"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici You've got a warm heart but it's disintegrating from all the medicine // Elixie ♥ 2979874845 You've got a warm heart but it's disintegrating from all the medicine // Elixie ♥ 1973890357
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You've got a warm heart but it's disintegrating from all the medicine // Elixie ♥

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() message posté Mar 6 Oct 2015 - 19:13 par Invité

“For myself I am an optimist - it does not seem to be much use to be anything else.” Je fixais les livres empilés sur le bureau. Ils étaient tous méticuleusement disposés et bellement reliés en cuir. On y traitait de maladies neuro-dégénératives, d’hérédité, de causes et de traitements. C'était exactement entre ces pages usées que se croisaient les merveilles de l'esprit et les barrières de la réalité. On ne guérit pas de Parkinson. Je pinçai les lèvres en joignant les mains sur mes cuisses. Le médecin avait une consultation urgente alors on m'avait simplement demandé d'attendre. Mon bras gauche était toujours raide depuis ma chute, mais ça n'avait pas réellement importance. J'avais gardé quelques ecchymoses sur la hanche. La douleur était supportable tant qu'elle me permettait de bouger – tant que je restais égale à moi-même. Le fait de marcher en équilibre dans un couloir était une véritable épiphanie. Je souris tristement en quittant mon siège. J'esquissai quelques pas dans la salle de consultation. Les affiches colorées et les campagnes de sensibilisation étaient un mystères pour moi. Je ne comprenais pas cet engouement vers les autres, cette dépendance à la parole et à l'échange. Probablement, parce que je n'osais pas m'engager émotionnellement auprès des autres parkinsoniens. J'avais honte de ma maladie. Je me sentais captive d'une enveloppe terne et grise. Mon esprit s'agitait entre les barreaux métalliques d'une prison de terreur, mais je n'avais pas le droit d’appeler au secours. Thomas me trouvait assez pathétique comme ça. Il me jugeait lorsque je me glissais sous ses draps. Il me méprisait lorsque je gloussais bruyamment ou que je me baladais en petite tenue dans l'appartement. Pour lui, j'étais encore une gamine ennuyeuse et puérile. J'aurais tellement voulu correspondre à ses idéaux. J'aurais dû porter une plus grande attention à ses avertissements. Mais comment aurais-je pu deviner que le destin lui-même me rejetait ? Je baissai les yeux en pressant mes semelles contre le parquet. La pièce était vide et sans odeur. L'absence de décorations et de couleurs troublait le cours de mes pensées. Je fis la moue en m'approchant de la fenêtre. Sur l'immense vitre, je pouvais apercevoir un visage fade et assombri. Il n'y avait plus de lumière. A force de côtoyer l'ombre, elle avait fini par s'infiltrer sous ma peau et dans ma chair. C'était donc ça, l'autre revers de la médaille. L'autre facette de l'amour. Je crispai la mâchoire en soupirant. Mes jambes étaient flageolantes. Elle tremblaient alors que je me détournais de mon reflet. J'avais absorbé les recommandations des médecins comme une éponge. Sans être une savante, je me retrouvais raisonnablement versé en matière de sciences médicales, de pronostics et de molécules chimiques. Mais j'avais surtout pris conscience que mon corps était usé par le temps. Il lui manquait un neurotransmetteur important, une sorte de lien entre mon cerveau et le reste de ma personnalité. J'avais besoin d'un support dont la dose idéale n'existait pas. Ma gorge se serra douloureusement. Je sentais l'amertume de la bile remonter au fond de ma bouche. Mon regard s'embauma pendant une fraction de secondes. Si tu possèdes l'âme d'une guerrière. Alors tu es une guerrière. C'était encore un mensonge. Je tressailli en m'accrochant au mur. Ma démarche ondulait parmi les autres patients, parmi tous ces visages inconnus rongés par le mal et l'incertitude. Je me mordis la lèvre inférieure en serrant ma prise autour de mon avant-bras engourdi. Parfois, il ne m'appartenait plus. Il ne faisait plus partie de moi. Ce n'était qu'un lambeau de plus que je traînais comme un poids contre ma poitrine. Les choses n'avaient pas changé depuis le début de mon traitement. J'avais beau respecter les prescriptions et les horaires fixes de prises du médicament, je continuais toujours à ressentir les mêmes effets de la maladie.  Je me dirigeai vers le hall. Je déglutis en allongeant le cou vers la salle d'attente. J'inspectai les lieux pendant un instant, puis je me rapprochai des bancs pour m’asseoir en territoire neutre. Ici, le filtre n'était pas encore passé. Nous étions juste des malades. Aucun service assigné, aucune spécialisation requise. Je serrai les cuisses en adoptant une pose noble et gracieuse. Mes doigts glissaient entre les plis de ma robe fleurie. Et encore une fois, je commençai à attendre mon tour. Je me perdais dans la contemplation des silhouettes qui s'éloignaient dans l'allée, parfois souriantes, parfois en pleurs. Les roseraies fermés se penchaient vers le sentier de petits cailloux et tout à coup, le visage d'Alexandra se découpa dans l'ambiance monotone de l’hôpital. Mon cœur vibrait sous ma poitrine, enragé dans la voie d'une nouvelle confrontation. Je venais de fuir la salle d'examen, et maintenant il fallait que je la fuis elle aussi. Je me relevai en pressant mes paumes tremblantes contres mon bassin, mais mon esprit vacilla une nouvelle fois. J'étais étourdie par le moindre mouvement. Je pris une profonde inspiration avant de me laisser tomber sur mon siège. Baisse de la pression artérielle, encore un truc sympa pour rythmer mes journées. Je la fixais avec férocité sans essayer de la juger, sans essayer de l'apprécier ou de la comprendre. Je commettais toujours les mêmes erreurs. Je me conformais aux même schémas. Et pourtant, elle était la seule à remarquer mon malaise. Elle était la seule a accourir en ma direction alors que je fermais passivement les yeux. Ses doigts agrippèrent mes épaules comme les griffes d'un vautour affamé. Je plissai le front en essayant de résister à la défaite, en essayant de me battre pour Thomas. Parce c'était de cela qu'il s'agissait. De l'affection de mon grand frère. « Ne me touches pas ... » Sifflai-je en m'agitant sous sa prise. « S'il te plaît... Ne me touches pas ... » Ma voix n'était qu'un soupir rauque et inharmonieux, mais j'étais parfaitement lucide. Je ne voulais pas de sa sollicitude ou de sa gentillesse. Je refusais qu'elle me contraigne à devenir son amie. Ce n'était pas envisageable. Ce n'était pas juste.   
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() message posté Mar 13 Oct 2015 - 1:46 par Invité
Je tournai les talons et m’éloignai de l’accueil pour me diriger vers le distributeur de boissons dans le coin de la salle. Je devais attendre les résultats de mes derniers examens. Mon néphrologue ne me recevrait pas sans. Ils ne devraient pas tarder. Ils ne devaient jamais tarder, selon eux, mais je n’étais malheureusement pas la seule à devoir patienter et j’avais appris à ne plus m’en agacer. J’avais appris de nombreuses choses. Je me penchai en avant pour récupérer mon thé vert et allai pousser d’un coup d’épaule la porte battante menant vers les escaliers de secours à l’extérieur. Je frissonnai sur l’instant et raffermis la prise de mes doigts autour du gobelet chaud et fumant. Un vent de glace semblait lancer ses rafales le long de la jetée alors que je me penchais en avant pour apercevoir le parking sous mes pieds. Je me redressai et le regardai s’engouffrer également entre les branches et les feuillages des arbres orangés. Je ressentais déjà l’austérité des jours d’automne, l’âpreté des matins de novembre alors que le mois d’octobre débutait seulement. Je savais que ce n’était qu’un symptôme de ma part, un de plus : il ne faisait pas si froid que cela, le fond de l’air était doux et agréable. Mais mes extrémités restaient engourdies, en permanence, et la sensation se propageait le long de mes membres. Je ramenai, de ma main libre, mes cheveux autour de mon cou, les laissant recouvrir mes omoplates et me retournai vers la porte vitrée donnant sur l’intérieur, avant de m’appuyer contre la rambarde. Je balayais du regard les visages qui habillaient la salle d’attente et me surprenais à désirer que cela ne soit plus le cas, que cette manie d’apercevoir en tout lieux des gens usés quand ils ne l’étaient peut-être pas me quitte. Je me surprenais à vouloir être capable de voir les choses autrement, les gens autrement, de ne plus imaginer les moindres failles derrière les plus solides des carapaces. J’avais cessé de composer, en vain et dans chaque visage, des étincelles de poésie qui n’existaient pas, de l’enthousiasme dans leurs gestes, des idéaux dans leurs murmures. Sans doute en étaient-ils dotés. Sûrement, même, mais pas ici. Les salles d’attente de l’hôpital se chargeaient de les éteindre sitôt que l’on poussait leurs portes. Ici, les gens passaient outre, pressés, marchaient avec lassitude ou couraient avec empressement, mal assurés, les yeux vidés par les soucis. Les salles d’attente se chargeaient de nous envelopper de leur chimie quotidienne, de nous emprisonner dans l’artificialité conjuguée des poudres et des liquides, nous bloquer dans ce revers de la réalité, inquiétante, lassante, métallique, froidement technique et inhumaine. Le personnel médical n’y pouvait rien, lui aussi s’y retrouvait piégé. Je me redressai pour les rejoindre, mais plissai les yeux en arrêtant ma tasse à quelques millimètres de mes lèvres en apercevant le visage d’Elsa, pâle et délicat, encadré de mèches blondes et aériennes, dans le fond de la salle.
J’appuyai sur le loquet de la porte et retrouvai l’atmosphère lourde et artificielle du hall alors que le bruit des battants fit relever le menton d’Elsa dans ma direction. Je croisai son regard une seconde. Sans un geste, sans un signe, elle le détourna aussitôt, faisant mine de ne pas me reconnaître. Je ne cillai pas et m’appuyai à mon tour contre le mur face à elle. Elle m’en voulait. Elle m’en avait voulu dès notre première rencontre. Elle m’en voulait très certainement avant même de m’avoir connue, avant même d’avoir pu poser mes traits sur mon prénom. J’avais pu de nouveau m’en rendre compte sur l’instant : son regard où s’était reflété la surprise et la crispation. Un regard décontenancé, oscillant entre la colère et l’éreintement. Le regard de celui qui croisait l’un de ses pires ennemis. Je n’avais pas spécialement envie de faire des efforts. Ce n’était pas le lieu, ce dernier était déjà suffisamment saturé d’angoisse et d’ennui. Mon seul tord était d’avoir hébergé Thomas lorsqu’elle le voulait près d’elle. Cela avait suffi pour faire de moi une hostile, pour transformer chacune de nos rencontres en véritables confrontations. Je ne cherchais pas à avoir le dernier mot, je pouvais bien le lui laisser. Je l’aperçus du coin de l’œil se redresser, puis se laisser à nouveau glisser sur sa chaise, tanguant sur ses jambes frêles. Son teint devint livide et ses paupières papillonnèrent pour rester entrouvertes. Le hall était comble et personne ne semblait s’en apercevoir. Je me mordis l’intérieur de la joue en me décalant du mur et en avançant dans sa direction avec attention. Ce principe de la responsabilité partagée ne m’étonnait plus mais ne cessait de me décevoir, plus les individus étaient nombreux, moins étaient-ils enclin à aider autrui. Y compris cette jeune femme qui semblait si fragile sur l’instant qu’elle en paraissait nettement plus jeune que moi, ses traits enfantins et délicats tirés par le malaise qui la saisissait. Je m’accroupis doucement face à elle en posant mon gobelet sur la chaise inoccupée à ses côtés et redressai avec précaution ses épaules affaissées. « Ne me touches pas ... » souffla-t-elle à voix basse, sa voix enrouée par l’émotion, maîtrisant l’élan de son corps qui souhaitait se défaire, se débattre, l’empêchant ainsi d’en dire plus sur son malaise, l’empêchant de trahir son émoi. « S'il te plaît ... Ne me touches pas ... » Je soupirai légèrement en relevant mes paumes vers le haut pour lui indiquer que j’étais prête à l’écouter. J’aurais pu tenter de ne retenir que la douceur de sa voix mais je respectai la violence qu’elle tentait de mettre volontairement dans ses propos. « Je crois que tu as besoin de respirer. » lui indiquai-je simplement en reposant mes mains sur mes cuisses fléchies. « Tu peux aller dehors ? Je t’aide, si tu me laisses faire. » J’inclinai le visage en arquant un sourcil pour attirer le regard qu’elle refusait de m’accorder. J’inspirai en plissant les yeux, tentant de ne pas laisser mon entêtement et ma fierté prendre le pas sur ma détermination à vouloir l’aider. « Je partirai ensuite. » affirmai-je sans grand mal. Elle me repoussait et je comprenais pourquoi, elle ne voulait pas de mon aide pour ne pas avoir à me remercier, pour ne pas avoir à m’être redevable. Je ne pouvais m’empêcher de m’interroger sur le mal qui semblait prendre possession de son être. Mais j’en aurais sûrement été incapable, personne ne pouvait imaginer une douleur, spécialement en ces lieux.
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() message posté Sam 30 Jan 2016 - 0:07 par Invité

“For myself I am an optimist - it does not seem to be much use to be anything else.” Mes paupières avaient fini par succomber à la fatigue. J'agitai les bras d'un geste fébrile avant de m'abandonner aux souffles du vent qui grisaient mon âme engourdie. Je comptais secrètement les secondes qui se consumaient comme feu, flamme et cendre au bout de mes doigts. Thomas n'était pas là. Voilà la seule pensée qui m'affligeait réellement. Je ne savais pas si j'étais reconnaissante car je lui épargnais un spectacle aussi ennuyeux ou si au contraire, je me sentais nostalgique de sa présence à mes côtés. Je gémis en me tortillant sur mon siège. J'entendais mon pouls résonner au creux de ma boîte crânienne comme une mélodie baisée par l'émotion. Je n'étais pas assez forte pour me relever seule. Je n'avais pas non plus le courage de me redresser et de quitter l'atmosphère morose de la salle d'attente. Mon optimisme s'était lassé de moi. Il s'était transformé en chimère après avoir emprunté son ardeur à mon cœur. Et ce dernier s'acharnait de manière effrénée contre les battants de ma poitrine. Il s'essoufflait afin de retrouver les vestiges de mon étincelle. Je pinçai les lèvres, puis accablée par la douleur je finis par éteindre la lumière. Je choisissais de fermer les yeux pour ignorer les mouvements disgracieux des silhouettes malades tout autour de moi. Mes souvenirs oscillaient dans ma mémoire, tanguant entre l'abîme et son contraire. Me contraignant à être à la fois l'enfant et la jeune femme. Un léger parfum flottait dans l'air et en me retournant, je sentis ses fragrances boisées emplir mes narines. Un mélange délicat de fleurs sauvages et de patchouli qui se joignait à la symphonie furibonde qui surplombait mon esprit. Cette odeur apaisante était celle d'Alexandra. Je le devinais sans la regarder. Je l'appréciais sans oser l'accepter. C'était si injuste. Je demeurais plongée dans mon apathie. Certes ses intentions étaient excellentes et sincères. Certes c'était un être merveilleux et supérieur à tous les autres. Mais elle aurait mieux fait de me laisser périr au lieu de me tendre une main bienveillante. Car ses gestes ne faisaient que me rappeler à quel point la mienne était instable et douloureuse. Ma foutue main n'était pas bienveillante ou conciliante. Ce n'était qu'un cordon d'os et de chair qui m'attirait vers le bas. Je tressaillis en plissant le front. Les symptômes de mon Parkinson avaient tout à coup changé. Je me sentais fébrile et nauséeuse. Je me cramponnais sans le vouloir aux rebords du banc mais mon corps m'échappait à nouveau, brisé, rompu par la violence de mes frissons. Je me mordis le bout de la langue en concentrant ma vision sur l'espace cruellement incolore. Ma gorge se nouait lorsque je tentais de déglutir, faisant obstacle à cette apparence de princesse déchue à laquelle je tenais tant. La bave perlait au coin de ma bouche et je me débattis pour sortir un mouchoir de mon sac sans parvenir à me contrôler. Je baissai la tête, attristée par mon incapacité à me conformer aux formes alambiquées du moule dans lequel j'avais été crée. A cet instant, je n'étais plus Elsa. Je n'étais même plus Elizabeth.J'étais seulement une patiente. Mes yeux se perdaient entre les parois sinistres de l’hôpital et à chaque fois que je battais des cils, les contours de la pièce s'amplifiaient dans un bruit assourdissant. Je ne comprenais plus rien. « Je crois que tu as besoin de respirer. » Je m'agitai faiblement en la fixant. Alexandra était encore là, je reconnaissais le timbre si particulier de sa voix chaude et réconfortante. Je me plaisais à croire qu'elle m'adressait ses mots comme une prière, comme une façon poétique de me guider vers le droit chemin. Je gloussai en hoquetant puis je m'éloignai de sa silhouette flétrie. Si elle était ici, c'est qu'elle était malade elle aussi. C'est que sa chute était imminente mais que la mienne la précédait de quelques millièmes d'éternités. Alors pourquoi me sauver maintenant ? Pour allonger ma sentence ou se prouver qu'elle était au dessus de mes ressentiments ? « Tu peux aller dehors ? Je t’aide, si tu me laisses faire. » Elle inclina la tête et je croisai enfin ses prunelles ambrées. De l'épine pousse la rose et de la rose pousse l'épine à nouveau. Je souris en détaillant les courbures de son visage parfait. Sa chevelure dorée retombait sur ses épaules comme les pétales d'une fleur qui s'effeuillait gracieusement. Puis soudain, son cou se transforma en tige. Ses lèvres étaient des stigmates jaunes qui s'inclinaient vers ma peau suintante afin d'effleurer les perles rosées que j'étais prête à lui offrir. «  Je partirai ensuite.  » Je haussai les épaules en tendant mes doigts tremblants vers sa frange. Je la touchais avec retenue, en caressait à peine ses mèches colorées. Je ne voulais pas lui faire de mal. Ma mère m'avait appris à ne jamais faire de mal au jolies fleurs d'hiver. Je soupirai en prenant appui sur son profil et je parvins difficilement à me lever. Je ne parlais pas. Je me laissais porter par les mélodies qui avaient bercé mon enfance à Glastonbury. Je me souvenais de l'herbe fraîche qui grésillait sous mes pieds, des épis de blé qui s'accrochaient au pans de mes robes comme pour me retenir dans mon illusion de bonheur. Et de Tom. Il était debout sur le perron de la maison, le visage tourné vers une divinité inconnue, priant pour que son savoir suprême l'emporte le plus loin possible. Je secouai la tête en titubant vers la sortie puis j'enfonçais mes ongles dans la veste d'Alexandra. « Pourquoi tu es un coquelicot ? » Murmurai-je en retrouvant l'éclat de ses pétales. Le symbole du repos et de la consolation, quelle bonne blague ! Un frisson de dégoût parcouru mon échine alors que je réalisais l'ampleur de mes propos. Je voyais réellement Alexandra comme une fleur. L'angoisse prit possession de mon corps et je trébuchai. Je la suppliais sans prononcer le moindre mot. Je lui demandais de m'expliquer, non pas la signification de ma vision, mais l'origine de mes hallucinations. « Ne le dit pas à Tom s'il te plaît. Je … Je vois des choses … J'entendais des voix … » M'enquis-je en m'éloignant de son étreinte. Je fixai les alentours d'un air troublé. Toutes les personnes s'étaient transformées en un champ d'été. Elles bougeaient et parlaient comme des fleurs. Elles brillaient si fort dans l'obscurité qui se déchiraient derrière mes paupières fatiguées.Je reniflai sans retenir mon émotion. Que se passait-il exactement ? Les effets secondaires n'étaient pas supposés être aussi vrais.  
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() message posté Mer 2 Mar 2016 - 1:54 par Invité
Je me moquais de toutes ces choses. Je fermais des yeux désabusés sur ces lieux fermés et hostiles, les couloirs austères, les infirmières débordées, les blouses blanches indifférentes, et les malades anonymes. J’y rentrais pour mieux me hâter à en sortir, je ne m’attardais pas pour ne pas qu’on puisse m’y retenir, j’esquivais pour ne pas en devenir imprégnée. Je savais qu’il était déjà trop tard, mais je n’avais déjà plus d’autre choix, plus d’autre refuge que celui-ci, illusoire et dépassé, mais nécessaire. Je me heurtais quelques fois, plus souvent que je ne l’aurais désiré, à cette lueur de compassion dans le regard, ce sourire bienveillant et cette poignée de main supposée nous insuffler la force nécessaire pour ne pas perdre totalement espoir. Je détournais le regard car cela n’était pas ce que je voulais voir, car je n’avais pas la force nécessaire pour introduire ces reliefs dans ce schéma construit avec attention, ce schéma qui excluait tout ce qui était susceptible de l’altérer, de le rendre moins dur, précis. Moins cynique et définitif. Comment en étais-je alors arrivée à devenir ce relief ? Devenir cet aspect que je fuyais, à devenir cette main attentive sur l’épaule d’Elsa ? Cela faisait deux fois, à présent. Deux fois que ma désinvolture et ma distance étaient réduites au silence en sa présence et que je m’approchais d’elle pour la retenir. Son expression ne me surprenait pas, elle était la même que lors de nos précédentes rencontres, l’amertume aux lèvres, l’air de défaite dans ses prunelles argentées et le rejet, presque organique, de ma peau contre la sienne. Elle, au moins, ne changeait pas. Je me mordis l’intérieur de la joue alors qu’elle s’appuyait finalement sur mon bras pour s’aventurer à quelques pas. Ma fistule était irritée et sensible, et les médecins n’y pouvaient plus rien. Je refusais les interventions pour la substituer, et je n’avais guère d’autres choix à présent que de supporter en silence. Ses mains se crispaient autour de la prise que je lui offrais et je poussai finalement la porte battante pour regagner l’extérieur. Ses doigts s’agitaient, tentant d’échapper à une force invisible qui ne lui laissait aucun répit. Je captais sa stridence avec une violence moindre, remontant mon regard dans le sien humide pour ne pas l’embarrasser. Les maux me sautaient aux yeux et je m’acharnais à les clore, méprisant cette tentation d’accorder une cristallisation pathologique à l’expression des douleurs que je percevais autour de moi, quotidiennement. Je connaissais leur tendance à se raviver dans le regard d’autrui, à puiser leurs forces dans les faiblesses affichées et visibles, communiquant ainsi le langage de notre fragilité auprès des plus parfaits des inconnus. Je les savais incorporées à nos vies, je les supportais comme ces compagnes indésirables mais non dites, inexprimables. Celles d’Elsa prenaient possession de ses membres et transformaient l’entièreté de son corps en un aveu ostensible. Je me mordis l’intérieur de la joue alors qu’elle appuyait sa prise sur l’avant de mon bras, ses ongles éraflant ma peau à quelques millimètres de ma fistule mutilée. « Pourquoi tu es un coquelicot ? » souffla-t-elle avec faiblesse et je fronçai les sourcils sans m’en apercevoir. Le silence fut le seul à accueillir ses propos et son teint déjà opalin devint transparent sous mon regard impassible. Son interrogation tintait à mes oreilles mais je n’étais pas certaine de la signification que je devais lui apporter. Je n’étais pas certaine qu’elle ait voulu me dire quoique ce soit de particulier, son regard semblait me supplier de ne pas y prêter attention, de ne pas la juger. Ce n’était pas moi qui aurait souhaité ne pas avoir à l’entendre, mais mon égoïsme. Le coquelicot se dessinait dans mon esprit fatigué et je m’avançai finalement jusqu’à la rambarde la plus proche pour lui permettre un appui. Je me doutais de sa propension à m’associer plus à leur marque noire en leur centre qu’à ses tendres pétales fragiles et apaisantes. Ces fleurs rouges fleurissaient les champs de bataille pour honorer ses pertes et je ne pouvais m’empêcher de trouver cela ironique. J’étais le champ de bataille. Et rien ne naissait en moi après les sinistres, je restais stérile et aride.
« Ne le dit pas à Tom s'il te plaît. Je … Je vois des choses … J'entendais des voix … » Elle s’arracha à mon appui et je la regardai tanguer un instant, concentrée. Elle ne savait donc pas. Elle ignorait que Thomas et moi ne nous parlions plus depuis plusieurs semaines et encore une fois, pourquoi l’aurait-elle su ? Sa demande était sans doute justifiée mais elle usait de ses forces pour rien. Je n’étais pas du genre à dire quoique ce soit, encore moins lorsque cela ne me concernait pas, encore moins si cela signifiait devoir reprendre contact avec Thomas. Je croisai finalement mes bras contre ma poitrine et inclinai la tête, l’observant avec précaution. Le vent soufflait dans mon esprit et ébranlait mes réflexions. Je savais que j’étais maintenant supposée dire quelque chose, mais qu’étais-je censée faire pour apaiser ses tourments lorsque ma seule tactique avait toujours été de provoquer les miens ? « C’est la première fois ? » finis-je par demander en plissant les yeux Je m’adossai lentement contre la rambarde et marquai une pause avant de laisser échapper : « Je sens des choses. » Je dégageai mes cheveux d’une main distraite et m’éclaircit la voix, embarrassée. « Ou plutôt, tout a la même odeur, même ce qui n’en a pas à l’origine. » précisai-je en fronçant les sourcils, redressant les épaules pour imposer une contenance que mes propos atténuaient. Ce que je connaissais, ce que j’aimais, ce que je mangeais et touchais, chairs, étoffes, air et souffles se cachaient désormais dans cette odeur, transformés en flammes auxquelles succédaient les cendres. Cette odeur que je n’étais pas capable de décrire, dont je n’étais pas capable de me souvenir lorsque je le désirais car rien ne la rappelait mais que je n’oublierais tout de même jamais. Elle brûlait mes narines et asséchait mes poumons. C’était une odeur de monde qui asservissait ce qui y naissait, une odeur d’étoiles éteintes. C’était sûrement la mienne, uniquement. Je ne savais pas si elle souffrait de ce symptôme également, je ne savais pas si les effets dont nous souffrions toutes les deux étaient capables de se réunir sur un point. Mais elle n’était pas la seule à subir l’altération de certains de ses sens et j’espérais que cela puisse la rassurer, en un sens, je craignais que le chaos et nos divagations ne soient devenus notre propre normalité. « J’ai refusé de les croire sur parole pendant longtemps, mais je crois que c’est censé nous épargner d’autres symptômes plus agressifs. » continuai-je en haussant les épaules, comme s'il s'agissait d'une plaisanterie qui ne m'arrachait aucun sourire, comme si je ne faisais que reprendre les mots du corps médical sans leur accorder grand crédit. Nous étions en droit d’en douter après tout, mais je les avais mis à l’épreuve suffisamment de fois pour savoir que ce n’était pas que des mensonges. J’autorisai à un sourire vague de se dessiner sur mes lèvres. Je voulais la rassurer, je l’avais voulu bien avant de la rencontrer, dès les premières paroles de Thomas pour la décrire, peut-être même en l’ayant aperçue jeune et innocente sur cette photo jaunie à Glastonbury. Je ne me l’expliquais pas et je ne cherchais pas à le faire, à vrai dire. Je me préparais à m’éloigner au moindre moment, certaine de ne pas avoir envie de supporter une autre de ses remarques blessées. « Ceci étant dit, un coquelicot, je m’en sors bien. » Mes yeux étaient plissés et je devinais mon sourire étrange, contrastant avec mon expression fatiguée, essayant de dire que tout allait bien, tout irait bien, lorsqu’il allait de soi que tout n’allait pas bien. Son visage fatigué se confrontait au mien, sans animosité, mais sans grand espoir, retranché dans un lieu inaccessible que je ne pouvais percevoir.
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() message posté Lun 4 Avr 2016 - 18:08 par Invité

“For myself I am an optimist - it does not seem to be much use to be anything else.” D'un geste calme et adroit, je saisissais les reliefs nuageux de la pièce. Je courrais entre les ondoiements d'une lumière qui devenait toujours plus claire, plus vive. Je me rapprochais de l'extrême limite. Celle de l'esprit. De la lucidité. Tous les visages se mélangeaient dans le hall de l’hôpital. Les vieillards, les jeunes, les enfants et toutes les autres figurines joyeuses et tristes, ordonnées et pataudes, libres et emprisonnées. Ils devenaient tous identiques. Ils prenaient la forme de leurs contraires. Comme moi. Parce que j'étais le cœur juvénile piégé dans une enveloppe malade. J'avais vingt six ans et j'en avais déjà quatre vingt. Je chancelais entre les murs. Mon esprit dansait en suivant les fluctuations mélodieuses d'un instrument magique. Je le voyais la-bas, perché sur l'estrade, entouré par l'orchestre animal. Les oiseaux déployaient leurs ailes entre les cordes. Les prédateurs pressaient les touches des claviers. Je m'exaltais. Je valsais. Nous étions là. On jouait ensemble. On s'affrontait. On convergeait vers la pointe lumineuse de l'éternité. Les fleurs avaient éclot dans mes prunelles. Les pétales tombaient sur mes joues comme les larmes retenues, l'embrassement oublié de mon histoire. Devenir amies et ennemies. Poser la main sur l'épaule et enfoncer les ongles dans la chair. Pendant un moment, je vivais au milieu de cette agitation. J'entourais la silhouette d'Alexandra dans une étreinte biaisée. Parce que j'avais besoin d'elle et que je la rejetais. Parce que j'avais envie de l'embrasser et de vomir. L'alliance n'était jamais conclue. Bien au contraire, elle se multipliait au fur et à mesure de nos rencontres. Oui, c'est la deuxième fois. Pas la dernière. Elle le savait. Son élan de compassion n'était pas guidé par son altruisme ou ses penchants salutaires envers une créature faible et malade. Elle était là parce qu'elle en avait envie. Parce que le fond de la crevasse était lumineux, elle l'éclairait en secouant les dorures de sa chevelure soyeuse. Elle éclairait l'obscurité dont elle était créatrice. Sa volupté se noyait dans sa bouche, dans la saveur désillusionnée de ces répliques pompeuses qu'elle crachait à la face du monde. Je n'étais pas Thomas. Je ne comprenais pas les mots compliqués et leurs configurations intelligentes. Je n'étais pas spécialement intéressante. Mais je reconnaissais l'étincelle au creux de ses yeux cristallisés. Alexandra était souffrante mais elle n'était pas morte. Et ça faisait toute la différence. Je m'accrochais aux pans de ses vêtements. Je ne distinguais plus les couleurs, je voulais simplement attraper quelque chose. Quelqu'un. Parkinson. Il s'agissait réellement d'un drame, fourmillant dans mes veines, plongeant mon âme dans un état de semi éveil. Je gardais les mêmes expressions. Les mêmes réflexes. Puis je suffoquais dans un sourire. Je chutais bien avant ma tension. Je défiais les liquides qui coulaient dans mes artères et la sensation de vide qui tordait mes entrailles. Alexandra me transportait avec douceur, elle marchait à mes côtés vers le cortège funeste. Elle allongeait mon cadavre contre la rambarde en croyant me donnant un appui, mais elle ne faisait que braquer l'acier dans mon dos. Elle ne faisait que me rappeler à quel point les objets étaient immobiles, stables. A quel point j'étais versatile, tremblante. Elle représentait un coquelicot sauvage, pas le point noir mais la ligne rouge qui éclatait dans un champ broussailleux. Elle se distinguait des autres fleurs. Elle n'avait pas besoin d'attentions particulières, de caresses matinales et de souffles amoureux. Le soleil suffisait à nourrir sa tige. La pluie lui construisait une rivière pour s'abreuver. Thomas aimait toutes ces choses. La rigidité, le manque, les flux archaïques de la vase en profondeur. Elle était sa préférence à lui. «C’est la première fois ?» J'émergeais lentement. Je sentais la distance lacunaire de nos âmes se développer sous les ailes du vent. Je n'avais pas peur. Je regardais ses mèches flotter, barrer son visage maigre et lointain. Je tendais mon esprit, à défaut de pouvoir bouger les doigts, puis je la touchais. J'ébranlais sa conscience chimérique. Peut-être que c'est la première fois. Je n'en sais rien. La science avait perturbé mes symptômes à l'aide d'un procédé artificiel. La médecine mentait lorsqu'elle promettait de nous guérir de ces maux invisibles qui écorchaient nos gorges ouvertes. Bleu. Rose. Jaune. Rouge. Les points se succédaient dans une forme rectiligne. Je construisait un arc-en-ciel pour tous les cœurs condamnés. Le sien, avant le mien. « Je sens des choses. Ou plutôt, tout a la même odeur, même ce qui n’en a pas à l’origine. » Elle semblait si proche. L'étoffe de sa voix dévoilait de nouvelles tensions, des situations éternellement inédites. Il fallait toujours découvrir l'étoile éteinte. Il fallait toujours rencontrer Alexandra. Je pinçai les lèvres en croisant mon coude. Je sentais les vibrations de mes os qui se correspondaient dans leurs extrémités. Mes articulations se combattaient, se faisaient la cour et s'écrasaient les unes sur les autres. Le spasme était musculaire mais il prenait naissance à la racine, dans mon cerveau, entre les terminaisons nerveuses et les synapses électrisés. Le système nerveux contrôlait l'odorat. Et bientôt, toutes les fragrances deviendraient insipides, atténuées, inexistences. Je ne savais pas ce qui était le pire ; la nullité ou la répétition. Le sens zéro ou la saveur égale.«J’ai refusé de les croire sur parole pendant longtemps, mais je crois que c’est censé nous épargner d’autres symptômes plus agressifs.» Comme quoi ? Les pertes d'équilibre ? Les hallucinations ? Je déglutis en reprenant mon souffle. La vague euphorique était passée. La douleur était partie, mais le sentiment creux, le vide assourdissant, ils étaient marqués sur mon front.« On ne m'a fait aucune promesse. Ils veulent juste améliorer ma qualité de vie. Pari réussi. » Murmurai-je en lui adressant un sourire crispé. Je n'étais pas amusée. Je lui faisais face, comme une femme, comme une patiente. Thomas n'était pas là pour juger mon hostilité. Thomas n'était plus là. Je l'avais déjà perdu. Il n'y avait plus que des clichés ternes dans ma mémoire, des photographies volées au destin. Il regrettait peut-être de m'avoir aimé de façon hybride. Il aurait préféré ne pas m'aimer du tout. «Ceci étant dit, un coquelicot, je m’en sors bien.» Je haussai les épaules d'un air espiègle. Elle devait déjà contenir un millier d'explications poétiques pour justifier ma vision. Elle pensait que je l'imaginais en troll répugnant, dégoulinant d'un magma verdâtre et putride. C'était vrai. Je l'avais fait pendant les premiers jours. Je l'avais dissocié de la beauté majestueuse qu'elle exhalait dans l'espace. Je l'avais renié par facilité. «Te sens pas flattée. C'est une jolie fleur, pas ma préférée. » Elle n'avait pas répondu à ma requête. Elle n'avait pas mentionné le prénom de Thomas. Pourtant, je lui faisais confiance. Notre accord était tacite, imposé par les bourrasques du vent qui s'étalaient au dessus de nos têtes pointues. « Je ne te déteste pas, tu sais. J'aimerais beaucoup. Mais ce n'est pas le cas. C'est un défaut de fabrication. Je n'y arrive pas. » Articulai-je en serrant ma prise sur la lanière de mon sac. Je n'étais pas gênée par cette confession. Elle faisait désormais partie des seuls entités véritables de mon quotidien. Les meubles changeaient. Les bruits s'amplifiaient. Mais les sentiments étaient immuables. La haine était une émotion que je me réservais. En réalité, je me détestais plus que tous les autres.
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Anonymous
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() message posté Ven 1 Juil 2016 - 0:32 par Invité
Il était facile de s’alanguir dans l’espace engorgé des salles d’attente, halls d’hôpitaux saturés et bourbeux dans lesquels je m’étais oubliée plus d’une fois, recluse derrière mon nom qui ne voulait plus rien signifier et que l’on finissait par héler au travers de la pièce pour annoncer mon tour au milieu des autres symptômes évidents ou dissimulés. Les paupières d’Elsa papillonnaient dans l’atmosphère transie car elles manquaient de possibilités, car il n’y avait que cela à faire, car nous finissions tous par nous effondrer un jour ou l’autre sous des yeux habitués et qu’elle avait été désignée cette fois-ci pour supporter ce fardeau. A l’extérieur, nous pouvions décider de nouveau, ou en avoir l’impression. A l’extérieur, le vent écorchait nos peaux tirées, coupant comme l’acier, et nous maintenait éveillés. Le rose montait à ses joues et je m’en soulageais car c’était tout ce que j’étais capable de lui offrir : ce soleil anémié que nous étions condamnées à fuir pour quelques soins mais qui se chargeait en attendant d’exhaler dans l’air quelques fugitifs effluves d’orange ou de thym, transcendance imprévisible des émanations médicamenteuses et aseptiques qui imprégnaient le bâtiment. Elsa était différente. Ses faiblesses la trahissaient et plaquaient sous mes yeux trop inquisiteurs ce que je savais déjà. Elle était malade et désarmée. Mais elle se tenait plus droite également, et refusait de détourner son regard puisque Thomas n’était plus là cette fois-ci pour l’accaparer entièrement. Je retenais des sourires qu’elle n’aurait pas su interpréter à leur juste façon puisqu’ils avaient l’habitude de passer comme étant flegmatiques ou impudents. Ils ne l’étaient pas cette fois-ci, seulement amusés, contentés sûrement. Elle ne m’accordait pas son amusement ni ses faux-semblants. Il n’était plus question de minauder ou de m’attaquer. Elle se forçait à se mouvoir lentement, à s’exprimer sans manifester aucune hâte. Je savais qu’elle retenait ses tremblements ainsi mais il ne s’agissait pas que de cela. Nous n’étions que deux aujourd’hui et la hâte n’avait plus sa place car les émotions en découlaient et leur catalyseur était désormais absent. Elsa semblait volontaire à les laisser de côté car elles avaient cette tendance à trahir l’empire des passions et que seule la raison devait régner puisqu’elle ne désirait pas me donner l’autorisation de m’attarder, de me soucier, de me lier à quoique ce soit. Nous ne nous devions rien et cela devait rester ainsi. Je trouvais cela amusant car je pouvais raisonner de la même sorte et qu’elle n’en avait pas l’idée. Quelque chose la retenait, elle avait été trop effarouchée par le souvenir de blessures que je ne lui avais pas infligées, que je ne pouvais sans doute pas effleurer et je n’en avais pas envie. Elles lui appartenaient. Je ne désirais rien lui prendre. Je désirais seulement le lui faire comprendre. « On ne m'a fait aucune promesse. Ils veulent juste améliorer ma qualité de vie. Pari réussi. » Son sourire amer et bilieux vint défier mon regard parce qu’elle ne le voulait pas mais qu’elle ne me demandait pas de partir non plus. Elle allait défaillir et je l’avais empêchée de lutter car je n’avais pas pu la première fois. « C’est souvent eux qui gagnent. » confirmai-je en haussant les épaules. Je refusais encore de m’y habituer totalement mais elle avait raison. Les corps médicaux récitaient mécaniquement leurs discours et leurs promesses résonnaient de plus en plus avec cette ostensible absence de conviction qui rejoignait enfin la mienne. Je fronçai les sourcils mais les crispations des frêles membres d’Elsa continuaient d’occuper l’espace entre nous. Elle devait sans doute faire un choix. Laisser le goût des choses se perdre avec monotonie au fil des maux jusqu’à ne plus devenir qu’une léthargie faite de douleurs et de chutes, ou accepter la folie grave qui venait de l’effrayer, comblée de soupirs sporadiques et de visions extatiques.
Je n’avais pas eu de confirmation des maux dont elle souffrait et, étrangement, il ne me semblait pas en avoir besoin. Elle était jeune et pâle, elle se battait et s’épuisait, ses yeux marquaient sa détermination et sa fougue entraînante mais son corps ne suivait pas. Je lui ressemblais peut-être. « Te sens pas flattée. C'est une jolie fleur, pas ma préférée. » Elle retrouvait des couleurs. Et une répartie qui m’arracha un sourire et un haussement de sourcils. Elle reprenait aussitôt ce qu’elle venait de donner car ce don lui avait été arraché, forcé dans un moment d’égarement auquel je n’avais pas été supposée assister. Je pouvais accepter cela. Je redressais les épaules mais je n’étais pas susceptible et la raison était simple. Je ne pleure pas avant d’avoir mal, tu sais. Le contexte était différent mais les enjeux semblaient être les mêmes car Thomas ne quittait pas son esprit et qu’elle ne m’accordait aucune chance. Je refusais que les faiblesses physiques m’aident à juger un caractère mais j’en voyais d’autres, bien plus profondes. D’autres qui faisaient perdre au reste tout pouvoir autoritaire et qui la rendaient touchante, elle ne l’aurait pas aimé, intrigante mais compréhensible à la fois. « Je ne te déteste pas, tu sais. J'aimerais beaucoup. Mais ce n'est pas le cas. C'est un défaut de fabrication. Je n'y arrive pas. » Je plissai les yeux, impassible une seconde, et emmêlai mes cheveux d’un geste de main distrait. Il ne s’agissait plus d’insinuation ou d’allusions convenues. Il n’y avait pas eu de raisons d’imaginer qu’elle me déteste puisqu’elle n’avait jamais formulé les mots mais que ses attitudes s’exprimaient pour elle, à découvert. Mais ce n’était plus le cas et elle s’accrochait à son sac comme pour ne pas reprendre ses mots. Sa fierté se lisait dans ses yeux bruns, elle paraissait toujours encline à imposer sa beauté comme si nous n’étions pas capables de nous en apercevoir de nous-mêmes. « Oh, je ne te déteste pas non plus. » rétorquai-je d’un air sérieux mais l’espièglerie teintait les émanations de ma voix. Elle pouvait gérer cette révélation comme je le faisais de la sienne : elles n’avaient pas réellement de sens. Les raisons de ses rancœurs à mon encontre me paraissaient floues et sombres. Je les avais respectées lors de nos premières rencontres car je l’avais vue souffrir des circonstances. Mais mon détachement reprenait le dessus puisqu’il n’y avait qu’ainsi que je décidais de faire face. « Mais on se connaît à peine alors je n’y vois pas grand chose d’honorable. » Je la provoquais, un sourire imperceptible aux lèvres. Nous n’avions plus à marcher sur des œufs comme si l’ombre continuait de planer au dessus de nos têtes. Je n’avais pas à lui être reconnaissante. Elle ne devait pas me détester. Son énergie devait être employée différemment pour tenir debout, je n’avais pas besoin d’être proche d’elle pour m’en rendre compte. Je ne connaissais qu’une façon dans le fond de gérer mes inimitiés car je refusais de m’embourber profondément dans l’inextricable labyrinthe de la pensée humaine lorsque celle-ci ployait sous la colère. Mes réponses se limitaient alors au silence et une tendresse ironique, caustique, cassante. Je n’avais pas envie d’employer cela avec elle, elle pouvait le deviner aisément puisque je ne le cachais pas. « Si Thomas m’a rendue désagréable à tes yeux, il t’a rendue appréciable aux miens et je suis bornée. C’est un défaut de fabrication. » Je haussai les épaules en reprenant ses mots volontairement. Mon regard croisa le sien et je l’arrêtai ainsi. Je prononçai le nom de Thomas puisque je l’avais gardé sous silence il y a quelques secondes mais qu’il n’y avait pas réellement de raisons. Elle allait sans doute se raidir ou resserrer sa prise pour s’éloigner, elle le faisait déjà de toute manière. J’étais encline à défier nos indépendances pour nous respecter, plus tellement à endosser des tords qui n’avaient pas à s’inscrire dans ses yeux chaque fois qu’elle les posait sur mon ombre.
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