[Libre] Jodie aux commandes

L'entretien

"Le Nightjar, on y est!" Mes parents m'avaient payé l'appartement oui, mais je n'avaient aucun revenu pour en payer les charges, ni même remplir le minuscule frigo. N'ayant pas encore de connexion internet, j'avais cherché sur mon téléphone, tant bien que mal, si un des bars du coin embauchait.

Et c'était justement le cas. Le Nightjar, situé sur La City recherchait un Barman depuis quelques jours seulement. C’était trop beau pour être vrai. Ce n'est surement pas la concurrence qui manque ici, mais je devais tenter ma chance. On m'avait donné rendez vous à 21h. Le club était bondé, la musique électro remplissait la salle, toute la population jeune et branchée de la ville semblait s'être réunie. J'avançais difficilement, me faufilant vers le comptoir qui me paraissait être à des kilomètres.

Étant légèrement agoraphobe, je prenais toujours grand soin d'être toujours un peu alcoolisée avant d'entrer dans ce genre d'endroit. Mais la, pas question de prendre le risque. Je devais avoir l'esprit clair, les recettes de cocktail les plus complexes ne devaient pas m'échapper. Le stress montait à mesure que j'avançais, bousculée tous les mètres par des corps transpirants. Le comptoir, enfin! Je m'y accrochais comme sur un radeau en pleine mer, cherchant du regard quelqu'un pour me renseigner. Le barman s'avança vers moi pour prendre ma commande. "Je suis là pour le poste". Je gueulais pour me faire entendre tant la musique était puissante. Il me rassura, sans doute mon regard en disait long, m'expliquant qu'il s'agissait d'une grosse soirée organisée tous les mois.

Il me fit passer derrière le comptoir, dans un coin un peu protégé.
"Bon, montre moi ce que tu sais faire." Un peu surprise par sa demande, m'attendant plutôt à réaliser un cocktail classique sur demande, je fonça les sourcils.
"Je me fais pas de soucis je suis sûre que tu sais faire un sex on the beach sans problème. Moi je veux voir ce que tu vaux vraiment, alors surprend moi." La panique m'envahit, je m'attendais à tout sauf à ça. Je connaissais mes recettes sur le bout des doigts. Qu'est ce qu'il attend de moi... Tous les alcools étaient devant moi, toutes les bouteilles, tous les accompagnements, de la tranche d'orange à l'olive. Je devais trouver l'inspiration, je devais lui montrer ce que je représentais un cocktail pour moi. Le cocktail parfait made in Jodie.

Je me saisie d'une bouteille, puis d'une autre, m'efforçant de respecter le juste équilibre en les différents alcools, les jus. Pas trop fort, pas trop light, pas trop sucré. Juste le cocktail parfait. Je termina par une tranche d'ananas qu'il enleva à peine posée "un bon cocktail parle de lui même, pas besoin de rajouter ces conneries réservées aux cocktail basiques".

L'heure de vérité, la pression est à son comble. Je le vois prendre une gorgée, analyser, l'air perplexe, sans laisser passer la moindre émotion, qu'elle soit positive ou négative. "Tu commences demain. Même heure même endroit. Sois pas en retard." Il termina son verre sous mes yeux amusés, m'adressant un clin d'œil avant de repartir servir.

Voila, c'est officiel, je suis la nouvelle barmaid du Nightjar!

Premier soir de taff

Nous y voilà, premier jour de taf. Il est 17h, je commence au Nightjar dans une heure pour la mise en place et surtout prendre mes marques. Mon entretien d’embauche s’étant passé en 25 minutes à tout casser, je n’ai pas vu grand-chose de mon lieu de travail mis à part les corps suintant s’entremêlant dans un vacarme assourdissant. Bon, c’est mon premier jour oui, mais pas moyen d’être sobre ou l’on me trouvera dans un coin de la pièce, la tête entre les mains. J’ingurgitais trois bonnes gorgées de whisky avant d’enfiler mon jean fétiche et un t-shirt des Pink Floyd.

C’est l’esprit léger que je me dirigeais vers le Nightjar. L’endroit était bien plus calme que la veille. Seuls trois jeunes se défiaient sur une table de billard, et deux autres sirotaient une pinte. Le barman me fit signe de le rejoindre.
« T’es à l’heure ça me plait bien ça. Je te laisse faire ta mise en place, et je te montre comment marche la caisse. Je me casse dans deux heures. » Je restais là à le fixer, espérant une tape sur l’épaule en guise de ahah je t’ai bien eu mais rien… Il allait réellement se casser dans deux heures, soit 20h, soit précisément à l’heure de pointe. Complètement déstabilisée, et du coup très heureuse d’avoir un peu picolé, j’analysais le bar. Les bouteilles d’alcool sont là, les jus et sirops juste à côtés, les accompagnements en bas, et les bières sont dans les tireuses. OK. Il me montra en dix minutes chrono le fonctionnement de la caisse, relativement simple je dois l’avouer.

Vint l’heure fatidique, le grand saut, le départ du grand manitou. Me voilà seule aux commandes, ayant totalement décuvé par le stress, faisant de nouveau le point sur l’emplacement des bouteilles, et récitant dans ma tête toutes les recettes de cocktails. L’endroit était plus réputé pour ses bières, mais proposait néanmoins quelques cocktails de base. Le stress monte au fur et à mesure que l’endroit se rempli. Je la vois, la jeunesse londonienne, prête à dépenser ses sous en alcool et en chips. « Oh et puis merde », ni une ni deux je saisis une chope vide et la remplie de la bière la plus forte, avant de la siffler en un rien de temps. « Ok les gars, Jodie est prête à vous servir ».