyant blanche comme un linge.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Mer 23 Juil 2014 - 23:53 par Invité
“let's count your scars.”  “why?”  “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ Je n’étais remontée dans une voiture qu’à de trop rares occasions. J’avais toujours pris un soin tout particulier à éviter ce mode de transport ; les seules fois où j’avais été contrainte de l’emprunter avait été avec ma mère, lorsque j’étais retournée à Cardiff durant un mois pour qu’elle s’occupe de moi. Elle n’avait rien trouvé d’autre que des calmants pour apaiser ma terreur. Elle n’avait rien trouvé d’autre que de me murmurer des mots doux pour calmer mes peurs. Cela n’avait strictement rien changé, au fond ; je n’avais pas eu de raison de me battre. Je n’avais pas eu de personne pour qui je me devais d’au moins essayer. Je savais que cela était se montrer faible mais je ne parvenais pas à agir autrement ; j’avais laissé la peur envahir mon être et ne faire qu’un avec mon âme. J’avais laissé ma terreur envahir mon âme et ne faire qu’un avec mon être. En silence, je suivis Julian à travers le parc ; seul le cliquetis régulier de mes roues troublait le calme olympien de l’endroit. En observant son dos, je me souvins de toutes les choses que j’avais été capable de faire en son nom, et de toutes les choses que je désirais encore exécuter pour lui. Je voulais être forte, poussée par des élans de fierté que je ne parvenais pas encore à étouffer. N’avais-je pas passé mon existence à faire cela pour lui ? Ne m’étais-je pas toujours appliquée à être forte et fière devant lui ? J’avais toujours voulu lui prouver que je valais la peine d’être connue. J’avais toujours voulu lui montrer que je serais là pour lui, peu importe les situations. Je déglutis avec difficulté en apercevant sa voiture. Je savais que je n’avais rien à craindre ; pourtant, l’angoisse envahit doucement mes veines et je sentis mon rythme cardiaque s’affoler.
Je ne craignais rien. Il serait là, avec moi. Il ne pouvait jamais rien m’arriver lorsqu’il était à mes côtés.
Ma voix était calme et posée, annonçant que j’avais besoin d’aide sur un ton neutre et doux. « Je m’en doutais un peu. » me répliqua-t-il et je tentai d’ignorer sa remarque en poursuivant sur mon élan. Je ne voulais pas qu’il me rappelle à quel point je pouvais être dépendante des autres. Je ne voulais pas qu’il m’aide plus que nécessaire. Je voulais lui montrer. Lui montrer que je me débrouillais du mieux que je pouvais. « Tu es sûre que tu ne veux pas que je te porte ? Laisse-moi faire. » me glissa-t-il, m’attrapant par la taille sans me demander mon avis. « Julian… Non… » marmonnai-je, mais il était déjà trop tard. Je passai mes mains autour de son cou lorsqu’il porta son autre main à mes jambes ; je remarquai son sourire triste lorsqu’il les observa, et doucement il m’installa sur le siège passager. Mon cœur se serra, tandis que je guettai cet instant où il me rejetterait. Mais il n’en fit rien. Je me sentais blessée en mon fort intérieur, blessée d’avoir été portée, blessée de ne pas avoir eu l’occasion de lui montrer que j’avais encore une part d’indépendance. Il garda toutes ses pensées pour lui, cependant ; il se chargea de se battre contre mon fauteuil roulant pour le replier selon mes instructions. « Ne t’inquiète pas. Je suis agile de mes mains. Puis je compte devenir un expert en la matière, tu auras du mal à me faire remplacer. » J’esquissai un petit sourire sans parvenir à répliquer. Il parvint finalement à mettre la chaise dans son coffre ; il revint s’installer derrière le volant et, sans attendre, il mit le contact.
Je réussis à garder mon calme durant une poignée de minutes. Mais il m’abandonna au rythme des souvenirs qui remontaient. Crissements de pneus. Arrêts légèrement brusques. Circulation beaucoup trop dense. Klaxon. Accident. Mes doigts finirent par se crisper sur mes genoux ; j’observai la route sans la voir, la gorge serrée, luttant contre ma propre respiration qui s’affolait sans que je ne parvienne à la contrôler. J’entendais Scarlet hurler à l’arrière ; j’avais l’impression de sentir ma colonne vertébrale se briser encore et encore. La ceinture de sécurité me génait. J’avais l’impression de la sentir me brûler la peau. Je ne parvenais plus à respirer. Je suffoquais en silence. « On sera bientôt arrivé. Ne t’inquiète pas. Je sais que ça ne doit pas être facile de remonter dans une voiture. Tu n’as pas besoin de faire semblant avec moi. » me murmura-t-il d’une voix douce, apaisante, avant de s’arrêter sur le côté de la route. Je me focalisai sur ma respiration sans succès ; les souvenirs étaient dans mon esprit, désormais. Ils venaient me ronger. Ils venaient me détruire. « Tu es sûre de vouloir rester toute la nuit ? » me demanda-t-il. Je restai silencieuse pendant une poignée de secondes. Je finis par m’éclaircir la gorge, mais ma voix demeura vacillante et guère assurée. Je finis par m’éclaircir la gorge, mais ma voix resta coincée au fin fond de mon être. « La plupart du temps, quand on me parle de mon accident, je dis que je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé. Que j’ai oublié. Qu’il ne me reste que des bribes de souvenirs confus. Mais c’est faux. C’est absolument faux. » lançai-je sans répondre à sa question, sentant les larmes monter à mes yeux. Je finis par tourner la tête dans sa direction, l’observant sans le voir, le regard perdu dans mes propres souvenirs. « Je me souviens qu’ils passaient pour la millième fois Mirrors de Timberlake à la radio, et ça me rendait folle. Ma sœur s’agitait toute seule sur la banquette arrière parce qu’elle avait trop bu, encore une fois, et j’avais simplement envie qu’elle arrête... J’avais simplement envie qu’elle se taise, de la déposer dans sa chambre d’étudiante et d’attendre ton appel. » Ma voix se brisa et je restai silencieuse. Je pris une profonde inspiration avant de reprendre, mes yeux papillonnant sur le tableau de bord de la voiture de Julian. « Mais elle n’arrêta pas. Peut-être que j’aurais dû l’écouter me parler… Peut-être que j’aurais dû lui donner de l’attention au lieu de simplement rager contre elle silencieusement en conduisant. Elle a mis ses mains sur mes yeux, Julian. Elle a essayé d’attirer mon attention parce que j’étais trop énervée après elle pour accepter de l’écouter me parler. » Un sanglot remonta dans ma gorge mais je le ravalai. C’était sans doute la première fois que je me confessai de cette manière à une personne ; je n’avais jamais réellement parlé de mon accident à mes parents, ma sœur, les médecins, me bornant à leur dire que je ne possédais presque aucun souvenir de ce qu’il s’était passé. Je n’avais fait que de leur mentir. Leur mentir pour leur assurer que j’allais bien. « J’ai… J’ai paniqué parce que je n’ai rien vu pendant une dizaine de secondes. Je me souviens avoir donné un grand coup dans le volant et… Et je l’ai entendu crier. J’ai d’abord entendu ma jumelle crier avant de me rendre compte que la voiture faisait un tonneau et tombait dans un ravin. » marmonnai-je en secouant la tête, essuyant les larmes solitaires qui coulaient sur mes joues. Je regardai le plafond de la voiture avant de me décider à reposer mon regard sur Julian. J’avais peur. Peur qu’il ne comprenne pas. « J’ai eu mal, Julian. Si mal. Mais ça n’était rien comparé à la terreur qui coulait dans mes veines. Je venais de me sectionner la moelle épinière et une de mes côtes perforait un de mes poumons mais je ne pensais qu’à Scarlet. J’ai perdu connaissance au bout de quelques secondes. Je ne me suis réveillée que quatre jours plus tard. » poursuivis-je. « J’ai toutes ces choses qui me reviennent. J’ai toutes ces choses qui me reviennent et je ne parviens pas à les oublier. Ses cris, la douleur… Cette putain de douleur. Et puis… La voiture à l’envers, la ceinture de sécurité qui me brûlait la poitrine, la voiture qui a pris feu… Toutes ces choses reviennent encore et encore. J’aimerais que ça s’arrête. J’aimerais que ces images me laissent tranquille. J’aimerais arrêter de prétendre d’être forte parce que je ne le suis pas. » Je pris une profonde inspiration, mon regard dans le sien. J’aurais aimé lui dire tellement plus de choses. J’aurais aimé lui expliquer la terreur qui prenait possession de mes poumons. J’aurais aimé lui expliquer ce sentiment de solitude qui m’habitait chaque jour, chaque heure, chaque minute. « Les mois qui ont suivi ont été un véritable cauchemar. Chaque opération était un échec. Je voyais les cicatrices s’accumuler sur mon corps. Le pire était qu’à chaque fois, en allant au bloc, je me disais que cette fois-ci serait sans doute la bonne. Que je pourrais remarcher. Que je pourrais t’appeler pour te dire que j’allais bien et que j’étais désolée d’avoir disparu pendant quelques semaines. » finsi-je par conclure. « Mais ça n’est jamais arrivé. Et ça n’arrivera jamais. » Ma voix se brisa et je m’arrêtai de parler. Je détournai les yeux, incapable de supporter son regard plus longtemps ; ils se plantèrent sur le pare-brise, perdus à observer ce qu’ils ne voyaient pas.
J’avais perdu tant de choses que je ne parvenais même plus à les compter. Julian. Mes jambes. Ma confiance en moi. Mes projets. Mes sentiments. Mes espoirs. Moi-même.
Je gardai le silence, perdue dans ce que je venais de dire, perdue alors que je me battais contre mes propres larmes. J’aurais aimé qu’il se rende compte que je n’avais jamais prononcé ces paroles-là auparavant. Que je n’avais jamais jugé que j’avais le droit de m’ouvrir de cette manière à quelqu’un. Qu’il était spécial à mes yeux, qu’il avait toute ma confiance et tout mon amour. « Tu ne voulais pas que je fasse semblant avec toi, eh bien voilà. Je suis pathétique, pas vrai ? Hantée par des souvenirs. Terrorisée par son passé. » finis-je par lancer, avant d’enchainer. « J’ai juste envie de rentrer chez moi et de pleurer, Julian. Ca fait trop longtemps que je me retiens. » Je retournai la tête vers lui. Ma voix avait presque été plaintive. Je voulais pleurer, oui. Pleurer tout ce que j’accumulais. Mais je voulais pleurer dans ses bras, ces bras auxquels je n’avais plus le droit. Pleurer contre lui, cette personne que je ne méritais même pas.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Lun 28 Juil 2014 - 3:54 par Invité


I just can't get the emotions to come out


Je me perdais dans mes propres jeux. C’était un labyrinthe sans fin. Je roulais à toute allure en direction d’un point étincelant qui m’apparaissait au loin, mais l’obscurité devant moi engloutissait les lumières de mes fars. Je n’y voyais plus rien. Tout n’était que brouillard et désolation. J’étais complètement perdu au beau milieu des arbustes verts et des fleurs fanées. Le temps me rattrapait, m’insufflant des souvenirs passés et des perspectives d’avenir dont je n’avais rien à faire. Plus rien n’avait d’importance pour moi. Plus rien et plus personne. Je clignai des yeux en appuyant sur l’embrayage. Je détestais cette chanson d’amour qui tournait en boucle dans ma tête. Je détestais cette existence vouée à la répétition. J’exécrais ce cœur qui refusait de se faire une raison.

J’avais senti l’appréhension d’Eugenia tout le long du trajet. Elle tentait de plonger ses peurs dans le mutisme mais je n’étais pas dupe. Je la connaissais assez pour savoir qu’elle terrait ses angoisses dans le silence. Je soupirai, j’aurais dû analyser toutes les éventualités avant de lui infliger une telle torture. Au fond, j’étais sa perte. J’étais le démon qui la faisait immanquablement chuter dans les abimes des ténèbres. Cette révélation, qui n’en était une qu’à moitié, me serra le cœur. Je plissai les yeux en stationnant. Ma main froide frôla la sienne, vaine tentative de la réconforter. Je me mordis les lèvres incapable de gestes héroïques, ou de longues tirades, comme le serait un ami digne de son nom. J’avais toujours été une plaie ouverte. Un être en perpétuelle souffrance. Je ne savais pas ce que c’était d’aider Eugenia. Je baissai les yeux.

« La plupart du temps, quand on me parle de mon accident, je dis que je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé. Que j’ai oublié. Qu’il ne me reste que des bribes de souvenirs confus. Mais c’est faux. C’est absolument faux. »

Je retins ma respiration. Sa voix mélodieuse tremblait au gré de son récit. Je pouvais sentir toute sa détresse et sa peur. Je pouvais voir que je n’avais jamais été là pour elle. C’était un poignard aiguisé qui transperçait mon âme à l’agonie. Un énième coup de poing qui se logeait dans mon ventre. Je m’entendais crier depuis les puits des enfers. Je la sommais d’arrêter ce supplice. Je fermai les yeux un court instant, luttant contre mes émotions humides. J’espérais de tout mon cœur que tout cela n’était que fiction. Au fond, nos retrouvailles me semblaient si irréelles, si surfaites. Ma moitié de cœur s’égarait entre deux battements. Eugenia, reviens-moi par pitié. Ma main se ferma sur le tissu froissé de ma chemise. Reviens-moi.

« Je me souviens qu’ils passaient pour la millième fois Mirrors de Timberlake à la radio, et ça me rendait folle. Ma sœur s’agitait toute seule sur la banquette arrière parce qu’elle avait trop bu, encore une fois, et j’avais simplement envie qu’elle arrête... J’avais simplement envie qu’elle se taise, de la déposer dans sa chambre d’étudiante et d’attendre ton appel. Mais elle n’arrêta pas. Peut-être que j’aurais dû l’écouter me parler… Peut-être que j’aurais dû lui donner de l’attention au lieu de simplement rager contre elle silencieusement en conduisant. Elle a mis ses mains sur mes yeux, Julian. Elle a essayé d’attirer mon attention parce que j’étais trop énervée après elle pour accepter de l’écouter me parler. »

« Eugenia … » Soufflai-je à moitié absent.

Ma voix s’évanouissait au creux de ma gorge. Je me réfugiais dans le silence grisant qui m’avait tenu compagnie durant des années. Je ne trouvais rien à dire, alors je faisais un mouvement de recul en tremblant. Ça fait longtemps que l’on ne s’est pas vu. Un an que tu as disparu. Tu es plus belle que dans mes souvenirs. A l’époque tes mèches dorées voltigeaient au gré du vent avant de me frapper au visage mais j’adorais la proximité qu’il y avait entre nous, alors je souriais. Tu te rappelles de nos virées au bord de la mer ? Ton accent gallois me faisait rire mais tu te vexais à chaque fois. Tu sais ce qui m’a manqué le plus, c’est ton air grincheux à chaque fois que je piquais ton dessert à la cafeteria. Je t’ai détesté tout le long de ton absence. J’ai imaginé que tu étais avec d’autres gens. La vie sans toi était semblable à une peine de mort, j’attendais incessamment le moment où le bourreau allait me trancher la tête. Mais il ne le faisait jamais. Il ne l’avait jamais fait avant notre rencontre au Starbucks. Eugenia j’ai besoin de toi. Je ne suis pas un monstre. Toi, tu le sais.

« J’ai… J’ai paniqué parce que je n’ai rien vu pendant une dizaine de secondes. Je me souviens avoir donné un grand coup dans le volant et… Et je l’ai entendu crier. J’ai d’abord entendu ma jumelle crier avant de me rendre compte que la voiture faisait un tonneau et tombait dans un ravin. J’ai eu mal, Julian. Si mal. Mais ça n’était rien comparé à la terreur qui coulait dans mes veines. Je venais de me sectionner la moelle épinière et une de mes côtes perforait un de mes poumons mais je ne pensais qu’à Scarlet. J’ai perdu connaissance au bout de quelques secondes. Je ne me suis réveillée que quatre jours plus tard. J’ai toutes ces choses qui me reviennent. J’ai toutes ces choses qui me reviennent et je ne parviens pas à les oublier. Ses cris, la douleur… Cette putain de douleur. Et puis… La voiture à l’envers, la ceinture de sécurité qui me brûlait la poitrine, la voiture qui a pris feu… Toutes ces choses reviennent encore et encore. J’aimerais que ça s’arrête. J’aimerais que ces images me laissent tranquille. J’aimerais arrêter de prétendre d’être forte parce que je ne le suis pas. »

Je ne savais plus quoi faire de mes mains. Je les portais à mon visage, je les posais sur mes cuisses avant de les ramener sur mon cou. Les veines au coin de mes yeux tapaient contre mes tempes, menaçant d’éclater à tout instant. Je me sentais défaillir à chaque confession, à chaque fois qu’elle me rappelait que j’étais indigne.

« Les mois qui ont suivi ont été un véritable cauchemar. Chaque opération était un échec. Je voyais les cicatrices s’accumuler sur mon corps. Le pire était qu’à chaque fois, en allant au bloc, je me disais que cette fois-ci serait sans doute la bonne. Que je pourrais remarcher. Que je pourrais t’appeler pour te dire que j’allais bien et que j’étais désolée d’avoir disparu pendant quelques semaines. Mais ça n’est jamais arrivé. Et ça n’arrivera jamais . »

« Et tu n’as jamais appelé. » Conclus-je à mon tour.

Les larmes me montaient. Je pouvais entendre les cornemuses de mon passé pleurer pour moi. Les hommes en kilts oscillaient au rythme de mes plaintes mais leurs visages restaient inexpressifs. Au-delà des limites que je m’étais fixé se trouvaient mes pires faiblesses. Au-delà des plaines que j’avais imaginées se cachaient mes pires démons. Eugenia était dressée au sommet de ceux-là. Elle était la pire de tous.

« Tu ne voulais pas que je fasse semblant avec toi, eh bien voilà. Je suis pathétique, pas vrai ? Hantée par des souvenirs. Terrorisée par son passé. J’ai juste envie de rentrer chez moi et de pleurer, Julian. Ca fait trop longtemps que je me retiens. »

J’esquissais d’un simple geste de la tête. J’avais envie de rentrer chez moi et de pleurer moi aussi. J’étais subitement gagné par l’horreur d’une réalité que je m’évertuais à ignorer. Eugenia avait besoin de moi, bien plus que je ne pouvais être utile. Elle devait me surestimer, ou me vouer bien plus d’affection que je ne méritais. Je me penchai en avant afin d’ouvrir la portière. Je sortis du véhicule en silence. Mes bras ballants tombaient de part et d’autre mon corps engourdi. Je soupirai en me laissant tomber sur le bitume givré. Mon genou blessé claqua violemment, me tirant un gémissement de douleur. Je serrai les poings en me cambrant en avant. J’avais envie de crier. J’avais envie de me jeter contre les murs et de mener mon corps au sang. Ce sentiment effroyable me bouffait de l’intérieur. Eugenia, ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu. Un an. Je vais bien, je suis journaliste et toi ? Tu es plus belle que dans mes souvenirs. Tu as toujours été plus belle à mes yeux.

Je me tordais de douleur. Je devenais fou. Ce disque tournait en boucle dans ma tête.

Eugenia, ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu. Un peu prêt un an. Je suis revenu à Londres pour travailler. Liverpool c’était bien mais je m’ennuyais de toi.

J’avais appris mon texte pendant des mois. Je m’étais approprié chaque mot, m’imposant une désinvolture et un ton dégagé auxquels j’avais failli. Les larmes que je retenais coulaient le long de mon visage placide, creusant leur chemin parmi mes sillons cicatrisés. Je frappai le sol violemment avant de me redresser avec lenteur. Je fis le tour de la voiture en trainant du pied. J’ouvris la portière pour Eugenia. Mes yeux meurtris se posèrent sur son corps immobile. J’avais envie de lui crier mon désarroi. J’avais envie de lui crier de se lever.

« Eugenia … »

Je me mis à son niveau. Mes lèvres chancelantes touchèrent son visage, et le pire c’est que je pu ressentir un certain plaisir en étant si proche d’elle malgré les circonstances. Mon corps se blottit contre son torse. Je voulais être son refuge incertain, je voulais cacher la vérité blessante, mais avec tous les démons qui se cachaient en moi. Il n’y avait plus de place pour elle.

« Je suis si désolé. » Murmurai-je. « J’ai pitié de nous. C’est tout un désordre. Peu importe ce que je fais, je finis au point de départ, agonisant à tes genoux. C’est perdu d’avance. Mon sang est pourri. Je suis pourri jusqu’à la moelle. J’ai passé cette année à exorciser ta présence. Je t’ai remplacé par les ténèbres. »

Je la serrais assez fort pour la réconforter, mais je n’arrivais toujours pas à trouver les bonnes expressions, ou les bons mots. Je crois, qu’il n’en avait pas d’assez intenses, ou d’assez poignants pour porter mon message. Je t'aime.

« Je vais te ramener chez toi. Laissons la voiture ici. Ou peu importe. Je t’emmènerais ou tu veux. » Promis-je. « Je te prendrais avec moi. »

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Lun 28 Juil 2014 - 23:20 par Invité
“let's count your scars.”  “why?”  “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ J’avais été persuadée que me confesser finirait par me libérer de mes propres démons. De mes propres souvenirs. Je m’étais imaginé que je soulagerais mon fardeau, quelque part ; les médecins m’avaient toujours poussé à le faire, après tout. J’avais toujours songé que cela était pour une raison. J’avais toujours pensé qu’ils m’incitaient à le faire pour que je me sente mieux.
Mais, au fil des mots, je ne faisais que revivre ces instants que je préférais oublier. Je m’étais trompée. Cela ne m’aiderait pas. Les sanglots prenaient possession de ma gorge sans que je ne parvienne à les ravaler ; au bout d’un an et trois mois, je me laissais finalement aller. Je me laissais finalement pleurer. Je lâchais prise face à ce combat contre ma propre personne, ce combat où je m’étais battu sans relâche. Après tout, je m’étais efforcée de sourire à chaque instant, chaque jour. Après tout, j’avais été forte et impliquée, je m’étais relevé à chaque moment où j’avais bien pu tomber. J’avais gardé la tête haute pour ma sœur. Pour ma mère. Pour mon père. Pour toutes ces personnes qui n’avaient pas mérité mon malheur et qui n’avaient pas eu d’autres choix que d’assumer ce qu’il m’était arrivé. Quelque part, j’avais voulu prouver au monde entier que cela n’était pas grave. Que je m’en remettrais. Que je pouvais m’en sortir. J’avais voulu prouver au monde entier une chose que je n’avais même pas encore moi-même accepté. J’avais eu l’impression que cela était la meilleure chose à faire ; j’avais cru qu’avancer sans me retourner allait m’aider à m’en sortir. Seulement, j’avais oublié que mon passé me retenait encore en arrière. Je m’étais repliée sur moi-même, je m’étais façonnée un cocon comme pour m’assurer que désormais, il ne m’arriverait jamais plus rien. J’aurais aimé m’arrêter dans mon récit. J’aurais aimé taire toutes ces choses qui m’habitaient. Mais Julian méritait de savoir plus que n’importe qui ; alors, je parlais, je parlais encore et encore, les larmes inondant mon visage et mes mots cisaillant ma langue. Il s’agitait à mes côtés mais j’étais si perdue que je ne lui en teins pas compte. Il ne m’interrompit pas une seule fois, et je lui en fus reconnaissante. Des souvenirs entrecoupés hantaient mon esprit. Presque avec précipitation, mes doigts détachèrent ma ceinture de sécurité qui semblait m’étouffer. Finalement, mes confessions touchèrent à leur fin, me laissant bouleversée, mes poumons cherchant de l’air qu’il ne parvenait même plus à respirer. « Et tu n’as jamais appelé. » conclut-il à son tour. Je secouai la tête, sentant mes larmes couler sur mes joues. Je n’osais même pas approuver ses paroles. Je n’osais même pas lui dire qu’il avait eu raison. Je n’avais pas voulu qu’il me voit dans un état pareil. J’avais cru en l’espoir que l’on m’avait donné ; je m’étais toujours dit que je lui reviendrais, d’une manière ou d’une autre, debout, sur mes jambes. Le temps s’était écoulé. Je ne m’étais jamais relevé. Et je n’avais jamais réussi à prendre mon cellulaire pour l’appeler et lui raconter ce qu’il m’était arrivé.
Je l’avais gardé dans l’ignorance, quelque part. Au final, je me demandais si cela n’avait pas été une forme de déni. Je n’avais jamais passé cette étape de mon deuil, après tout. Je n’avais jamais réussi à accepter.
Julian sortit de la voiture sans un mot de plus, et il disparut de mon champ de vision, tombant à terre. Il me laissa là. Il me laissa là avec mon histoire et mes peurs, mes souvenirs et mes douleurs. Mon cœur se serra si fort qu’un gémissement traversa mes lèvres, et mes sanglots se transformèrent en pleurs que je ne parvins plus à contrôler. Je plaquai une main contre ma bouche comme pour étouffer ce désespoir qui m’habitait, j’avais l’impression de souffrir d’un abandon qui n’en était pas réellement un. Après tout, n’avais-je pas guetté cet instant tout au long de notre rencontre ? N’avais-je pas attendu ce moment où cela serait trop pour lui ? Je n’aurais sans doute pas dû lui raconter toutes ces choses. Je n’aurais sans doute pas dû exprimer toutes ces émotions. Un nouveau sanglot étrangla ma gorge et je fus incapable de le retenir. Idiote. Idiote. Idiote. J’aurais aimé sortir de cette voiture et m’en aller. J’aurais aimé partir et m’enfuir. Mais je n’étais bonne qu’à rester ici. Rester ici et pleurer. Les larmes coulaient sur mes joues en long sillons salés, tandis que Julian demeurait toujours hors de ma vue. J’avais besoin de lui. J’avais besoin de lui et il n’était pas là.
Finalement, notre histoire était sans doute terminée. J’avais simplement eu besoin de plus de temps pour m’en rendre compte.
Il finit par réapparaître. Par se relever. Par faire le tour de la voiture pour me retrouver. Il ouvrit ma portière. Son regard insistant sur mes jambes ne fit qu’accroitre ma crise de larmes. Je cachai mon visage dans mes mains, mince tentative de la part de ma fierté pour cacher ma détresse. Il se baissa pour que nos deux têtes soient à la même hauteur. Je notai que, désormais, cela serait toujours ainsi. Le monde était plus bas, dans mon existence. Ses lèvres effleurèrent ma peau, nos deux corps se rencontrèrent et je continuai de pleurer tant ce contact me paraissait étranger dans ma détresse. J’avais l’impression qu’il arrivait trop tard. Mais j’avais été la première à dépasser le cours du temps et à le laisser filer entre mes doigts. « Eugenia… » murmura-t-il. Je me sonnai intérieurement de me calmer. Mais je n’y parvenais pas. Mon courage semblait m’avoir abandonné. Je pleurais ces larmes que j’avais retenu durant une année et trois mois. « Je suis si désolé. » poursuivit-il. Un sanglot étrangla ma gorge. Je m’en doutais qu’il l’était. Je l’étais également. Mais être désolé ne changerait rien. Pas pour lui. Ni même pour moi. « J’ai pitié de nous. C’est tout un désordre. Peu importe ce que je fais, je finis au point de départ, agonisant à tes genoux. C’est perdu d’avance. Mon sang est pourri. Je suis pourri jusqu’à la moelle. J’ai passé cette année à exorciser ta présence. Je t’ai remplacé par les ténèbres. » continua-t-il et je l’écoutais sans réellement comprendre. Je ne savais pas où il désirait en venir. Je ne voyais pas ce qu’il souhaitait me dire. Alors, je continuai de pleurer, de pleurer comme une gamine, de pleurer comme une lâche et comme une faible. Je le serrai dans mes bras. Je le serrai si fort. Je n’étais pas d’accord avec ce qu’il osait me prétendre. J’étais sans doute idiote mais je ne voulais pas croire à sa damnation. « Je vais te ramener chez toi. Laissons la voiture ici. Ou peu importe. Je t’emmènerais où tu veux. » me promit-il. « Je te prendrais avec moi. » Les larmes continuaient de couler sur mes joues, tandis que mes bras demeuraient autour de son cou sans que je ne veuille le lâcher. J’hochai avec difficulté la tête, ravalant les derniers sanglots qui menaçaient d’éclater. « Ne me laisse pas. Ne me laisse pas. » murmurai-je. « J’habite dans Hammersmith. Ne me laisse pas. » Ma voix était chevrotante, perdue au fond de ma gorge et de ma détresse. Mais qui étais-je pour lui demander une chose pareille ? Je me mis à trembler, trembler comme une feuille. J’avais peur de le perdre. Peur de le voir me tourner le dos. Peur de comprendre qu’il ne pourrait pas supporter ma situation. Peur de tellement de choses que mon cœur menaçait d’exploser. « T’es une personne bien, Julian, d’accord ? Je le sais. C’est tout. T’es un type bien peu importe les choses que tu as pu faire. » marmonnai-je contre son épaule. « Tu te souviens quand tu me disais que t’étais déçu que nos escapades à la plage ne soient pas des fugues amoureuses ? J’aurais dû comprendre à ce moment-là. Mais j’étais trop idiote pour m’en rendre compte. Maintenant, j’aimerais bien qu’on puisse la faire cette fugue, mais c’est trop tard. » Ma voix se brisa au fond de ma gorge. Je continuai de le serrer contre moi sans parvenir à me détacher.
Je me sentais faible. Tremblante. J’avais l’impression de vivre dans un autre espace-temps, d’être une autre personne. Je n’avais pas l’habitude d’être aussi déstabilisée. D’être aussi à fleur de peau. J’avais toujours été la personne forte pour les autres. Je n’avais jamais demandé à ce qu’on en fasse de même pour moi. « Dis-moi que je suis toujours la même Eugenia à tes yeux. Dis-moi que je n’ai pas changé parce que je ne peux plus marcher. Dis-moi que tu me considères comme la même personne même si je ne peux plus me tenir sur mes jambes. » Les larmes continuèrent de me monter aux yeux, mais je pleurais en silence. Son rejet m’effrayait tant que la question m’avait brûlé la langue. Après tout, je savais que ma sœur jumelle restait parce qu’elle se sentait coupable. Après tout, je savais que les autres me voyaient comme une pauvre fille fragile. J’aurais simplement aimé qu’on me voit telle que j’étais avant. J’aurais simplement aimé qu’on me voit en tant qu’Eugenia et non pas quelqu’un d’autre. « J’ai besoin de toi. » Et je m’arrêtai. Je m’agrippai à lui. Je m’agrippai à lui comme s’il pouvait me sauver. Au fond, je savais que cela ne serait pas le cas. Mais je ne parvenais pas à m’en défaire. Je ne parvenais pas à le laisser partir. Plus maintenant.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Mar 29 Juil 2014 - 17:34 par Invité


I just can't get the emotions to come out


Mes yeux meurtris se posaient automatiquement sur ses jambes mais je ne réalisais pas le poids de mon geste innocent. Je crois qu’au fond de moi je n’étais pas prêt à pardonner. Il n’y avait rien de pire que de vivre dans l’agonie : Etais-ce aussi terrible que ça d’abandonner mes études ? Etais-ce si mal de me garder à son chevet ? Je papillonnai des yeux encore et encore, résolu à voire la vérité telle qu’elle se présentait à moi, mais ce monde dans lequel j’avais atterri était trop différent de la ville où j’avais grandi. Ce n’était pas Londres, et ce n’était pas moi. Mon corps engourdi gisait immobile sur une terre humide et boueuse. Je pouvais entendre les incubes s’activer autour de moi, avides de se nourrir de ma carcasse presque morte. Le vent sifflait des mots barbares dans une langue que je ne reconnaissais plus et le ciel d’un gris presque surréel surplombait une vallée aux créatures mystérieuses, ou étaient-ce mes désillusions qui prenaient forme sous mes yeux ? Mon cœur s’emballait exprimant les dernières divagations de mon instinct de survie. J’avais besoin d’un peu plus de temps pour assimiler les choses. Ma main trembla dans un effort désespéré de retrouver le contrôle : En vain. Je ne pouvais plus prétendre que tout allait bien. J’étais pris de panique, perdu au beau milieu de nulle part.
J’avais connu Eugenia au Pays de Galles. J’étais tombé amoureux dans les rues pavées d’algues et d’humidité. Elle n’avait jamais rencontré l’enfant. Elle s’était contenté de l’apercevoir à travers mon regard éteint. Elle s'était contenté de moi. Les éclairs de lune s’emparaient peu à peu du ciel noir, projetant des rayons de feu et de lumière comme des flèches aiguisées. Je clignai des yeux en sentant la pluie me narguer au goutte à goutte. J’étais incapable de faire la différence entre la lumière aveuglante du réverbères et la giboulée estivale.  Les astres se mélangeaient dans le ciel. Plus rien ne m’était familier. Mais quelle était cette dimension fantastique ? J’étais au bord du gouffre, braillant ma détresse comme l’idiot que j’étais. C’était un sentiment étrange et contradictoire qui éveillait peu à peu mes sens. J’étais paumé, j’avais peur mais ça ne me dérangeait pas de rester recroquevillé sous la pluie, l’esprit vagabond et l’air rêveur. J’étais la seule tâche noire dans une nature lumineuse et ça ne me changeait pas plus que ça. Je m’accroupis lentement, accompagné du craquement de mes os endoloris.  

« Ne me laisse pas... Ne me laisse pas. »  Répétait-elle en serrant mon étreinte. Je me crispais sous ses bras. Le son de sa voix amplifiait la magie maléfique qui surplombait le pont de westminster, non loin de la tamise. C’était effrayant de réaliser que j’étais seul contre mes démons. C’était encore plus effrayant d’envisager que je pouvais avoir la compagnie de Ginny après tout ce temps. Je retins mon souffle.

« T’es une personne bien, Julian, d’accord ? Je le sais. C’est tout. T’es un type bien peu importe les choses que tu as pu faire. Tu te souviens quand tu me disais que t’étais déçu que nos escapades à la plage ne soient pas des fugues amoureuses ? J’aurais dû comprendre à ce moment-là. Mais j’étais trop idiote pour m’en rendre compte. Maintenant, j’aimerais bien qu’on puisse la faire cette fugue, mais c’est trop tard. »

Ces mots qu’elle marmonnait étaient mensonges. Je savais qu’elle se voilait la face. Elle s’acharnait à voir le bien là ou il y’en avait plus. Je n’étais qu’un être psychorigide et hautain. J’avais troqué mon âme contre quelques bonnes faveurs et le poste de mes rêves. Mon talent était là, mais il n’avait jamais suffi. Tout comme mon amour pour elle ne suffirait jamais. Je m’agitais lentement, détachant mon corps de son contact perturbateur. Mon cœur se serra.

« Dis-moi que je suis toujours la même Eugenia à tes yeux. Dis-moi que je n’ai pas changé parce que je ne peux plus marcher. Dis-moi que tu me considères comme la même personne même si je ne peux plus me tenir sur mes jambes. »

Ma bouche s’ouvrit doucement. Je plissai les yeux en prenant son visage en coupe. Mes tripes se tordaient, me sommant de taire mes divagations. Chaque partie de mon corps criait injustice. Je n’avais pas le droit de me laisser déborder. Je n’avais pas le droit d’être émotionnel. Les démons grognaient dans ma tête, indignés par mon comportement ingrat. Cet amour était ma perte. Cet amour était la dernière note d’une musique qui hantait chacun de mes songes. Je souris.

« Tu es Berenice, la petite galloise que le destin a mis sur mon chemin pour panser toutes mes blessures. » Soufflai-je. « Tu es la fille que j’ai laissé jouer avec mon cœur. Tu es la fille que j’ai aimé du premier coup d’œil. Et que j'ai prétendu adorer comme une amie. »

Je m’éloignai doucement. Le creux dans mon estomac se faisait plus grand. Je sentis la bile me monter. C’était un jeu périlleux et je n'étais pas en état de concourir. L’air que j’inhalais était brûlant, j’avais l’impression de me consumer, trahi par ma propre passion.

« J’ai besoin de toi. »

« Non. Regarde tout ce que tu as pu accomplir sans moi. » Mes yeux s’humectèrent. « Je n’ai pas traversé la moitié de ce que tu as vécu, et pourtant je venais me cacher sous tes jupons tous les soirs. »J’haussai les épaules afin de mieux lui faire face. « Je ne peux plus me permettre de fuguer. Mais je peux accourir à chaque fois. » Promis-je. « Je serais toujours à toi. »

Je me penchai afin de frôler sa bouche une dernière fois. C’était le dernier souffle d’une âme égarée. Nous nous perdions dans l’obscurité qui prédominait. Je me tournais vers elle. Sa lumière habituelle s’était ternie, usée par le temps et ses bêtises.

« Je serais toujours à toi. »

J’en avais la certitude. Je le sentais au plus profond de mon être. J’avais promis à Sam de garder mes distances avec mes tourments. Je lui avais affirmé qu’Eugenia n’était plus qu’un premier amour passé, mais il n’en était rien. J’étais le chien errant qu’elle avait un jour nourri. J’étais le chien fidèle qui revenait sans cesse vers sa gamelle. Tous mes espoirs étaient perdu pour elle. J’avais usé tout mon amour et toutes mes larmes pour une fille que je ne pourrais jamais avoir. Il faisait si froid et je n’étais plus sûr de rien. J’avais envie de l’embrasser encore et encore. J’avais envie de prendre toutes ses souffrances et de les encrer sur ma peau malmenée. Je voulais tellement mais je ne pouvais pas.

« Nous irons à pied quand la pluie ce sera calmée. Pour l’instant reste à l’abri. Et je resterais là, à tes cotés. » J’étais accroupi sur le givre. Mon genou me lançait mais ce n’était que l’appel du passé. Ce n’était qu’un combat de plus à perdre.


Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Mer 30 Juil 2014 - 15:06 par Invité
“let's count your scars.” “why?” “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ Son corps s'éloignait de moi, et avec lui mon coeur s'en allait à son tour. J'avais mal. Si mal. Si mal d'une douleur fantôme et aveuglante. Si mal d'une douleur qui m'avait hanté des jours durant sans que je ne lui prête attention. Lâcher prise me blessait bien plus que nécessaire, bien plus que je ne l'avais imaginé. Le semblant d'ego que j'avais pu conserver après mon accident se retrouvait froissé par ma détresse, abandonné par mon mal-être, piétiné par ce courage que j'avais eu trop longtemps et qui était las d'exister. Une lumière s'était éteinte au fond de mon être, j'en avais conscience ; une partie de moi était décédée sur cette table d'opération où mon coeur s'était arrêté de battre et je n'avais jamais pris le temps de faire mon deuil correctement. Je ne m'étais jamais donné la peine de le faire. J'avais bien trop été occupée à m'en sortir pour les autres pour penser à moi durant une poignée de secondes.
J'étais tombée une centaine de fois. Je m'étais relevé à chaque fois. Les chirurgiens s'étaient acharné sur cette colonne vertébrale qui s'était brisée en mille morceaux. J'avais vécu chaque déception avec le sourire, avec ce sourire d'espoir encourageant mais aussi faux que ma guérison. J'avais vécu dans un immense théâtre, le théâtre de ma vie. Je n'avais jamais été heureuse depuis que je m'étais réveillée. J'avais simplement fait semblant de l'être. Je demeurais persuadée que Julian s'en serait rendu compte, si je l'avais accepté à mon chevet. Il aurait probablement été le seul à ne pas être dupe ; il aurait vu, au fond de mon regard, cette détresse qui coulait dans mes veines, cette détresse saisissante et qui m'empêchait d'avancer. Un frisson parcourut mes bras tandis que je refusais de l'observer. J'avais peur que tout ait changé. J'avais peur qu'il ne me perçoive plus de la même manière ; j'avais peur qu'il ne me regarde plus comme son ancienne meilleure amie capable de tout et n'importe quoi, mais comme une étrangère faible et fragile. Je ne voulais pas de cette nouvelle étiquette. Je ne voulais pas être vu pour une chose que je n'étais pas. Les autres ne se rendaient pas compte à quel point cela me dérangeait. Les autres ne se rendaient pas compte à quel point cela me blessait. Mon père refusait que je l'aide lorsque j'étais chez lui alors qu'il avait toujours été le premier à me sermonner pour que je mette la main à la pâte ; ma mère me couvait plus que nécessaire en me traitant comme une véritable princesse alors que cela n'avait jamais réellement été le cas. J'avais le droit à pâtisseries et faveurs. Câlineries et compliments tous aussi faux les uns que les autres. Scarlet en faisait trop sans s'en rendre compte ; elle ne savait sans doute pas que j'avais compris qu'elle aurait préféré me voir mourir dans notre accident plutôt que de me voir terminer ma vie dans un fauteuil roulant.
Ma gorge se serra. Mon existence entière avait changé. Et, dans tout cela, j'aurais aimé rester la même. J'aurais aimé rester fidèle à l'image que j'avais toujours renvoyé de moi. Mais cela n'avait jamais été le cas. Julian prit mon visage entre ses mains et je n'eus pas d'autres choix que de l'observer ; voyait-il au fond de mon regard cette détresse dont je ne parvenais pas à me détacher ? Je déglutis, tentant en vain de contrôler ma respiration chaotique. « Tu es Berenice, la petite galloise que le destin a mis sur mon chemin pour panser toutes mes blessures. Tu es la fille que j’ai laissé jouer avec mon cœur. Tu es la fille que j’ai aimé du premier coup d’œil. Et que j'ai prétendu adorer comme une amie. » me répondit-il et je sentis de nouveau les larmes monter à mes yeux. Cela n'était que des mots. Peut-être ne les pensait-il même pas. Cependant, je n'avais attendu que cela de sa part. Je n'avais attendu que l'espoir d'être toujours la même.
Je n'avais jamais aspiré à être une personne différente. À avoir une existence différente. À être aimée au lycée, à être une célébrité ou bien à être major de promo. Je m'étais contenté de ce que j'avais été.
Et cette personne me manquait, désormais.
La pluie battait le pare-brise, rythmant les pulsations de mon coeur et les lamentations de mon être. La chaleur du corps de Julain me paraissait loin, si loin, et mes doigts serrèrent ses mains sur mes joues. J'avais besoin de lui. Je n'avais jamais prétendu le contraire ; j'avais simplement tenté de m'en sortir sans sa présence. Et je n'avais pas réussi. Je n'avais pas réussi comme j'aurais aimé que cela soit le cas. « Non. Regarde tout ce que tu as pu accomplir sans moi. » me contredit-il, et ses yeux brillèrent un peu plus dans la nuit tombante. « Je n’ai pas traversé la moitié de ce que tu as vécu, et pourtant je venais me cacher sous tes jupons tous les soirs. Je ne peux plus me permettre de fuguer. Mais je peux accourir à chaque fois. » Je n'étais bonne qu'à pleurer. Qu'à lâcher prise. Je pris de profondes inspirations en secouant la tête, comme pour le contredire, comme pour me montrer le désaccord que je ressentais vis-à-vis de ses propos. Nos deux expériences n'avaient rien avoir. Nous n'avions pas vécu les mêmes choses et il ne pouvait pas se permettre que j'avais enduré plus de malheurs que lui. Mon coeur battait douloureusement dans ma poitrine. « Je n'ai pas eu d'autres choix que de faire face, Julian. Je n'ai aucun mérite. » marmonnai-je. Je pensais mes mots. Je pensais chacune des lettres dont ils pouvaient bien être composés. Je n'étais pas une guerrière. Je n'étais pas une fille courageuse. Je n'avais fait que ce que j'avais été contrainte de faire. « Je serais toujours à toi. » me lança-t-il.
Ses lèvres effleurèrent les miennes. J'avais l'impression que cela était presque pour me dire adieu.
Je fermai les paupières, décidée à vivre cet instant comme s'il s'agissait du dernier qu'il m'offrait. Son contact brûlait la peau mais je ne m'en souciais pas ; je perdais le fil des pulsations de mon coeur. Il me jurait qu'il serait toujours à moi, mais il ne se rendait pas compte que je lui faisais la promesse muette que mon coeur lui appartiendrait toujours en retour. Il n'y avait eu que lui, tout au long de ma vie. Je n'avais jamais réussi à me détacher de ces sentiments si profonds que j'avais ressenti à son égard. L'adolescente que j'avais été l'avait aimé d'amour. La jeune femme que j'étais désormais l'aimait encore de tout son coeur, malgré tout ce qui avait bien pu se produire. « Je serais toujours à toi. » me répéta-t-il. Quelque part, je le croyais. Je le croyais comme une gamine naïve. « Nous irons à pied quand la pluie ce sera calmée. Pour l’instant reste à l’abri. Et je resterais là, à tes cotés. » J'eus l'impression de redescendre sur Terre, et je le rendis compte qu'il était à terre, dehors, tandis que la pluie continuait de s'abattre sur la capitale. Ma gorge se serra tandis que je caressai doucement son visage, un sourire éteint aux bouts des lèvres. « Remonte dans la voiture, Lip. Tu vas attraper froid. » Avec précaution, j'écartai de son front des mèches de cheveux trempées par la pluie. La tempête se levait dehors, mais cela n'était rien en comparaison de ce qu'il se passait dans mon coeur. Je ne savais pas où nous en étions. Je ne savais même pas où est-ce que nous allions. Nous n'étions que des âmes perdues, des âmes brisées, des âmes qui n'avaient sans doute plus d'espoir. Notre passé nous retenait. Notre futur nous effrayait. Nous avions changé en restant les mêmes, nous avions grandi avec nos espoirs et nos peurs d'enfant.
Les choses n'étaient jamais facile. Mais je n'avais jamais songé que tout puisse être aussi dur.
Il était beau, même trempé, même avec ses traits durcis pas cette vie qui n'avait pas été facile. Je l'avais toujours vu comme un ange, un ange tombé du ciel aux ailes brisées. Je l'avais aimé avec ses cicatrices. Avec ses craintes. Avec son humour qui m'avait toujours fait rire. Avec ses réflexions profondes, son talent pour l'écriture, sa culture générale qui m'avait toujours fasciné. Je m'étais toujours senti idiote en sa présence, idiote et tête brûlée, idiote et puérile, mais je m'en étais fichée. Il avait été mon ange. Mon ange brisé. « Julian, je veux que tu saches... » commençai-je avant de prendre une profonde inspiration « Que je sais que les choses ont changé. Que tu as ta vie. Que tu ne me dois plus rien. Mais si jamais un jour tu te sens seul, que tu as besoin d'une présence, que tu ne sais pas où aller, ma porte restera toujours ouverte pour toi. » Je déposai un baiser sur son front, avec douceur, laissant mes lèvres contre sa peau sans doute trop longtemps. « Je me soucis toujours de toi. Peu importe tout ce qui peut se passer. Je serais toujours à toi aussi. » Toujours était un mot avec une dimension toute particulière. Huit lettres. Quatre consonnes. Quatre voyelles. Et une éternité. Une éternité longue. Une éternité de sentiments. Une éternité de choses brisées.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Dim 3 Aoû 2014 - 1:20 par Invité


I just can't get the emotions to come out

La pluie tombait toujours plus fort dans un ciel percé. Mon cœur battait toujours plus fort dans une poitrine creuse. Je relevais lentement les yeux pour mieux la regarder, pour la garder dans mon infime obscurité. Mes doigts tremblants fendaient l’air sans jamais la toucher. Je tendais les bras mais elle était bien trop loin. Nous étions à mille lieux de nous croiser. Nous étions deux âmes errantes qui ne faisaient que se rater. L’image d’Eugenia disparaissait peu à peu, engloutie par le mauvais temps et la brume estivale. Je papillonnai des yeux pour améliorer ma vue mais son visage était ternie à jamais. J’inhalais les poussières et les odeurs du goudron humide par millier. Ce n’était qu’une défaite de plus. Ce n’était qu’un échec de trop. Cet amour n’avait fait que me détruire, mais je m’obstinais à me relever pour elle. Je m’obstinais à croire que je pouvais la retenir. Je plissais les lèvres, tentant une expression qui se voulait désinvolte et dégagée.

« Je n'ai pas eu d'autres choix que de faire face, Julian. Je n'ai aucun mérite. »

J’haussais les épaules en silence. J’avais envie de la prendre dans mes bras, je voulais l’emmener loin de Londres et de ses embouteillages. Nous étions voués à un endroit parallèle, un endroit où tout était permis. Je frémis au souvenir de sa bouche contre la mienne. Il n’y avait rien de pire que de perdre la personne élue. Il n’y avait rien de pire que de refréner mon désir pour elle. Je ne pouvais plus me cacher derrières mes pics hormonaux d’adolescent effarouché. Je ne pouvais que voir la réalité en face : Eugenia Berenice Lancaster était une adepte de la magie noire ! Et je n’étais qu’un vulgaire pantin, malmené par chacun de ses caprices. Elle ne s’en rendait pas compte, même après mes déclarations et mes confessions. Elle ne se rendait pas compte que je l’aimais de tout mon être. L’histoire se répétait encore une fois. Ce jeu de cartes universel était truqué ; Etais-je voué à la perdre à chaque tour de table ?

« Remonte dans la voiture, Lip. Tu vas attraper froid.»

Je marmonnai un début de phrase avant de reposer ma tête sur ses genoux. L’eau ruisselait le long de mon dos, mais je refusais de bouger. Pour une raison qui m’était encore inconnue, je me sentais en sécurité en son sein. Le soleil avait disparu depuis des heures mais son aura lumineuse réchauffait mon corps engourdi. J’avais mal de ce passé marqué au fer. J’avais mal de ce temps perdue à aimer une chimère. Je fermai doucement les yeux.

« Je n’ai jamais cessé de t’attendre. » Soufflai-je d’une voix enrouée. « Tu étais censée être ma prisonnière. Tu avais promis d’être ma princesse jusqu’au jour où tu trouverais l’homme de ta vie. Quelque part j’avais espéré que tu me trouverais au bout du chemin.»  Le froid s’immisçait subtilement en moi, attisant chacune de mes anciennes blessures. Je sentais la douleur grouiller sur ma peau et battre à l’unisson avec mon cœur meurtri. « J’ai vu les prétendants défiler. J’ai entendu les récits de tes expériences effarouchées et pudiques. Mais tu ne m’as jamais rendu ma cornemuse.»

J’étais sur le point d’exploser. J’haletais en me redressant.

« Je croyais que si tu ne tombais pas amoureuse à l’université, je pourrais te garder pour moi. Alors quand tu as disparu j’ai ignoré la réalité. J’ai pensé que ce n’était qu’un passage à vide. J’ai évité ma boite à lettre de peur de recevoir un colis ou une enveloppe avec mon dernier espoir d’absolution. » Je souris d’un air triste. « Tu ne m’as jamais rendu ce fouttu porte-clé alors j’ai pensé que je pouvais te demander de m’épouser. »

Les bouffées de chaleur déferlaient sur moi. J’étais faible et petit. Chacun de mes mots surlignaient une fatalité que je ne pouvais plus changer. Je voulais m’assoupir pendant un court instant. Dormons, et désertons cette ville de désespoir ! Dormons, et oublions cette pluie battante !

« Julian, je veux que tu saches... Je sais que les choses ont changé. Que tu as ta vie. Que tu ne me dois plus rien. Mais si jamais un jour tu te sens seul, que tu as besoin d'une présence, que tu ne sais pas où aller, ma porte restera toujours ouverte pour toi.»

« Je suis fatigué. » Couinai-je tel un enfant.

Elle venait de me frapper de plein fouet. Elle se voulait rassurante mais j’étais convaincu qu’elle ne m’aurait jamais dit ces mots si elle me considérait toujours comme son meilleur ami. Elle ne m’aurait jamais rappellé que je pouvais compter sur elle. Parce que tout avait toujours été implicite et clair entre nous. Je me sentis tout à coup seul et abandonné. Mes mains se crispèrent sur ses mollets. Je m’agrippais à elle de toutes mes forces, mais elle ne pouvait surement pas sentir mes appels à l’aide. Je ravalai mon amertume sans oser croiser son regard. Son baiser était un supplice. Sa douceur était un mauvais karma.

« Je me soucis toujours de toi. Peu importe tout ce qui peut se passer. Je serais toujours à toi aussi.»

Mon genou gauche  fléchit. Je tendis la jambe en me relevant lentement. Mon dos heurta la portière ouverte mais je n’émis aucun son. Je voulais sentir la pluie. Je voulais laver tous mes pêchers pour pouvoir lui faire face à nouveau. Eugenia était bien la seule cruche au monde à croire que j’étais un être humain comme les autres. Elle était bien la seule à trouver la force de m'aimer malgré les ténèbres. Je tâtonnai la poche de mon jeans afin de sortir mon paquet de cigarettes.

« Je peux ?» M’enquis-je avec indifférence, comme je l’aurais fait avec un inconnu.

Mon briquet refusait de s’allumer dans cette ambiance humide. Je serrais la mâchoire en le jetant violemment au sol. Une énième pulsion d’agressivité qui caractérisait une nouvelle facette de ma personnalité. Je soupirai en m’accroupissant à son niveau.

« Je crois que je ne pourrais pas finalement. » Souris-je, en posant ma main sur son épaule. « L’orage s’est calmé mais ça goutte toujours. » Remarquai-je. « Mon bureau n’est plus très loin. Nous sommes du coté Est de la tamise. Ton quartier est de l’autre coté. » La situais-je. « A quelle  heure passe le dernier métro ? Je ne l’ai pris depuis des lustres. »

Je ne savais plus si on pouvait rejoindre le siège du TIMES, ou si je devais la raccompagner chez elle. Je ne savais plus gérer ses envies, parfois si contradictoires avec les miennes.

Eugenia, j’ai envie de nous accorder une pause. J’ai envie de rester avec toi ce soir. Je me ferais une raison pour le reste.

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Mar 5 Aoû 2014 - 3:59 par Invité
“let's count your scars.”  “why?”  “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ Mon père m’avait un jour expliqué que la légende du phénix rappelait aux hommes que, dans toutes les fins, il y avait un début. Qu’au fond, les choses se terminaient sur des commencements. Je l’avais cru. Je l’avais cru tout au long de ma vie. J’avais attaché de l’importance à ce mythe, j’avais rythmé mon existence selon ses paroles, encrant chaque lettre dans mon être. Puis, finalement, je m’en étais détaché lorsque les choses s’étaient révélées trop difficiles. Je m’étais rendues compte qu’effectivement, toute fin trouvait son début, mais que ce début n’était pas forcément une chose meilleure. Au fond, je ne voulais pas de ces nouveaux chapitres. Au fond, ces commencements ne m’apportaient rien de bon, et j’aurais sans doute préféré m’en tenir aux fins. Mon accident avait terminé mon ancienne vie pour donner naissance à une nouvelle existence semée de problèmes. Mon accident avait terminé tant de choses que le commencement, le lendemain, n’avait pas suffis. J’aurais préféré une fin sans renaissance. J’aurais préféré rester sur la table d’opération.
Mais je n’avais pas eu le choix. La légende du phénix avait eu raison de moi. J’avais survécu et le mythe se poursuivait sans que mon cœur ne veuille le suivre.
En voyant la tête de Julian posée sur mes jambes, je repensais à toutes ces choses. Je repensais à ce passé que je chérissais, ce passé que j’aurais préféré voir dans mon présent. Je me souvenais de la plage. Du phénix. Du commissariat. Du nombre de fois où il avait bien pu dormir chez moi, dans mon lit, à quelques centimètres de moi. De nos sessions révisions à la bibliothèque. De nos marathons de films. Il avait la tête sur mes genoux et je repensais à tout ce que j’avais bien pu perdre lorsque ce chapitre de ma vie s’était terminé. Au fond, rien n’était fait pour durer. L’éternité n’existait pas, toujours n’était qu’une promesse en l’air parmi tant d’autres, sauf concernant mes sentiments, sans doute. Ces sentiments qui rythmaient chacun des battements de mon cœur. Ces sentiments qui n’avaient pas trouvé de fin dans ma renaissance incomplète. Je lui avais infligé bien des choses, mais chacune de mes actions avait simplement été motivée par tous les sentiments que j’avais nourris à son égard. J’aurais aimé plus de jours en sa compagnie pour l’aimer pleinement, complètement, profondément. J’aurais aimé plus de jours que je n’avais pu avoir. Ma gorge se serra. Le temps n’avait rien changé. Le temps ne m’avait rien fait. Mon cœur battait dans un concert de lamentations marmonnant l’amour que je pouvais bien lui porter. « Je n’ai jamais cessé de t’attendre. » finit-il par me dire dans un souffle, et je frissonnai, anxieuse à la simple idée des paroles qui pourraient bien suivre. « Tu étais censée être ma prisonnière. Tu avais promis d’être ma princesse jusqu’au jour où tu trouverais l’homme de ta vie. Quelque part j’avais espéré que tu me trouverais au bout du chemin. J’ai vu les prétendants défiler. J’ai entendu les récits de tes expériences effarouchées et pudiques. Mais tu ne m’as jamais rendu ma cornemuse. » Mon esprit retourna à la plage, à cet instant où il m’avait demandé si je pouvais être sienne. Un sourire naquit sur mes lèvres sans que je ne sois heureuse ; mes poumons expiraient de l’air, nostalgiques, tandis que mes pensées se perdaient, encore et encore, dans les fantômes des gamins que nous avions bien pu être. J’avais espéré qu’il comprenne, quelque part. Qu’il comprenne qu’il n’y avait eu que lui dans mon cœur depuis toujours. Que malgré tout ce que j’avais bien pu vivre j’avais été incapable de construire quelque chose sans lui, sans sa présence, sans son être. « Je croyais que si tu ne tombais pas amoureuse à l’université, je pourrais te garder pour moi. Alors quand tu as disparu j’ai ignoré la réalité. J’ai pensé que ce n’était qu’un passage à vide. J’ai évité ma boite à lettre de peur de recevoir un colis ou une enveloppe avec mon dernier espoir d’absolution. Tu ne m’as jamais rendu ce foutu porte-clés alors j’ai pensé que je pouvais te demander de m’épouser. » conclut-il en se redressant, finissant de m’achever. Je pris une profonde inspiration pour me forcer à ne plus pleurer ; mes mains replaçaient doucement ses mèches de cheveux tandis que je me focalisai sur le rythme de ma respiration. Peut-être étions-nous faits pour ne plus nous comprendre. J’étais lasse de me justifier, lasse de chercher les bons mots sans jamais les trouver. J’aurais aimé qu’il lise dans mon esprit. Qu’il puisse voir tout ce que je pensais au lieu de me perdre dans des mots qui perdaient tout leur sens. « Je pense que tu peux deviner pourquoi je ne t’ai pas rendu le porte-clefs. » murmurai-je doucement. Mes mots me brisaient un peu plus à chaque fois. Je détestais énoncer certaines vérités. « Mes expériences m’ont toujours amené nulle part simplement parce que les autres n’étaient pas toi. Je t’appartenais. Je t’appartenais réellement. Je suis vierge, Julian. Vierge car j’ai été incapable de franchir le pas parce que mon esprit ne pensait qu’à toi. J’aurais dit oui à ta demande. Sans hésiter ne serait-ce qu’une seule seconde. » poursuivis-je. « Puis… Puis j’ai eu mon accident. Je t’ai peut-être tourné le dos mais cela ne m’a pas aidé à aller de l’avant. J’ai arrêté de croire que je pourrais me construire une vie. J’ai arrêté de croire que je pourrais me marier, avoir des enfants, vieillir. J’ai arrêté de croire en tout ça et je t’appartenais toujours, et cette cornemuse représentait cette promesse que je t’avais fait en dernière année. » Ma gorge était nouée. Mes yeux embués. Mais je conservai ce ton calme, posé, agissant comme une personne forte sans que je ne le sois réellement.
J’avais encore son porte-clefs. Il était dans ma table de nuit, dans ma chambre. Il avait fait partie des effets personnels que la police avait ramenés à l’hôpital, il avait été dans la voiture, avec moi, lorsque j’avais perdu connaissance. Il m’avait accompagné partout où j’étais allée. Et, désormais, je l’avais mis en lieu sûr, persuadée que je pouvais protéger mon cœur de la même manière.
J’eus l’impression de dire les paroles de trop en lui assurant que je serais toujours là pour lui. Je ne savais plus ce qu’il cherchait que j’admette ; je ne savais pas ce qu’il désirait entendre, ce qu’il désirait savoir. Je me perdais dans une relation passée qui n’avait plus rien avoir avec le présent. Je me perdais dans des souvenirs d’une ancienne vie. Son genou finit par lui faire mal ; il se releva en heurtant la portière, et j’esquissai un mouvement de mains comme pour essayer de le ramener en arrière. Ses doigts cherchèrent son paquet de cigarettes dans sa poche et il le sortit. « Je peux ? » me demanda-t-il sans attendre de réponse. Je demeurai silencieuse, ma mâchoire se serrant. Je l’observai tenter en vain d’allumer sa cigarette sous la pluie, et je ne réagis même pas lorsqu’il finit par jeter son briquet à terre, emportée dans une poussée de rage que je finissais par reconnaître. Il s’accroupit finalement pour être à ma hauteur, et je ne lui adressai pas un seul regard. « Je crois que je ne pourrais pas finalement. » commenta-t-il.
La main qu’il posa sur mon épaule me paraissait étrangère. Je déglutis. Ses humeurs partaient dans les excès ; il s’agaçait aussi vite qu’il redevenait doux, et je ne savais plus comment interpréter toutes ses paroles.
Comme si j’avais bien pu le savoir, au fond.
Les choses me paraissaient si différentes et si semblables à la fois. Je déglutis, avant de finalement daigner à l’observer du coin de l’œil. J’étais comme vexée, au fond. Comme blessée par ses gestes et ses agissements alors que j’essayais en vain de bien faire. « L’orage s’est calmé mais ça goutte toujours. Mon bureau n’est plus très loin. Nous sommes du coté Est de la tamise. Ton quartier est de l’autre côté. » m’indiqua-t-il et j’observai les alentours au fil de ses mots. « A quelle heure passe le dernier métro ? Je ne l’ai pris depuis des lustres. » Je sentis mon corps se raidir. Je ne voulais pas, je ne pouvais pas. Les pensées se faisaient confuses dans mon esprit et j’avais l’impression de paniquer sans réellement y parvenir. « Vers vingt-trois heures. » lui répondis-je, lointaine, avant de poser mon regard dans le sien. « Mais je ne veux pas prendre le métro avec toi. Je ne veux pas croiser le regard des autres. Je ne veux pas. » Mes paroles étaient presque douloureuses. J’étais lassé d’être observée. Je ne voulais pas être mélangée avec les autres quand j’étais avec lui. Les choses étaient peut-être différentes, mais je continuai de croire que nous partagions quelque chose de singulier, d’unique. « Ramène-moi chez moi, s’il te plait. On peut continuer en voiture. Si je ne m’y fais pas maintenant, je ne m’y ferais jamais. Il est peut-être temps que j’aille au-delà de mes craintes. Que je cesse de vivre dans la peur que les choses se reproduisent. Après tout, qu’est-ce qui peut m’arriver de pire maintenant. » Je m’arrêtai de parler, et je demeurai silencieuse. J’avais peur en voiture. J’avais peur parce que mes souvenirs me hantaient. J’avais peur parce que je pensais à la manière dont toutes les choses pouvaient se reproduire. Mais, au fond, n’avais-je pas simplement peur de mes cauchemars ? Le destin m’avait eu une fois. Il n’avait plus de raison de s’en prendre à moi de nouveau. « Il y a une personne qui peut m’aider à y arriver, c’est toi. J’ai confiance en toi. » poursuivis-je doucement. « Qu’est-ce que tu as fait du phénix ? » Ma question m’avait brûlé les lèvres. J’avais peur de savoir qu’il s’en était débarrassé ; j’avais peur de comprendre qu’il n’avait pas réellement d’importance à ses yeux. Je pris une profonde inspiration en fermant les paupières. Puis mon regard vint rencontrer le sien de nouveau, comme si nous nous n’étions jamais quittés.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Mer 6 Aoû 2014 - 18:30 par Invité


I just can't get the emotions to come out

Plus claire la lumière, plus sombre l'obscurité. Il est impossible d'apprécier correctement la lumière sans connaître les ténèbres. C’était la première divagation philosophique de Sartre que j’avais su apprécier. C’était la première fois que je me retrouvais dans un texte. Comme si chaque mot avait été choisi pour moi, comme si chaque sens ne faisait que décrire ma réalité. Peut-être avais-je toujours ressenti cette attirance vers le monde des ébènes. Peut-être Eugenia était la seule chose que je pouvais réellement apprécier. Je serrais la mâchoire de manière mécanique. Mes gencives brûlaient sous la pression de mes joues. Je clignai des yeux. Eugenia était là, mais j’étais l’étranger au cœur navré. Je voyais mes souvenirs se dérober, ternis par ma malveillance et mon égoïsme. Elle redoutait la différence, mais j’étais celui qui avait changé. Je ravalais mon amertume mélangée au gout ferreux, parfois poissonneux, de mon sang. Quelque chose s’était brisée en moi à la minute où j’avais réalisé qu’elle était partie à tout jamais. Un voile opaque était tombé. Et j’étais là, abandonné, démuni d’affection. Je peinais à croire ses mots. Je peinais à faire confiance à mes instincts. Ils avaient menés à ma perte tant de fois. L’amour était une notion superflue. La beauté était surfaite, et ce cœur qui battait dans le vide, ce cœur qui en redemandait plus n’était qu’un traitre. Je me redressai fièrement. Mon esprit n’était pas double. Il ne faisait qu’analyser les risques avant de se rétracter brutalement. Elle me vendait du rêve, et j’avais dépassé l’âge des comtes de fées. Elle me charmait mais je n’étais pas un cobra. Les mélodies du fakir n’étaient que bruits et désolation. Je relevai lentement les yeux vers elle. Son visage pâle trahissait sa fatigue et son désarroi. Mais j’étais fatigué et désemparé aussi. Ma langue claqua contre mon palais, me sommant de rester digne et fier. Je n’étais plus l’enfant battu. Je n’étais plus rien.

« Je pense que tu peux deviner pourquoi je ne t’ai pas rendu le porte-clefs. »

Mon cœur rata un battement. Je papillonnai des yeux, refusant d’admettre la possibilité qu’elle vive encore dans le passé. Je ne voulais pas réaliser. Je ne voulais pas comprendre ce sous-entendu sournois. La vie me jouait un mauvais tour à chaque coin de rue. S’en était assez. Il y’avait Sam. Il y ‘avait cette nouvelle entité mondaine que j’avais rejoint : Le cercle fermé des journalistes de Londres. Et je devais m’y tenir.

« Mes expériences m’ont toujours amené nulle part simplement parce que les autres n’étaient pas toi. Je t’appartenais. Je t’appartenais réellement. Je suis vierge, Julian. Vierge car j’ai été incapable de franchir le pas parce que mon esprit ne pensait qu’à toi. J’aurais dit oui à ta demande. Sans hésiter ne serait-ce qu’une seule seconde. Puis… Puis j’ai eu mon accident. Je t’ai peut-être tourné le dos mais cela ne m’a pas aidé à aller de l’avant. J’ai arrêté de croire que je pourrais me construire une vie. J’ai arrêté de croire que je pourrais me marier, avoir des enfants, vieillir. J’ai arrêté de croire en tout ça et je t’appartenais toujours, et cette cornemuse représentait cette promesse que je t’avais fait en dernière année. »

Je ramenais mes mains tremblantes vers mon visage. C’était trop d’informations d’un coup. Trop de révélations et de confessions pour moi. Eugenia avait le don de détruire tous mes efforts de m’en sortir. J’étais dérouté. Inquiet. Désemparé. La colère battait dans mes tempes, m’insufflant des chants de guerre et des mélodies sanglantes dont mon corps raffolait. Mon âme se perdait sous le reflet de mon regard fade. Comme si chacun de mes pas était une erreur. Comme si tout n’était qu’un ramassis de conneries et de déceptions.

« Je ne t’ai jamais demandé de m’attendre … » Laissai-je échapper maladroitement. C’était trop de responsabilités. Je refusais de croire que j’avais détruit sa vie. Je refusais de penser que je l’avais conduit à sa perte. Nous étions deux idiots. Nous étions deux idiots finis. Mon cœur ne pouvait plus dicter mes pensées. C’était une misérable erreur. Ginny s’était préservé pour moi, alors que j’avais passé mon temps à flâner. J’avais perdu ma virginité bien avant de la connaitre, quelques part entre les highlands et les terres celtes de mes ancêtres ; un petit village nommé Perth & Kinross. Tout c’était passé très vite dans la grange de l’auberge. La fille du propriétaire était plus âgée et fort entreprenante. Je m’étais laissé aller à ses caresses et à ses gestes expérimentés. C’était l’été avant mon arrivée au Pays de Galles. J’avais 16 ans et j’étais en ébullition. Pas étonnant que j’aie raté ma première année au lycée! J’étais subjugué par les plaisirs de la chair. Je retins me souffle en repensant à Cardiff High School. L’image lumineuse que j’avais de Ginny à l’époque était désormais floue et spolie. Elle avait la gorge serrée et les yeux imbibés de larmes mal contenues. Je ne supportais pas de la voir dans cet état. Mais je ne supportais pas encore plus de retomber dans le même piège.

« Tu peux jeter cette cornemuse. Ce n’est plus qu’un porteclé usé à présent. » Finis-je par souffler après quelques minutes de silence. « Ma mère est morte et il ne me la rendra pas. Sa tombe est négligée et froide. Son épitaphe est effacé et je peine à deviner quel corps repose sous ses terres humides. » Mon ton était soigné. Je contrôlais chaque entrée d’air afin de demeurer impassible et objectif. Je ne pouvais rien ne lui offrir de plus que ma sollicitude. Je ne pouvais rien lui donner que cet amour muet qui me rendais incroyablement malheureux. Je la regardais d’un air absent : Je ne me sentais plus en sécurité à ses côtés, parce que je n’avais plus besoin d’être protégé. Je n’avais plus à me cacher du monde extérieur. Elle si. Je tendis ma main moite vers sa cuisse, mais quelque chose me stoppa net dans mon élan. Je serrais le point à quelques millimètres de son corps. « Voilà à quel point j’ai pris du recul. » Conclus-je en faisant un pas en arrière. Ma voix trembla. La douleur nouait ma gorge, me tirant quelques lamentations discrètes, mais je faisais un effort pour tenir bon.

Cet instant était un cauchemar inversé. Je me réveillais avec la peur au ventre. Je quittais les doux songes du sommeil pour plonger en pleine horreur. Eugenia n’était pas plus différente. Je sentais son regard me fuir, comme si je n’étais qu’un imposteur au cœur de glace. Je n’avais plus que la plastique de son meilleur ami. Tout le reste était perdu dans les méandres de mon âme. J’avais un jour anticipé cette situation; à l’époque où nous pouvions nous laisser aller sur le sable doré de la plage. J’étais détruit et elle devait me sauver, tel était le deal. Mais c’était trop lui demander. Elle avait perdu tous ses pouvoirs magiques, le jour où elle avait perdue l’usage de ses jambes. Ginny était l’oiseau brisé. Et je ne pouvais pas la quitter.

Je levais les yeux au ciel.

« Vers vingt-trois heures. Mais je ne veux pas prendre le métro avec toi. Je ne veux pas croiser le regard des autres. Je ne veux pas. »

Elle me tira de ma torpeur et je me retournais doucement vers elle. Eugenia s’éloignait de moi à nouveau, et ma rage n’en était que plus grande. J’avais envie de crier ma haine. Je voulais démolir les murs de cette ville hantée et me tenir debout dans ses cendres. Je fronçais les sourcils.

« Ramène-moi chez moi, s’il te plait. On peut continuer en voiture. Si je ne m’y fais pas maintenant, je ne m’y ferais jamais. Il est peut-être temps que j’aille au-delà de mes craintes. Que je cesse de vivre dans la peur que les choses se reproduisent. Après tout, qu’est-ce qui peut m’arriver de pire maintenant. »

MOI. Voilà ce qui pouvait lui arriver de pire. Mon amour était un poison pour le cœur. Mon monde était une prison pour l’âme. Je voulais la délivrer de son passé, mais je ne pouvais pas m’en départir moi-même. Je trouvais la paix en jonglant entre deux univers. Je prenais le risque de sombrer, mais j’avais besoin de la voir tout le temps, jusqu’au jour où je me ferais à l’idée que nous sommes maudits. C’était un dernier sacrifice auquel je voulais me préparer. Un dernier rapprochement pour mieux nous quitter.

« Il y a une personne qui peut m’aider à y arriver, c’est toi. J’ai confiance en toi. »

Je lui souris tristement. Je sentais mes yeux me piquer. C’était la plus belle déclaration qu’elle ne m’ait jamais fait. Elle m’offrait tout ce dont j’avais rêvé durant 8 années. Elle me donnait estime et confidence. Mais je ne pouvais pas accepter ce don. Mon inspiration en serait fauchée. Mon livre en pâtirait. J'écrivais du bas de l'enfer, et une once de lumière ne ferait que détruire le poète. Je voulais m'en sortir, mais Eugenia était plus de joie que nécessaire. Je déglutis.

« J’ai confiance en toi aussi. » Avouai-je dans un court instant de faiblesse. « Tu es en sécurité à présent. » Tu es dans mon cœur pour l’éternité. Tu es mon premier et mon dernier amour … Toutes les autres ne seront plus jamais que les pâles imitations d’une fille que je n’ai jamais pu oublier.

« Qu’est-ce que tu as fait du phénix ? »

Je le regardai, pris de panique. Cette question était un piège. Je plissai les yeux : Le phénix était là. Il était accroché à mon cou dans une chaine assez longue pour ne jamais être vue. Je ne l’avais jamais su quitter l'oiseau de feu. Je pris une grande inspiration.

« Oh tu sais j’ai beaucoup déménagé ces 4 dernières années ; une moitié de semestre à Londres, Liverpool et mes stages partout dans le monde. J’ai dû l’égarer dans un carton.» Mentis-je en portant machinalement la main sur mon torse. . « Je suis désolé. Je sais que tu y tenais. »

Je suis désolé mais tu dois m’oublier pour prendre ton envol.

Je fermai la portière sans attendre de réponse de sa part. Mon genou douloureux rendait ma démarche titubante et peu assurée, mais j’essayais de garder la tête haute. Je voulais donner tout mon potentiel pour cette dernière mise en scène. Je repris ma place au volant. J’avais si mal ; si mal que j’aurais pu faire n’importe quoi pour remonter le temps.

« Je compte revenir dans ta vie, jeune fille. Si ce n’est comme ton meilleur ami, laisse moi au moins être ton ami, le temps que ça durera. » Soufflai-je en jouant avec mes clés de voiture.

I’m gonna like tomorrow doesn’t exist. Like i don’t exist.

Je démarrai en trombe.

« Hammersmith ? C’est bien ça ? »
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Ven 8 Aoû 2014 - 3:58 par Invité
“let's count your scars.”  “why?”  “because then I can see how many times you needed me and how many times i wasn't there.” ✻✻✻ Un nom sur un papier. Un numéro dans un dossier. Julian Fitzgerald. Seize lettres. Dix consonnes et six voyelles. Un individu de sexe masculin, orphelin de mère, ayant vu le jour un treize décembre en Ecosse. Un homme au sang mêlé de différentes origines, un homme aux diverses fractures aussi impressionnantes que tous ses voyages. Je n’avais pas hésité une seule seconde, lorsqu’il s’était installé à Cardiff, pour entreprendre mes recherches. J’avais été intriguée par ses différentes facettes sans réellement l’être ; je m’étais attachée aux faits comme j’avais bien pu le faire avec tous les autres sans me donner la peine de le connaître réellement. Il n’avait été qu’un nom sur un papier de plus. Qu’un numéro dans un dossier que je ne retiendrais qu’à moitié.
Je n’avais pas su, à ce moment-là, que j’avais tenu entre mes doigts les informations de cette personne que je chérirais le plus sur cette planète. Je n’avais pas su, à ce moment-là, que je comprendrais qu’il y avait une personne humaine derrière toutes ces phrases, tous ces faits. Il n’était pas qu’un individu de sexe masculin orphelin de mère. Il n’était pas qu’un homme aux diverses origines. Mon cœur se serra. J’avais été incroyablement naïve. J’avais été perdue dans mon monde, perdue dans ce que j’avais un jour été, perdue dans mes procédés et mes manières de faire. Je m’étais plu dans ma solitude, persuadée que je me suffisais à moi-même, persuadée qu’installer une certaine distance entre moi et les autres allait me sauver. Puis il était entré dans ma vie sans que je ne le sache comment ; il avait balayé mes principes, balayé mes perceptions, sans que je ne lui demande quoi que ce soit. Il avait tout balayé et mon monde s’était illuminé. Il avait tout balayé et mon monde s’était incendié. Il avait tout balayé et doucement, il s’appliquait à tout détruire, moi emportée par le reste. J’avais cru qu’il avait été la plus belle chose qui m’était arrivé. J’avais cru qu’abaisser mes barrières pour lui avait été la meilleure des idées, un cadeau du ciel. J’y avais cru, oui. Mais désormais, j’en venais presque à me demander si je n’avais pas eu raison en m’isolant du monde, avant qu’il ne croise mon chemin. J’aurais mieux fait d’appliquer cela avec lui aussi. Cela m’aurait épargné bien des peines. Cela m’aurait épargné bien des larmes. Cela m’aurait épargné tout le reste.
Ma bouche était pleine d’amertume. Mes yeux pleins de tristesse. Le regret, le remord, je ne parvenais plus à dissocier ces deux notions floues qui m’avaient toujours été étrangement hostiles. Je lui en voulais, quelque part. Mais, pour être tout à fait honnête, je ne savais même pas si j’aurais réussi à survivre au lycée sans sa présence apaisante. Sans son rire communicatif. Sans son regard joueur. Sans ses fossettes. Sans ses taquineries. Alors, oui, je lui en voulais. Je lui en voulais de me faire du mal. Mais, par-dessus tout, je m’en voulais encore plus. « Je ne t’ai jamais demandé de m’attendre… » me dit-il. Je secouai la tête. Je me sentais idiote. Idiote de l’avoir attendue, idiote d’avoir refusé bien des choses tandis qu’il ne s’était pas arrêté pour moi. Un rire étranglé parcourra ma poitrine. « Non. Mais je l’ai fait quand même. C’est stupide, hein ? » marmonnai-je. « Pendant que tu te tapais des filles sans te soucier de moi, je rêvassais sur mon lit en pensant à toi comme une putain de gamine amoureuse. Et ce n’était même pas le pire. Après tu me disais ce qu’il se passait dans ta vie amoureuse. J’étais obligée de sourire à chacune de tes conquêtes alors qu’au fond j’avais l’impression que tu m’arrachais le cœur à pleines mains. » Je m’arrêtai dans mon élan, secouant la tête en essuyant rageusement les larmes qui finissaient par perler aux coins de mes yeux. Les mots avaient sans doute dépassé ma pensée ; j’avais l’impression que la gamine au fond de moi avait gardé cela pour elle si longtemps qu’elle menaçait d’exploser à tout moment. Elle était en colère. J’étais en colère. Mais c’était idiot et puérile ; cela appartenait au passé, ce passé auquel je n’avais plus le droit et qui m’était étranger. Je n’avais plus le droit de lui faire ces reproches. Je n’avais plus le droit mais je lui faisais quand même. Le silence était pesant. J’avais l’impression de n’entendre que mon cœur. Mon cœur qui se battait pour survivre. « Tu peux jeter cette cornemuse. Ce n’est plus qu’un porteclé usé à présent. Ma mère est morte et il ne me la rendra pas. Sa tombe est négligée et froide. Son épitaphe est effacé et je peine à deviner quel corps repose sous ses terres humides. » me déclara-t-il et je fronçai les sourcils. Il me demandait de jeter ma promesse. Il me libérait, quelque part, de cet étau qui avait emprisonné mon cœur. Je sentis la panique m’envahir. J’avais l’impression que le seul fil qui me raccrochait à mon existence venait de se briser. Je le vis avancer sa main vers moi ; puis, finalement, il se retint. « Voilà à quel point j’ai pris du recul. » Je déglutis, incapable de dire quoi que ce soir.
Il me donnait l’occasion de me libérer. D’aller de l’avant. Mais, à vrai dire, je n’étais même pas sûre d’y parvenir ; j’étais solitaire et marginale, après tout. Handicapée et dépendante. Fade et silencieuse. Je n’étais rien aux yeux de personne ; même avec cette liberté, je ne pourrais aller nulle part. Ma vie s’était terminée à l’instant où mon cœur avait décidé de survivre.
Aller de l’avant. Abandonner mes peurs. M’offrir un nouveau départ. Je n’étais pas encore décidée à tourner le dos à Julian ; je ne parvenais pas à me dire que j’étais capable de le faire, je ne parvenais pas à accepter le fait que mes sentiments puissent doucement m’échapper au fil des jours. Je déglutis en l’observant, lui admettant à voix haute que je lui faisais confiance. Il ne devait pas se rendre compte de l’étendue de cette vérité. Il ne devait pas se rendre compte d’à quel point je pouvais peser ces mots. Il m’adressa un sourire triste, silencieux. Je ne pourrais pas aller de l’avant. Pas tant qu’il était encore là. « J’ai confiance en toi aussi. Tu es en sécurité à présent. » me dit-il. Le pire était sans doute que j’y croyais. J’y croyais sans doute trop. Alors, au lieu de m’étendre sur cela, je préférais évoquer mon phénix sans parvenir à me retenir encore plus. Après tout, il m’avait suggéré de me débarrasser de sa cornemuse ; j’avais peur de comprendre ce que cela pouvait bien dire vis-à-vis de sa propre promesse. Son hésitation ne fit que confirmer mes craintes. La panique qui l’envahit également. Mon cœur perdit le fil d’un rythme normal ; il s’emballa sans que je ne parvienne à me contrôler. Puis les mots vinrent. Et ils m’achevèrent. « Oh tu sais j’ai beaucoup déménagé ces quatre dernières années ; une moitié de semestre à Londres, Liverpool et mes stages partout dans le monde. J’ai dû l’égarer dans un carton. » m’admit-il en posant une main sur son torse. Je soutins son regard. Je le soutins uniquement pour qu’il se sente coupable, pour que la culpabilité vienne lui ronger les veines et les entrailles. « Je suis désolé. Je sais que tu y tenais. » Il claqua ma portière. Je me mordis l’intérieur de ma joue. J’y avais tenu, oui. J’y avais tenu comme une gamine qui avait bien pu se raccrocher aux mots réconfortants de son père. J’y avais tenu parce que cet objet avait été une aide précieuse dans chacun des moments clefs de ma vie ; mais, par-dessus tout, j’y avais tenu parce qu’il m’avait relié à Julian. Parce que j’avais fini par l’associer à lui. Lorsqu’il s’installa derrière son volant, des sons finirent par sortir de ma gorge. « Oh. » J’aurais voulu ma voix assurée, mais elle n’était que tremblante. Je m’éclaircis la gorge avec difficulté, avant de prendre une profonde inspiration. « Non, je n’y tenais pas tant que ça. Ce n’était qu’un pendentif en argent, après tout. » Un pendentif en argent qui avait représenté une promesse. Un pendentif en argent qui avait représenté notre amitié, mon amour. Il avait beau parler de ses voyages, je savais pertinemment qu’il l’avait encore eu jusqu’à ce que mon accident survienne ; il ne s’en était débarrassé qu’après cela.
Il s’en était débarrassé par ma faute. Il avait sans doute tourné la page plus facilement qu’il n’osait le prétendre. Je n’avais pas le droit de le blâmer ; je n’avais pas le droit d’en penser quoi que ce soit. Embarrassé, il joua avec ses clefs de voiture. Je l’observai faire, presque dans un autre monde. « Je compte revenir dans ta vie, jeune fille. Si ce n’est comme ton meilleur ami, laisse-moi au moins être ton ami, le temps que ça durera. » finit-il par me dire et j’esquissai un sourire las. Je pris une profonde inspiration. Il me donnait ma liberté mais je me savais incapable de la prendre s’il était encore dans les parages. Pourtant, j’avais besoin de lui. Malgré toute ma colère, j’avais besoin de lui. « Je ne suis pas le genre de fille à avoir des amis. Il parait que je suis trop hostile. » marmonnai-je. « Mais si ça t’amuse d’essayer. » Mon ton était lent. Détaché. Las. Il démarra sa voiture sans me prévenir ; il s’inséra dans la circulation bien trop vite, et mes doigts se crispèrent sur l’accoudoir. Je fermai les paupières en tentant d’oublier la route. En tentant d’oublier mes cauchemars. J’avais parlé d’oublier mes peurs. D’arrêter d’être faible. D’aller au-delà de mes craintes. Mais mes résolutions semblaient m’avoir déserté. Peut-être allait-il trop vite ; ou, alors, peut-être étais-je trop fragile. « Hammersmith ? C’est bien ça ? » me demanda-t-il. J’hochai la tête, avant de prendre une profonde inspiration. « Shepherds Bush Road, à deux numéros de la bibliothèque. » confirmai-je. Et, même si la route n’était pas bien longue, le trajet me parut durer une éternité. Tous mes souvenirs de la manière dont j’étais rentrée semblaient avoir disparu ; je me souvins simplement avoir échangé deux trois mots avec ma jumelle, avoir attrapé le bol de cookies tout chauds de mon frère, et m’être enfermée dans ma chambre sans demander mon reste. Je ne me sentis que chez moi lorsque je me retrouvais dans mon lit. Je ne me sentis dans mon univers que quand je finis par pleurer. Pleurer sans parvenir à m’arrêter.
Un nom sur un papier. Un numéro dans un dossier. Julian Fitzgerald. Seize lettres. Dix consonnes et six voyelles. Un individu de sexe masculin, orphelin de mère, ayant vu le jour un treize décembre en Ecosse. Mon ancien meilleur ami. Mon âme sœur. L’homme que j’avais un jour aimé et que je continuais d’aimer. Pourtant, malgré les années qui s’étaient écoulé, malgré toutes les choses que nous avions bien pu vivre ensemble, j’avais l’impression qu’il était redevenu ce qu’il avait un jour été pour moi : un nom sur un papier de plus. Un numéro dans un dossier. Un étranger.

(sujet terminé)
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
() message posté par Contenu sponsorisé
Revenir en haut Aller en bas
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
London Calling. :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
Aller à la page : Précédent  1, 2, 3
» flashback - the weight of the human heart is too heavy for skin and bone. (eugenia)
» tell me how we became so hollow. (eugenia)
» Jessamine - Heart to Heart
» Not loosing you again ft Eugenia
» if we only die once, i wanna die with you (eugenia)

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
-