(✰) message posté Mer 21 Oct 2015 - 20:52 par Invité
“She has that beautiful darkness but exudes a real, true light. To be dark and light at the same time is as rare as it is infectious.” ✻ Je regardais autour de moi comme une bête sauvage, le regard perçant, les crocs acérés, à l'afflux du moindre mouvement. Les cordes du ring vibraient contre le plancher alors je m'approchais de mon adversaire. Je gardais les poings levés et l'esprit concentré. Il y avait deux coins pour les combattants et deux coins neutres pour l'arbitre. La salle était vide et silencieuse. Le vent soufflait vers le sud. Je pouvais effectuer un coup précis et esthétique pour l'achever sans douleurs. Il n'y avait pas de différence entre la boxe et l'armée. Les tirs longues distances nécessitaient une observation méticuleuse et une bonne maîtrise de la situation. Et c'était exactement ma stratégie sur le ring. Je roulai des yeux en dévoilant mon sourire carnassier. Le carré était plus étroit que dans mes souvenirs, mais je m’accommodais au confinement et aux nouvelles règles. Je sautillai sur place en contractant la mâchoire. Toujours en retrait. Toujours dans l'analyse. « Qu'est-ce que tu fous Von Ziegler ? Bouge ton cul ! On a pas le temps pour ton numéro de ballet ! » Brailla l'entraîneur en me sommant d'attaquer. Mais il était trop tôt. Je savais que je pouvais le mettre knock-out en gérant ma force. Je dissimulais derrière mon apparence de gentilhomme, l'âme guerrière d'un soldat qui avait franchi les limites du devoir afin de croiser les landes pourpres et illimitées de la criminalité. Il ne pouvait pas gagner. Je le laisserais pas. Je secouai les épaules en fixant l'expression sévère de mon opposant. Je ne connaissais pas son nom. Pour moi, il s'agissait de John Doe. Une personne non-identifiée. Un citoyen Lambda et sans intérêt. Il hocha la tête avant de foncer sauvagement sur moi. Je me redressai en encaissant ses coups puis je pivotai sur le côté afin d'esquiver. Je voulais le fatiguer encore un peu avant d'arborer mon allure victorieuse. Tout à coup, la porte d'entrée grinça. Il y avait de l'agitation mais je demeurai concentré sur la confrontation. J'entendais distinctement les pas se succéder sur le parquet. Je n'étais pas sûr que les visiteurs étaient permis. J'avais loué la salle pour la journée. Je n'aimais pas cette intrusion. Dans un élan d'impatience, je tendis les bras en cognant le buste de John Doe. Il riposta avec brio mais je restai campé sur ma position d'attaque, refusant de plier face à sa stature de marbre. Puis j'entendis à nouveau les bruits de pas et une voix féminine s'éleva dans l'enceinte. Mon cœur se serra. Je la reconnaissais. Je la reconnaissais toujours. Mes bras tombèrent ballants sur mon buste alors que je me retournai vers la source de lumière. « Liberty ? » Sifflai-je avec hésitation. Il avait suffi d'un moment d'inattention, d'une demie mesure d'insouciance, pour que les rebords matelassés du gant de John s'écrasent contre ma tempe. Je fixai Violet d'un air absent avant de tomber au sol. Les cloches retentirent violemment et l'arbitre se pencha à ma hauteur. Il prit mon pouls et inspecta mes constantes avant de signaler la fin du match. Je plissai difficilement les yeux vers lui avant de perdre conscience. Les couleurs se confondaient sous mes paupières. La migraine me retenait dans un état apathique, mais je luttais pour me relever. Je l'avais vu. Violet Bristow était là. Ce n'était pas une hallucination. Je sentis ses mains se déposer sur mes joues brûlantes alors que je m'agitais, l'estomac tordu par l'anticipation. Comment ? Elle était en Afghanistan. Elle devait y rester encore. Mon visage se figea, paralysé par un sentiment d'inquiétude étrange. Elle paraissait plus mince et plus sombre. Ses iris bleus étaient auréolés par une lumière pâle que je n'avais jamais remarqué auparavant. J'inspirai en plaquant ma main contre la sienne. Je serrai sa prise de toutes mes forces, tiraillé entre la joie et la peur. Parce que malgré nos souvenirs heureux, elle représentait un fantôme du passé. Une personne de plus que j'avais déçu en perdant la bataille contre les talibans. Je tressaillis en essayant de retrouver le fil de mes pensées. Elle me ressemblait. Elle était trop proche de moi. Elle était ma camarade, ma sœur, mon égale. Mais je divaguais complètement. La marque rouge de l'armée m'avait rendu aigri et instable. Je n'étais plus son meilleur ami. J'avais arrêté de croire à notre devise fraternelle lorsqu'elle m'avait abandonné à la merci des terroristes.
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(✰) message posté Jeu 22 Oct 2015 - 23:28 par Invité
Mes doigts glissèrent le long de la vitre embrumée du taxi qui me conduisait jusqu’à mon meilleur ami. Je dessinais de petits cercles, machinalement, sans prêter attention au chauffeur du taxi qui essayait de faire la conversation. Dehors il pleuvait et la grisaille du temps Londonien s’apparentait à mon état d’esprit. Gris. Terne. Morose. J’allais retrouver mon ami, mon frère, celui que je pensais perdu depuis bien trop longtemps maintenant et je n’arrivais pas à chasser cette sensation de tristesse qui m’envahissait, je n’arrivais plus à retrouver cette lueur d’espoir que j’avais ressentie lorsque j’avais appris qu’il était vivant. L’armée était ma famille, elle m’avait adoptée, m’avait respectée, puis abandonnée. Aujourd’hui elle était prête à m’accueillir de nouveau, mais pour ça elle me refusait le droit de me réjouir du retour de mon ami. Je ne savais plus où me placer, devais-je être loyale envers ma patrie, cette famille qui m’avait abandonnée aux premiers signes de faiblesse ou devais-je l’être envers l’homme qui ne m’avait jamais tourné le dos ? Dans mon cœur le choix paraissait simple à faire et pourtant, ma tête me hurlait de ne pas me laisser envahir par mes sentiments. Ces mêmes sentiments qui m’avaient autrefois coûté le respect de mes camarades. Ces sentiments que je n’avais su gérer et qui m’avaient envoyé au tapis sans que je ne m’en rende compte. Mon cœur se serra un peu plus lorsque j’entendis la voix du chauffeur m’annoncer que l’on était plus très loin de l’adresse que je lui avais indiquée. Lorsque la voiture s’arrêta devant l’entrée de cette salle de sport mon cœur se mit soudain à battre plus vite. Je restai silencieuse à observer la porte de la salle, soudain envahi par une angoisse que je n’expliquais pas. Comment allait-il réagir en me voyant ? J’inspirai profondément et ferma les yeux. « Le compteur tourne ma jolie ! » J’ouvris les yeux et adressa un regard noir au chauffeur qui leva la main en signe d’indignation. Mon regard vint de nouveau se perdre sur le panneau désignant la salle de boxe. Il était là. Derrière cette porte. Je n’avais que quelques pas à franchir pour le retrouver et c’était comme-ci je m’en sentais incapable. J’ouvris mon sac et ma main vint attraper le paquet de cigarette qui se baladait dedans, je commença à en sortir une avant de réprimer mon geste. Je fini par sortir la somme demandée par le chauffeur de mon porte monnaie et la lui tendis avant de sortir de la voiture. Je rajustais mon sac à mon épaule et poussa la porte d’entrée. Je fis quelques pas dans l’entrée avant qu’un homme vienne m’arrêter, je ne pouvais pas rester là d’après lui. Je perçu un son que je connaissais que trop bien, celui des gants de boxe qui s’entrechoquent et viennent frapper le corps d’un homme. Mon regard s’aventura sur le fond de la salle, là où le ring était installé. Isaac. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine en l’apercevant et je fis un mouvement de tête dans sa direction en annonçant à monsieur malabar que j’étais venue pour lui. Il resta insatiable face à mes explications, me demandant une nouvelle fois de partir pour ne pas déranger le combat et je dû insister fortement pour qu’il me laisse enfin passer. Je m’approchai du ring, le pseudo gardien des lieux toujours sur mes talons, lorsque mon regard vint croiser le sien. « Liberty ? » Un léger sourire vint se dessiner sur mes lèvres avant de laisser place à un mouvement de recule, surprise je mis une main devant ma bouche pour étouffer un cri face à un coup que ni lui, ni moi n’avions vu venir. Il avait fallu une fraction de seconde pour qu’il s’écroule au sol. Je m’élançais pour m’arrêter au bord du ring où l’arbitre signala la fin du match. Il procéda quelques soins avant de me laisser monter pour les rejoindre. Le cœur battant à vive allure et l’estomac noué, je m’accroupis à côté de lui et vins déposer une main sur sa joue brûlante alors qu’il commençait à reprendre conscience. Son adversaire quitta le ring en jetant un regard vers nous, mais mon attention resta concentrée sur Isaac, encore à moitié inconscient. Il plaqua sa main contre la mienne et je pinça ma lèvre inférieure, les yeux brillants. Soudain c’était comme si tous mes doutes s’envolaient. Il était là. Bien vivant. Et à cet instant c’était la seule chose qui m’importait. Le contact de sa main contre la mienne me réchauffa le cœur et même si ça ne devait être que pour un court instant, ça m’étais égale. Peu importe la raison de ma présence ici, je retrouvais mon meilleur ami et j’étais décidé à ne laisser rien, ni personne m’enlever ce moment. « Tu devrais penser à changer de coach. » annonçais-je doucement alors qu’il semblait reprendre ses esprits. Je sentis des larmes couler le long de mes joues et passai une main sur mon visage pour les essuyer. « On ne t’as jamais appris qu’il ne fallait jamais baisser sa garde ? »
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(✰) message posté Sam 7 Nov 2015 - 15:45 par Invité
“She has that beautiful darkness but exudes a real, true light. To be dark and light at the same time is as rare as it is infectious.” ✻ Est-ce que tu crois aux miracles, Isaac ? La voix de Violet résonnait dans ma tête comme un chant lugubre et inharmonieux. J'étais perdu entre les reliques du passé et mon incapacité à m'asseoir correctement. Ma gorge se serra alors que je toussais des taches de sang sur mon torse humide. Mes tatouages étaient gris et fades, presque effacés, mais l'encre restait immuable sur ma peau. Chaque cicatrice me rappelait mon vécu. Il y avait les mots que j'avais sciemment gravé afin de prouver mes valeurs et les traces des coups que j'avais subi durant mes années de captivité. Je penchai lentement la tête vers ma meilleure amie puis j'esquissai un faible rictus. Mon expression était figée à mi-chemin entre l'amusement et la grimace effrontée du joker. J'avais si mal au crâne qu'il m'était impossible de la regarder sans papillonner des yeux. Si tu y crois, je te prend pour un débile dégénéré. Je frissonnai en entendant ses rires lointains. Je revoyais ses cheveux aubruns flotter comme un nuage de poussière, poussés par les bourrasques du vents et les gouttes de pluie fine. Elle portait son casque de manière désinvolte en triant les cartes de jeux sur le sol. Et si tu n'y crois pas. C'est que tu n'as pas ta place parmi nous. C'est assez ironique, la vie de soldat. Tu vois. Je gémis en entremêlant nos doigts. Elle avait raison. Liberty avait toujours eu raison. Je soulevai les coudes afin de prendre appui sur mes bras mais les souvenirs continuaient de tambouriner contre ma boite crânienne, assujettissant mes efforts, me rendant encore plus vulnérable que je ne l'étais déjà. Ce n'était pas la guerre qui m'avait détruit. C'était l'isolation forcée dans les sous-terrains de Jalalabad. C'était l'absence d'espoir dans l'obscurité répugnante de la prison. J'avais été humilié à cause de mes différences. On m'avait enchaîné, à genoux, après m'avoir retiré mes vêtements et ma fierté. Je déglutis en la fixant en silence. Elle savait déjà. Je n'avais même pas besoin de lui confier mes secrets. Nous avions tous entendu parler des tortures des talibans, de leurs méthodes cruelles et de leur petite vendetta sanguinaire. Dis-moi. Tu crois aux miracles? Bien sûr que j'y croyais. J'étais revenu vivant. J'étais là et je tentais encore de rassembler tous les fragments brisés de mon couple. « Tu devrais penser à changer de coach. » Murmura-t-elle avec douceur. Je ne parvenais pas à bouger. J'étais encore embarrassé par ma chute mais je n'émis aucune objection. Mes mouvements restaient suspendus dans le vide, tandis que les larmes traçaient de longs sillons sur ses joues creuses.« On ne t’as jamais appris qu’il ne fallait jamais baisser sa garde ? » Je plissai les yeux en secouant les épaules. Comment aurais-je pu rester attentif au combat alors qu'elle faisait intrusion dans mon esprit ? Pourquoi était-elle à Londres ? Où était son uniforme ? Notre pays et le monde, se porteraient-ils mieux si les rares personnes capables de penser avec bon sens quittaient l'arène ? Je crispai la bouche avant de glisser contre les bandes du ring. Je me hissai sur les jambes en soupirant. Je gardais difficilement l'équilibre en serrant les poings contre les rebords de l'enclos. « Tu pleures parce que je t'ai manqué ? Où tu es juste émotive parce qu'il fait un temps de merde en Angleterre? » Remarquai-je d'un ton neutre avant de lui sourire. Je séjournais ici depuis quelques mois, mais je n'étais toujours pas réussi à m'habituer à l'humidité et au brouillard. Les températures étaient plus chaudes et accueillantes en Louisiane. Mais ce n'était même pas de là que je venais. On m'avait rapatrié d'Asie, là où l'air était sec et oppressant. Je vacillai maladroitement vers la silhouette de Violet. Je l'observais avec application afin de retenir les dessins de son visage angélique. Je me rappelais de ses yeux brillants derrière les lunettes binoculaires et de ses mouvements ordonnés contre le vent. Je me rappelais de la précision de ses tirs et de l'ingéniosité de ses interventions. Mais aujourd'hui, c'était une femme civile qui se dressait devant moi. Elle portait un manteau banal et des vêtements banales. Son allure avait perdu l'éclat scintillant du prédateur, mais il y avait quelque chose d'incroyablement terrifiant en elle. Il s'agissait de sa capacité d'être à la fois fragile et invincible. L'ombre et la lumière. Je retirai mes gants d'un geste rapide, puis je tendis la main afin d'effectuer un salut militaire. « Salut toi. » Marmonnai-je en faisant un révérence sommaire, parodiant ainsi le symbole de respect fratenel de l'US army. Je les emmerdais tous en cet instant. Je les emmerdais tous, sauf elle.
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(✰) message posté Sam 5 Déc 2015 - 1:06 par Invité
Mon regard ne voulait plus quitter le sien. Ce ne fus que lorsque nos doigts virent s’entremêler que je réalisa qu’il était vraiment là et cette perspective me terrifiait autant qu’elle me soulageait. Elle me terrifiait parce qu’il était mort, j’avais vu son cercueil orné de médailles et du drapeau américain, j’avais lu son nom inscrit sur sa pierre tombale. Il était mort. J’avais passé cinq ans à m’en convaincre et pourtant, c’était bel et bien lui qui se trouvait devant moi. Ce n’était pas un stupide mirage ni une illusion, tout ceci était bien réel, il était revenu d’entre les morts. Je n’avais jamais crû aux fantômes et je ne savais pas comment me comporter face à l’un d’entre eux. Car c’était ce qu’il était, un fantôme surgissant du passé après plusieurs années de silence et quelque part c’était ce qui m’effrayais. Je secouai doucement la tête et détailla les traits de son visages comme pour m’assurer une dernière fois qu’il était bien réel. Doucement je murmurai quelques mots. Je lisais dans son regard l’incompréhension et la surprise. Il ne s’attendait probablement pas à ce que je débarque de nouveau dans sa vie. Pas comme ça, pas sans prévenir. Sur ce point on est quitte Isaac. Lentement il se retira pour se redresser. Je restai au sol quelques instants, observant le moindre de ses mouvements, lents et coordonnés de façon à retrouver son équilibre. « Tu pleures parce que je t'ai manqué ? Où tu es juste émotive parce qu'il fait un temps de merde en Angleterre? » Je relevai la tête vers lui, le fixant en silence avant de laisser échapper un rire. Un rire à la fois nerveux et sincère. Un rire qui sembla me débarrasser de toutes mes craintes. En cet instant je n’avais qu’une seule envie, c’était de le serrer dans mes bras et lui faire comprendre que je ne l’avais pas oublié durant ces cinq années de silence. D’un geste bref j’essuyais les larmes qui coulaient encore sur mes joues et me redressa pour lui faire face. « C’est le temps. » répondis-je en hochant les épaules. « Je viens d’arriver et ça me déprime déjà. Et c’est entièrement de ta faute, qu’est-ce que tu es venu faire ici ? » lançai-je en gardant mon sérieux. Bien sûr que c’est parce que tu m’as manqué, espèce d’idiot. Un sourire vint se dessiner sur mes lèvres en réponse à celui qu’il m’avait adressé. Ce sourire qui m’avait tant manqué ces dernières années. Soudain je repensais à nos journées passées ensemble, aux jeux et aux défis que nous inventions pour passer le temps, à ses taquineries et à nos confidences concernant nos craintes et nos doutes. Tout ça m’avait manqué. Perdre mon meilleur ami m’avait comme laissé un énorme vide au fond de moi et j’espérais égoïstement que son retour allait enfin finir par combler ce vide. Que j’allais retrouver celui que je connaissais et considéré comme un frère. Je savais que ça n’allait pas être facile, on ne revenait pas indemne d’une épreuve comme celle qu’il avait traversé. Je ne connaissais pas tous les détails concernant ses années de captivités, mais je pouvais imaginer ce qu’ils lui avaient fait subir. Je connaissais leurs méthodes, je savais quel sort les talibans réservaient aux soldats américains et son torse portait les traces et les cicatrices dues aux coups qu’il avait dû subir. Mon cœur se serra à leur vue. Je n’arrivais pas à accepter que durant toutes ces années il était là-bas, à vivre un cauchemar sans fin alors que les personnes qui l’avaient aimé le pensaient en paix, loin des souffrances du monde dans lequel nous vivions. . « Salut toi. » M’annonça-t-il après avoir effectué un salut militaire. J’affichai un léger sourire en imitant mon ami. « Salut soldat. » répondis-je avant de m’avancer pour le prendre dans mes bras. « Je ne suis pas émotive… mais tu m’as quand même manqué ! »
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(✰) message posté Lun 11 Jan 2016 - 14:58 par Invité
“She has that beautiful darkness but exudes a real, true light. To be dark and light at the same time is as rare as it is infectious.” ✻ Le visage de Violet se découpait dans l'ambiance morne et vaporeuse de la salle d’entraînement. Sa silhouette se mêlait aux murs, à la poussière et aux insignes flamboyantes qui entouraient le ring. Je me demandais ce qu'elle faisait ici. Comment elle était parvenue à retrouver ma trace dans une ville aussi agitée et brumeuse. Puis, je crispai la mâchoire et je me redressai. Je m'avançai dans sa direction et je serrai ma prise sur ses doigts frigorifiés. Toute mon appréhension disparue. Toutes les questions n'avaient plus d'importance. Je lui faisais confiance. Je lui avais toujours fait confiance, et cette rencontre, fortuite ou programmée par une divinité supérieure inexistante, m'importait peu tant que je pouvais la tenir dans mes bras. Mes yeux étaient fixés sur l'expression délicate de son visage. Son regard était triste et affectif, il laissait transparaître un nouvelle facette de sa personnalité. Celle de la femme brisée par la guerre. La femme qui avait porté les armes trop longtemps. Je pinçai les lèvres en tendant les bras vers ses épaules. Elle était maigre, mais sa silhouette était bien menue. C'était un adversaire redoutable sur le terrain, malgré son allure élancée et son humeur légère. Malgré ses courbes aguicheuses et sa désinvolture. Nous étions tous obnubilés par sa prestance. Je me souvenais de ses missions d'investigation et de son professionnalisme déroutant. Liberty avait l'esprit acéré et pragmatique. Elle n'avait pas peur de l'échec, elle l'embrasait avec noblesse afin d'en tirer le meilleur. Je me tournai afin de lui faire face. Ses larmes brillaient au coin de ses pommettes comme des perles de rosée, à l'aube de l'hiver. Je me rapprochai afin de les effleurer du bout des doigts, mais je m'arrêtai à mi-chemin. C'était un écart de conduite que je n'osais pas me permettre. Nos élans de complicité me semblaient si étrangers à présent. « C’est le temps. Je viens d’arriver et ça me déprime déjà. Et c’est entièrement de ta faute, qu’est-ce que tu es venu faire ici ? » Déclara-t-elle avec flegme. Je souris en hochant passivement la tête. Ma faute ? Je ne comprenais pas. Avait-elle quitté l'armée et la frénésie de la servitude afin de me retrouver à Londres ? Je plissai le front en pressant mes mains contre mon torse endolori. J'étais en tenue de combat. J'étais passionné de boxe depuis mon plus jeune âge. J'étais là pour me battre, pour retrouver mon carrure imposante et me rapprocher du souvenir d'Isaac : le fantôme que mon entourage m'imposait au quotidien. J'étais là, parce qu'une équipe de patrouille m'avait sorti de mon cachot et que les services militaires m'avaient éjecté du système. Je n'étais plus le bienvenu en tant que soldat. J'étais un paria, un laisser pour compte. Un animal enragé. Je haussai les épaules en lui adressant un regard incertain. « Je ne sais pas. » Ma voix se brisa au fond de ma gorge, ne laissant transparaître un râle inaudible dans la pièce. Je ne sais pas. Olivia s'était installée en Angleterre et je n'avais nul part ou aller. Je m'éloignai avec nonchalance afin de détailler les contours de sa silhouette. Elle m'avait manqué. Son assurance et ses manières d'être à la fois élégante et rustique, m'avaient manqué. Violet Bristow portait un nom d'héroïne. Sa famille avait longtemps servi le drapeau américain. C'était une lignée noble et vertueuse, tâchée de sang et de mélancolie. Notre héritage était si lourd à porter. Il miroitait l'illusion de la suprématie dans un monde parfait. Mais en réalité, il ne s'agit que d'un leurre. Lorsqu'on est asservi par l'ennemi. Il ne reste plus rien de nos valeurs. Nous devenons tous médiocres et futules. Je levai la tête afin de lui adresser un salut strict et bien ordonné. Mes traits étaient courroucés par la colère et la culpabilité. Je me sentais fade et inopportun. J'avais survécu sans le mériter, et je ne comprenais pas, les raisons qui avaient poussé le destin à m'épargner. Moi et pas les autres. Je déglutis en me penchant légèrement. « Salut soldat.» J’acquiesçai avec lenteur, puis je relâchai la pression. Elle fit de même et sa tête vint se déposer sur ma poitrine. « Je ne suis pas émotive… mais tu m’as quand même manqué ! » Je soufflai dans ses cheveux avant de l'étreindre tristement. Je voulais crier dans son oreille, et lui avouer, avec toute la détresse et l'angoisse qui habitaient mon cœur, à quel point je me sentais seul ici. Mon souffle vibrait entre mes lèvres gercées. Il s'épandait sur sa peau chaude comme une petite brise. Je marmonnai sans parvenir à prononcer les mots de manière intelligible ; je parlais arabe, anglais et perse en même temps. Je me perdais dans toutes mes identités. Puis, au détour d'un souvenir, je la rencontrais. « Il ne faut plus jamais retourner la-bas. Reste ici. » C'était lâche et indigne. Mais, je ne voulais plus souffrir. Je ne voulais plus revoir les visages noirs de ceux qui m'avait enchaîné pendant cinq années. Et surtout, je voulais égoïstement la garder près de moi. Parce que le monde extérieur était trop cruel, et que j'avais besoin de ma meilleure amie.
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(✰) message posté Sam 23 Jan 2016 - 22:29 par Invité
Il me détaillait, comme si lui aussi voulait s’assurer que ma présence ici était bien réelle. Il était celui qui revenait d’entre les morts, mais je m’apercevais en cet instant que pour lui, j’étais également un fantôme de son passé. Notre dernière rencontre paraissait si lointaine. Je n’arrivais plus à me souvenir de nos derniers échanges. Quels avaient été les derniers mots que nous ayons prononcés avant de nous quitter. Quelle avait été la dernière de ses taquineries. Et qui avait remporté le dernier pari que nous avions lancé. Avait-il au moins été remporté ? Je ne m’en souvenais plus. Ces souvenirs semblaient parvenir d’une autre vie. Une vie où les mots honneur et loyauté portaient une signification particulièrement forte. Où il nous suffisait de les entendre pour avancer dans le noir et ne jamais reculer face à l'adversité. Aujourd’hui, tout cela me semblait irréel. J’avais vécu cette vie, mais elle me semblait à présent si lointaine qu’il me paraissait impossible d’y revenir. Je replaçai une mèche de cheveux derrière mon oreille alors que mon regard détaillait les larges cicatrices parcourant son torse luisant par la transpiration, suite au combat qu’il venait d’achever. Relevant la tête, je vins de nouveau croiser son regard. Je ne savais pas comment je devais agir face à lui. Je voulais combler le manque que son départ avait fait dans ma vie en le prenant dans mes bras, mais je me refusais cet élan d’affection. Je ne pouvais pas arriver comme ça devant lui et tout reprendre là où l’on s’était arrêté la dernière fois. Il avait changé. Les traits de son visage étaient tirés. Il semblait fatigué. Pas seulement par ces années passées en captivité, mais aussi par son retour à la liberté. Son regard s’était adoucit depuis que nous avions commencé à parler, mais il restait étrangement sombre et inquiet, comme s’il restait constamment sur le qui-vive à guetter une menace qui pourrait survenir à chaque instant. Comme s’il tentait de garder sous silence toute sa colère et son désespoir. « Je ne sais pas. » Un faible sourire se dessina sur mes lèvres. Il ne savait pas ce qu’il faisait ici et moi je savais exactement pourquoi j’étais là. Mon sourire disparut dans l’obscurité de la salle en pensant à la véritable raison qui m’avait amenée ici. Je savais que si l’armée ne m’avait pas envoyé à Londres, je serais tout de même venue, ne serait-ce que pour quelques jours. Pour m’assurer que l’homme qu’on avait délivrés des prises des Talibans était bien mon meilleur ami. Et m’assurer qu’il était à présent en sécurité. Il leva la main près de sa tête pour effectuer un salut militaire que j’imitais presque aussitôt. Au fond c’était assez ironique. Ni lui, ni moi, ne faisions encore partie des forces de l’armée américaine et il y avait bien longtemps que je n’avais pas effectué ce geste. Doucement, je m’approchais pour venir le prendre dans mes bras. Et qu’importe si ce geste était prématuré, j’avais besoin de ce contact. J’avais besoin de sentir son souffle contre moi, d’entendre le son de sa respiration saccadée afin de me rendre compte par moi-même qu’il était bien plus qu’un fantôme. Peu importe celui qu’il était à présent. Il restait Isaac, quoi qu’il advienne. Pour moi il serait toujours Isaac, ce jeune soldat charismatique et consciencieux. Ce jeune homme attachant qui avait su me faire rire et m’émouvoir avec ses histoires. J’avais découvert plusieurs facettes de sa personnalité lorsque nous étions sur le front ou simplement au campement. Et j’avais aimais chacune d’entre elles. Peu importe que dorénavant il paraisse différent aux yeux des autres. Il avait maigrit, son regard était différent et il portait des cicatrices qui racontaient une partie de ce qu’il avait subit, mais pour moi ça ne changeait rien. J’étais prête à m’adapter à sa nouvelle personnalité. Je voulais retrouver mon meilleur ami quoi qu’il m’en coûte. Et même cette stupide mission ne pouvait changer ça. « Il ne faut plus jamais retourner la-bas. Reste ici. » Je relevai la tête vers lui d’un geste lent et mon regard vint se perdre dans le sien. Mon cœur se serra dans ma poitrine. Ne plus jamais retourner là-bas. C’était sans doute ce que je devrais moi aussi penser. Mais je faisais tout ça pour rejoindre de nouveau l’équipe d’intervention et retourner sur le front. Parce que j’étais persuadée que c’était ce dont pourquoi j’étais faite. Je n’étais pas sûre que ce soit la meilleure chose à faire, mais j’avais besoin de retrouver le respect que mes camarades avaient perdu pour moi. Peut-être que je laissais mon égo prendre le dessus sur ce qui était le mieux pour moi, mais j’avais besoin de leur prouver qu’ils s’étaient trompés à mon sujet. Que je ne n’étais pas la femme faible à laquelle ils pensaient. Je m’étais faite à l’idée de ne plus jamais ressortir mes plaques militaires et avoir à combattre, mais maintenant que l’armée refaisait appel à moi je fonçais, tête baissée sans vraiment savoir ce que je voulais réellement. Reprendre du service ou tout envoyer balader une bonne fois pour toutes ? Je reculai de quelques pas et secouai la tête. « Je ne vais pas y retourner Isaac. Je n’ai plus rien à faire là-bas. » Ma voix se brisa sur mes dernières paroles. Je ne devais pas y retourner, c’était ce dont j’essayais de me convaincre, mais c’était difficile à accepter lorsque l’on vous donne une nouvelle chance de faire ce pour quoi vous avez toujours cru être fait.
“She has that beautiful darkness but exudes a real, true light. To be dark and light at the same time is as rare as it is infectious.” ✻ Je me redressai au milieu de la salle. Mon regard traversait les parois sombres des murs sans s'accrocher aux détails. Je ne parvenais plus à me situer dans ma nouvelle routine. Je m'étais levé ce matin, le cœur gros, les bras ballants et j'avais traîné mon amertume sur les pavés humides de la ville. J'avais beaucoup marché avant de me résigner à rebrousser chemin. J'avançais de cette façon à présent, à reculons, toujours dans l'hésitation. Je chevauchais ma bécane dans les rues bruyantes afin de me mélanger à l'agitation des klaxons. Puis comme l'écorce d'un sycomore agonisant, je m'écaillais sous le vent. Je frémis en essuyant la sueur qui perlait sur mon front. Je titubais sur mes jambes avant de tendre mes bras tremblants dans le vide. Cet homme là était instable, il ne savait plus garder son équilibre. Cet homme là était mort aux yeux de la loi, il n'existait plus sur les papiers. Ma salive roula au fond de ma gorge, chargée d'amertume et du goût âpre de la solitude. Je ne sentais plus le sang dans ma bouche. Ce dernier avait fondu au contact de mes gencives. Il était devenu si habituel. Je haussai les épaules en observant Violet d'un air lointain. Elle m'avait tellement manqué, mais malgré la sensation oppressante qui naissait dans ma poitrine, malgré mes impulsions de folie et la nature de notre relation, je restai immobile face à sa silhouette élancée. Une âme brisée qui se penchait sur une autre. Deux soldats qui se jaugeaient dans le silence grisant de l'hiver, prêt à appuyer sur la gâchette pour atteindre la cible. Nous avions gardé nos réflexes de sniper. Toujours dans la retenue, aux aguets. Je pinçai les lèvres en effectuant un salut militaire précis et respectueux. Parce qu'il était plus simple de se conformer au cliché. Elle était habillée en civile mais sa prestance n'avait pas changé. Les mèches rebelles qui ornaient son visage sublimaient sa beauté sauvage. Liberty était dotée d'un esprit aiguisé. Elle savait se comporter avec flegme et diriger ses hommes, et en même temps ses mouvements exhalaient un charme déroutant. Elle était magnifique en toute circonstance. Une femme de poigne perdue au milieu d'un univers machiste et turbulent. Une femme sur laquelle on fantasmait durant les longues nuit de solitude avant de réaliser que son enveloppe aguicheuse n'était qu'un détail insignifiant. Et qu'en réalité, sa force de caractère constituait le véritable nœud de son éclat. Personne ne pouvait la réduire au désir du corps. Personne n'osait plus la considérer comme un objet sexuel lorsqu'elle affirmait être au dessus de la pensée immorale. Je haussai les épaules en souriant avec mélancolie. C'était cette image que j'avais précieusement gardé en mémoire durant ma captivité. Je soupirai en ouvrant la bouche. Je voulais m'exprimer avec plus d'aisance mais le silence dépassait ma volonté. Violet s'approche de moi. Lentement, elle me prit dans ses bras et je me laissai border par son affection soudaine. Je sentais son parfum sur mon cou. L'odeur particulière du sable chaud et des bourrasques du vent sec d'Afghanistan. Son emprunte était ponctuée de mélanges épicés et apaisants. Je remuai les épaules avant de poser mes doigts froissés sur son dos. Je grognai douloureusement avant de serrer son étreinte. Un frisson parcouru mon bras et je me penchai avec maladresse afin de l'éloigner. Je me sentais si mal. Je ne parvenais plus à supporter la proximité des personnes qui comptaient le plus à mes yeux. «Je ne vais pas y retourner Isaac. Je n’ai plus rien à faire là-bas.» J'entendais à peine ses déclarations voilées de mensonges. D'un geste mécanique je hochai la tête, puis je souris avec désinvolture. Je lui faisais confiance. Violet était entière et loyale, mais en cet instant, je sentais les vibrations de sa voix s'évanouir dans l'espace. Elle ne mentait pas. Elle se voilait simplement la face. Si l'armée se décidait à valoriser mes efforts, si elle me promettait les vestiges de ma gloire passée, je retournerais probablement au front pour achever ma destinée sur les terres empourprées d'Afghanistan. Mon père m'avait conditionné à être un soldat. Une part de moi, demeurait fidèle à cette identité. Malgré ma déception. Malgré la trahison et ma peur des talibans. C'était assez fou : le pouvoir de la vanité sur l'esprit d'un militaire.