"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici (flashback) my body has bled and blazed and broken and yet it beats on. / isaac 2979874845 (flashback) my body has bled and blazed and broken and yet it beats on. / isaac 1973890357
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(flashback) my body has bled and blazed and broken and yet it beats on. / isaac

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() message posté Dim 7 Juin 2015 - 20:31 par Invité

Isaac & olivianovember 13th, 2008 women are forged of iron. my body, it has bled and blazed and broken, and yet it beats on. i am iron. a little rusted, perhaps, but still i endure. ✻ ✻ ✻ « VON ZIEGLER ! » Je fis volteface, ayant presque l’espoir, au fond de moi, que la voix était en train de s’adresser à mon mari. Que ce ton courroucé lui était destiné, qu’il était là, quelque part, quelque part tout près de moi. Mais je me retrouvai face à l’un des chirurgien de la base militaire, dont les traits étaient si tirés qu’il semblait avoir pris dix ans en l’espace de quelques secondes. Je déglutis avec difficulté, alors qu’il ne semblait même pas remarquer la panique qui habitait mes yeux. Alors qu’il ne semblait même pas remarquer   la peur qui rongeait mes entrailles. « D’autres sont revenus du site où il y a eu le bombardement, on comptabilise deux blessés graves supplémentaires et cinq qui n’ont que des blessures superficielles. Va chercher Earnshaw et envoie-la au bloc. » Il parlait précipitamment, si bien que je ne distinguais pas réellement ses paroles. Cela n’était que des mots. Des mots perdus dans mes angoisses. Des mots qui n’avaient absolument aucune importance parce qu’ils ne me concernaient pas, pas réellement. J’ouvris la bouche mais absolument aucun son n’en sortit ; mon supérieur leva la main pour m’inciter au silence et je ne luttai pas. « Tu n’as pas dormi depuis trente-deux heures, je ne peux pas te prendre au bloc avec moi quand tu es à deux doigts de t’évanouir, surtout dans ta condition, » dit-il d’une voix dure en désignant mon ventre légèrement arrondi. Presque avec automatisme, je portai l’une de mes mains sur mon bedon, cherchant la chaleur réconfortante de ce petit être que je portai en mon sein. Je fus parcouru d’un frisson, alors que la cohue continuait de battre à son plein autour de nous. « Y a-t-il des nouvelles du Lieutenant Von Ziegler ? » finis-je par réussir à articuler. Les yeux perçants du chirurgien se posèrent sur moi. Il me détailla avec application, avant de pousser un profond soupir. « Non, » répondit-il d’un ton sans appel. « Maintenant va me chercher Earnshaw et va te reposer. Exécution. » Il me laissa là. Il me laissa seule. Et les gens autour de moi continuaient de crier, crier sans que je ne puisse y distinguer la voix de mon mari.

Trois heures plus tôt – « Isaac est parti avec la troupe ? » J’adressai un sourire à ma collègue, avant de croiser les bras sur ma poitrine. J’observai la pendule accrochée au dessus des lits de camp installés dans l’infirmerie, pour finalement pousser un profond soupir. « Oui, ils ne devraient plus tarder maintenant. Le capitaine a reçu des nouvelles il y a deux ou trois minutes, ils sont à deux kilomètres au nord de la base. » Callie hocha la tête sans rien ajouter, parce qu’il n’y avait plus rien à dire sur le sujet. Au fond de moi, j’avais l’impression qu’elle avait de la chance. De la chance d’être détachée de tout cela. Elle n’était animée que par l’envie d’aider son pays ; elle était au service de l’US Army uniquement pour avoir l’impression d’avoir sa place quelque part, uniquement pour monter qu’elle pouvait se rendre utile et qu’elle le faisait. Elle n’était pas tétanisée par la peur à chaque fois que certaines unités avaient des missions. Elle n’était pas angoissée à l’idée que son mari puisse mourir à chaque instant. « Ca va faire bizarre, quand tu ne seras plus là, » reprit-elle finalement. J’esquissai un sourire avant de me mettre à rire, doucement. « Tu me répètes ça depuis des semaines. » Elle haussa les épaules, puis poussa un profond soupir. Ses yeux se posèrent sur mon ventre qui laissait apparaître mes quatre mois de grossesse. « Tu as déjà trop tardé ici, » me dit-elle doucement. Je savais qu’elle n’avait pas tort. J’aurais dû partir à l’instant même où j’avais découvert que j’étais enceinte ; cependant, j’avais repoussé l’échéance, guère décidée de m’en aller en laissant mon mari derrière moi. Il m’avait promis de rentrer dès qu’il en aurait l’occasion. Il m’avait promis que tout se passerait bien. Mais je n’avais pas réussi. Je n’avais pas réussi à le laisser. « Je sais, Isaac n’arrête pas de me le répét… » Mais je ne terminai jamais ma phrase. Une détonation, suivie d’une violente secousse, ébranla la base militaire toute entière. Je m’agrippai aux barreaux d’un des lits de camp, avant de relever la tête vers Callie, affolée. « Ce sont des… Des… » Elle hocha la tête, alors que des bruits commençaient à s’élever depuis le couloir. « Des bombes. A quelques kilomètres au nord, je dirais. » Ma tête se mit à me tourner ; je sentis mon ventre se contracter sous mes mains crispés.
Des bombes, oui. Au nord, oui. Juste là où se trouvait mon mari.

Actuellement – « Isaac ! » Je ne parvenais pas à conserver mon calme. Que je ne réussissais pas à contrôler ma voix. Mon pouls était irrégulier, si irrégulier que ma tête me tournait ; j’étais étourdie et pourtant je continuais d’avancer à contre-courant, cherchant en vain la carrure familière de mon mari. Il n’était pas là. Il était nulle part. Absolument nulle part. « Second Lieutenant Isaac Von Ziegler ? » demandai-je à des soldats qui avançaient, couverts de poussières. Je reconnaissais leurs visages. Ils étaient partis avec Isaac. Ils étaient partis avec lui et pourtant ils étaient là, sans lui. Ils secouèrent la tête et je fus embarquée par le flot de personne, désorientée. Je pressai une main contre mon ventre qui continuait de me faire mal, puis me fis violence pour continuer à avancer ; l’odeur du sang envahissait mes narines et je ne distinguais plus les corps. Il y avait eu des blessés, mais surtout des morts. Certains soldats transportaient des civières où des draps avaient été étendus sur les corps des victimes et, à chaque fois, je soulevai le tissu en m’attendant à voir les traits de mon mari.
Mais je ne l’avais trouvé nulle part. Pas dans le monde des morts, ni même dans le monde des vivants.
Je sentais l’hystérie se déverser dans mes veines puis, finalement, je crus le voir de l’autre côté d’un couloir ; je me mis sur la pointe des pieds pour m’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une vision et je me précipitai à sa rencontre. « Isaac ! » m’époumonai-je en courant dans sa direction. Je courrai, courrai si vite, pour finalement passer mes bras autour de son cou et le serrer contre ma poitrine. Il était là. Il était là, dans mes bras, et pourtant j’avais encore l’impression que le sol se dérobait sous mes pieds. « Comment tu te sens ? Tu vas bien ? » Je me détachai légèrement de lui pour observer son visage, son corps, afin de m’assurer qu’il n’avait pas été touché. Pour m’assurer qu’il était bel et bien vivant.
Pour m’assurer qu’il était là, alors que je me sentais si étourdie que je perdis l’équilibre.
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() message posté Mar 9 Juin 2015 - 13:48 par Invité
” So fragile—the human body. Just one prick and it will draw blood. Just one bullet and the bleeding will never stop.”    Les explosions faisaient vibrer le sol sous mes pieds. Les corps tombaient sous mes yeux, à l’instant même ou je croyais reconnaitre une issue de secours. Je retins ma respiration en crispant ma prise sur mes lunettes binoculaire. Je n’y voyais rien. Les bourrasques de vent faisaient tournoyer le sable sur le champ de bataille, dressant ainsi un voile opaque devant les troupes américaines. Je pestai en sortant mon talkie-walkie. « Position. 2.0 Sud-Est.   »Je me raclai la gorge en répétant. « Je répète, position 2.0 Sud-Est. J’ai besoin qu’on me guide. » Ma bouche prononçait chaque mot avec une gravité tragique. J’essuyai mon front du revers de la main avant de me positionner sur mes coudes. Toujours aucune réponse. « Merde ! Je descends. Vous me recevez ! Je descends ! » L’agitation des talibans devenait de plus en plus importante au fur et à mesure qu’ils s’approchaient de la base militaire. C’était un putain de coup en traitre ! Je n’étais pas très sûr de moi, mais Olivia n’était pas à l’abri tant que je restais tapi dans l’ombre comme une vulgaire marionnette. Obéissant à un élan de folie, je me redressai brusquement afin de me glisser sur les dunes de sables brûlants. J’étais sniper de l’équipe Alpha, mon rôle était d’assurer les arrière mon commando, mais je refusais de laisser ces oiseaux de mort s’approcher de ma femme. Je refusais de rester allongé dans mon perchoir dans l’attente d’une nouvelle recommandation. Je me faufilai entre les ruines, aux aguets, avant de tirer sur les cibles mouvantes qui se dessinaient sous mes yeux fatigués. Ils étaient à peine une vingtaine, mais leurs bombes pétardaient dans le vide avant de s’écraser à quelques mètres du campement. On sentait l’odeur putride des cadavres ; l’odeur putride d’un sentiment d’injustice et d’indignation médiocre. Le ciel était terne, fané, gris et épuisé. Comment était-ce possible d’être aussi inconscient ? Je changeai mes munitions en grognant. J’apercevais des enfants dans la mêlée mais les ordres étaient les ordres. Je tirais sur tout ce qui représentait une menace pour mon camp, pour ma patrie et pour ma famille. Le sang coulait sur les étendues du désert sans laisser de marque dans l’histoire du monde. Je me sentais désolé pour toutes ces âmes perdues dans l’horreur d’une guerre civile sans lendemain. Je soulevai légèrement le menton avant de me positionner derrière un muret. « Louisiana, ici Jumbo. On se replie. » La voix de mon équipier raisonnait en boucle dans ma tête mais je ne pouvais pas abandonner. Ils étaient encore là. La menace planait toujours dans l’ambiance aride du désert avec une sensualité douce et folâtre. Je me redressai en tirant à bout portant dans le vide, alors que les silhouettes chevrotantes de l’ennemi disparaissaient dans l’horizon lointain.

Base militaire. 1 heure après l’attaque des talibans. Je me noyais au milieu de la horde de soldats blessés, le visage triste et maculé de sang. Mes mains tremblaient au gré de ma démarche claudicante alors que je rejoignais les quartiers du capitaine. Je ne désirais pas jouer au jeu de la vie et de la mort ; mais mon insubordination allait me couter. Je me postai devant mon supérieur en effectuant un salut militaire crispé et ordonné. « Oui Monsieur ! »Criai-je en bombant le torse. « Repos, soldat. » Je relâchai la pression sur mes muscles en le regardant d’un air interrogatif. Il ne m’adressa pas la moindre attention. Au lieu de ça, il s’assit sur son bureau en croisant les bras. « Vous avez quitté votre position. » Me reprocha-t-il alors que je rajustais mon casque sur ma tête. « Oui Monsieur ! » Il releva son regard glacial vers moi avant de sourire d’un air carnassier. « Je connais votre père lieutenant Von Ziegler. C’est un vrai trou du cul aussi. » Grinça-t-il. J’esquissai une ébauche de sourire en restant silencieux. « Vous êtes assez populaire parmi les hommes. J’apprécierais que vous ne cherchiez pas à vous tuer sous mon commandement. » Je restai immobile pendant quelques minutes avant de relever mon bras d’un geste agile. « Oui Monsieur ! » Aboyai-je avant de quitter la pièce. L’air chaud s’engouffrait dans ma gorge douloureuse alors que je me débarrassais de ma veste sale. Je marchai d’un pas claudicant dans le couloir lorsque la voix stridente d’Olivia raisonna dans mes oreilles. Je clignai des yeux comme pour m’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une vision. « Isaac ! » Je fis volte face pour la prendre dans mes bras. Elle était complètement désemparée. Je pouvais sentir son corps trembler au contact de ma peau. Je serrais sa prise en soupirant dans son cou. « N’aie pas peur. » Murmurai-je en caressant doucement ses cheveux. Mes lèvres se posèrent furtivement sur son épaule avant qu’elle ne se dégage de ma prise. « Comment tu te sens ? Tu vas bien ? » S’enquit-elle en inspectant mon corps. Je souris en haussant les épaules. « Je vais bien. Je t’ai déjà dis que j’étais un gars très chanceux. » Je lisais sur son visage toutes les pensées de révolte et de détresse qui l’agitaient, et cela me fit de la peine. J’étais conscient que l’ambiance de la guerre n’était pas facile à supporter pour elle. Automatiquement, mes yeux se posèrent sur son ventre rebondi. Quatre mois de grossesse et elle s’obstinait encore à rester avec moi. Quatre mois de grossesse et j’en avais assez de me battre pour avoir le dernier mot. Je m’approchais d’elle alors que ses yeux devenaient de plus en plus lointains. Elle vacilla gracieusement comme une fleur d’hiver qui se fanait dans la chaleur étouffante du désert. Je tendis les bras afin de la rattraper au vol. « Olivia ! » Ma voix avait surgit tout à coup dans le couloir. Je baissai les yeux afin d’apercevoir les filets de sang qui couvraient ses jambes. Elle saignait. Mon cœur rata plusieurs battements à la suite avant que je ne réalise toute l’horreur de la situation. Elle était enceinte et elle saignait. J’avais développé une capacité de souffrance extraordinaire et illimitée au cours des dernières années, mais la voir dans cet état, brisait toutes mes défenses. « Olivia, ne perds pas conscience. » Soufflai-je en la prenant à bout de bras. Je me précipitai vers l’infirmerie d’un pas ferme, le visage froncé et la bouche serrée. Je la posai sur un lit avant de me retourner vers le personnel. Il y avait trop de patients à gérer. Je fermai les poings avant de me diriger vers le médecin en chef, mais il semblait préoccupé par un cas dont le pronostic vital était remis en cause. Je croyais devenir fou. Je fis les cents pas en réfléchissant à voix haute, puis je finis par le prendre par le col. « ELLE EN PREMIER ! » Braillai-je, avant de me faire neutraliser par d’autres soldats. Je me débattais dans tous les sens avant de me détacher de leurs prises. « Olivia d’abord ! » Insistai-je en le suppliant du regard. Il me fixa longuement avant de se diriger vers elle. Il inspecta rapidement son ventre avant d’écarter ses cuisses. Son expression affligée me percuta de plein fouet. Il secoua négativement la tête, avant de lui injecter un tranquillisant.

Actuellement. Elle était allongée sur le lit, immobile, les yeux grands ouverts sur le plafond, pourtant je me sentais sans cesse observé, surveillé, jugé par elle. Mes mains se posèrent sur le matelas sans que je ne puisse prononcer le moindre mot. C’était ma faute ! Je n’avais jamais éprouvé un sentiment aussi épouvantable. Je lui avais fais du mal. Elle avait perdu notre bébé, et je lui avais fait du mal en la traînant à des milliers de kilomètres de la maison. Je ressentais une crainte atroce et honteuse de la perdre. Mon cœur se brisait en mille morceaux afin de renaitre de ses cendres, uniquement animé par le désir de me torturer encore plus. Je soupirai en me redressai lentement. « Olivia …   » Sifflai-je avec lenteur. J’avais toujours considéré l’armée, tout ce chaos, toute cette guerre et toutes ces forces justicières comme l’accomplissement de mon destin. Mais aujourd’hui, à l’aube de la douleur, tout cela n’était qu’une fâcheuse réalité que m’étais imposé par dépit. Je déglutis en frôlant son menton. « Je suis là, ma chérie. » Tremblai-je en plissant les yeux.



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() message posté Sam 13 Juin 2015 - 0:26 par Invité

Isaac & olivianovember 13th, 2008 women are forged of iron. my body, it has bled and blazed and broken, and yet it beats on. i am iron. a little rusted, perhaps, but still i endure. ✻ ✻ ✻ « N’aie pas peur. » Mais j’avais eu peur quand même. Sans doute trop. Je ne l’avais pas écouté, ne réussissant pas à faire la part des choses, ne réussissant pas à calmer mon esprit qui allait trop vite. J’avais entendu les bombes, j’avais été ramenée à la réalité de la guerre. Je n’avais jamais supporté de le savoir à l’extérieur. Je n’avais jamais supporté de le savoir au front. La crainte avait rongé mon être, mon âme, mais aussi la vie qui s’était doucement installée dans mon bas-ventre. Cette vie que j’avais fini par tuer avant même que le petit être en mon sein ne voit réellement le jour. Cette vie qui ne serait jamais réellement. Cette vie morte, cette lumière noire, cette clarté sombre. « Je vais bien. Je t’ai déjà dis que j’étais un gars très chanceux. » La voix d’Isaac continuait de flotter dans mon esprit. Oui, il était chanceux. Oui, il me l’avait prouvé à plusieurs reprises. Il était toujours revenu à moi et, pourtant, je n’avais rien trouvé de mieux que de m’angoisser. Il était toujours revenu à moi et, pourtant, il avait finalement connu le revers de la médaille. Il était chanceux, oui, mais il s’était marié à une personne qui ne l’était pas ; il était chanceux, oui, mais je n’avais tout simplement pas été à la hauteur de sa bonne étoile, apportant mon lot de malheurs dans mon sillage, apportant le désespoir avec moi et creusant la détresse dans notre peau. Je lui avais fait défaut. « Olivia, ne perds pas conscience. » Pourtant, j’avais perdu conscience quand même. Encore une fois, je ne l’avais pas écouté ; mon corps m’avait emporté tout seul dans les abîmes et je n’avais pas porté de réelle attention à ce qui s’était déroulé par la suite. Peut-être cela avait été le signe que tout ceci était largement trop pour moi.
Que je n’étais pas assez forte.
Puis, on m’avait expliqué. On m’avait expliqué que j’avais perdu le bébé.
Et j’avais compris. Compris que je n’étais même pas suffisamment forte pour être mère.
Au fond, j’aurais sans doute dû m’en douter. Depuis quelques jours, j’avais ressenti des douleurs au niveau de mon bas-ventre, mais je n’avais pas voulu prêter de réelle attention à mes propres douleurs physiques quand des soldats américains mourraient tous les jours pour leur patrie ; j’avais rangé mes craintes dans une boîte au fond de mon esprit pour me focaliser sur autre chose. Pour me focaliser sur autre chose et oublier.
Je n’avais rien dit à Isaac. Je ne lui avais rien dit sans doute parce que j’avais pressenti que quelque chose n’irait pas.
Comme si je m’étais rendue compte que je n’étais même pas suffisamment forte pour être mère.
Je ressentais un spectre infinie d’émotions, passant de la honte à la colère, de la douleur au déni. Ma main était agrippée sur mon ventre qui me paraissait froid et vide, comme si je cherchais encore à me raccrocher à un brin d’espoir. Comme si je cherchais à me raccrocher au néant, à ce néant qui m’engloutissait tout entier. « Olivia… » La voix d’Isaac me chatouilla l’oreille et je pus dépeindre l’immensité de sa douleur. Je me demandai s’il m’en voulait. S’il m’en voulait pour avoir perdu notre enfant. Je me demandai s’il se rendait compte. S’il se rendait compte à quel point je n’étais pas à la hauteur. S’il se rendait compte à quel pointt j’étais faible. Trop faible pour lui. Trop faible pour l’Afghanistan. Trop faible pour être mère. « Je suis là, ma chérie, » me dit-il, alors que ses doigts frôlaient mon menton. Je fermai les yeux avec retenue, espérant que les larmes qui s’étaient glissées au coin de mes paupières finissent par s’en aller.
Mais c’était peine perdue. Après tout, je n’étais pas assez forte. Pas assez forte pour être mère. Pas assez forte pour le reste.
Je finis par me redresser et m’asseoir sur le lit de fortune. Je passai une main sur mes yeux, les paupières toujours closes, avant de prendre une profonde inspiration. « Je l’ai perdu, » murmurai-je d’une voix étranglée. Chaque mot me coutait. Comme si chacun d’entre eux me rappelait qu’il n’était plus là. « J’ai perdu notre petit garçon. » J’étais si colère, si révoltée, si affligée, si honteuse, si triste. Mon coeur supportait mal les fluctuations nocives de toutes ces émotions. Je n’étais plus habituée à ressentir de telles choses, de les ressentir aussi fort. Je n’étais plus habituer à réussir à les contenir au fond de moi de cette manière.
Mes mains finirent par abandonner mon visage et je rouvris les paupières. Je tournai doucement la tête vers Isaac, le regard vide, le visage fermé. J’observai ses traits tristes et usés. Je regardai ses yeux voilés et empreints de désespoir. Et tout ce que je parvins à penser était que cela était de ma faute. Que c’était à cause de moi. A cause de moi parce que je n’étais pas assez forte. Pas. Assez. Forte. « Je l’ai perdu, » répétai-je en détournant mon regard. Je pleurais sans larmes. Je pleurais sans sanglots. Je pleurais ma perte, mon enfant perdu. J’entourai mon crâne de mes mains, ramenant mes genoux contre moi et posant mes coudes dessus. Je me balançai d’avant en arrière, agitée, animée par cette colère sourde qui grondait. « Je l’ai perdu, » dis-je encore une fois. « Je l’ai perdu et c’est à cause de moi. » Je perdais doucement le fil, je perdais doucement pieds, je lâchais prise et je me perdais. Je me perdais dans tout ce que je ressentais.
Peut-être était-ce de la démence. Peut-être était-ce même cela qui avait tué mon enfant. Je n’en savais rien. La seule certitude que je conservais au fond de mon coeur était que je n’étais pas assez forte. La seule certitude que je conservais au fond de mon coeur était que je ne l’étais même pas suffisamment pour être mère.
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() message posté Dim 21 Juin 2015 - 16:10 par Invité
” So fragile—the human body. Just one prick and it will draw blood. Just one bullet and the bleeding will never stop.”   J’ étais resté devant le médecin pendant dix bonnes minutes, laissant pénétrer en moi l’esprit d’un être misérable qui décortiquait de façon grossière les paroles des autres , les réarrangeait à sa manière, les transformait en bouillie mais ne les digérait pas. Olivia avait perdu notre bébé. Je n’avais pas besoin d’en savoir plus. Un frisson d’horreur traversa mon échine avant de se figer au creux de ma gorge. Je n’avais vraiment pas besoin d’en savoir plus. Les débattements de mon cœur faisaient échos aux cris de la guerre qui sévissaient encore à l’extérieur et je me sentis incroyablement triste. En réalité, je n’étais pas très différent des autres soldats. Je nourrissais moi aussi,  l’espoir de rentrer à la maison. J’étais guidé par un sentiment de nostalgie, de déception et un besoin presque irrationnel de consolation. Je ne m’étais pas engagé dans l’armée par hasard. Je suivais les tracés du destin puisque mon père, ma famille, mon nom et ma gloire m’imposaient le courage du héros. J’avais mené une existence dérisoire jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Je m’étais rebellé contre l’autorité afin de me créer une illusion de liberté, mais ce n’était qu’un mensonge. Les événements tragiques du 11 septembre avaient éveillés toute la ferveur sauvage qui se cachait sous mes prunelles rosées. J’avais vu les civiles tomber dans les flammes de l’enfer et succomber face à la colère des peuples. Alors, j’avais obéi au destin. J’avais traîné tous mes espoirs de grandeurs, toute ma vie et mon bonheur jusqu’au bout de monde, à des milliers de kilomètres de  la sécurité. Olivia, qu’est-ce que je t’ai fais ? J’étais envahi par cette haine indicible, ce mépris envers moi-même, et par cet étouffement de sentiments complexes et profonds qui explosait violemment dans ma poitrine. Je voulais la prendre dans mes bras et l’emmener au loin. Ici, tout me semblait triste, fané et gris. Mes yeux se posèrent sur sa silhouette biaisée par la douleur pendant quelques instants. Je la fixais avec intensité, sans esquisser le moindre mouvement, sans parvenir à me détacher de la fange infernale qui nous conduisait vers la sécheresse du cœur. Comment avait-elle pu en arriver là ?  Je l’avais sans doute trop poussé. Les rayons du soleil filtraient à travers la grande fenêtre avant de traverser ses épaules agitées par la tristesse. Je ne savais pas comment lui expliquer la situation. L’obscurité reposait sur son visage souillé par les larmes. Un profond silence régnait sur les vastes alentours, où seules les fluctuations de nos respirations mêlées au vent se versaient dans la pièce. Je me penchai lentement en épiant les murs vieillis et sales de l’établissement. Il y avait des inscriptions qui dansaient sur des écriteaux usés par le temps, mais je ne parvenais pas à les lire. Je ne savais plus distinguer les formes des lettres minuscules qui chantaient les louanges de l’espoir et de l’absolution. Je déglutis avec difficulté. Je repensais à notre petit garçon. Je l’avais imaginé courir au milieu des galeries de fleurs de verdures en arborant un sourire innocent. Il sautait dans mes bras avant d’être pris par un fou rire libérateur. Il bombait fièrement le torse dans la cour de récréation en racontant les histoires extraordinaires de ses parents ; le sniper d’élite et la plus belle infirmière au monde. Il parlait avec éloquence puisqu’il avait capturé tous les sens compliqués de ces mots que je ne comprenais pas. L’intelligence d’Olivia s’était infiltré sous sa peau afin de faire de lui un petit être noble et imposant. C’était notre petit garçon. Je secouais la tête avant de m’assoir sur le matelas. Il fallait que je sois fort. Je tendis mes bras vers son corps accroupi afin de la retenir contre mon torse brûlant. Je n’avais même pas eu le temps de me changer. Les traces de sang et de sueur maculaient mon T-shirt qui suintait le désespoir. Je déposai mes lèvres frémissantes sur le dessus de sa tête, tout en chancelant à son rythme. Je ne voulais pas briser sa petite routine dansante, alors je valsais moi aussi. Je tombais sans me retenir au gré de ses supplices. C’est ma faute. Elle répétait sans cesse ces mots. Je plissai le front en serrant ma prise sur son dos.  « Ce n’est pas de ta faute.   » Murmurai-je d’une voix étouffée. « Ce n’est pas de ta faute … » Grinçai-je en tremblant. Je savais à quel point elle désirait devenir mère. Elle en avait toujours rêvé ; d’une grande maison, d’un mari présent et chaleureux, d’un millier d’enfants s’agitant dans tous les sens. Elle avait besoin de s’entourer d’amour pour aimer et  je lui avais pris toutes ces belles choses lorsque je l’avais épousé. Parfois, je me consolais en pensant qu’elle était consciente de tous les risques de mon métier, mais c’était faux.  Je lui avais imposé un présent empli de doutes et d’incertitudes. Je me levais chaque matin afin de la quitter vers une destination inconnue. Je la regardais, je la touchais et je l’embrassais, comme si c’était la dernière fois que je la rencontrais dans cette vie. Je suis désolé. J’enfouis mes doigts dans ses cheveux bruns afin de la calmer, mais j’avais toujours l’impression qu’elle m’échappait. Je soupirai en m’éloignant avec douceur. Je posai mes mains de part et d’autre son visage. Ses yeux se noyaient dans un océan de désespoir et c’est là, que je décidai de jeter mon ancre. Je courbai la bouche en lui souriant. « Je t’aime plus que tout … Tu le sais ?   » Déclarai-je en hochant la tête. « Tu le sais, pas vrai ? » Articulai-je en bisoutant son front. Je voulais la faire rapatrier le plus tôt possible afin qu’elle bénéficie de tous les soins nécessaires à sa condition. Je voulais qu’elle quitte ces lieux de perdition et qu’elle m’attende à l’abri,  chez ses parents, en Louisiane, le temps que je finisse mon mandat. Je connaissais déjà toutes ses retenues. Olivia refusait la séparation mais j’avais si peur qu’elle perde toutes ses couleurs dans un pays uniquement teinté de rouge et de noir. Ce n’était pas discutable. Ça me brisait le cœur, mais il fallait qu’elle parte pour que je puisse me concentrer. Je me redressai subitement. Les choses s’arrangeront. Je te reviendrais et je t’offrirais tout ce dont tu as toujours rêvé. Tu ne vivras plus jamais la perte des êtres chers. Je te le promets.
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() message posté Dim 28 Juin 2015 - 16:25 par Invité

Isaac & olivianovember 13th, 2008 women are forged of iron. my body, it has bled and blazed and broken, and yet it beats on. i am iron. a little rusted, perhaps, but still i endure. ✻ ✻ ✻ Mes pensées refusaient d’admettre que c’était terminé. Que c’était fini. Que j’étais finalement seule dans mon corps, après avoir passé des mois à porter un petit être en mon sein, un petit être composé d’un peu d’Isaac et d’un peu de moi. Mes pensées se faisaient embrouillées, embrouillées et plaintives, et je ne supportais même plus d’être piégée dans ma propre tête. J’aurais aimé pouvoir sortir de mon corps. Sortir de mon corps et m’enfuir. Sortir de mon corps et retrouver cet enfant qui n’aurait jamais l’occasion de voir la lumière du jour. Qui n’aurait jamais l’occasion de vivre. Jamais. L’occasion. De. Vivre. J’eus l’impression que mon coeur se brisait une nouvelle fois, alors que je me rappelais ce qu’il s’était passé, alors que je me souvenais des paroles du médecin. J’avais atteint un tel seuil de douleur, de souffrance, de désespoir, que j’étais bien incapable de pleurer. Bien incapable de laisser les larmes s’échapper de mes paupières. Bien incapable de me laisser réellement aller à ma peine, mon corps préférant laisser place à la colère, cette colère sourde qui grandissait.
C’était plus facile d’être en rage que de souffrir. Plus facile de se concentrer sur la fureur plutôt que d’admettre que le destin avait fini par l’emporter, l’emporter et gagner.
Je me blâmais, moi, uniquement moi, persuadée que je pouvais être la seule responsable. Je l’avais porté, j’étais celle qui aurait dû s’en occuper, faire attention à lui, prendre les précautions nécessaires et s’assurer qu’il ne manquerait de rien. Une partie de moi était persuadée que, s’il n’était pas resté dans mon ventre, cela était parce que j’avais provoqué sa perte, d’une manière ou d’une autre. Mon corps n’avait pas été suffisamment accueillant. Mon organisme n’avait pas suffisamment été sein. Malgré tous mes efforts, rien n’avait été suffisant parce qu’il n’aurait jamais l’occasion de voir la lumière du jour. J’avais l’occasion de vivre. Jamais. L’occasion. De. Vivre.
Jamais.
Jamais parce que c’était terminé.
Je ne supportais pas la douleur qui prenait place dans la voix d’Isaac, je ne supportais pas la souffrance qui s’était installée dans son regard. Je sentis mon coeur se soulever quand il passa ses bras autour de moi, sentant toutes les horreurs de la guerre se coller à ma peau. Je n’avais pas envie de rester là, contre sa peau fiévreuse, pas quand je me sentais vide, si vide. J’étais si désolée de lui infliger ma chute, si désolée de lui infliger mes propres ténèbres à mon tour. Dans ma tourmente, j’en oubliais presque qu’il avait perdu son enfant, lui aussi ; j’en oubliais presque, également, que je lui imposais le deuil et le chaos de mon être. « Ce n’est pas de ta faute. Ce n’est pas de ta faute… » me répondit-il et je secouai la tête. Je ne savais pas s’il était sincère, s’il disait cela parce que j’étais sur un lit d’hôpital, en convalescence. Je ne savais pas s’il était sincère, s’il s’était cela parce qu’il me connaissait suffisamment bien pour savoir que je lâchais peu à peu prise et que, de la même manière, je peinerais à faire machine arrière.
Ses mains caressèrent mes cheveux, avant de finalement encadrer mon visage. Je n’avais même pas remarqué la caresse de ses lèvres sur mon front ; mes pensées battaient dans mon esprit perturbé et je me détachais lentement de la réalité, incapable de garder un pied sur Terre. « Je t’aime plus que tout… Tu le sais ? » finit-il par dire. « Tu le sais, pas vrai ? » Mon coeur se brisa un peu plus et j’hochai la tête avec lenteur. « Je sais. Mais, lui, il ne savait pas, non. Il ne savait pas que je n’avais pas le droit d’être l’objet de son amour comme ça. Il ne savait pas que c’était de ma faute si notre enfant n’aurait jamais l’occasion de voir la lumière du jour. Jamais l’occasion de vivre. Jamais. L’occasion. De. Vivre. « Je l’ai perdu, Isaac, » répétai-je une nouvelle fois, sans pour autant parvenir à soulager ma peine. Je me détachai de lui non pas par manque d’affection mais par peur de ne plus mériter son attention, par peur de ne plus avoir le droit à son amour. Je secouai la tête en passant ma main dans mes cheveux bruns, mes pensées tambourinant sous mon crâne. Tambourinant si fort que je ne parvenais plus à réfléchir. Tambourinant si fort que je ne ressentais que de la colère, cette colère qui me rongeait, cette colère qui balayait ma peine d’un revers de la main. « Je le mettrais jamais au monde. » C’était dur à admettre, dur à dire à voix haute, dur, dur, dur, si dur. Tremblante, je passai mes jambes en dehors du matelas, mes pieds nus touchant le sol froid de l’infirmerie de fortune. Je me relevai avec précaution, me sentant encore nauséeuse, mais j’ignorai les protestations de mon corps ; je fis plusieurs pas avant de finalement faire demi-tour, me perdant comme une bête sauvage dans le cumul incessant de mes pensées chaotiques. Chacun de mes tourments étaient destinés à mon enfant. A notre enfant. Cet enfant qui ne verrait jamais la lumière du jour. Cet enfant qui n’aurait jamais l’occasion de vivre. Jamais. L’occasion. De. Vivre. « Peut-être c’est parce que j’aurais été une mauvaise mère, » repris-je en haussant les épaules, prise d’un rire hystérique, le corps agité de spasmes nerveux. « C’est vrai, ça, je ne suis même pas capable d’être correctement ta femme. » Je pensai à toutes ces fois où nous nous étions disputés parce que j’avais refusé de le soutenir dans ses idées sur la guerre, toutes les fois où je lui avais imposé de m’écrire des lettres par pure lubie. Je fis les cent pas dans la salle, incapable de m’arrêter, incapable de me contenir, incapable d’être calme et posée.
Je me sentais partir. Partir dans la démence. Partir. Partir. Partir. Partir comme mon fils avait pu partir. Partir sans que je ne parvienne à faire marcher arrière.
Mais, après tout, plus rien n’avait d’importance. Mon bébé n’aurait jamais l’occasion de voir la lumière du jour. Jamais l’occasion de vivre. Jamais. L’occasion. De. Vivre.
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() message posté Ven 3 Juil 2015 - 19:29 par Invité
” So fragile—the human body. Just one prick and it will draw blood. Just one bullet and the bleeding will never stop.”   Est-ce que c'est toi ? J'avais l'impression de faire face à une étrangère. Son visage avait soudainement perdu toutes ses couleurs et mêmes les reflets de la lumière ne faisaient que marquer la noirceur de ses traits. Mes bras tremblaient. J'avais si peur qu'elle s'abandonne dans les fléaux accablants de ce monde. J'avais besoin de la tenir dans mes bras. J'avais besoin de saigner à ses côtés à présent, mais mes plaies avaient déjà guéri. On m'avait conditionné à ressentir la douleur de manière brève. C'était une question de survie. Les émotions de mon cœur ne duraient qu'une poignée de secondes. Je me perdais dans les déchirements de mon âme. Je ployais mais c'était Olivia qui tombait sans que je puisse la retenir. Je songeais à notre enfant. J'étais réellement attristé mais toutes mes pensées se dirigeaient vers le deuil imminent de ma femme. C'était elle que mes yeux regardaient avec cette lueur à la fois triste et compatissante. Je l'avais connu toute ma vie. Sa bienveillance avait éduqué ma jeunesse en y développant des conceptions sentimentales sur l'humanité et non sur la volonté guerrière. J'étais né pour devenir un ennemi héréditaire dans une guerre stupide, mais elle me rendait meilleur. A chaque instant. A chaque bouffée d'air. Elle faisait de moi un homme bon. Je me penchai en grinçant des dents. Mes lèvres frémissantes se courbaient, la suppliant de répondre à mes prières muettes, invoquant en elle un quelconque signe de lucidité. Mais elle ne me répondait pas. Elle se contentait de triturer ses vérités cruelles et injustes : Nous sommes en Afghanistan, et elle a fait une fausse couche suite à un bombardement proche de la base militaire. Je me redressai, honteux, affligé et corrompu par la culpabilité. Je l'avais traîné jusqu'ici. J'avais exercé mon pouvoir exorbitant sur elle au nom de l'amour. Je l'avais obligé à me suivre mais je n'avais pas su la contraindre au repos, à la sécurité. Je pouvais encore entendre ses hurlements de détresse lorsqu'on lui avait arraché un bout de sa chair. L'odeur du sang flottait autour de sa silhouette fugitive. Elle cheminait autour de sa tête et s’inscrivait sur son front comme cicatrice indélébile. Je fermai les yeux en songeant à ses nombreuses lettres. Elle m'avait promis l'éternité. Je lui avais interdit de m'attendre, mais elle était là. Olivia se tenait en permanence à mes côtés malgré mes efforts pour l'éloigner ou la protéger.  Et je souffrais de sa proximité depuis des années. Ma gorge se serra alors que je l'étreignais avec douceur. Je suis désolé. Je m'en veux tellement … Ses cheveux glissaient sous mes caresses fébriles. Nous n'étions pas les seuls à souffrir du poids de la mort. Il y avait une vingtaine de soldats tués qui reposaient sous terre. Il y avait une centaine de familles qui recevaient des drapeaux  pliés et qui lisaient des articles injurieux sur la barbarie des troupes américaines. La presse ne nous épargnait pas. Elle transformait nos douleurs en colère. Elle nous exhortait, attisait notre haine et faisait de nous des êtres méprisables. Mais ça n'avait aucune importance. La mort pour la gloire et l'honneur n'était jamais une perte vaine. Notre petit garçon était déjà un héros déchu.   « Je sais.  » Murmura-t-elle. Je l'entendais à peine. Sa voix courroucée suivait les fluctuations de mes pensées mais je ne parvenais pas à assimiler ses paroles. Je m'accrochais à ses épaules fragiles. J'enfonçais mes doigts dans son dos. Je ne voulais pas qu'elle parte mais il ne s'agissait plus de mes caprices romantiques. Il fallait que l'épargne cette fois. « Je l’ai perdu, Isaac, » Cette phrase se répétait sans cesse dans mon esprit. Je plissai le front. Non. Elle n'avait rien perdu. Notre bébé était tout simplement parti. Olivia n'avait pas lâché prise, c'était le destin qui avait tout emporté. Je déglutis en la laissant se détacher de ma prise. Je l'observais bouger avec disgrâce, enfouissant ses mains dans ses cheveux bruns ou frottant ses cuisses contre les draps. Ses gestes étaient nerveux et désordonnées. « Je le mettrais jamais au monde. » Trembla-t-elle en se levant. Je suivais sa démarche titubante. Elle me blessait en se murant dans le silence. Elle me blessait en s'aventurant dans la démence de cette façon. Je me redressai lentement, prêt à l'empoigner par la taille et à la faire asseoir. J'étais prêt à l'attacher, si nécessaire, pour éviter qu'elle ne se fasse du mal. « Reviens t'allonger, Olivia.   » Sifflai-je avec lassitude. Mais elle avait déjà franchit les limites. Il y avait peu de cohérence dans ses paroles. Elle fit quelques pas au milieu de la pièce. « Peut-être c’est parce que j’aurais été une mauvaise mère, C’est vrai, ça, je ne suis même pas capable d’être correctement ta femme. » Elle riait avec hystérie. Elle me quittait afin de rejoindre un monde sombre et effrayant, que je refusais de rejoindre. Je devais rester calme et posé. Je devais la ramener vers moi. Elle commença à faire les cents pas, accomplissant une danse macabre entre les meubles sales et négligés. « Arrête ça s'il te plaît …   » Je me sentais paralysé et désespéré. Je n'avais même pas la forcer d'élever le voix et d'articuler sévèrement ma demande. Tout à coup, je me retrouvais sans patrie. Sans idéaux. Sans elle. Cela n'avait aucun sens de penser, de dire, d'écrire quoi que ce soit de réconfortant. L'éternité qu'elle m'avait promise se brisait en mille éclats. Je secouai la tête en me postant devant elle, les traits allongés et l'expression grave. « Tu es ma femme. Tu as mis au monde mon fils et ce n'est pas ta faute s'il était promis à briller dans un ciel différent. Tu l'as mis au monde ailleurs. Olivia, tu n'as rien perdu tant que je suis là. » Récitai-je en la secouant légèrement.  Je déposai mes mains sur ses joues creusées par les larmes. Mes vêtements maculés de sang semblaient emprisonner l'ardeur de mes gestes. Je me penchai vers elle afin d'ancrer mon regard sombre dans le sien. « Je ne connais pas de religion mais j'irais prier avec toi. On priera pour le petit. Tout ira bien, tu dois me croire. » Je pressai mes paumes contre sa peau brûlante au fur et à mesure que je lui parlais. Je la suppliais malgré ma vanité et ma douleur. Je ne supportais pas de la voir dans cet état. Je refusais qu'elle s'épuise inutilement. Il est parti. C'est fini. Je l'attirai vers moi afin de la guider vers le lit à nouveau.
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() message posté Mar 7 Juil 2015 - 21:32 par Invité

Isaac & olivianovember 13th, 2008 women are forged of iron. my body, it has bled and blazed and broken, and yet it beats on. i am iron. a little rusted, perhaps, but still i endure. ✻ ✻ ✻ Je n’avais été enceinte que de quatre mois et, pourtant, j’avais eu le temps d’imaginer ses rires. D’imaginer sa voix. D’imaginer ses traits et ses expressions. Je n’avais été enceinte que de quatre mois et, pourtant, il avait déjà fait partie de mon existence à sa manière, rythmant mon quotidien, animant mes lubies, s’incluant dans mes visions du futur. Il avait été à la fois mon espoir et ma satisfaction, mon miracle et un morceau de mon existence. Il n’avait pas encore eu de nom mais il avait eu sa place, il n’avait pas encore été là mais il avait été aimé, aimé au-delà du raisonnable, sans doute.
Je l’avais aimé à en perdre la raison.
A me perdre, moi.
Dans ma douleur, je ne dissociais que la colère, cette colère qui m’aveuglait, cette colère qui rongeait le reste. C’était si facile d’être en rage contre le monde entier plutôt que se laisser aller face au chagrin. C’était si facile de se révolter contre le destin plutôt que d’accepter réellement ce qu’il venait de se passer. J’étais debout mais je n’étais pas réellement là ; c’était surtout ma colère qui animait mes gestes, ma colère qui m’animait, moi. Il était si rare que je me retrouve dans un état pareil que j’étais bien incapable de faire machine arrière ; j’étais le pantin de mes émotions destructrice, la marionnette de ma rage, le jouet de mes émotions. J’étais debout mais je n’étais pas réellement là, non. J’étais debout mais j’étais loin, si loin, enfermée dans un monde où mon enfant était encore en vie, enfermée dans un univers où je n’avais pas à être en colère ou triste. Enfermée ailleurs, enfermée parce que cela était beaucoup plus simple d’ignorer la vérité plutôt que de l’affronter, l’affronter et réaliser.
Réaliser que je l’avais perdu.
Réaliser que je m’étais perdu avec, aussi.
Réaliser qu’Isaac, lui, n’avait pas seulement perdu son fils, mais sa femme également.
Je faisais les cent pas dans ma chambre de fortune, la main pressée contre mon ventre encore légèrement rebondi, témoignant de cette vie que j’avais perdu aujourd’hui, prouvant mes erreurs et mes désillusions. J’étais bien incapable de me calmer, bien incapable de rester en place ; je ne répondais plus de mes gestes, de mes allées-venues, de mon obstination. Je ne sentais même plus le regard d’Isaac peser sur moi. C’était comme si mon corps tout entier était enfermé dans sa bulle d’enfer personnel et que mon esprit était loin, toujours aussi loin, l’abandonnant aux mains de ma douleur et de mes tourmentes. C’était injuste. Si injuste. « Reviens t'allonger, Olivia. » La voix d’Isaac était lasse, si lasse. Je n’étais pas suffisamment lucide pour savoir s’il parlait de cette manière parce qu’il ne supportait pas de me voir dans cet état ou parce qu’il m’en voulait, lui aussi, pour avoir perdu la vie de notre enfant.
Les deux, probablement, et je n’avais absolument aucune excuse pour lui en vouloir, pour affirmer que c’était injuste. Il avait probablement raison. Raison de me détester. Raison de ne plus supporter que je sois là, sous sa vue. Raison de ne plus vouloir de moi. Raison de m’en vouloir, presque autant que je pouvais bien m’en vouloir à moi, déjà toute seule. « Arrête ça s'il te plaît… » finit-il par répéter. Non. Je ne pouvais pas arrêter. Non, c’état au dessus de mes forces. Je devais me libérer. Me libérer de toute cette colère. Me libérer de toutes ces choses qui m’habitaient. Me libérer de ma rage, de ma douleur, pour finalement rendre les armes face à ce destin qui m’en voulait personnellement. Puis, finalement, il se posta devant moi, encadrant mon visage avec ses mains, m’emprisonnant dans sa prise pour me forcer à lever les yeux vers lui. « Tu es ma femme. Tu as mis au monde mon fils et ce n'est pas ta faute s'il était promis à briller dans un ciel différent. Tu l'as mis au monde ailleurs. Olivia, tu n'as rien perdu tant que je suis là, » dit-il mais sa voix ne me parvenait qu’en échos indistincts, perdue dans les méandres de ma détresse. De ma colère. De ma rage qui continuait de bouillonner au fond de moi. « Je ne connais pas de religion mais j'irais prier avec toi. On priera pour le petit. Tout ira bien, tu dois me croire. » Je secouai la tête, toujours piégée dans sa prise. Je la secouai si fort que je me fis mal aux joues, si fort que mon cou était douloureux à cause de la pression de ses doigts. Non. Je refusai. On ne pouvait plus prier pour lui. On ne pouvait plus le sauver.
Il n’était même pas né. Il n’était même pas un il, il n’était même pas un Homme. Il était un début d’âme perdu dans le vide. Un morceau de quelque-chose qu’on ne connaîtrait jamais.
Isaac tenta de me ramener vers le lit mais je résistai à ses attentions, me dégageant de sa prise, tentant de libérer mes bras de ses mains. Je le fis avec violence, m’écartant comme une sauvage, insensible à la douleur qui irradiait mes avant-bras. Elle était si faible, comparé à ce que j’avais bien pu vivre dans mon crâne. Elle était si insignifiante, comparé à ce que j’étais en train de connaître dans mes pensées. « Non, »  dis-je d’une voix forte, secouant la tête. « Non, non, non, non, non. »  Mon coeur tambourinait dans ma poitrine, ma tête me tournait. Je vacillai, à moitié consciente, à moitié submergée par le flot de pensées qui s’accumulait au ceux de mon esprit. J’étais ensevelie sous la douleur, incapable de gérer les angoisses qui s’accumulaient. Mon corps tout entier tremblait et je me sentais partir, partir dans la démence, partir dans la souffrance, partir loin, si loin. « On aura beau prier, cela ne nous le ramènera pas, »  assénai-je. « Je ne l’ai pas mis au monde. Il est mort. Je. Ne. L’ai. Pas. Mis. Au. Monde. »  Je levai la main, renversant la lampe de chevet qui se tenait maladroitement sur un meuble poussiéreux. Elle tomba à terre, l’ampoule se brisant en mille-et-un éclats, reflétant parfaitement l’état de mes espoirs ; je ne ressentis absolument aucun soulagement, alors je balayai d’un revers de la main la surface du meuble pour renverser le reste.
Il y avait mon coeur. Mon coeur qui battait au fond de mon esprit. Mon coeur qui tambourinait, encore et encore. Mon coeur qui me lâchait. Et je me sentais partir. Loin. Si loin. Peut-être suffisamment loin pour que je puisse le retrouver. Lui, mon fils, mon enfant.
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() message posté Ven 10 Juil 2015 - 7:19 par Invité
” So fragile—the human body. Just one prick and it will draw blood. Just one bullet and the bleeding will never stop.”   La voir sombrer de cette façon, être impuissant face à sa décadence, ressentir la perte de notre enfant … Je ne pouvais pas tout supporter à la fois. Ma vision se brouillait alors que la silhouette fragile d'Olivia ondulaient dans la pièce, sombre et affaiblie par l'effort. J'attendais qu'elle se calme. J’espérais qu'elle retrouve la raison, mais plus les minutes se consumaient et plus elle s'isolait dans l'illusion d'avoir failli au destin. Je me redressai, l'expression grave et la bouche courbée. Je me sentais si mal mais je n'étais pas en droit de le montrer. Je n'étais pas en droit de faire le deuil de mon fils. Je participais à la guerre en tant que soldat. Je voyais mes frères tomber les uns après les autres. J'éprouvais une profonde tristesse en songeant à leur disparition, mais je pouvais pas m'abandonner au désarroi. Ce qui était de mon devoir et ce qui m'était ordonné par les autorités, par mes supérieurs, c'était l'humilité. Le reste n'avait aucune valeur. Peut-être les choses étaient-elles mieux ainsi. Peut-être fallait-il robotiser les Hommes et annihiler toutes les origines du sentimentalisme cruel. Je clignai des yeux en agrippant ses bras. Je la tenais fermement mais ses gestes désordonnés déformaient brutalement la réalité. Elle me rejetait. Elle refusait mon aide et ma sollicitude, alors je lâchai prise en silence. Ce n'était pas la première fois que j'assistais à une démonstration de colère de sa part, néanmoins, elle me semblait complètement différente. Elle tournoyait autour d'un monde obscur, habité par les instincts primitifs et la sauvagerie. Son être se divisait en deux sphères hostiles. Deux sphères éloignées et étranges. Reviens s'il te plait … Je m'avançai d'un pas ferme. Je serrai la mâchoire et je la transperçai du regard avec sévérité. Il fallait que je l'empêche de voler en éclats. Je connaissais Olivia depuis toujours. Je savais à quel point elle accordait de l'importance à notre couple, à nos futurs enfants et à notre avenir. Elle avait toujours voulu être entourée de rires et d'agitations, quelque part, dans une grande maison située dans une banlieue paisible et tranquille. Je lui avais promis de réaliser tous ses rêves, et je continuais à lui promettre chaque jour que j'allais terminer mon mandant plus tôt. Mais je ne le faisais jamais. Plusieurs mois s'étaient écoulés. Les jours s'étaient transformés en années et nous étions toujours en Afghanistan, répondant aux exigences de la nation et aux valeurs de mon héritage. Je tendis légèrement les bras afin d'effleurer son épaule mais elle m'échappa à nouveau. Elle éleva la voix et hurla comme un animal en cage. Son existence n'oscillait plus. Elle avait tout à coup plongé entre une série innombrable d'oppositions.   « Non.  » Je la fixai longuement. J'essayais d'imprimer ses paroles dans ma tête. Je voulais trouver un anti-poison pour la sauver de ses démons, mais elle continuait de se déchirer dans la douleur. « Non, non, non, non, non. » Je ne disposais pas d'une grande capacité de penser. Je n'avais aucun talent intellectuel. Je ne faisais que me pencher sur la vie à travers un prisme de formules nobles et simplificatrices. Oui. J'éprouvais un besoin inné et impérial de combattre les vices du monde. Oui. Oui. Oui. Oui. Oui. Je ne connaissais que ces mots. Je conservais cette illusion et je la laissai travestir la réalité. «  On aura beau prier, cela ne nous le ramènera pas . Je ne l’ai pas mis au monde. Il est mort. Je. Ne. L’ai. Pas. Mis. Au. Monde.  » S'indigna-t-elle en levant la main. Il n'y avait rien de plus cruel que de voir une femme de la foi perdre tout espoir de rédemption. J'esquissai un mouvement de recul. Mon esprit flottait autour des murs de l'infirmerie, sans aucune attache. Parfois, même des âmes particulièrement douées et délicates voyaient poindre en elles l'intuition de leur caractère multiple . Parfois, elles se brisaient et franchissaient le seuil de la démence, de la colère et du chagrin. Je soupirai en secouant la tête. « On priera pour lui quand même. Pas pour le ramener mais pour lui dire au revoir.   » Murmurai-je dans ma barbe. Je m'approchai doucement d'elle, ignorant les tiraillements de mes muscles et la douleur qui s'éveillait le long de ma jambe. Certainement, une éraflure, ou une légère entorse après la mission. De toute façon, je m'en fichais. Je crispai mes doigts raidis dans le vide. Je m'appliquais à considérer ce chaos comme une évidence, comme une simple analogie. Reviens-moi. Olivia, s'il te plaît. Mais elle demeurait insensible à ma requête. Elle incarnait subitement une figure du romantisme noir et effrayant. Elle fit tomber une ampoule avant de s'attaquer aux divers instruments qui jonchaient sur le meuble. Olivia était enragé mais c'était mon cœur qui se brisait. C'était ma poitrine qui brûlait par les ressentiments et la culpabilité. Je pinçai les lèvres avant de me jeter sur elle. J'immobilisai ses mains avant qu'elle ne se blesse. Avant qu'elle ne se fasse plus de mal. Je la plaquai contre mon torse et serrai son corps frémissant contre moi. Son odeur n'avait pas changé. Elle chatouillait mes narines comme un doux souvenir, comme un fragment d'éternité qu'on venait de nous arracher. Un spasme traversa ma gorge mais je m'efforçai à rester calme. Ma femme exprimait parfaitement la douleur pour deux. Elle me complétait, même lorsqu'elle tombait au fond de l'abysse. « Je sais… Je sais ce que tu ressens ...   » Murmurai-je en caressant ses cheveux. « Tu es plus forte que ça. Tu l'as toujours été. Je me suis penché sur ton berceau, et même si je pouvais à peine prononcer ton prénom, tu as éveillé quelque chose en moi. Aujourd'hui je sais, que tu es un être spécial. Tu es plus forte que ça. » J'enfouis mon visage dans son cou en fermant les yeux. Elle possédait ce grand dévouement et cette aptitude extraordinaire à endurer la solitude que lui infligeait le désert. Il lui arrivait de rester pendant des semaines à la base, loin de ses proches, loin de moi, mais elle ne s'était jamais laissé envelopper par l'ambiance triste de l'agonie. Olivia était un génie de la musique, une magnifique berceuse qui adoucissait les mœurs. Je ravalai mon émotion. Je bougeai lentement, puis je relevai mon visage vers elle. « Tu es plus forte que moi. » Je cherchais la lumière au fond de mon propre désespoir. Je craignais d'emprunter cette voie sinueuse qui me poussait à supporter encore plus d'épreuves. Ma conscience était toujours claire. Je n'avais pas oublié la vision de sa fausse couche. Je n'avais pas oublié mon fils. Cependant, je restais focalisé sur Olivia. Je reportais toutes mes frustrations sur elle, comme si son immense peine pouvait justifier le déni de mes sentiments. Et plus tard dans la nuit, lorsqu'elle se sera épuisé par les pleurs et les lamentations, je pourrais enfin me laisser envahir par la fatalité. « Il faut que tu rentres à Nola. » Susurrai-je en embrassant furtivement son front. Je ne voyais pas d'autre option. Il fallait qu'elle s'éloigne. Il fallait qu'elle retrouve un semblant d'équilibre avant que je ne la rejoigne.
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() message posté Lun 13 Juil 2015 - 20:30 par Invité

Isaac & olivianovember 13th, 2008 women are forged of iron. my body, it has bled and blazed and broken, and yet it beats on. i am iron. a little rusted, perhaps, but still i endure. ✻ ✻ ✻ J’attendais que mon corps s’épuise mais à chaque fois j’étais surprise par de nouvelles vagues de douleur. J’attendais que mon esprit lâche prise mais il s’accrochait, encore et toujours, à ce qui me faisait tant de peine. Mon coeur battait douloureusement dans ma poitrine et pleurait ces larmes qui ne réussissaient pas à passer la frontière de mes paupières. Mes pensées mourraient avec cet enfant qui n’avaient jamais vu le jour. Je perdais le fil dans ma souffrance. Je me noyais dans mon incompréhension. Je n’étais plus qu’un monstre de maux, un corps maltraité par les torts. Je refusais de pleinement me laisser aller à la tristesse, m’accrochant à la colère, me réconfortant dans la rage. C’était plus facile de cette manière. Plus facile de s’indigner contre le monde entier plutôt que de se recroqueviller sur ses semblants de souvenirs.
J’avais l’impression de vivre dans un cauchemar, un cauchemar qui s’étirait en longueur, un cauchemar qui ne s’arrêterait plus. Des visions d’horreur continuaient de me tourmenter par bribes dans mon esprit perdu ; je me rappelais du sang qui s’était écoulé entre mes jambes, des paroles du médecin, des vives-douleurs qui m’avaient prise dans le bas ventre et qui avaient signé la fin de mon bébé. Je me souvenais de toutes ces choses sans parvenir à faire taire les paroles qui tambourinaient dans mon crâne. Sans parvenir à y mettre un terme. Sans parvenir à les arrêter.
Isaac était là, à mes côtés, pourtant je ne parvenais pas à ressentir sa sollicitude. Je refusais qu’il souffre lui aussi, je refusais qu’il ait mal par ma faute. Je le rejetai violemment sans me rendre compte que je pouvais lui faire du mal en l’éloignant de moi ; j’étais aveuglée par le chemin tortueux de mes pensées, perdue par la misère de mon esprit. Je n’étais plus la même, en ayant si mal. Je n’étais plus Olivia Marshall. J’étais un être ni humain, ni mature. J’étais une bête de douleur, une bête de souffrance, une bête en manque d’un amour maternelle qu’elle n’aurait jamais. J’étais l’ombre de la femme que j’avais incarné, rendant finalement les armes, laissant mes démons prendre le dessus parce que cela était bien plus facile de réagir ainsi plutôt que de continuer à se battre.
Je me sentais vide. Vide et étrangère. Vide et malheureuse, si malheureuse que la guerre n’avait absolument plus aucune importance sous mes yeux lessivés et malades, vidés de toute compassion, vidés de toute sollicitude. « On priera pour lui quand même. Pas pour le ramener mais pour lui dire au revoir, » reprit Isaac. Je ne supportais pas son ton implorant, je ne supportais pas sa souffrance. Je secouai la tête violemment, ne trouvant absolument aucun réconfort lorsque je m’appliquai à renverser tout ce qui pouvait bien se trouver à ma portée.
Pourtant, je continuais. Je continuais à donner de grands coups pour exprimer toute la détresse qui m’animait, pour tenter d’extérioriser cette douleur qui me rongeait. Je poussai de grands cris fatigués, usés par la vie, usés par le destin, ne parvenant même pas à m’épuiser.
Puis, finalement, les bras d’Isaac s’enroulèrent autour de moi et, même si je me débattis pendant quelques secondes, je n’eus plus la force de me libérer de sa prise. Il me serra fort, si fort, que je revins sur Terre. Il me serra fort, si fort, que je ressentis toute l’étendue de sa propre douleur, que je me rendis compte que je n’étais pas toute seule à endurer cette perte. Il me serra fort, si fort, que la colère laissa place à la douleur, que la rage s’en alla pour me laisser à la tristesse, et que d’épaisses larmes perlèrent au coin de mes paupières. « Je sais… Je sais ce que tu ressens... Tu es plus forte que ça. Tu l'as toujours été. Je me suis penché sur ton berceau, et même si je pouvais à peine prononcer ton prénom, tu as éveillé quelque chose en moi. Aujourd'hui je sais, que tu es un être spécial. Tu es plus forte que ça, » répéta-t-il dans le creux de mon oreille, alors que ses doigts caressaient mes cheveux emmêlés. Je me débattis, laissant à mon corps deux tentatives avant de finalement rendre les armes. Je n’étais pas forte, non. J’étais pathétique. « Tu es plus forte que moi, » reprit-il en enfouissant son visage dans mon cou. Je fermai douloureusement les paupières, incapable de m’accrocher à cette vérité qu’il m’énonçait, incapable de m’y conformer. Incapable de me faire une raison, incapable de me dire que ma démence pouvait être un signe de force et de courage. « Il faut que tu rentres à Nola. » Ses lèvres se posèrent sur mon front et, une nouvelle fois, je secouai la tête. Les larmes coulèrent le long de mes joues, traçant de longs chemins salés sur ma peau sèche et abimée. « Non. Non, je ne peux pas rentrer, »  protestai-je faiblement. « Je ne peux pas partir en te laissant derrière. Je n’ai plus personne là-bas. »  C’était la vérité. Du moins, c’était la réalité telle que je l’envisageais. J’avais ma famille, oui. J’avais mes parents. J’avais mes frères et mes soeurs. J’avais mes amis, même, ces amis que j’avais laissé derrière moi en suivant Isaac en Afghanistan. Mais il n’y avait qu’avec lui. Qu’avec lui que je me sentais chez moi. Qu’avec lui que je me sentais en sécurité.
Les sanglots remontèrent dans ma gorge, alors que je réalisais ce que cela voulait réellement dire. Je pressai mes doigts sur mon ventre moins rebondi, beaucoup plus plat. Je les pressai contre cette partie de mon corps qui ne conservait plus la vie, simplement la mort, cette mort qui avait empoisonné notre enfant. « Je l’ai déjà perdu, je ne veux pas te perdre toi aussi, »  repris-je, de nouvelles larmes inondant mes yeux. « Ne me laisse pas toute seule. »  Je n’aurais probablement pas supporté me retrouver toute seule. Je n’aurais probablement pas réussi à me supporter, à supporter mes échecs.
Je n’aurais probablement pas réussi à faire mon deuil. A oublier. A aller de l’avant et jouer à la femme forte.
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Anonymous
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() message posté Ven 7 Aoû 2015 - 23:14 par Invité
” So fragile—the human body. Just one prick and it will draw blood. Just one bullet and the bleeding will never stop.”   Olivia m'était presque étrangère. Elle exhalait une odeur d'opium particulièrement forte et inquiétante. Ses cheveux s'ondulaient autour de son visage humide avant de se coller à ses joues et à son front. Je frémis en observant son expression de profonde souffrance. Ma poitrine se serra alors que j'affleurais sous un aspect viril, cet univers empreint de douleurs. Je gardais mes mains fermées sur ses bras. Je serrais sa prise de toutes mes forces afin de la maintenir en éveil, près de moi, tout contre moi. Mes lèvres tremblaient au contact de sa peau mais je refusais de m'abandonner en sa présence. Je refusais d'admettre que j'étais humain malgré mes faiblesses. Je fermai les yeux en m'abandonnant aux souvenirs. Au bord de la route s'élevait un grand arbre. Sur ses branches les plus hautes j'apercevais une petite cabane où il nous serait impossible de nous faufiler aujourd'hui. C'était à cet endroit où nous avions échangés nos premiers clins d’œil et nos premiers espoirs. Elle tenait mon cœur entre ses doigts et elle le faisait dangereusement glisser entre les plis de ses manches. Tu te rappelles de nos cachettes? Je regardais les reflets de mon visages sur la vitrine du dispensaire. Je retrouvais les anciennes images de nos étreintes loin d'ici. J'aurais espéré pouvoir frôler ses peau et guérir ses blessures, mais son visage pâle s'évanouissait immanquablement dans le couloir. Elle tombait sans que je ne puisse la retenir. Et je n'étais plus à la hauteur. Surplombant sa tête, je continuais de la bercer au rythme de mes pensées. Je continuais à protéger notre couple malgré la perte de notre enfant, parce qu'en cet instant il n'y avait plus rien de plus important que notre alliance. J'oubliais mon propre deuil afin de me concentrer sur son malheur, pour corriger les erreurs du destin. Je refusais de la laisser partir. Cela dura un certain temps, une dizaine de minutes ou une trentaine peut-être. Je voulais murmurer à son oreille. Je voulais lui dire de ne plus bouger. Sa robe de chambre effleurait mes genoux. Ses os se pressaient contre mes muscles endoloris.  « Non. Non, je ne peux pas rentrer, »  protestai-je faiblement. « Je ne peux pas partir en te laissant derrière. Je n’ai plus personne là-bas.  » Sa voix étaient enraillée par les larmes. Je me détachai alors. Je la fixai de mes yeux embués, incapable de m'exprimer avec plus de nonchalance. Elle avait raison. Nous n'avions plus personne à Nola depuis que nous avions décidé de suivre les traces de l'armée américaine. Mais je restais persuadé que c'était la meilleure décision à prendre. Elle avait déjà décidé de me défier, de rester malgré sa grossesse laborieuse et les contraintes du désert. J'avais capitulé et je me sentais à présent responsable de son état de santé. Elle était faible. Elle avait perdu énormément. « Je l’ai déjà perdu, je ne veux pas te perdre toi aussi,  » Je frôlai sa joue du bout des doigts. Mes sourcils froncés tentaient de maintenir mes traits tirés, impénétrables. Je battis des cils afin de chasser mes émotions mais mes paupières étaient rouges et douloureuses. Je bougeai mes pieds vers elle. «  Ne me laisse pas toute seule. » Me supplia-t-elle avec lenteur. C'est alors seulement que je sentis combien ma fatigue était grande après tous les combats que j'avais mené au nom de ma patrie. Je restai immobile. J'attendais, prisonnier d'une antichambre grise, qu'on vienne me délivrer de mes chaînes. J'attendais sans esquisser le moindre mouvement. J'hochai la tête en me penchant vers Olivia. Je m'agrippai à chaque vestige de notre histoire. Il fallait trouver un nom à l'avorton avant de l'enterrer. Alors j'avais proposé qu'on inscrive mon deuxième prénom sur la croix de bois avant de le laisser reposer en paix, à quelques mètres de la base militaire. Au début, j'avais simplement suivi les recommandations de mon entourage. J'agissais avec pragmatisme puisque tel était mon rôle. Puis il me revint à l'esprit que je devais honorer mon fils. Je l'avais nommé comme moi car il avait emporté une part de mon âme avec lui. « Je veux que tu partes.    » Répétai-je avec plus d'assurance. Je me rendais bien compte de la difficulté de ma demande. Je savais que notre monde était différent de la Louisiane. Nos existences civiles étaient comme un rêve qu'on oubliait au réveil et qu'on ne se remémorait que plus tard, au milieu de la journée. Je soupirai. Ne me contrarie pas cette fois.  Elle devait obéir pour que je puisse enfin la sauver de ses démons. Je me redressai sans la quitter des yeux. Je continuais à acquiescer comme pour insister sur ma demande. « Tu dois préparer ton départ. Pas tout de suite, dans quelques semaines. Laisse-toi le temps de réaliser, de te reposer, et ensuite tu partiras. » Je souris tristement. « Je te rejoindrais, je te le promet. Je ne peux pas quitter maintenant, je sais qu'on refusera ma demande. Je suis le meilleur sniper du commando. Il y a trop de tensions dans le camp, tu sais que je n'abandonnerais jamais mes soldats. » Je caressai sa tempe avec douceur. J'avais l'impression qu'un océan de douleur nous séparait à présent, mais je tentais de rester lucide. « Je ne t'abandonnerais pas non plus. » J'étais secoué par une violente envie de crier. Mes cordes vocales sifflaient mes mots au lieu de les énoncer avec assurance. Je savais que son départ me peinait. J'avais besoin d'elle pour respirer, mais il fallait qu'elle quitte ces lieux de perditions. A ce moment là, j'étais loin de me douter que je finirais par l'accompagner, pieds en avant, dans un cercueil qui n'était pas le mien.
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