I'm not drunk, just a little stoned ☇ Sa était guitare invisible entre les mains et pourtant, il avait l’impression de la sentir. Le pincement des cordes sur le bout de ses doigts crispés, le bois contre son torse nu, et les vibrations de la musique. Oui, des vibrations, plein de vibration, partout. Il ne s’était pas emmerdé à ranger ce bordel sur sa table basse, sachant Curtis en voyage pour une compétition d’un de ses sports de prédilection – il avait oublié lequel. Et comme le camé qu’il était, une fois son frère, ce type bien, de partit, il n’avait pas attendu trois secondes avant de passer un coup de fil. Le voici donc, au détour d’une ruelle, bien à l’heure (voire en avance), une capuche sur la tête et tout et tout. Un type bizarre se pointe, ils échangent billets de fiole. Un putain de cliché, moi je vous le dis.
Jules était ensuite rentré chez lui, sans un sourire ni expression particulière. Peut-être un peu d’impatience. Ca faisait quoi, quatre jours peut-être ? Ca semblait beaucoup. Un peu trop. Mais les occasions étaient rares et il ne pouvait pas se priver d’une semaine de tranquillité pour consommer ce qu’il n’assumait pas aux yeux du monde, ce qui semblait encore si mal mais qui était si bon. La seule chose qui calmait désormais son mal-être pathologique de gamin perdu et abandonné. Pathétique. Alors il s’était empressé dans sa chambre, couché à plat ventre sur le sol, le bras tendu, pour récupérer sa petite boite en ferraille, celle qu’il cachait. L’autre, contenant weed, capotes, coke et médoc se siégeait fièrement sur sa table de nuit (parce que oui, il avait une table de nuit). Il retourna alors au salon, s’affala dans le vieux canapé et commença à sortir tous ce dont il aurait besoin.
C’était devenu agréable, l’aiguille. Presque autant que la drogue elle-même, la pression de l’aiguille contre le creux de son coude malmené, le froid de cette même aiguille qui se faufilait sous sa peau… l’anticipation fit battre son cœur. Il appuya ensuite lentement sur le piston, comme pour profiter de ce moment de grâce. Enfin, un sourire. Un, deux, trois, quatre… Il articula comme à chaque fois, sans pour autant prononcer un mot. Sorte de rituel à la con. Il ferma les yeux. Putain, enfin.
Il n’avait pas pu bouger pendant quelques instants, ou peut-être une heure. Et puis il s’était redressé non sans difficulté pour attraper une clope, avait mis du temps avait de pouvoir l’allumer et puis avait tiré une taffe. Il se leva, se sentant comme un navire en mer, ou une connerie du genre et traîna les pieds jusqu’à ses platines où il mit un route l’un de ses trente-trois tours –parce que les vrais mélomanes, ils préfèrent le son authentique d’un vinyle ! Sans surprise, c’est la voix de Mike Jagger qui s’éleva dans le loft. Jules se félicita alors d’avoir choisi un appartement avec une si bonne acoustique et puis, se demanda comment il n’avait pas pu le remarquer avant ça. Et, au son mélancolique d’Angie il commença à chanter, une phrase ou deux. Avant d’arrêter complètement, fusiller du regard son vinyle, et l’arracher sans même éteindre ses platines. Connaaard ! hurla-t-il soudainement avant d’envoyer le vinyle à l’autre bout du salon. Il regarda d’ailleurs ce dernier voler comme un frisbee. Il esquissa un sourire. Silence. Il attrapa un autre vinyle. Ah ouais, ça c’était mieux. Janis –ou Pearl- avait cette faculté de le calmé. Son pétage de câble fut très rapidement complètement occulté.
Il était donc par terre, dans un coin, entrain de mimer les accords qu’il avait su un jour mais qu’il avait aujourd’hui oublié, de Peace of my heart et parfois, lâchait une phrase avec la voix cassée, un peu semblable à celle de Janis. D’ailleurs, ça le vexa une seconde, d’avoir une voix de fille, avant qu’il ne décide de s’en foutre.
BLACKOUT
J’voulais juste te dire que… tu sais… quand t’étais petite, Saph’ t’as dégommé parce qu’elle pensait que t’avais volé sa robe.. En fait c’était moi. Non en fait c’était pas moi, si je l’ai prise sa robe mais… (rire) non, mais c’était à une soirée et… J’sais pas ce que j’avais pris.. Bref, je t’ai laissé te faire engueulé et j’me sens coupable depuis ce jour.. Je suis désolé… Je comprendrais que tu veuilles me supprimer de tes amis facebook mais… Je t’ai invitée à un évènement, j’ai un concert demain, ou après demain.. On est quel jour ? Meeerdeuh (rire) j’me suis cramé les couilles avec mes cendres. Alors, je disais, avant de me supprimer, tu peux partager l’évènement à tes amis ? Je touche un pourcentage sur le nombre de places vendues.. Enfin, tu vois le genre… Attend j’ai un double appel… En fait, il n’avait pas de double appel, mais lorsqu’il vérifia, il se rendit compte qu’il était sur la messagerie non pas de Savannah, sa sœur cadette, mais Carlos, un podologue qu’il avait consulté en urgence un jour (il ne se souvenait plus trop pourquoi il avait ressentit le besoin intense de se trouver un podologue en pleine nuit un samedi soir, mais il se souvenait que c’était une mauvaise expérience. Fuck. jura-t-il avant de raccrocher, sans donner plus d’explications sur la messagerie.
BLACKOUT
Il s’était vaguement endormi et soudain, il se réveilla en sursaut. Oh merde ! S’égosilla-t-il alors qu’il tombait du canapé. Ce qu’il l’avait réveillé était un sorte de gros bruit contre sa porte d’entrée. Jules releva la tête pour regarder ce qui se tramait. Soudain, la porte s’ouvrit, il le devina au bruit. Enfin, l’un des bruits qui se confondait entre la sonnerie de son téléphone portable (un appel de Carlos) et le grésillement de ses platines sur lesquelles tournait un vinyle terminé. Et dans l’obscurité, Jules ne décelait pas grand-chose. Un silhouette, tout au plus. C’est quoi ce bordel ? Grommela-t-il en essayant de se relever. Il tituba ensuite jusqu’au meuble le plus proche, à savoir sa table basse, où il se retint pour ne pas tomber. Une femme. Poppy si c’est toi, c’est pas le moment ! Fut la seule idée qu’il eut.
Invité
Invité
(✰) message posté Ven 7 Aoû 2015 - 15:21 par Invité
Abi. J’étais consciente, elle m’appelait et je ne répondis pas. Pas encore trop d’héroïne dans les veines, mais je comptais changer la donne dans les minutes qui suivraient. Sa voix familière me donnait envie de m’en aller. Je la regardai un instant, feignant un air éteint alors que j’étais parfaitement éveillée. « Abi, ça va ? » Oui, ça allait. Il ne manquait que la touche finale : l’extase. Pas ici. Je voulais voir quelque chose de nouveau, des visages nouveaux. J’étouffais parmi ces traits connus. Mes prunelles se tournèrent lentement vers la table basse tandis que je me redressai doucement pour m’adosser au canapé. J’y remarquais la poudre brune sur le plastique déchiré, au milieu des mégots et des verres à moitié fini. Une épave, cet endroit. Je m’étais trop habituée à la propreté de l’appartement de Theodore. Cette ambiance me dégoûtait presque. Je finis par me concentrer sur la silhouette penchée au-dessus de moi. Un plan pour sortir d’ici avec la drogue. J’en avais un million gravitant entre les parois de mon crâne, et j’en choisis un alors que j’ouvrais la bouche pour lui répondre : « Non … Je crois que je vais vomir. » Voilà ce que je dis, d’une voix brisée et tremblante, pour paraître réaliste. Je respirai de plus en plus fort et m’affaissai entre les coussins en fermant progressivement les yeux. J’aurais bien voulu pouvoir vomir à cet instant, mais impossible de simuler cela. Je me contentai simplement de provoquer quelques soubresauts, arquant mon dos et faisant mousser ma salive, jusqu’à retomber inerte sur le cuir du sofa. Je gardai les paupières closes : la voir paniquer me ferait sûrement beaucoup trop rire. « Abi, merde ! » J’entendis son cœur battre un peu plus fort, un peu plus vite. « Il est où mon putain de portable ? » Quelqu’un lui avait emprunté et l’avait reposé dans la pièce d’à côté. Elle se leva et se précipita dans le couloir. Je n’attendis pas une seconde de plus avant de me relever et tendre le bras pour refermer ma paume sur le sachet d’héroïne. Je l’entendis s’opposer verbalement à un garçon à travers la cloison : elle voulait appeler les secours, il lui disait de ne pas le faire. Que c’était trop risqué. Que la baraque était remplie de drogue et que les flics s’empresseraient de débarquer. Les flics. J’eus un sourire en pensant à comment Theodore aurait pu me sortir indemne de cette affaire, puis je glissai vers la porte d’entrée pour fuir cet endroit, les mains chargées d’extase.
L’air était humide, presque frais. La nuit régnait sur la ville et je n’avais pas de manteau. Je fermai tant bien que mal le plastique pour le ranger dans mon sac puis pris la direction des immeubles alentour. Beaucoup d’héroïne pour moi seule. Je n’allais pas tout consommer, c’était peine perdue. Bien qu’étant habituée, je restais humaine : j’allais m’évanouir avant. Rentrer à la maison ? Pour que Theodore me trouve dans cet état, non. Il n’hésiterait pas à me confisquer la drogue, quitte à la jeter tout simplement. Il y avait sa petite Jasmine : on n’y touchait pas. On ne jouait pas des scènes de débauches à quelques mètres seulement de cette enfant si fragile. Parfois je l’imaginais lever les yeux vers la porte de ma chambre, derrière la barrière de la mezzanine, fronçant les sourcils en devinant ce que j’y fabriquais. Mais il n’en savait rien. Il ne songeait qu’à la drogue. Il ne songeait pas à ce qui se cachait derrière mes traits fatigués. Cela viendrait, je lui laissais le temps. Je commençais à l’apprécier de nouveau. Je n’aurais jamais cru cela possible, mais il avait changé depuis toutes ces années. Je le voyais lorsque ses yeux abyssaux se posaient sur sa fille et qu’il souriait discrètement, attendri par tant d’innocence. Je l’avais menacé. Menacé de le dénoncer pour qu’il me laisse rester. Je ne voulais pas jouer ce rôle, mais j’y avais été contrainte. Cependant il ne voyait pas non plus tous ces regrets qui me déchiraient l’âme lorsque je pensais à ce que j’avais fait. A comment j’avais utilisé sa fille sans réfléchir à ce que cela impliquait. Je reste ou bien c’est toi qui va devoir partir. Et tu ne la reverras jamais. Comme si nous étions liés sans pouvoir nous toucher. Sans même pouvoir rester côte à côte. Nous n’étions pas des lignes parallèles : cette symbolique me donnait envie de vomir. Nous étions brisés depuis bien trop longtemps pour pouvoir prétendre être aussi droits et infinis. Nous étions simplement deux pierres polies par le même océan de noirceur et de lucidité.
Jules Abberline, un sacré malade. Nous venions de parler de lui avec mes acolytes, ceux à qui je venais de dérober cinq cent bons grammes d’héroïne. Il n’habitait pas loin, d’après eux, et leur conversation à son sujet avait éveillé ma curiosité insatiable. Je laissai mes jambes me porter jusqu’au bâtiment où il vivait. Je m’arrêtai une seconde dans les toilettes publiques pour me remaquiller et arranger mes cheveux, puis j’enlevai ma chaussure et préparai un fix qui atterrit directement dans l’un de mes orteils. Je m’activai ensuite pour trouver le fameux immeuble, la démarche élégante et pourtant si irrégulière. Je semblais danser en avançant sur le trottoir, les plis de ma robe blanche scintillant d’une lumière lunaire. Une fois arrivée, j’attendis patiemment que l’un des habitants ouvre la porte pour lui demander poliment à quel étage Jules habitait. Mon sourire mimait mon innocence alors que je me glissai à l’intérieur du hall et grimpait les escaliers. Arrivée sur le pallier, je ne pris pas le temps de réfléchir et me penchai vers la serrure de sa porte d’entrée. J’étais habile de mes mains. Je me mordis la lèvre en repensant à toutes les fois où j’avais fait ça. Où je m’étais introduite chez quelqu’un sans y être invitée. Chaque fois, cela s’était mal terminé. Mais les junkies étaient une grande famille et j’arrivais avec l’héroïne salvatrice qui le ferait m’adorer. Je pénétrai dans son appartement, amusée d’y reconnaître tous les signes d’une vie menée sous le signe de la drogue. De l’extase. Et pourtant, la pénombre de l’endroit, la poussière et la saleté recouvrant le sol, le parfum de la solitude, tout me disait aussi que l’extase était partie depuis longtemps. Qu’elle avait brûlé. Mes pas glissèrent vers la large pièce principale et écrasèrent une vieille seringue au passage. Une respiration attira mon attention et je rencontrai les yeux du fameux Jules, vitreux et éteints, à travers l’obscurité. « C’est quoi ce bordel ? » Il se releva tant bien que mal et vint s’accrocher au meuble le plus proche. Je décidai de ne pas lui répondre. « Poppy, si c’est toi, c’est pas le moment ! » Je haussai les épaules puis laissai échapper un rire malicieux. « Et si c’est moi, c’est le moment ? » J’aurais pu me présenter, mais quel intérêt ? C’était bien plus drôle ainsi. « On m’a parlé de toi toute la soirée, je pensais pas que t’avais autant une sale gueule. » ajoutai-je sur un ton neutre. Je fouillai dans mon sac en m’approchant de lui puis déposai l’héroïne près de ses doigts maigres et crispés. « Je suis pas venue les mains vides. Tu veux un fix ? » Rapidement, j’en préparai un puis lui présentai, le sourire de l’innocence ayant disparu de mes lèvres sulfureuses.
Invité
Invité
(✰) message posté Sam 15 Aoû 2015 - 18:47 par Invité
I'm not drunk, just a little stoned ☇ C'était comme être dans un nuage opaque, épais, désagréable. Jules avait l'impression de se noyer et de brasser pour se dégager de là sans y parvenir. La descente d'héro n'était pas ce qu'il y avait de mieux au monde. Vraiment pas. Tout ses mouvements étaient las, emprunts d’une fatigue sans précédent. Jules peinait à garder les yeux ouverts, à ce propos. Et dans la pénombre il ne devinait pas le visage de cette intruse. Une chose était sûre, à la voix, il reconnu que ce n’était pas Poppy. Ce n’était pas forcément pour le rassurer. Car à part ses sœurs qui pourrait venir en pleine nuit ? Ce n’était pas non plus Angie, même si cette idée avait vaguement traversé son esprit. Découvrir que ce n’était pas le cas lui noua l’estomac. L’espoir, aussi vif et passager fut-il, avait été là. La déception, comme à chaque fois qu’il y avait quelque chose en rapport avec Angèle Powell, lui donna envie de s’endormir à nouveau. Mais ce n’était pas le moment. Une cambrioleuse était ici.
Alors, un peu à la traîne, un peu mou il faut l’avouer, Jules s’était levé pour demander qui était cette fille sortie de nulle part, qui semblait avoir forcé sa porte sans la moindre difficulté. Et quand il demanda qui elle étiat, elle ne semblait pas vouloir être très clair. Et si c’est moi, c’est le moment ? Jules fronça les sourcils, trop dans le vague pour comprendre une quelconque blague. Il se contenta de répondre d’un air complètement amorphe : Heein ? Et loin de se présenter ou s’expliquer davantage, la jeune femme, que Jules devina enfin brune, longiligne, toxicomane –obviously- reprit avec ses enigmes sans réponse : On m’a parlé de toi toute la soirée, je pensais pas que t’avais autant une sale gueule. Jules aurait pu se demander qui avait parlé de lui à cette fille dont il n’avait aucun souvenir, mais c’était plutôt la dernière phrase qui attira l’attention de Jules. Ce dernier leva le majeur d’un air blasé. Et, sans se préoccupé des politesses qui de toute façon n’étaient pas monnaie courante dans le milieu, il répliqua : J’emmerde. oui, tout simplement. Jules se baissa pour ramasser un paquet de cigarettes fugueur qui traînait sur le sol et en attrapa une. Il en aurait bien proposé à son « invité » sauf que… En fait non. Il se l’alluma, très lentement (de toute façon tout ce qu’il faisait était lent, de sa façon de parler à ses gestes) et tira une longue taffe, avant de faire le point. Attend, je reprends, on se connait pas, tu traînes avec des gens qui ont parlé de moi, qui t’ont donné mon adresse et t’as… Jules tendit le cou pour vérifier sa porte, mouais, il n’arrivait pas trop à distingué si elle était pétée ou non … T’as forcé ma porte pour me dire en face que j’avais une salle gueule ? Il tira une nouvelle latte, ouais c’était à peu près ça. Toujours un peu stone, Jules se mit à rire. Putain, trop cool de faire de nouvelles rencontres. C’est Elliot qui t’envoie je pari ? Il a le flaire pour les psycho ! Ca, ce n’était pas faux.
Cependant, il y avait une donnée que Jules n’avait pas pris en compte quand il avait classé cette meuf dans la case « grosse chelou ». Le fait qu’elle était d’une générosité sans limite. Car à peine arrivé, elle sortie de son sac une substance que Jules reconnu aussitôt. Il fixait l’héroïne, et son cœur s’était remit à battre un peu plus fort. Putain, c’était venu tellement vite cette addiction répugnante, la seule qu’il n’avait jamais voulu avoir. Et pourtant, il fallait bien qu’il remplisse ce putain de trou dans son bide, cette plaie dégoulinante, purulente, sanguinolente qu’Angèle avait laissé. Ouais, il le fallait. Bref, lorsque l’inconnue posa dans la paume de la main de Jules l’héro, il se frotta le crâne de sa main qui tenait la clope (faillit le brûler l’oreiller au passage, ce qui le fit sursauter.) Je suis pas venue les mains vides. Tu veux un fix ? Jules eut un petit sourire. Il tira sur sa clope comme s’il allait la bouffer et recracha la fumée de cigarette. Alors si tu viens de la part d’un mec qui veut me tuer en m’injectant un truc bizarre… Euh… Oui, et si c’était ça quoi ? Jules reprit une taffe, sembla réfléchir et haussa finalement les épaules d’un air égal. Bah, j’m’en tape. OK pour le fix. Inconscient, stupide, débile. Qui fait ça ? Qui prend de l’héroïne avec une inconnue qui vient chez vous en pleine nuit et dont vous ne connaissez même pas le prénom ? Histoire que les mesures soient équitables, Jules envoya son paquet de clope à cette fille, pour qu’elle puisse en prendre une avant de s’installer sur le canapé préparer le fix. T’as ton matos ? demanda-t-il tout en se frottant les yeux pour se réveiller. Sans trop attendre il commençant à préparer sa dose, après tout, elle avait forcé sa porte, c’était la moindre des choses, non ?
Sa seringue de prête, il tendit ce qui restait à son invité à qui il n’avait pas encore accordé un regard, trop occupé à se procuré une dose gratuitement. D’ailleurs alors qu’il inspectait le creux de son coude, il s’aperçu soudainement que ses veines commençaient à souffrir, il décida d’ignorer ce premier avertissement et attendit –par courtoisie- que l’invité ait finit de préparer sa dose pour s’injecter la sienne. En attendant il jouait avec sa seringue, et leva enfin les yeux sur elle. Elle n’était ni jolie, ni laide, plutôt bizarre. Plutôt casée, plutôt comme lui en fait. Ouais, bizarrement Jules avait l’impression de se voir dans un miroir, mais en fille. Il garda bien cette réflexion pour lui évidemment, trop content d’avoir enfin une partenaire pour ses crimes, chose qu’il avait perdu en même temps qu’il l’avait perdu. La regardant faire d’un air expert, il demanda donc, comme si c’ était normal : Et donc, c’est quoi l’histoire ? Tes potes t’ont dit à quel point j’étais un bon coup et t’as voulu venir vérifier ? Il se mit à rire, sans doute était-il le seule à trouvé cette blague drôle.
« Heein ? » Je levai les yeux au ciel et me retins de lui assener un laisse tomber. Ce n’était pas nécessaire, il n’était pas en état de comprendre cela non plus. Je le détaillai avec soin, posant ma main sur la commode afin de trouver un appui et penchant la tête avec amusement. Il ressemblait à ces types complètement bourrés qui pensaient avoir la force de t’attraper et de te frapper alors que chaque pas était une souffrance insurmontable. Je haussai machinalement les épaules. Je n’avais pas envie qu’il s’écrase par terre devant moi à moitié mort. Il avait réellement l’air d’être à mi-chemin de l’overdose, sa vie ne tenant qu’à un maigre fil fragile et tendu au-dessus du vide. Très sérieusement, non, il ne ressemblait pas au portrait qu’on m’avait fait de lui. Il était bien pire, les joues creusées par la fatigue, que dis-je, l’épuisement, ses longs bras maigres labourés par les seringues remplies d’héroïne. On se ressemblerait presque dans mes pires journées. Sauf que lui, il semblait figé dans cette routine glauque et malsaine : l’extase, ce n’était pas un truc qu’il connaissait. Peut-être que si, les premières fois, plantant l’aiguille dans sa veine apeurée et goûtant quelques secondes à ce que le paradis était réellement, il avait dû le faire une, deux, trois, dix fois peut-être avant de ne plus rien ressentir excepté le manque terrible que cela procurait. J’essayais de ne pas y penser. J’essayais d’être naturelle. Mais moi aussi, ça me provoquait cet effet-là à chaque fois. Il leva son majeur dans ma direction. J’eus un sourire amusé et pourtant terriblement froid, quelque part, lui indiquant que ses grossièretés ne m’atteignaient pas, parce que j’étais à la fois bien au-dessus et bien en-dessous de celles-ci. « J’t’emmerde. » cracha-t-il finalement et je hochai la tête, lui signifiant ainsi que, ouais, moi aussi j’étais ravie de le connaître. Il se baissa avec toutes les peines du monde accrochées à ses épaules pour pouvoir se saisir de son paquet de cigarettes et s’en allumer d’une avec une nonchalance non contenue, ne me prêtant pas vraiment attention, ne daignant pas m’en offrir une. Certes, je comprenais, j’avais manqué de politesse. « Attends, je reprends, on se connait pas, tu traînes avec des gens qui ont parlé de moi, qui t’ont donné mon adresse et t’as … » Il suspendit ses mots pour jeter un coup d’œil à l’entrée de son appartement. « T’as forcé ma porte pour me dire en face que j’avais une sale gueule ? » Je souris. « Putain, trop cool de faire de nouvelles rencontres. C’est Elliot qui t’envoie je parie ? Il a le flaire pour les psychos ! » Je fis un pas vers lui en secouant la tête. « Non, on m’a parlé de toi. Je suis venue et j’ai constaté que t’avais une sale gueule. Donc je te l’ai fait remarquer, je pense que c’est mieux que tu sois au courant. » Mon ton était ironique. Après tout, j’avais sûrement autant une sale gueule que lui. Les camés, tous les mêmes, n’est-ce pas. « Mais je suis pas venue pour ça spécialement. On m’a dit que tu étais drôle et sympa. » Puis je haussai les épaules : « Désolée, je me souviens jamais des prénoms, Elliot ça me dit rien. Mais je suis pas psycho. » Ou du moins, c’était ce que j’essayais de croire de toute mon âme. J’étais simplement entrée par effraction chez lui, ça arrivait à tout le monde.
« Alors si tu viens de la part d’un mec qui veut me tuer en m’injectant un truc bizarre … Euh … » Il était parano ce type. Le monde entier ne tournait pas autour de lui. « Bah je m’en tape. OK pour le fix. » Je haussai les sourcils, un peu surprise tout de même qu’il accepte aussi facilement. Il était à la fois désespéré et désespérant. Mais il avait besoin d’héroïne, je le voyais dans son regard, dans sa peau. Il m’envoya son paquet de cigarettes et j’en pris une, l’allumant avant de passer ma main dans mes cheveux pour dégager mon visage. Cet endroit était sordide. C’était le pire cauchemar de Theodore réalisé devant mes yeux. C’était ce qu’il pensait de moi, ce qu’il imaginait lorsqu’il m’observait, comme si mon âme ressemblait à un lieu comme celui-ci. Avait-il tort ? Je l’ignorais. « T’as ton matos ? » demanda Jules avant d’aller s’écraser de nouveau sur son canapé. Je hochai pensivement la tête, l’observai préparer sa dose et je lui fournis le reste, machinalement. Il ne semblait pas vraiment remarquer ma présence, mais je trouvais cela amusant. Comme si pour lui, c’était normal. Comme s’il n’avait rien à me demander, que j’arrivais et qu’il s’y attendait presque. Que ça ne le dérangeait pas tant que ça. Je jetai à nouveau un coup d’œil à ce qui m’entourait : il avait sûrement d’autres problèmes. Il finit par me tendre la seringue à moitié vide et je m’assis par terre, enlevai ma chaussure, ma chaussette et plantai l’aguille de manière experte dans mon pied. Je fermai les yeux avant de laisser mon crâne se pencher lentement en arrière et je lâchai la seringue qui roula sur le sol et disparut sous un meuble. La voix de Jules me rappela à la réalité. « Et donc, c’est quoi l’histoire ? Tes potes t’ont dit à quel point j’étais un bon coup et t’as voulu venir vérifier ? » Je fis glisser mon regard dans le sien et souris à nouveau, avec cette malice qui m’était propre. « Tu as presque tout bon. » m’enquis-je, rieuse. « On m’a parlé de toi, j’ai volé de l’héroïne et j’en avais trop donc je me suis dit que j’allais partager. » Je me relevai, lentement pour ne pas perdre l’équilibre – les premiers effets de la drogue se faisant ressentir – puis jetai un coup d’œil sur une table au milieu de la pièce. J’y devinai du matériel de tatouage. Je m’approchai, intriguée, et me mis à toucher du bout des doigts l’aiguille pleine d’encre. « Assez parlé de moi. » Mon ton était ironique. Il ne connaissait même pas mon prénom. « Tu veux que je te fasse un tatouage ? » L’envie m’avait prise d’un coup. « Je suis une pro, ne t’inquiète pas. » Faux, mais cela ne devait pas être sorcier. Et puis, il en avait déjà beaucoup, une tache de plus ou de moins ne se verrait pas. Je n’en avais qu’un et ce n’était pas une fierté. Ce maudit trèfle incrusté dans la chair de mon épaule. Je pris appui sur la table et l’observai, une lueur narquoise logée dans mes prunelles. Je pouvais reprendre l’héroïne à tout moment et m’en aller. Il accepterait n’importe quoi pour que je reste.
Invité
Invité
(✰) message posté Dim 30 Aoû 2015 - 19:58 par Invité
I'm not drunk, just a little stoned ☇ C’était surréaliste cette rencontre, et pourtant c’était bien entrain de se passer. L’un des avantages de traîner dans les bas-fonds de Londres, de fréquenter l’underground et d’avoir une vie en lambeaux, de chérir chaque drogue qui se présentait à vous : au moins le quotidien était vachement moins barbant. Jules n’avait jamais du affronter cette terrible routine dont on vous rabat les oreilles. Métro-boulot-dodo. Déjà, il n’avait pas de boulot, ça limitait le risque. Enfin bref, la vie d’un drogué peut vous apporter pas mal de surprise, c’est là que je voulais en venir. Ce soir-là, elle avait apporté dans sa spirale infernale cette brunette, cette fille qui venait de nulle part et n’allait nulle part de toute façon. Jules tentait tant bien que mal de trouver une logique dans cette scène tout droit sortie d’une hallu de type bourré, cependant, pour l’inconnue, il n’y avait vraiment rien de bizarre là-dedans. Voilà pourquoi, elle résuma très clairement et d’un air évident : Non, on m’a parlé de toi. Je suis venue et j’ai constaté que t’avais une sale gueule. Donc je te l’ai fait remarquer, je pense que c’est mieux que tu sois au courant. Jules fit une moue approbatrice. En même temps, elle n’avait pas tord, c’était important de savoir ce genre de détail, non ? Jules ne s’était de toute façon jamais trouvé particulièrement canon. Bien sûr il savait qu’il avait ce côté grand truc tatoué qui porte la misère du monde sur ses épaules qui plaisait général aux filles qui ont une vie trop parfaite et qui veulent s’encanailler un peu, sa façon de parler le « cockney speech » comme on dit rendait folles certaines filles et puis évidemment, tout le monde aime le chanteur, quand on chante et qu’on joue de la guitare, on marque généralement des points. Enfin bref, tout cela pour dire que malgré qu’il ne s’en sortait pas trop mal, ouais il était au courant qu’il avait une sale gueule. Et oui, mieux valait le savoir. Voilà pourquoi, par esprit de provocation sans doute, Jules se sentit obligé de rétorquer : Ouais t’as raison. A ce propos, t’as une sale gueule aussi hein. Jules accorda donc à son « invitée » un petit sourire en coin. Chacun son tour. Bref. Le pire était sans doute à venir, quand l’invitée expliqua la raison de sa venue ici. Là, franchement, ça valait le détour : Mais je suis pas venue pour ça spécialement. On m’a dit que tu étais drôle et sympa. Ce fut instantané, Jules éclata de rire. Entre deux éclats il prit le temps de demander, juste histoire d’être sûr Sympa… et drôle ? On t’a dit que j’étais sympa et drôle ? Il se remit à rire. Ouais, quelqu’un s’était foutu de la gueule de cette pauvre fille. Parce que s’il y a bien deux adjectifs qu’on n’attribue jamais à Jules c’était « sympa » et « drôle ». Jules n’était rien de tout ça. Cynique si vous voulez. Dépressif aussi. Chiant. Drogué. Enervant. Borderline. Buté. Traumatisé. Solitaire… Mais pas « sympa » ni « drôle ».
Mais passons, de toute façon, elle était là maintenant. Et elle semblait même d’humeur généreuse. C’est en effet ce qu’en avait conclue Jules lorsqu’il avait vu cette fille lui proposé très simplement un fix. Oh que oui ! Les voici donc entrain de préparer chacun leur dose, tranquillement. Prêt à se piquer, Jules leva pourtant le regard vers son acolyte de ce soir, il la regarda retirer sa chaussure, sa chaussette et planter l’aiguille entre ses orteils comme une terrible vision du future. Il se projeta parfaitement, dans quelques semaines, mois, années s’il avait de la chance, faire exactement le même rituel. Les veines ça s’abiment trop vite, et les doses d’héro s’enchaînaient bien trop ces derniers temps, il y avait trop d’occasions, ou peut-être que Jules s’arrangeait de plus en plus pour s’en créer. Quoi qu’il en soit. La routine était née. Jules ne se sentait même plus coupable. La seule chose qui lui rappelait que ce n’était pas une bonne chose c’est qu’il s’en cachait. Il ne voulait pas que ça se cache. Et quand on ment, c’est qu’on a quelque chose à se reprocher, n’est-ce pas ?
Bref, quoi qu’il en soit, devant cette inconnue, nulle besoin de se cacher. Elle avait prit sa dose, Jules prit donc la sienne. Il sentait le bonheur en flacon se glisser dans ses veines, se mêler à son sang. Il ferma les yeux. Un, deux, trois, quatre… sa petite voix intérieure se tut pour profiter de la sensation qui montait en lui. Un sourire béat se scotcha sur son visage émacié. Il s’enfonça si profondément dans le canapé qu’il eut l’impression que le meuble et lui ne formait plus qu’un. Genre, il se transformait en cuir et en rembourrage, se fondait dans le meuble, si bien qu’on ne le remarquerait même plus. Cette pensée le fit rire. Presque autant que sa vanne sur le fait qu’Abi était venue tester ses compétences sexuelles, ce qu’elle ne nia pas entièrement. Cependant, elle s’expliqua plus simplement. Jules ne captait qu’un mot sur deux, occupé à fixer devant lui le néant, l’air, ou bien à se demander s’il pouvait voir les ondes, verrait-il les sons ? Sans doute. Il pensait avoir entendu quelqu’un en parler un jour et ça devint soudainement très intéressant. D’un geste si las qu’on avait l’impression que 100 tonnes était sur ses épaules, Jules leva le bras et tenta d’attraper de l’air. Il referma ses doigts noueux sur l’invisible et sourit encore une fois. Avait-il choppé une onde ? Il se laissa un suspense de quelques secondes avant d’ouvrir sa main, s’attendant sans doute à ce que quelque chose ne s’échappe. Rien. Bah non , il ne pouvait pas voir les ondes. Et puis d’abord, c’était quoi cette fixation sur les ondes ? Tu vois des ondes toi ? demanda-t-il soudain. Mais la femme sans nom –de toute façon il venait de se mettre d’accord avec lui-même pour ne pas lui demander son nom- n’était plus en face de lui. Non, elle était entrain de tripoter son matériel de tatouage. Fascinée. Amusée. Pour dire vrai, il était difficile de capter quel sentiment traversait son visage de cire. Oui, Jules avait décidé qu’elle ressemblait à de la cire. Soudain, le film d’horreur sur le sujet –vous savez, celui avec Paris Hilton- lui revint en mémoire. Il était bien se film. Tiens, il eut soudainement envie de regarder un film, sans trop savoir lequel. Tu veux que je te fasse un tatouage ? Je suis une pro, ne t’inquiète pas. Jules fit interpelé par la voix, il tourna la tête dans sa direction et la regarda un moment sans un mot, ni même une expression. Jules haussa les épaules. Un de plus, un de moins. Qu’est-ce que cela pouvait-il bien faire ? Et puis ça lui paraissait même être une super bonne idée. Genre, il avait envie de changer quelque chose. Les tatouages ça lui avait toujours plus. Il se souvenait parfaitement de son premier, à genre quinze piges. Et puis du deuxième, un troisième… Pourtant, la majorité de ses tatouages avaient été fait après ses vingt ans, à Oxford. C’était un truc bizarre, il en avait presque besoin. Se piquer, se faire mal, se graver quelque chose sur le corps, c’était comme si au final ça l’apaisait. Et puis c’était aussi comme si ça l’amusait d’avoir cette apparence. Les tatouages n’ont pas une excellente réputation, vous en conviendrez. Enfin bref, les tatouages, il aimait ça. La preuve, ,il en avait fait son métier. Putain, il fut choqué de constater qu’il avait désormais un métier. C’était la première fois que ça lui arrivait (et il avait vingt-cinq ans). Fais-toi plaisir. Tu pourras pas faire pire que certains de mes tatouages. Bah oui, Jules s’était bien fait tatoué Angie dans le cou juste avant de rompre à jamais avec elle. Alors bon, ça ne pouvait pas être pire. Elle parut ravie et retourna près de lui dans la hâte avec le matos. Jules inspecta ses bras, putain c’est vrai qu’il en avait pas mal. Plus beaucoup de place de libre. Du coup, il posa une jambe sur la table basse et remonta son jean le plus haut qu’il pu. Sur la jambe par contre. Y a des rasoirs dans la salle de bain. Prévint-il pour qu’elle puisse lui raser la zone. Bah oui, quitte à se faire tatouer, autant que ça soit bien. Par contre, tu me fais pas une bite hein. Il avait soudainement eu peur, et s’insulta intérieurement de lui avoir soufflé l’idée. Je verrais bien une licorne. J’aime bien les licornes. Jules se tut, se mit à rire. Le dit à personne hein. demanda-t-il alors tout en attrapant une cigarette et en tendre une à sa tatoueuse.
Invité
Invité
(✰) message posté Sam 5 Sep 2015 - 10:36 par Invité
« Ouais t’as raison. A ce propos, t’as une sale gueule aussi hein. » Je penchai la tête, feignant un instant d’être vexée. Il souriait, presque fier de me retourner la pareille. Mais, entre drogués, on le savait déjà. On s’en foutait. Si un jour on s’était mis à consommer pour avoir la classe, cette période était terminée depuis longtemps. On ne pensait qu’au manque. Entre notre apparence et l’illusion de notre bien-être, notre choix se faisait vite. Son manque d’hésitation lorsque je lui avais proposé l’héroïne me le prouvait à nouveau. On allait vendre notre âme pour sentir cette foutue aiguille traverser notre peau encore une fois. Parce que pendant une ou deux minutes, on oubliait tout. Alors oui, des cernes se creusaient sous nos yeux, nos veines nous brûlaient l’épiderme, chacune de nos articulations devenait une véritable passoire, la douleur que l’on ressentait quotidiennement nous paralysait presque, et pourtant rien ne valait l’expérience. Je finis par hausser les épaules. Il ne m’apprenait rien de nouveau. Je n’étais pas venue ici pour discuter de cela. Je n’étais pas venue pour discuter, de toute évidence. Je relevai le menton. J’étais venue pour m’amuser, et quoi qu’il en pense, on pouvait très bien le faire sans parler. « Sympa … et drôle ? On t’a dit que j’étais sympa et drôle ? » Il semblait incroyablement surpris, comme s’il s’agissait d’une révélation ultime. Incapable d’y croire, il éclata de rire à nouveau, un rire mauvais qui lui correspondait bien. A vrai dire, il ne paraissait ni sympa, ni drôle. Je faisais vraiment confiance aux mauvaises personnes. Il ressemblait à un clochard couplé d’un cancéreux en phase terminale. Il était le cliché, la parodie de lui-même. Il était ce à quoi la bonne société pensait lorsqu’on lui parlait des junkies. Il était l’allégorie des bas-fonds humains, des égouts de la ville. Pas sûr qu’on puisse qualifier cela de sympa ou de drôle. « Bah si tu l’es pas, tu vas faire un petit effort. Une leçon de savoir-vivre ça ne se refuse pas. » J’en avais eu toute ma vie. Il pouvait bien en subir une, ça n’allait pas le tuer. Il releva le regard pour me regarder planter l’aiguille dans mon orteil et je fis un mouvement pour lui désigner l’état de mes coudes. Parfois je couvrais même les marques avec du fond de teint, mais pas aujourd’hui. Il faudrait bientôt que je change, mes pieds devenaient parfois très douloureux. Mais j’étais grande, il me restait un millier de parcelles de peau à exploiter. Mon pragmatisme prenait toujours le dessus dans ces cas-là.
Je l’observai planer. Il ne m’écoutait qu’à moitié, plus occupé à observer des choses invisibles, issues de son imagination que l’héroïne secouait violemment. Il resta immobile sur le canapé, ses doigts frottant lentement le cuir, s’enfonçant régulièrement à l’intérieur, mais il ne semblait pas maître de ses mouvements. Ses mains devinrent sombres, puis complètement noires. Je ne les voyais plus. A la place, deux araignées d’une taille démesurée me toisaient avec sérieux et je me figeai. Elles descendirent, gagnèrent le sol, me contournèrent et disparurent à travers le bordel qu’était son appartement. Je haussai de nouveau les épaules et ignorai ce détail. « Tu vois des ondes toi ? » Je fronçai les sourcils en le regardant, puis jetai un coup d’œil à ce qui m’entourait. Je secouai distraitement la tête pour lui signifier que non. Mais je voyais d’autres choses. Je voyais des danseuses à travers les ombres sur le mur, je voyais des serpents s’enrouler autour des pieds de chaque lampe éteinte, et puis, par-dessus tout, j’avais l’impression que mes pieds endoloris quittaient le sol, et durant une fraction de seconde, j’oubliai la douleur. Enfin. Le regard acide de Theodore, le manque constant, la mort d’Ian, tous ces fragments qui composaient ma vie, mon existence, tous explosaient en un million de grains de poussière brillante, flottant dans l’air un instant avant de se reformer et me hanter de nouveau. Voilà ce qu’était l’héroïne. Une échappatoire. Et je trouvais qu’elle portait bien son nom car j’avais cessé de compter le nombre de fois où elle m’avait sauvée.
« Fais-toi plaisir. Tu pourras pas faire pire que certains de mes tatouages. » Je lui adressai un large sourire conquis. C’était une idée terrible, mais briser la routine d’un junkie était un véritable défi parfois, et il ne fallait pas hésiter à être inventif. Il me tendit ses bras mais nous constatâmes qu’il ne restait pas la moindre place libre : il était couvert de formes en tout genre, de lettres, de visages, d’animaux et de choses dont je ne voulus pas connaître la nature. Il y avait une tache noire qui ressemblait à des aubergines de là où je me trouvais, ou bien en tout cas à des cucurbitacées quelconque. Je me demandai un instant si l’aubergine était une cucurbitacée, mais ça n’avait pas grande importance, finalement. Jules souleva sa jambe et la posa lourdement sur la table basse alors que j’y posai le matériel de tatouage. « Sur la jambe par contre. Y’a des rasoirs dans la salle de bain. » Je tournai la tête vers l’une des portes qui donnaient sur le séjour. La pièce en question se trouvait probablement là. « Par contre, tu me fais pas une bite hein. » ajouta-t-il, une pointe d’inquiétude dans la voix. « J’ai un minimum d’originalité dans l’humour, ne t’inquiète pas. » lui fis-je remarquer, moqueuse. Après tout, ça ne m’était pas venu à l’esprit. Il fallait croire que j’étais une gamine précieuse et snob qui ne pensait pas à toute la vulgarité possible qui s’offrait à elle. « Je verrais bien une licorne. J’aime bien les licornes. » Il s’esclaffa avant de reprendre : « Le dis à personne hein. » Je posai ma main sur mon cœur en signe de bonne foi et acceptai la cigarette qu’il m’offrait avant de me diriger vers la salle de bain. L’endroit n’était pas vraiment pire que le séjour, mais pas vraiment mieux non plus. Je devais probablement être devenue trop snob, habituée à la propreté de l’endroit où je vivais. Je me droguais, mais je le faisais bien, quoi. Je m’avançai vers le lavabo, me saisis du rasoir et de la mousse à raser avant de revenir vers Jules et m’accroupir à ses côtés. Un jet de mousse et quelques coups de rasoir plus tard, toute une parcelle de sa jambe était prête à l’emploi. Je mis en marche le matériel de tatouage et avançai lentement l’aiguille vers sa peau. Il avait la tête ailleurs et ne cilla pas le moins du monde lors du contact. Cela ne m’étonna guère, en réalité. Il avait sûrement connu pire. Je me concentrai sur mon œuvre : c’était très difficile. Je sentais le stylet vibrer dans ma paume. C’était comme dessiner avec un crayon vivement. Rajoutons à cela que je planais à moitié et on pouvait commencer à évaluer la difficulté de la tâche que j’accomplissais à cet instant. Cependant, la licorne apparaissait tout de même : d’abord sa tête, sa corne puis sa crinière et enfin son corps, ses pattes, ses sabots, sa queue. Une fois que cela fut fait, j’essuyai le résultat avec un mouchoir miraculeusement propre et relevai le regard vers Jules. « Et voilà. Magnifique. » Je le gratifiais d’un sourire malicieux. « Tu veux que je signe ? Histoire que tu connaisses mon nom quand même. Et que tu te souviennes de cette soirée toute ta vie. » Ce ne fut qu’à ce moment que je me décidai à allumer la cigarette. Détendue, désinvolte, posée, planante. Tout était sous contrôle.
Invité
Invité
(✰) message posté Jeu 17 Sep 2015 - 20:21 par Invité
I'm not drunk, just a little stoned ☇ Jules fumait et lorgnait sur la brune. La jolie brume, car malgré sa vision trouble et la pénombre de la nuit qui les enveloppait, Jules se dit qu'il était plus ou moins sûr que -malgré sa sale gueule- elle était jolie. Genre, ce n'était pas une beauté lisse et fatale, ce n'était pas non plus un canon comme on se les imagine, mais y avait un truc. Peut-être dans ses yeux -c'est souvent dans les yeux le charme. Non il ne savait pas trop. Peut-être que c'était juste l'héroïne qui parlait. Ou peut-être que l'aiguille qui martelait sa jambe avait libéré en lui des endorphines. Oui c'était peut-être ça aussi. Parce qu'elle l'avait fait, le tatouage. Parce que ça ne semblait pas si extraordinaire que ça au final que ça de s'introduire dans l'appartement d'un inconnu et de lui tatouer une licorne sur la jambe. Oui parce que, mettant de côté les blagues salaces (on parlait ainsi d'une supposée bite de tatouée), elle n'avait pas voulu décevoir la petite fille romantique qui sommeillait en Jules et lui avait dessiné sa licorne.
Et puis le temps semblait s'être distendue, être passé par un essoreur avoir été étiré et replié sur lui-même, encore et encore, comme une guimauve vous savez. Jules fumait des cigarettes, fixait le vide, répondait à quelques phrases que balançait l'artiste en herbe et en deux temps trois mouvements, elle se recula de son œuvre pour l'observer dans sa globalité et alluma sa cigarette comme un vieux peintre qui aurait enfin trouvé la composition parfaite. Et voilà. Magnifique. Jules haussa les sourcils et tenta de voir jusqu'à son mollet qui semblait à des années lumières de lui, genre comme si ses jambes avaient fait un petit détour dans un trou noir et en étaient revenues allongées de 4 mètres. Il distinguait la corne, et un semblant de crinière. L'ensemble semblait propre, net. Et aucune bite à l'horizon. Un sourire chelou s'accrocha à son visage blafard. Avant qu'il n'ait pu commenter, elle ajouta, Tu veux que je signe ? Histoire que tu connaisses mon nom quand même. Et que tu te souviennes de cette soirée toute ta vie. le tatoué recula instinctivement sa jambe avant d'émettre un petit rire, lui-même surpris d'avoir eut une réaction aussi viscéral face à cette proposition. Non, t'as une tête à avoir un nom à rallonge qui me prend les trois quarts de la jambe ça va être moche. Se moqua-t-il. Quoi que ça ne semblait pas si con que ça. Elle avait un truc dans son attitude, ou peut-être sa façon de parler très Irish (mais Irish classe, vous savez, pas leprechaun) qui faisait très dynastie. Jules l'imaginait parfaitement avoir un nom à cinq mots avec particule et compagnie. Et puis, il fallait ajouter qu'il s'était auto-convaincu de ne pas savoir le nom de cette fille. Il voulait qu'elle reste telle quelle, en sorte d'hallucination sortie de nul part. D'ailleurs, peut-être que demain, la licorne aurait disparu et qu'il se rendrait compte que cette fille n'avait jamais existé. Et puis, je demande jamais le prénom le premier soir. J'ai été trop déçu. Des noms de merde sur des belles filles, du coup ça me bloque après. Ouais, histoire de quoi soyez prévenu, sachez que Jules avait perdu le fil de ses pensées, que son cerveau avait pris un congé sabbatique à force d'être mal traité de la sorte et ridiculisé au quotidien. Bon, passons. Revenons-en à la licorne. Elle était bien faite hein. D'ailleurs, Jules leva une main pour la claquer dans celle de son invité. Bien joué. Félicita-t-il. J'ai mon salon de tatouage, si tu cherches du taf. Je compte pas te payer mais je partage les locaux avec mon fournisseur, du coup j'peux te négocier un rabais sur la came. Persuadé que cela valait de l'or et même plus que ça, et que c'était même le contrat du siècle, Jules soutint le regard de son invité qui le regardait aussi. Le temps sembla repasser dans l'essoreur puisque Jules eut l'impression que cette fois, cette seconde à se regarder dura 10 ans. Et au bout de cette décennie, Jules ponctua enfin cette phrase par un : C'est vrai hein. qui sortait de nul part.
Jules prit son courage à deux mains et tout l'élan qu'il pu et se leva du canapé. Il grimaça lorsque sa jambe tatouée -et engourdie- toucha le sol, et se déplaça jusqu'au miroir vertical que Curtis avait installé dans le salon (ouais il aimait bien se regarder dans le miroir ce mec, genre est-ce que ma chemise en jean est swaggy avec mon pantalon beige et mes baskets non-lacées avec la languette par dessus, parce que je suis quand même un gros thug... Ok j'exagère). Enfin, Jules regarda le tatouage plus en détail, ses jambes avaient enfin retrouvé une hauteur normal et il pu donc voir les détails du tatouage. Bon, sa licorne avait l'air complètement à l'ouest mais c'était plutôt sympa. Non franchement. Et puis au pire, elle n'était pas très étendue, il pourrait la recouvrir facilement. Enfin, ça Jules n'y pensait pas. Il ne pensait pas -plus. Il la voyait dans le reflet, au fond du miroir, jeter un nouvel œil sur l'œuvre d'art qu'elle venait de réaliser. Jules la regardait et esquissa un sourcil. Cette femme, cette hallucination qu'il connait depuis quoi, une heure, deux heures (Jules avait perdu la notion du temps vous vous souvenez ?) avait déjà gravé sa peau et lui, il était grave quand même. Par réflexe il passa une main derrière sa nuque et se retourna vers elle. Et maintenant, on fait quoi ? Il lui adressa un sourire complice. Comme s'ils étaient vieux potes finalement. Jules fit quelques pas vers le présentoir où trônait sa guitare sèche, enfin celle héritée de sa maman, et attrapa le manche. Il avait l'impression qu'elle pesait une tonne, alors que clairement ce n'était pas le cas et il retourna s'enfoncer dans son canapé en cuir, bien profondément. Toujours la clope au bec, il commença à pincer quelques cordes, ce qui formait des sons, sons qui allaient ensemble, formaient une mélodie. Il jeta un regard en coin à la jeune femme et se mit à rire. Elle voyait bien ce qu'il était en train de faire, enfin peut-être. Il ne savait pas lui-même ce qu'il était en train de faire en fait. Ou peut-être que si. Ses idées étaient floues. Distorsion du temps et tout et tout...
Invité
Invité
(✰) message posté Dim 20 Sep 2015 - 15:30 par Invité
Il resta un instant à contempler mon œuvre. Il avait sûrement du mal à la voir. Ses yeux plissés et injectés de sang parcoururent sa jambe jusqu’à enfin discerner le nouveau tatouage. Certes, c’était difficile, vu le nombre de dessins qui ornaient déjà sa peau. Une vraie toile, ce type. « Non, t’as un tête à avoir un nom à rallonge qui me prend les trois quarts de la jambe ça va être moche. » Je ricanai alors qu’il secouait la tête, certain de ses affirmations. Un nom à rallonge. Ouais, trois lettres quoi, a-b-i. Mais je haussai les épaules en affichant une moue compréhensive. Il ne vivrait pas mieux avec mon prénom incrusté sur la cheville, il fallait se rendre à l’évidence. Je me levai alors et me dirigeai vers la table pour reposer tout le matériel puis m’essuyai les mains sur mes vêtements en quelques gestes lents que j’avais du mal à contrôler. L’héroïne, c’était par vague chez moi. Un instant ça allait et j’étais capable de tatouer une licorne sur la jambe d’un type quelconque, et deux minutes plus tard ça dérapait et je me sentais faiblir. Je regardai mes doigts couler vers le sol, comme de la boue et je cessai même de respirer, bloquée sur ce qui se passait. Je tournai le dos à Jules mais il me rappela à la réalité – c’était le comble, n’est-ce pas ? « Et puis, je demande jamais le prénom le premier soir. J’ai été trop déçu. Des noms de merde sur des belles filles, du coup ça me bloque après. » Je laissai un sourire glisser sur mes lèvres et mon attention se reporta sur lui. Je haussai les sourcils, mimant la surprise. « Je croyais que j’avais une sale gueule. » Je ne faisais que reprendre ses mots avec malice, sans être aguicheuse. Juste moqueuse, juste emmerdante, mais c’était ça le plus drôle dans l’histoire après tout. Puisqu’il ne voulait pas de mon prénom, il aurait le droit à autre chose pour se souvenir de moi. Etrangement, je le trouvais touchant. Pathétique, lamentable, mais touchant. Je n’avais pas rencontré beaucoup d’individus touchants dans ma vie et je voulais ainsi profiter de cette rare occasion.
Il leva sa paume pour que je la claque. High five de camés. Je ricanai alors qu’il semblait avoir utilisé toutes les forces qui lui restaient pour effectuer ce mouvement. « Bien joué. » J’acceptai ses félicitations d’un sourire complice. « J’ai mon salon de tatouage, si tu cherches du taf. Je compte pas te payer mais je partage les locaux avec mon fournisseur, du coup j’peux te négocier un rabais sur la came. » Je m’humectais les lèvres, amusée par sa proposition. Puisque la came de son dealer pouvait venir des mains de la mafia irlandaise dont je faisais partie. Enfin … de nom, seulement, celui qu’il craignait de devoir lire chaque jour sur sa jambe. J’avais déjà un rabais sur la came. Je connaissais les chimistes, les distributeurs, j’avais vu les patrons poser leurs petits yeux vicieux sur moi. Et Theodore leur jeter un regard noir. Vous ne touchez pas à ma putain de sœur. Il m’avait isolée de tout cela : j’étais trop petite et il pensait pouvoir me couper de l’univers mafieux, mais non. Non. Pas lorsque l’on était un Rottenford. Pas lorsque notre nom de famille suait le goudron maculé de sang et avait l’odeur insoutenable du métal de l’argent sale et de la corruption. Mon regard se perdit dans un coin de la pièce et je souris à nouveau, beaucoup plus pensive cette fois-là. « Oh … C’est gentil. » Après tout, c’était gentil. Je ne m’étais jamais demandé quel travail j’allais bien pouvoir avoir un jour et j’étais surprise de constater qu’il en avait un de son côté. Pas très ambitieux, certes, et s’il ne me payait pas c’était qu’il avait du mal à joindre les deux bouts, mais il me faisait rire. Il n’avait rien pour monter une affaire. Sa vie ressemblait à son appartement : un champ de ruines. Où pouvait-il trouver la place, le temps de caser un salon de tatouage ? « Mais j’ai déjà des prix. » Je ne voulais pas le décevoir alors que je rajoutai : « Je passerai te soutenir, promis. » Comme s’il était mon ami. Comme si nous avions autre chose en commun qu’une brique entière d’héroïne.
Il se leva, non sans peine et s’approcha d’un miroir vertical qui trônait dans un coin de la pièce. Il inspecta le tatouage de plus près avec une moue approbatrice puis rencontra mon regard derrière son reflet. Il parut intrigué, mal à l’aise. Ou peut-être était-ce ce à quoi son visage ressemblait lorsqu’il réfléchissait. Et il y avait de quoi réfléchir. Une inconnue pleine d’héroïne vient de te tatouer une licorne sur la peau, peut-être devrais-tu commencer à songer à ta lucidité. Mes prunelles le toisèrent puis il se retourna, indécis. « Et maintenant, on fait quoi ? » Je soupirai alors qu’il esquissa un petit sourire en coin. Il saisit sa guitare qui traînait sur un présentoir au milieu du bordel et vins se rassoir à mes côtés alors que j’écrasai mon mégot entre deux lattes de son parquet. Il gratta son instrument quelques secondes, cherchant une harmonie quelconque tandis que je rabattis mes genoux sous mon menton pour l’écouter. Rien de très concluant, pour tout dire. « T’essayes de me draguer en sortant la carte du musicien défoncé ? » Cela aurait pu marcher. Cela aurait pu marcher s’il décidait sans même le savoir de jouer un morceau de New Order et prétendre que c’était sa chanson préférée. J’aurais ainsi pu croire que nous étions faits pour être ensemble. Les camés groupies. Mais je connaissais ces types par cœur et il fallait vraiment avoir de la chance pour tomber sur un musicien talentueux. La plupart restaient mielleux. « J’te jure si tu songes à jouer Wonderwall je te baffe direct. » Pas d’effort avec la médiocrité. Je me levai finalement du canapé et me plantai au milieu de la pièce en le regardant. « Bah allez. Fais-moi danser. » Sourire. Peut-être le plus sincère depuis le début de la soirée.
Invité
Invité
(✰) message posté Dim 27 Sep 2015 - 22:35 par Invité
I'm not drunk, just a little stoned ☇ Y avait rien de cool à ne pas vouloir connaitre le nom de la fille qui venait à l'improviste chez vous pour vous shooter à l'héro et vous tatouer un cheval imaginaire muni d'une corne sur le mollet. C'était même incroyablement dangereux comme façon de vivre. Jules, qui n'avait déjà pas les yeux en face des trous, ne saurait même pas quel était le prénom de cette fille. Et si jamais il se révélait que cette fille était une allumée -enfin, une vraie parce qu'allumée, elle l'était ça ce n'était pas un secret- qui pensait que le monde allait bientôt passer sous l'autorité extraterrestre et qu'elle refilait un virus via l'héro à un maximum de gens pour les purifier ? hein ? Jules avait la vision trop vague pour fournir une description à des enquêteurs style Men In Black, et il ne connaîtrait même pas son prénom. Imprudente façon de vivre, moi je vous le dis. Enfin bref, Jules ne pensa pas du tout à cette possibilité (ou peut-être que si, mais cette hypothèse s'auto-détruit d'elle-même dans son esprit et partie en fumée par ses oreilles) lorsqu'il refusa qu'elle signe son oeuvre sur sa jambe. Prétextant simplement qu'il refusait de connaître le prénom des filles le premier soir, craignant que ça le dégoûte, malgré un physique attrayant. Oups. Je croyais que j’avais une sale gueule. Oui, oups. Jules se sentie bien con, et légèrement honteux de s'être fait piégé de la sorte. D'ailleurs, un sourire gêné se dessina sur son visage et il baissa les yeux tout en bafouillant : Oui... non.. enfin c'était pas pour ça que je... Enfin, t'as compris. Non, on a pas compris. Tu peux expliquer ? Ah bah non, il ne pouvait pas. Désireux de laisser derrière lui ce triste malentendu, Jules se leva pour admirer de plus près la ridicule licorne sur son mollet. L'héroïne, pourtant, la rendait aussi parfaite que si elle avait été faite par le meilleur tatoueur du coin. Et, même si à l'heure actuelle, il n'y pensait pas une seconde, peut-être que demain , notre tatoué se réveillerait et découvrirait à la place de la licorne, un cheval décoré d'une grosse bite sur le front. Qui sait ? Cependant, il n'en félicita pas moins l'auteur de ce chef-d'oeuvre en lui proposant même un petit contrat dans son salon de tatouage qui battait sérieusement de l'aile. (Jules passait plus de temps à se défoncer dans l'arrière boutique avec Elliot qu'à tatoué, constat inquiétant.) Elle refusa poliment l'offre. Bah oui, en guise de salaire, Jules ne proposait qu'une ristourne sur la dope et elle en profitait déjà. D'ailleurs, quand elle l'expliqua Jules arqua un sourcil, soudainement intéressé. Bah oui, certes il avait bénéficié il y a un an d'un beau pactole à la mort de son père -pactole dont on se demandait encore d'où il sortait- mais maintenant le pactole commençait à s'effrité. Il avait tout de même pu prendre un loft -trop grand pour lui et même pour lui et son frère, au loyer qui lui coûtait un bras tous les mois, le meubler, vivre pendant des semaines sur ses économies, investir dans un trou à rat, le retaper entièrement pour en faire un truc de tatouage décent, et tout ça en dépensant des sommes complètement hallucinante en drogue. Et puis l'héro, ce n'est pas le même pris que l'herbe ou les médocs hein. Ca commençait à revenir cher tout ça. Du coup, si une ristourne passait par là, autant s'en faire une amie, vous ne pensez pas ? Tu couches avec ton dealer ? fut la première explication qui passa à travers l'esprit de Jules. Si c'était le cas, tant pis pour lui sauf si... J't'en pris, fais-moi rêver, dis moi que c'est une fille ! Un sourire lubrique éclairait cette fois-ci son visage. Bah quoi il n'y a pas de sexisme dans le milieu, enfin presque pas. Et puis, si c'étiat une fille, Jules aurait peut-être l'espoir de profiter des mêmes avantages, hein ?
Passons. Une fois la partie "tatouage" passée, Jules fut soudain craintif de ne plus savoir quoi faire. Enfin, non, il avait bien une idée qui lui trottait dans son esprit malade. Vraiment malade, pour avoir ce genre d'idée en tête avec une fille dont on ne sait rien, sauf qu'elle aime forcer les portes, aller chez des inconnus, leur donner de l'héroïne et les tatouer d'un animal légendaire. Mais bon, ce n'était plus à prouver -que Jules avait un cerveau malade. Alors il fit ce qu'un type ferait dans ces cas-là, il montra son meilleur profil -le droit- et s'installa à côté de l'inconnue sur le canapé avec sa guitare. Le coup de la guitare, ça marchait toujours. Enfin presque. Parce que la brunette là, elle le regardait avec tellement de condescendance dans le regard que ça faisait presque de la peine pour Jules. Sauf qu'il ne s'en rendait pas forcément compte. Il était occupé à accorder son instrument. Ignorant le regard insistant et plein de pitié de la femme à ses côtés il demanda alors tout simplement : Dis, tu nous roules un joint ?Il indiqua prestement du menton la table basse où tout le nécessaire était déjà là. Sauf qu'elle ne l'écoutait presque pas. En fait, pas du tout. T’essayes de me draguer en sortant la carte du musicien défoncé ? Rétorqua-t-elle soudain, comme s'il s'agissait de la pire chose qui pouvait arriver sur Terre. Ce fut instantanée, Jules se mit à rire, genre vraiment. Déconne pas, Oasis est un super groupe. Ouais, enfin, surtout une super boisson fruitée, mais là n'était pas la question. Il faut l'avouer, Wonderwall était sans doute la responsable de pas mal de petite culotte par terre et virginité volée chez les ados de 15 ans qui savent grosso-modo les trois premiers accords. Ils n'étaient pas compliqués, ces accords. C'était même parmi les premiers que Jules avait appris. Après Blackbird, des Beatles. Il eut un sourire nostalgique. Et puis, de mémoire il gratta les premiers accords. Todaaay, is gonna be the day... Chanta-t-il en cadence... Mais il n'eut pas le temps de continuer. Parce qu'elle ne plaisantait pas la salope. Hop, et une beigne dans la tête de Jules. Aie---eeeuh ! se plaignit le musicien. Il la fusilla du regard, elle fit de même. Oui bon, ça va. Elle aussi avait été dépucelé sur cette musique ? Jules hésita un instant à raconter que lui aussi avait une terrible histoire avec son dépucelage à raconter. C'était sur un fond de disco, rien de très glorieux. En plus c'était avec une fille qui s'appelait Solveig. Et c'était un peu une nerd. Breef, désespérant. Cela dis, Jules ravala ses souvenirs. De toute façon, l'inconnue, sans doute pour échapper à la nullité du répertoire de Jules, avait finit par le rouler, ce joint. Jules le zieuta du coin de l'oeil. Si, depuis longtemps, la weed avait arrêté de lui taper la tête, Jules adorait toujours autant en fumer. Autant qu'il fumait des clopes. Ca le détendait. C'était sans doute plus psychologique qu'autre chose, mais allez, comprendre. Et puis, l'inconnue se leva. Soudain, impatiente. Bah allez. Fais-moi danser. Exigea-t-elle. Jules eut un petit rire et tendit le bras pour prendre le joint, et pour trouver l'inspiration et enfin, quand il eut le cône entre les lèvres, ça lui vint. Il commença donc les premiers accords de cette musique. Pour l'instant, aucune réaction de la part de son invitée. Jules, du coup la regarda tout en inspirant sur le joint et recrachant peu après -c'est pas facile de faire ça sans les mains, admirez l'effort. Prépare-toi, c'est du lourd. Ma musique préférée. Elle restait en suspend, à attendre de reconnaître une des notes. Elle s'appelle Libérée, Délivrée. Ce fut instantanée, elle se jeta sur lui pour une nouvelle beigne -et lui piquer le joint au passage. Jules se recroquevilla sur plus même, tentant tant bien que mal de conservé le joint -vainement. Il se mit à rire (c'était bizarre, de s'entendre rire, au passage ça ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Je blaaaaague ! hurla-t-il pour sa défense.
Il continua à jouer, cette fois il avait l'attention de la brune, qui fumait le joint. Elle allait reconnaître, au bout d'un moment, enfin Jules espérait vu qu'il s'agissait de l'une de ses musiques préférées. a sight for sore eyes to the blind would be awful majestic... Chanta-t-il avec conviction. Il ferma les yeux. S'il faisait attention il pouvait les entendre. Les autres instruments. La batterie, la guitare électrique, le piano. Tous. La musique, Jules la ressentait jusqu'au plus profond de son bide. Et, parce qu'il connaissait par coeur ou presque les paroles, il continua, regardant l'inconnue danser (enfin ça y ressemblait en tout cas) devant lui. Il disait parfois, quand il avait un trou : niiinniiiinniiin... living alone... Et puis, il encourageait du regard son invitée à se joindre à lui pour chanter. Chanter, il adorait ça. Ca le faisait sourire. Si, c'est possible. Ca arrive. Ca arrivait souvent ce soir. L'héro, le joint, les médocs, ce genre de merdes quoi.
Pour le final, Jules ne savait tout simplement pas siffler. Il oubliait comment on faisait des fois. C'était un peu une honte, alors il évitait en général d'en parler. Cependant, il continua à jouer et alors que les derniers accords restaient suspendus dans l'air de la pièce, il lâcha sa guitare, laissant les cordes vibrer un instant avant de poser sa main dessus d'un coup sec pour les faire taire. Par contre, c'est payant mes concerts. Annonça-t-il, l'air grave. Tu payes comme tu veux, mais pas d'argent. Et histoire d'être plus explicite, il tendit le pied devant lui pour l'atteindre, et l'attira comme il pu avec ce même pied de coincé derrière la cuisse de la brune. Une fois qu'elle fut plus près, il piqua son joint presque terminé. C'était déjà un début.
Invité
Invité
(✰) message posté Dim 11 Oct 2015 - 14:24 par Invité
« Oui … non … enfin c’était pas pour ça que je … Enfin, t’as compris. » Je lui décochai un regard moqueur en le voyant s’enfoncer de la sorte. J’aurais pu faire comme je faisais d’habitude et m’amuser à le faire ramer encore plus en lui disant un truc du genre non, j’ai pas bien compris, va falloir que t’expliques un peu mieux. Mais après tout, il avait essayé d’être charmant, certes à sa manière, mais c’était loin d’être négligeable. Cela n’arrivait pas à tout le monde. On me faisait bien trop peu de compliments et je gâchais ceux que l’on daignait m’accorder. C’était moi le problème, en vrai. Il se leva, non sans vaciller un peu, puis admira donc l’œuvre que j’avais faite avec tant d’attention sur son mollet, s’extasiant plus que de raison dessus comme si j’avais changé sa vie pour une malheureuse licorne. « Tu couches avec ton dealer ? » s’enquit-il et je haussai les sourcils, le détaillant de haut en bas avec un profond mépris. Tu m’as vue connard ? lançait mon regard dédaigneux. « J’t’en prie, fais-moi rêver, dis-moi que c’est une fille ! » Je levai les yeux au ciel et secouai la tête. « Navrée. J’ai de la dignité. » Non, en vérité je n’étais pas sûre d’avoir de la dignité, mais j’avais clairement le nom de famille qu’il fallait pour obtenir ce que je voulais. Je ne voulais pas rire de cela avec Jules. Je pouvais laisser le mystère lorsqu’il s’agissait de mon frère, rien de mieux pour l’emmerder que de lui faire penser que je me tapais ses collègues, mais le toxico minable du coin, non. Je ressentais très probablement un sentiment de supériorité par rapport à Jules : nous étions sous héroïne tous les deux, nous avions la même couleur blafarde collée à la peau, les mêmes addictions et pourtant je trouvais que j’avais plus d’allure, que j’étais plus douée, plus charismatique. Je n’allais pas le faire rêver, c’était mieux de le couper dans son délire directement. Bien plus drôle d’observer ses traits déçus plutôt qu’un rictus pervers collé aux lèvres.
Il me demanda de rouler un joint mais je ne le fis pas, étrangement absorbée dans ce qu’il faisait. Il avait sorti sa guitare et se préparait à me jouer un morceau, cherchant encore lequel. A la mention d’Oasis, il ne put s’empêcher de me sourire stupidement et de risquer sa peau pour prouver son point – à savoir, prouver qu’il pouvait être très con. « Todaaay, is gonna be the day… » Il n’eut pas le temps d’aller plus loin. Je lui assenai déjà un coup violent derrière la tête en lui jetant un regard noir. « Aie---eeeuh ! » se plaignit-il d’une voix puérile. Je haussai les épaules. « Je t’avais prévenu, ducon. » Déçue par son manque d’inventivité, je finis par me tourner vers la table basse où se trouvait le tas d’herbe et roulai le joint de manière experte. Je sortis mon briquet, l’allumai et fumai avant de braquer de nouveau mon regard sombre vers lui. Il m’observait faire depuis tout à l’heure au lieu de trouver une vraie chanson à jouer. Je me levai et lui donnai cet ordre étrange auquel il répondit d’un rire idiot, tendant le bras pour me voler le joint. Il inspira, recracha la fumée et eut l’air de s’être enfin décidé. Foutu toxico, pas capable de faire quoi que ce soit sans leur joint. « Prépare-toi, c’est du lourd. Ma musique préférée. » Je haussai les sourcils, attentive. « Elle s’appelle Libérée, Délivrée. » Je lui donnai une nouvelle claque et il éclata de rire, reprenant le joint après m’être battue quelques secondes contre lui. Il se recroquevilla mais ne parvint pas à me dissimuler le joint. « Je blaaaaague ! » cria-t-il alors que je me relevais, victorieuse. Je me dressai au-dessus de lui et vis que, cette fois, il ferma les yeux et commença une véritable chanson. Quelque chose qui lui plaisait. Quelque chose qui me ferait danser. C’était Majestic des Wax Fang. Pas la meilleure chanson jamais jouée, mais il m’en fallut peu pour que je commence à tanguer, closant mes paupières à mon tour et me laissant bercer par la voix rauque et les accords hasardeux de Jules, accords qui finirent par s’affirmer en justesse et en précision, puis je me mis à chanter avec lui en tournant sur moi-même, écartant les bras comme lorsque l’on respirait l’air frais à la campagne. Je sifflai à sa place puisqu’il ne savait plus le faire et les dernières notes de la chanson s’étouffèrent dans l’atmosphère plusieurs secondes après qu’il arrêta de jouer. De même, je m’harmonisai avec la mélodie qui mourait et suspendis mes gestes dans l’air. Je ne relâchai mes muscles que lorsqu’il plaqua sa paume sur les cordes pour couper net les vibrations. Je lui souris, reconnaissante quelque part d’avoir fait un effort. Comme quoi, ça lui arrivait d’être un peu courtois parfois.
« Par contre, c’est payant mes concerts. » Je braquai mon regard sur lui. Ah bon. Cool. Voilà ce que je semblais vouloir lui dire. « Tu payes comme tu veux, mais pas d’argent. » Il tendit la jambe et me força à se rapprocher de lui, récupéra le joint et m’accorda un sourire narquois que je trouvai immédiatement pathétique. J’inspectai les lieux : je n’étais même pas sûre de pouvoir appeler cela des lieux tant son appartement était un taudis. Je soupirai, l’air pensif. « Pourtant t’as clairement besoin d’argent. Tu vis dans la misère mon pauvre garçon. » J’avais ce regard hautain de bourgeoise riche qui jetai un coup d’œil à la pauvreté des gens qui l’entourait, la constatant sans rien faire pour l’empêcher. Je me laissai tomber à ses côtés sur le canapé et posai ma tête contre son épaule, respirant l’air enfumé qui tourbillonnait autour de nos visages. Mes prunelles voguèrent dans le vide un instant et je restai silencieuse, ailleurs. « Ta vie a l’air assez merdique comme ça, ce serait une très mauvaise idée que de coucher avec moi. » Oh, ça, il ne comprenait pas vraiment pourquoi. Il ne le comprendrait jamais, mais je ne sentais pas que lui dire était particulièrement nécessaire. « En plus j’ai même pas envie. » Voilà une raison tout à fait légitime pour qu’il me laisse simplement tranquille.