ELEANA. there's a devil in your smile, it's chasing me.

ELEANA. there's a devil in your smile, it's chasing me and every time i turn around it's only gaining speed. ✻✻✻ Abasourdie, je quitte le logement de Camden Town que je partage avec mon grand frère, Edwin. Du moins, pour le moment. Je ne parviens pas à intégrer le fait qu’il s’en va. Dans une discussion des plus étonnantes, il m’a annoncé avoir postulé dans une école d’art parisienne dans les plus grands des silences et avoir eu une réponse positive. Il est attendu dans la capitale française dès le début de la semaine prochaine. Résultat, il me reste à peine trois jours à passer avec celui qui m’a accompagné tout au long de ma vie puisque nous sommes mercredi et qu’il part samedi matin. La tête pleine de pensées qui se bousculent, je monte sur mon vélo. Je pédale sans but précis. Le vélo, c’est un peu ma thérapie personnelle. Ça a déjà été difficile d’apprendre à vivre sans la présence quotidienne du plus âgé de mes grand-frères, maintenant je dois me faire à l’idée que je vais devoir avancer sans aucun des deux pendant un certain temps. En effet, il reste encore quelques semaines de détention à Elliot avant qu’il soit libéré. Je n’ai jamais vécu sans un de mes frères à mes côtés et cette idée me fait tout drôle. Pire, elle m’attriste. Ils sont la seule famille qui me reste avec la petite Emmy à qui je vais également devoir dire au revoir. Cette pensée retourne le couteau dans la plaie. Elle est si petite, ça change trop vite à cet âge-là. D’ici à ce que je la revois, je ne la reconnaîtrais plus et elle non plus.
Cependant, je ne peux pas en vouloir à Edwin. D’après ce qu’il m’a dit, cette école d’art dans laquelle il est accepté est vraiment très bien. Je ne m’y connais pas vraiment mais je lui fais confiance. Lui, c’est un passionné et s’il me dit que son acceptation est une chance alors je suis contente pour lui. Nous n’avons pas eu une vie facile. Entre une enfance et une adolescence passées dans un environnement familial plus que chaotique et une entrée dans la vie active pleine de responsabilités, il mérite bien de réussir. D’après ce qu’il m’a dit, il aurait le droit à une bourse ce qui fait qu’il n’aurait pas à travailler autant qu’à Londres et qu’il pourrait donc se consacrer davantage à ses cours et surtout, à sa fille. Bref, c’est tout bénéfique pour lui et comme je ne veux que son bonheur, une part de moi est quand même heureuse qu’il parte. Je ferais taire l’autre partie qui est effondrée devant lui. Il sait déjà que ça va être dur sans lui, je ne souhaite pas lui rajouter une dose de culpabilité en craquant devant lui. De plus, je sais que pour lui aussi, ce n’est pas évident. Lui aussi est partagé entre la joie de son acceptation dans cette école et la perspective proche de me quitter. Il doit également attendre qu’Elliot appelle pour lui annoncer que malheureusement, la rencontre avec sa nièce est repoussée pour une durée indéterminée. Une nouvelle douloureuse pour les deux.
Finalement, je décide de mettre un terme à ma balade pour me rendre chez ma meilleure amie lorsque par hasard, j’arrive aux abords du quartier chinois où elle réside. Je regarde ma montre, il est une heure de l’après-midi et si je me souviens bien, elle ne travaille pas à cette heure-là. Au pire, si elle n’est pas chez elle, je changerais de destination ou rentrerais tout simplement chez moi. Après tout, il fallait bien que j’affronte Edwin à un moment ou un autre. J’arrive devant chez elle, attache mon vélo et aperçois une jeune femme sortir au même moment. Aussitôt, ma curiosité est piquée en plein vif. J’oublie presque le départ imminent d’Edwin, pressée d’en apprendre plus sur cette demoiselle. Depuis que ma meilleure amie m’a annoncé préférer les filles, je soupçonne chacune de ses proches féminines d’être plus que des amies, sûrement à tort mais c’est plus fort que moi. Je lance un regard amusé vers Selena qui est restée sur le pas de sa porte en remarquant ma présence. Je la rejoins. « C’est qui cette belle jeune femme ? » Je ne suis pas lesbienne mais je suis capable de reconnaître lorsqu’une fille est belle et celle-ci l’est. « Oh pardon, j’en oublie mes bonnes manières ! Bonjour. » Je lui adresse un sourire et lui colle un baiser sur la joue. Je finis par rentrer chez elle et elle ferme la porte derrière moi. Je me retourne vers elle, pressée d’obtenir quelques détails croustillants. D’ailleurs, le sourire que je peine à cacher trahit mon impatience. Je sautille presque sur place.

ELEANA. there's a devil in your smile, it's chasing me and every time i turn around it's only gaining speed. ✻✻✻ Depuis que Selena m’a annoncé être lesbienne, j’ai eu que rarement l’occasion de la voir en compagnie d’autres filles ou du moins, d’autres filles que je ne connais pas. A vrai dire, je peux compter les fois où ça s’est produit sur les doigts d’une seule main. Elle reste assez discrète à ce sujet-là. Alors lorsque j’ai la chance d’arriver au bon moment, j’en profite forcément pour faire ma fouine et bombarder ma meilleure amie de questions. J’ai toujours été curieuse et surtout lorsqu’il s’agit de Selena. J’aime croire que je peux tout savoir à son sujet, que je la connais mieux que personne. C’est sûrement vrai pour la deuxième idée mais au fond de moi, je sais que la première est un peu moins réaliste. On a tous une part de secret. Même si on est très proche d’une personne, celle-ci a toujours des choses à apprendre sur nous.
Ce que je peux dire, c’est que Selena a du goût en matière de femmes. Du moins, à en voir la jeune femme qui vient de sortir de chez elle, elle les choisit bien. Soudain, une question me vient à l’esprit : est-ce que ma meilleure amie est une coureuse de jupons ? Je n’en ai aucune idée et je devrais peut-être m’empresser de lui poser la question. Peut-être pas sous cette forme ou si, sous cette forme. C’est Selena après tout, ce n’est pas comme j’avais à mâcher mes mots avec elle. De plus, je comprendrais parfaitement qu’elle le soit. C’est une jeune femme qui vient récemment de découvrir sa véritable identité sexuelle et il serait normal qu’elle expérimente. Elle doit être curieuse de découvrir de quoi est faite la vie sexuelle d’une lesbienne. En fait, je n’en sais rien et il faudrait sûrement que j’arrête de retenir mes questions à ce sujet. Nous avons l’habitude de tout nous raconter, de tout partager. Je n’ai jamais vraiment hésité avant de lui poser mes questions et ça ne devrait pas changer. Le fait qu’elle soit gay ne devrait rien changer et je suis déterminée à ce que ça reste ainsi.
Je la vois lever les yeux au ciel lorsque je l’interroge sur ce qui semble être sa dernière conquête. De suite, je lui donne une tape sur le derrière. Non mais oh ! « Bonjour à toi aussi rayon de soleil, c'est un honneur de t'avoir dans mon humble demeure » Je ne peux retenir un sourire amusé. C’est vrai que je ne suis pas très polie, pas de bonjour ni de bisou. Je me rattrape vite fait. Elle rigole à la suite de ma réplique, ce qui élargit mon sourire. C’est dingue. A chaque fois, c’est la même chose. A ses côtés, j’oublie tous mes problèmes et cela me surprend à tous les coups. Evidemment, il faudra quand même que j’annonce à ma meilleure amie la triste nouvelle qui m’amène chez elle : le départ d’Edwin. Cependant, pour le moment, je suis à la pêche aux informations. « Salut » Elle se retourne et découvre une Eleanor plus qu’impatiente, ce qui me doit une remarque pas très flatteuse. « On dirait un chat qui vient de manger un canari » Je grimace. Sérieusement ? Elle n’aurait pas pu trouver mieux ? « Woh, je renvoie une image merveilleuse ! » Mon exclamation est évidemment ironique.
Je me reconcentre sur ce qui m’intéresse vraiment. « Cette belle jeune femme comme tu dis, c'est Amelia. T'as déjeuné? Tu veux quelque chose? » Je fronce les sourcils. Elle essaye de me faire changer de sujet en m’attirant avec de la nourriture. C’est mauvais mais le pire dans tout ça, c’est que ça pourrait fonctionner. Je suis affamée. J’ai quitté l’appartement avant le repas du midi. Je pose mon sac à dos au pied du canapé. « Qui est cette Amelia ? » Elle me connait, elle sait que je ne vais pas lâcher l’affaire avant d’avoir eu suffisamment de réponses. « Aller, tu sais très bien que je ne te lâcherais pas ! Raconte-moi tout ! » fis-je en enlevant ma veste que je poste sur le porte-manteau. « Ceci dit, je ne suis pas contre quelque chose à manger. J’ai faim ! » Mon visage s’illumine instantanément après l’arrivée d’une idée. « Je commanderais bien japonais. » Elle sait très bien le restaurant dont je veux parler. Il se trouve à deux rues de son appartement et pratique des prix attrayant sans lésiner sur la qualité.

ELEANA. there's a devil in your smile, it's chasing me and every time i turn around it's only gaining speed. ✻✻✻ Je suis partie de chez moi sans but précis mais lorsque je suis arrivée près du quartier chinois où réside Selena, je me suis mis en tête d’aller lui raconter la dernière mauvaise nouvelle en date à savoir le départ d’Edwin. Cependant, en arrivant devant chez elle, j’ai croisé une jeune femme qui faisait le chemin inverse et immédiatement, mes plans ont changé. L’annonce du départ de mon grand-frère de Londres peut bien attendre quelques minutes de plus. Ce n’est pas comme si cela allait changer. Dans une heure, les choses seraient toujours inchangées, Edwin serait toujours en train de préparer son départ. Pour le moment, ma priorité est d’en apprendre plus sur l’inconnue qui sortait de chez Selena et surtout, sur la relation qu’entretiennent les deux. Avec certaines personnes, se serait sûrement de la curiosité mal placée mais avec Selena, c’est de la curiosité tout court.
D’ailleurs, j’ai du mal à contenir ma curiosité et cela se voit à mon comportement ce qui me vaut une remarque pas très flatteuse de la part de ma meilleure amie. Heureusement, je la prends au second degré comme souhaité par Selena. Je le sais. « Je rigoooooole Elea. T'es toujours aussi belle et sexy » Je souris à ce double compliment. Pourtant, je ne me suis jamais sentie sexy ou alors, à de rares occasions. Je ne pense pas que ce soit un manque de confiance en moi ou bien, de la fausse modestie. Je pense que peut-être, je n’ai pas eu de « déclic ». C’est difficile à expliquer.
« Tu l'as vue, c'est la blonde qui vient de sortir de chez moi » Malheureusement pour moi, ma meilleure amie n’a pas l’air décidé de passer à table tout de suite. Elle est plutôt d’humeur joueuse ce qui signifie que je vais sûrement devoir ramer pour obtenir les réponses à mes questions. Même si c’est amusant parfois de faire durer le suspense, à ce moment-là, je ne serais pas contre un déballage d’informations. Je penche la tête sur le côté, une mine faussement blasée sur le visage. Je veux savoir !
Heureusement, Selena veut bien m’accorder une chose et il s’agit d’un bon repas japonais. « Japonais ça sera » A vrai dire, je doutais qu’elle dise non puisqu’en faisant ça, elle se priverait elle aussi. Notre amour pour la cuisine japonaise est l’un de nos nombreux points communs. Je m’installe à ses côtés sur le canapé et nous passons commande. Il ne reste plus qu’à attendre à présent. Cependant, le fait que j’ai à cuisiner ma meilleure amie pour satisfaire ma curiosité devrait rendre l’attente plus rapide et moins dérangeante que d’habitude.
« Amelia est une fille avec qui j'ai sympathisé hier soir » J’affiche une mine surprise. Je n’ai même pas eu besoin de relancer le sujet. Cependant, ce n’est pas pour me déplaire. Je l’écoute continuer. « Je l'avais déjà vue plusieurs fois avant de faire vraiment sa connaissance hier soir. Elle a 21 ans, elle est étudiante en psychologie, elle habite dans le nord de Londres et elle a un chien qui s'appelle Mickey » Je hoche la tête à l’entente de ces différentes informations. Elle a tout l’air d’être des plus normales décrite comme ça. « Et voilà... T'as d'autres questions auxquelles je pourrais répondre pour assouvir ta curiosité miss Sweetlove? » Je souris rapidement à sa question. La vérité, c’est que j’en ai plusieurs des questions. Trop même et que je ne sais pas si je peux me permettre de les poser. C’est Selena mais certaines de ces questions sont vraiment intimes. Un silence inhabituel s’installe alors que je me trouve face à un dilemme : poser toutes ces questions ou me contenter des informations que Selena décidera de me donner, au fur et à mesure.
Je joins mes mains et croise mes doigts. « Ok, je me lance. » J’essaie de trouver la meilleure formule dans ma tête mais décide finalement de dire les choses comme elles me viennent. « Voilà. Mh, le truc, c’est que j’ai une tonne de questions et certaines sont… plutôt délicates ou personnelles. Appelle ça comme tu veux. Et… je ne sais pas si je peux les poser. » Je la regarde droit dans les yeux. Après quelques secondes, je demande doucement. « Je peux les poser ? » Il ne me reste plus qu’à attendre sa réponse.

ELEANA. there's a devil in your smile, it's chasing me and every time i turn around it's only gaining speed. ✻✻✻ La conversation devient assez soudainement plus délicate. Il y a encore une petite vingtaine de minutes, je pensais que la seule chose de délicate que j’avais à partager aujourd’hui était le départ d’Edwin, mon frère aîné. Cependant, les choses se passent rarement comme nous les avons prévus et encore une fois, c’est prouvé. Je me retrouve à discuter avec ma meilleure amie de son orientation sexuelle. Je ne vais pas cacher que depuis que je suis au courant qu’elle préfère les filles, j’ai eu quelques questions qui m’ont traversé l’esprit. J’en ai oublié certaines alors que d’autres sont assez récurrentes. Ne sachant pas si Selena était prête ou si elle avait tout simplement envie d’en parler, je les ai gardés pour moi jusqu’à présent.
Ce n’est peut-être pas la chose la plus intelligente à faire. Lorsque Selena m’a annoncé son homosexualité, je lui ai assuré que cela ne changerait rien entre nous. Les paroles, c’est bien beau mais cela ne vaut rien si les actes ne suivent pas. Voilà une autre raison qui m’a poussé à entamer la conversation. Elle était déjà quelque peu lancée avec les questions posées sur celle qui semblait être sa dernière conquête. Cependant, j’ai des questions plus personnelles à poser et avant ça, je préfère demander à Selena si elle voulait bien y répondre. Je comprendrais très bien ce n’était pas le cas même si je serais tout de même déçue. En effet, je fais ce qu’il faut pour que rien ne change entre nous, bien que cela ne demande pas énormément d’efforts, mais comme dans toutes relations, les deux parties ont leur part à faire.
Je remarque sans mal que ma meilleure amie ne semble pas très à l’aise. Son langage corporel parle pour elle. Cependant, je comprends. Ce n’est pas tellement mon genre de demander la permission avec Selena. D’habitude, je mets directement les pieds dans le plat. Les nombreuses années qui constituent notre amitié excusent mon manque de tact, surtout qu’elle ne se gêne pas pour faire de même. Alors, en voyant mon comportement peu habituel, elle doit sûrement s’inquiéter. Cependant, elle m’accorde le droit de poser mes questions. « Bien sûr que tu peux » Je lui adresse un petit sourire. D’abord pour la remercier et ensuite, pour la rassurer. « On s'est toujours tout dit, ce n'est pas parce que tu sais que je préfère les filles maintenant que ça va changer quelque chose. Tu peux me demander tout ce que tu veux et je te répondrai aussi bien que possible » Je hoche la tête, montrant mon accord avec tout ce qu’elle vient de dire. Elle n’aurait pas pu trouver de meilleurs mots. « Je te préviens, c’est de la curiosité mal placée mais tu me connais, je veux toujours tout savoir surtout lorsque ça te concerne. » Je souris, amusée. Au moins, je le reconnais. Cependant, je ne trouve pas qu’il s’agit d’un défaut. Je m’intéresse à Selena et tout ce qui fait partie de sa vie parce qu’elle est ma meilleure amie. « Cette Amelia, elle fait partie d’une longue liste ? Je veux dire, tu as eu beaucoup de conquêtes féminines ? Oui, parce que j’ai compris que vous ne vous êtes pas contentées de joueur au scrabble toute la nuit. » Un sourire s’affiche sur mon visage et il ne peut cacher mon côté taquin à ce moment même de la conversation. Finalement, l’appréhension que j’avais il y a quelques secondes disparaissait pour laisser place à mes bonnes vieilles habitudes. Je n’ai jamais vu ma meilleure amie comme une croqueuse d’hommes mais peut-être qu’elle est toute autre avec les femmes. Oui, peut-être que c’est une croqueuse de femmes.