Together in all these memories - Milo

En grande sœur qui se respecte Sarah prenait souvent de mes nouvelles, elle m’appelait au moins une fois par semaine pour me demander si je me faisais à ma nouvelle vie Londonienne et s’amusait à m’imaginer énervée contre les automobilistes anglais qui conduisaient du mauvais côté de la route. Sarah n’avait jamais été une grande aventurière et la seule fois où elle s’était éloignée de Huntsville c’était pour se rendre en Floride, mille kilomètres de la maison c’était déjà assez  pour elle, disait-elle. Alors elle voyageait par procuration à travers mes récits… ou ses interrogatoires, ça dépendait du point de vue. Un rire m’échappa lorsqu’elle m’ordonna de prendre un billet d’avion et de rentrer pour Thanksgiving. Lorsqu’elle avait une idée en tête, ma sœur pouvait se montrer plus autoritaire que moi. La famille m’attendait apparemment et je ne pouvais décemment pas manquer ça. « Tu dois venir, tu n’as jamais manqué Thanksgiving. Même quand tu n’étais pas là le jour même on s’est toujours arrangé pour pouvoir le faire, quitte à déplacer la date et paraître ridicule en allant acheter une dinde un mois après ! » Elle n’avait pas tord, cette fête c’était la marque de fabrique de la famille Bristow. On avait souvent du mal à s’arranger pour se retrouver tous ensemble le même jour, mais avec un peu de bonne volonté nous avions toujours réussi à trouver un arrangement. Je promis à Sarah d’y réfléchir et changea de sujet. Je l’écoutais me donner des nouvelles de la famille alors que je me baladais entre les rayons du supermarché sans vraiment faire attention à ce qui m’entourait. Je n’avais rien de particulier à acheter, j’avais juste envie de sortir prendre l’air lorsque mon téléphone avait sonné et que je m’étais réfugié dans le premier magasin que j’avais croisé. Je tournais en rond dans le magasin, j’avais déjà fait deux fois le tour lorsque ma sœur m’annonça qu’elle devait raccrocher et se préparer pour aller travailler. Je dû promettre une dernière fois de réfléchir à son invitation avant de la laisser. Je rangeai mon téléphone dans la poche de mon blouson et regarda autour de moi. Puisque j’étais là autant en profiter pour faire quelques courses. Je repartis pour un troisième tour du magasin, cette fois-ci décidée à prêter plus attention à ce qu’il y avait dans les rayons. J’étais arrêté au rayon fruits et légumes à choisir une grappe de raisin lorsque mon téléphone sonna une nouvelle fois, annonçant cette fois-ci l’arrivée d’un message. Je ris en découvrant le message de Danny, elle ne pouvait s’empêcher de m’envoyer des bêtises lorsqu’elle s’ennuyait. Quant à moi si je continuais à rire ainsi en errant dans le magasin j’allais finir - si ce n’était déjà pas le cas - par passer pour une folles aux yeux de tous ceux qui croisaient mon chemin. Je fini par choisir ma grappe de raisin et attrapa un petit sac en plastique pour la mettre dedans. Je me retourna subitement et percuta ce qui sembla être les roues d’un fauteuil. Surprise je lâcha le sac de mes mains et les grains de raisins virent rouler au sol. « Oh, je suis vraiment désolé… » m’empressai-je de dire en m’accroupissant pour ramasser le raisin. « … je suis vraiment maladroite parf… » Je relevai la tête vers la personne que j’avais percuté et reconnu les traits de l’homme en fauteuil en roulant, ce qui rendant ma surprise que plus grande. « Milo ? » La dernière fois que nos chemins s'étaient croisés il se tenait encore sur ses deux jambes...

Lorsque j’étais arrivée à Londres je n’avais aucuns repères. J’avais été envoyée ici pour une mission à durée indéterminée. Je ne pensais pas avoir à rester longtemps dans les environs, j’imaginais naïvement qu’en un rapport j’arriverai à convaincre mes supérieurs que mon meilleur ami n’était pas un terroriste potentiel. Qu’il ne pouvait pas avoir changé à ce point. Mais ma mission s’avérait plus longue que je ne l’espérais et chaque jour j’étais confronté à ce sentiment de trahison qui m’envahissait de plus en plus, au fur et à mesure que le temps passait. Je trahissais la confiance de mon ami et ça me rongeait de l’intérieur. Je n’avais personne à qui parler de mes doutes et de mes états d’âmes. Personne à qui faire confiance sans me trahir moi-même. J’étais seule dans cette épreuve et cette solitude me poussait à me demander ce que je faisais, loin de chez moi. J’avais de nouveau tout abandonnée pour l’armée, j’avais ressortie mes plaques militaires et m’étais envolée à des kilomètres de chez moi pour servir mon pays après que celui-ci m’est abandonné. Même si je ne me l’avouais pas, j’avais parfois le mal du pays. J’avais fini par prendre l’habitude de ne plus bouger aux quatre coins du monde, de rester auprès de ma famille et même si reprendre du service était une chance inespérée, leur présence me manquait. Peut-être même plus que lorsque j’étais envoyée sur le front, car au moins là-bas nous étions plusieurs à devoir réaliser la même mission. Peut-être avais-je besoin d’un autre visage familier près de moi pour me sentir bien. Et un visage familier, j’en avais un juste sous les yeux. "Violet ?" J’écarquillai les yeux comme pour m’assurer qu’il s’agissait bien de lui. Il était probablement la dernière personne que je m’attendais à croiser dans les rues de Londres. Il fallait dire que nos chemins s’étaient séparés depuis quelques années déjà et nous avions rapidement perdu contact après son départ de l’armée. " Alors comme ça tu jette des fruits et légumes sur tes anciens camarades pour les accueillir, c'est...charmant" Mon regard bifurqua sur les grains de raisin encore présent sur le sol. Effectivement s’était une façon bien étrange pour l’accueillir. Un sourire mis amusé, mi-agacé vint se dessiner sur mon visage. « Où tu vois des légumes ? Il n’y a que de pauvres grains de raisin ici. » répondis-je tout en continuant de ramasser mes provisions. "C'est une coutume que j'ignorais. De mon coté, ils ont plutôt tendance à jeter des grains de riz ou des pétales de rose à la rigueur lors des manifestation" Ajouta-il en se penchant vers moi. Je secouai la tête, un sourire aux lèvres. Il n’avait pas changé, il était toujours aussi moqueur que dans mes souvenirs. "C'est plus traditionnel certes." Je me redressai rapidement et m’empressa de faire un nœud au sac en plastique pour être sûre que le raisin ne s’échappe pas une nouvelle fois. Il était inutile que je me donne encore une fois en spectacle. « Tu me connais, je n’ai jamais fait dans le traditionnel. Et au moins c’était un accueil remarqué. » lançai-je, fière de moi. "L'idée que tu sois tombée à mes pieds n'est pas déplaisante, cela dit je crois que les gens risque de finir par trouver ça bizarre " Un rire m’échappa face à sa remarque. Le revoir me renvoyait à une autre époque. Une époque où j’arborais fièrement mes plaques militaires, une époque où je m’étais retrouvée face au même homme qui se trouvais face à moi aujourd’hui et où je lui avais avoué mes sentiments. Lorsque j’y repensais aujourd’hui ça avait le don de me faire sourire. J’avais été naïve de croire que ça pouvait être réciproque, je le savais marié et ayant une famille qui l’attendait chez lui. Avec le recul je me demandais à quoi j’avais bien pu penser ce jour là. Quoi qu’il en soit il m’avait rit au nez avant d’accepter de ne plus parler ce cette fameuse scène. « Je ne suis pas tombée à tes pieds » commençai-je en mimant des guillemets quant à la tournure de sa phrase. « Tu étais là au mauvais endroit, c’est de ta faute ce qu’il vient d’arriver. Peut-être que c’est toi qui cherches à ce que toutes les femmes tombent à tes pieds après tout ! » lançai-je amusée. " Quoi de neuf sinon ? Ca fait un moment qu'on ne c'était pas vu..." Un léger sourire pris place sur mon visage. « Oui, et bien il faut dire que tu t’es fait rare après ton départ de l’armée… Et comme tu peux le constater j’ai décidé de venir rendre visite à nos amis les anglais, j’essaie de me faire à leur mode de vie et à la grisaille, mais c’est pas facile. »Répondis-je en souriant. « Je ne me souviens pas que tu es étais blessé en service… qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? » Demandai-je en faisant allusion à son fauteuil, espérant ne pas avoir été trop cash avec lui. Je m’étais connue plus subtile que cela dans l’art d’interroger les gens.

"Tu joue sur les mots là". Haussant les épaules, j’affichai un large sourire, plutôt fière de moi. Peut-être bien oui, que je jouais sur les mots, mais il avait été le premier à me taquiner sur ma façon d’accueillir mes anciens camarades et c’était plus fort que moi, il fallait que je renchérisse. Il ajouta une remarque toujours sur le même ton moqueur et aussi amusé qu’il semblait l’être, je rejetai la faute de ce léger incident sur lui. Il n’en était aucunement responsable, le seul fautif ici était mon manque d’attention, mais qu’importe, on avait toujours su se comprendre à travers nos plaisanteries, aussi futiles qu’elles puissent être et sa simple présence ici me réchauffait le cœur. C’était étrange d’ailleurs puisque nous nous étions pas vu depuis plusieurs années. Mais j’avais besoin d’un visage familier près de moi, j’avais besoin de rencontrer quelqu’un de mon passé, quelqu’un qui me connaissait. Et c’était tombé sur lui, à mon grand étonnement. "Quoi ? A présent, tu ose insinuer que c'est de ma faute ?!" Je hochai la tête en affichant un mine désolé. " Tu parle bien de moi ? Qui fut jadis pur, innocent et plus blanc que neige..."  Je laissai échapper un rire. J’avais du mal à croire à ce qu’il venait de dire, il était loin d’être aussi innocent qu’il le prétendait. Personne ne l’était vraiment. « Parce que tu veux dire que tu ne l’est plus ? Pur et innocent ? » me moquai-je gentiment avant de poursuivre la conversation toujours sur le même ton, jusqu’à ce qu’il demande de mes nouvelles. Je répondis rapidement et vaguement à sa question. C’était bizarre, mais aussi agréable de rencontrer l’un de mes anciens camarades qui n’était pas au courant de l’humiliation que j’avais subie lorsque l’armée m’avait “mise au repos” - une autre façon de dire que j’avais été écarté des rang de l’US Army pour une durée indéterminée - parce que malgré le temps qui passait je le vivait toujours comme ça. Comme une humiliation. Je n’en parlais pas parce que ma fierté me l’interdisait. Même si l’armée avait de nouveau fait appel à moi pour une nouvelle mission, je ne me sentais pas privilégiée. Ce n’était pas de la confiance, j’étais simplement le choix le plus judicieux pour approcher Isaac sans qu’il ne se doute de quoi que ce soit. Car qui penserait que derrière mes sourires et mes élans d’affections à son égard, je le surveillais ? "Je comprends. Ici, même l'air semble différent. Cela dit, la ville est charmante, la plupart du temps." Je reportai mon attention sur Milo. Il n’avait pas tord, Londres était une belle ville, bien différente de Huntsville, mais je ne pouvais pas nier le charme qu’elle dégageait. J’acquiesçai simplement d’un hochement de tête en souriant avant de lui poser une question qui me trottait dans la tête depuis que je l’avais reconnu, lorsqu’il s’était penché au-dessus de moi, du haut de son fauteuil. Il baissa la tête, le regard fuyant. Je connaissais ce genre de regard et je compris rapidement que je n’avais pas été très délicate et que ma question l’avait mis à l’aise. « Excuse-moi, tu n’es pas obligé de me répondre. » Mais il commença pourtant quelques explications avant de me proposer de finir les courses. " On pourrait aller ailleurs ensuite pour discuter."Je hochai la tête et le suivis à travers les rayons. Je n’avais pas vraiment prévu de faire les courses lorsque j’étais entré dans le magasin, mais je pris tout de même des doses de café en plus du raisin en continuant de défiler dans les rayons. Soudain il se frappa le front et je me tournai vers lui l’air étonné avant de l’entendre dire qu’il avait oublier de prendre des bonbons. Je souris, amusée, je ne l’imaginais pas être friand de sucreries. Il retourna chercher ses friandises et j’en profita pour déposer mes deux malheurs articles à la caisse en attendant son retour.  " Pour manger équilibré, il faut manger de tout. C'est moi qui le dit."Annonça-t-il alors qu’il m’avait rejoins. « Il parait. Mais j’ai aussi entendu dire qu’il fallait manger de tout, avec modération. » lançai-je en appuyant bien sur les deux derniers mots. Je payai mes articles et me mis sur le côté pour l’attendre. " Je vous connais, vous...On a vous a vu à la tv non ? Ou non ! Dans les journaux ? Ou mieux peut-être les deux !" Je relevai la tête vers la caissières et mon regard pivota vers Milo. Ils continuèrent à dialoguer quelques minutes encore. Je sentais une pointe d’irritation dans la voix de mon camarade. J’ignorais de quoi ils parlaient et ce n’état surement pas le bon moment pour que je pose des questions. "Tu viens ? " Je le suivis et attendis que l’on soit sorti du magasin avant de reprendre la conversation. « Une autre de tes admiratrices ? » demandai-je tout en regardant ce qu’il y avait autour de nous. Je ne connaissais pas encore la ville par cœur, mais si mes souvenirs étaient bons, il y avait un petit café sympa dans le coin. Lorsqu’il fut enfin dans mon champ de vision je reportai mon attention sur Milo. « Ça te dis d’aller te poser là-bas ? On sera mieux que dehors. » Je pointai l’endroit du doigt avant de remonter le col de mon manteau.

Je regardais d’un air amusé Milo qui essayait de se défendre quand à son envie d’acheter des bonbons. "Ba...c'est pas vraiment pour moi...Tu sais les enfants et leurs exigences..."  J’affichai une mine faussement convaincue, pas certaine que ce soit uniquement pour ses enfants et lui rendit son sourire. Alors qu’il s’apprêtait à payer, je me décalai un peu sur le côté pour l’attendre et je remarquais rapidement que la caissière semblait reconnaitre mon ancien collègue. J’ignorais de quoi il s’agissait, mais au ton qu’emprunta Milo, je préférais ne pas poser de questions dans l’immédiat. Une fois l’incident passé, il m’invita à le suivre en dehors du magasin. Ma curiosité reprenant inlassablement le dessus, je ne pu m’empêcher d’attendre plus longtemps pour le questionner sur l’intervention de la caissière quelques minutes plus tôt. "C'est...un peu plus compliqué que ça." Je hochai vaguement la tête en demandant à mon ami si il désirait aller s’installer dans un petit café plus loin, de l’autre côté de la rue. Il répondit d’un simple hochement de tête et on se dirigea en silence vers l’établissement. Une fois installé, un serveur vint rapidement prendre notre commande. "Tu comptes rester dans les environs longtemps ?" Je relevai la tête vers lui en finissant de retirer mon manteau et de l’accrocher sur la chaise et le fixai quelques secondes, en silence comme si je cherchais ce que j’allais bien pouvoir répondre à cette simple question. La vérité était que j’ignorais pendant combien de temps encore j’allais devoir rester ici. Je n’étais même pas sûre de vouloir repartir directement lorsque ma mission sera terminée. Certes, ma vie et ma famille m’attendait en Amérique et mon pays me manquait, mais ici j’avais retrouvé mon meilleur ami, j’avais rencontrée de nouvelles personnes plus attachantes les unes que les autres et même si j’avais parfois le mal du pays, je me plaisais plutôt bien ici. C’était un mode de vie différent de celui que je m’étais habituée à vivre ces cinq dernières années, mais c’était en fin de compte assez plaisant. « Je ne sais pas combien de temps je vais rester encore, mais je ne compte pas repartir dans l’immédiat. » répondis-je avec un sourire. "Je ne sais plus si je te l'ai demandé ou non. Si jamais, on pourrait essayer de se voir un peu plus régulièrement. Enfin...si ça te tente, évidemment."  Mon sourire s’élargit en entendant sa proposition. On avait pas mal de temps à rattraper tous les deux et c’était toujours agréable de retrouver un ancien camarade qui a servit avec vous sur le front. « Ça me ferait plaisir, oui. » Le serveur vint déposer ce que l’on avait commandé sur la table et je le suivis du regard jusqu’à ce qu’il s’éloigne avant de reporter mon attention sur Milo. "Bon sinon...Je veux bien te raconter mes quelques aventures. J'ai assez confiance pour aborder le sujet. Cependant que tu vas entendre risque de ne pas te plaire, je te préviens." Je fronçai légèrement les sourcils, intriguée par ce qu’il comptait me raconter et d’un hochement de tête je l’inviter à poursuivre. Mes mains glissèrent sur le tasse de café chaude en l’écoutant attentivement me raconter vaguement ce qu’il s’était passé après son départ de l’armée et comment il avait atterri ici, en Angleterre. Je comprenais ce qu’il voulait dire en disant ne pas être fait pour être “un homme d’intérieur”. Passer du jour au lendemain du front au salon de la maison était assez difficile à gérer. Mon regard resta figé quelques instant sur lui en entendant les derniers mots qu’il venait de prononcer. Il m’avait prévenu que ce que j’allais entendre risquait de ne pas me plaire, amis je ne m’étais pas un seul instant imaginé ceci. Cependant je n’étais pas là pour le juger, je ne connaissais pas tous les détails et je ne me le permettrais pas. Mon regard glissa sur sa main qui jouait nerveusement avec la petite cuillère. Je pouvais deviner que ce n’était pas un sujet qu’il abordait facilement et quelque part j’étais touchée qu’il me fasse assez confiance -malgré toutes ces années d’éloignement- pour m’en parler. " J'ai écopé d'un procès très médiatisé...c'est pour ça que la caissière m'a plus ou moins reconnu...Voila " Son regard vint croiser le mien. Il attendait probablement une réaction de ma part. En règle générale, j’avais toujours mon mot à dire, mon avis à partager et mon opinion à émettre, mais pour le coup je devais avouer que la surprise prenait le dessus sur mon besoin de m’exprimer et de poser des questions. Ce n’était pas le genre de révélation que l’on entendait tous les jours et pour une fois je ne savais pas comment réagir face à cela. « Milo… je ne vais pas te mentir, je ne m’attendais pas du tout à ce genre de révélation… » Commençai-je doucement alors mes doigts pianotaient sur le tasse. « Je ne suis pas là pour te juger, j’ignore ce qu’il s’est vraiment passé et je ne te demande pas de me l’expliquer. » Il en avait déjà beaucoup dit et je ne voulais pas le forcer à poursuivre. « C’est définitif ? » demandai-je calmement. « Je veux dire, ton fauteuil… » Encore une fois je ne savais pas où il avait été touché et quelle était la gravité de sa blessure, si son passage en fauteuil roulant était permanant ou temporaire. Mon regard glissa vers la tasse de café et je la portai à mes lèvres pour boire une gorgée.

Son regard était fuyant et ses doigts ne cessaient de jouer nerveusement avec la cuillère posée sur la table. Je pouvais sentir le malaise que cette situation procurait à travers sa voix et sa gestuelle. Il avait décidé de me parler de la façon dont il était arrivé là et j’ignorais encore pourquoi, après toutes ces années sans nouvelles, il avait jugeait bon de me révéler ce qui l’avait cloué dans un fauteuil. Une confiance aveugle en ma personne ? Je doutais que ce soit le cas. Peut-être était-ce tout simplement parce qu’il savait que malgré mon penchant pour la justice et la droiture, j’étais la dernière personne prête à juger quelqu’un à cause de ses actes passés. Personne n’est irréprochable, on fait tous des erreurs. Milo ne me devait absolument rien, ni explications, ni justifications. Il avait fait preuve de courage en m’avouant ce qu’il avait fait et je pouvais deviner que ce n’était pas un sujet qu’il devait aborder souvent. "Oui, j'imagine. C'est difficile de croire que la réalité peut dépasser à ce point la fiction."  Je hochai doucement la tête. Je n’étais pas entièrement d’accord avec ses propos. Plus maintenant. J’avais assisté à l’enterrement de mon meilleur ami, je l’avais pleuré et aujourd’hui, alors qu’il revenait d’entre les morts, je me retrouvais à devoir accomplir une tâche pour laquelle je n’étais pas habilité à faire il y a encore quelques mois. Je n’avais rien demandé de tout cela. Ça m’était tombé dessus sans crier gare et j’avais été dans l’obligation de m’adapter. Tout ceci ne semblait pas réel. Ces derniers mois semblaient sortir tout droit d’un scénario de film alors non, je n’étais pas entièrement d’accord avec les paroles de Milo. Pour moi à présent, il n’était pas si difficile que cela de croire que la réalité pouvait dépasser la fiction. "Je ne sais même pas si je pourrais concrètement t'expliquer un truc pareil. J'ai pas complétement fait ça sur un coup de tête...Et en même temps, quand j'y pense maintenant et vu ce que ça à donné. Je me rends bien compte, que ce n'était pas vraiment réfléchit non plus. " Je l’écoutais tout en restant silencieuse. Je sentais comme une pointe de culpabilité dans sa voix, mais je ne parvenais pas à savoir si c’était à propos de ce qu’il avait fait ou de tout ce qui en avait découlé. Peut-être les deux. Lorsque je repris la parole, ce fut pour lui demander si son état allait s’améliorer ou s’il allait devoir rester en fauteuil.  "Les médecins ne me paraissaient pas des plus optimistes mais au fond, je crois qu'ils ne savaient pas trop. Ils font leur boulot mais il ne prédisent pas l'avenir." Un sourire se dessina sur le coin de mes lèvres alors que je venais glisser mes mains froides sur la tasse de café, pour les laisser se réchauffer. Il avait l’air plus optimiste que les médecins à son sujet et c’était une bonne chose. Je pensais sincèrement qu’en travaillant sur soi-même, qu’en dépassant ses limites on pouvait toujours se relever. Il le fallait. C’était dans nos gênes. C’était ce que l’on nous apprenait aux camps d’entraînement. « Personne ne peut prédire l’avenir, pas même les médecins. » répétai-je d’une voix douce. « J’imagine que tes journées sont déjà bien remplies avec tout ça… mais tu vas devoir trouver un créneau pour moi. » annonçai-je doucement, un sourire aux lèvres. « Tu sais, je t’ai prise au sérieux lorsque tu disais vouloir me voir plus régulièrement. » S’enfermer dans une routine n’était pas toujours bénéfique. Je le savais et j’étais presque sûre que lui également. Mais ce n’était pas uniquement la raison pour laquelle j’acceptais de passer plus de temps avec lui. J’avais réellement envie de renouer le contact avec lui et de profiter de sa présence ici. "Avec tout ça, j'imagine que l'incroyable cote dont je bénéficiais à du vaguement dégringoler non ? Je suis encore dans le top 5 ? " Mon regard croisa le sien et un sourire quelque peu moquer se dessina sur mes lèvres. « Le top 5 ? » Répétai-je, faisant mine de réfléchir. « De quel top 5 est-ce que tu parles ? Tu peux préciser. » Demandai-je avant de porter la tasse à mes lèvres et de boire une gorgée de café. Je me moquais gentiment, je savais exactement de quoi il voulait parler, mais l’idée de le voir patauger un peu était plutôt agréable et je savais qu’il ne m’en tiendrait pas rigueur.