The angel of my nightmare.

« - Mia bella ?
- Oui grand-mère ?
- Je suis heureuse que tu sois venue me voir une dernière fois avant que je ne parte pour le grand voyage Livia.
- Pourquoi est-ce que tu es aussi négative grand-mère ? Ton cancer n'est pas en phase terminale. Tes poumons, ton coeur et tes reins peuvent encore tenir le coup. Ton cerveau est assez oxygéné et .. »

Ma grand-mère me regardait avec des yeux ronds, elle venait de déposer son index sur mes lèvres, me coupant en plein monologue. ( Monologue qui était presque médicale). Ses yeux se radoucirent rapidement alors que son doigt se mis à glisser lentement sur ma joue, effleurant doucement ma peau avant de machinalement remettre une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

« - Tu sais Mia Bella, il est rare qu'on se remette d'un cancer du sein à 87 ans. Malgré la technologie, malgré les progrès de la médecine. Je pourrais très bien m'en sortir, mais ne plus pouvoir parler, ou même marcher à cause d'une complication. Et tu sais bien à quel point j'apprécie les longues discussions autour d'un thé ou les balades le long d'un fleuve, d'un canal et encore plus d'un océan. Je ne pourrais pas vivre sans marcher ou parler. Et imagine que je devienne aveugle ! Ta grand-mère est déjà une catastrophe ambulante avec une paire d'yeux fonctionnelle alors imagine moi sans la vue.
- J'ai déjà perdu maman, et papa est en prison. Comment veux-tu que je puisse vivre sans toi ? »

Mon corps s'affala contre celui, presque froid, de ma grand-mère. Je nichais par habitude ma tête dans son cou, respirant l'odeur singulière qui s'émanait de sa peau vieillissante. Un de ses bras fit le tour de mon dos, afin de me serrer contre son corps alors que sa main se déposa doucement sur mon ventre. Très doucement afin de ne pas arracher les files qui apportaient un peu de nourriture à ma grand-mère.

Son cancer du sein avait décidé de pourrir son corps et on le sentait. Jour après jour, elle périssait un petit peu plus et jour après jour, je savais au fond de moi que bientôt, elle ne serait plus là. Je savais que bientôt, elle n'ouvrirait plus les yeux. Cette simple pensée me donnait une envie de vomir presque insurmontable et une boule se coinçait à chaque fois dans le fond de la gorge qui m'empêchait presque de déglutir et de respirer.

Ses lèvres, sèches, s'écrasèrent contre mon front quelques secondes avant qu'elle ne murmure.

« - Tu sais quoi Mia? J'aimerais que tu deviennes une femme forte. Quand je serais morte, effectivement tu n'aura plus beaucoup de famille. En réalité, tu seras une réelle orpheline. Mais ce n'est pas un soucis. Je sais que tu vas partir à Londres pour travailler, c'est ce que tu as toujours voulu faire. Tu vas t'installer dans une collocation et rencontrer des gens. Tu deviendras une amie, puis certainement une amante et ensuite une épouse. Une maman et peut-être un jour une veuve. Mais ce point là, je ne te le souhaite pas tellement. J'ai déjà essayé la vie de veuve, c'est beaucoup plus ennuyant que ce que l'on peut imaginer. Je sais qu'après ma mort, tu vas beaucoup pleurer mais tu vas reconstruire ton petit coeur Mia bella.
- Et si moi, j'ai pas envie de tout ça grand-mère?
- Nous n'avons pas toujours le choix mon ange. J'aimerais que tu partes maintenant et que tu commences ta vie.
- Mais..
- Pas de mais, pars!
- Tu ne peux pas me demander simplement de partir sans aucunes explications logiques alors que tu n'es même pas encore... morte.
- Je vais mourir Livia et tu ne pourras rien faire à cela. Alors j'aimerais que tu m'embrasses fortement, que tu me dises que tu m'aimes parce que moi je t'aime à la folie mon petit oiseau. Oh oui je t'aime à la folie et je suis extrêmement fière de toi petite fille. Ensuite je vais te serrer longuement dans mes bras avant que tu ne sortes de cette chambre d'hôpital. Tu sais que je n'ai pas les moyens de me payer un enterrement décent alors je vais demander à l'hôpital de s'occuper de moi. D'accord?»

Le coeur au bord des lèvres, la respiration presque entièrement coupée, je posais ma tête sur cette poitrine, qui avait déjà éponger tant de sanglots. Je fermais fortement les yeux et murmurais un petit je t'aime discret, timide, presque honteux. Les doigts de ma grand-mère firent glisser un anneau doré contre la peau de ma paume de main avant de doucement me pousser en dehors du lit.



Quelques semaines après la mort de ma grand-mère, j'avais simplement pris une énorme décision : Prendre une nouveau départ. Nouveau départ qui ferait de moi la femme que j'ai toujours rêvé d'être. Une femme forte, fière et belle. Même si je savais d'avance que mon chemin allait être semer d'embuche, j'étais décidée à me battre jusqu'à la fin.
Dans ma tête, je me répétais en boucles quelques paroles qu'un jour un ami avait réussi à me murmurer à l'oreille après l'évacuation du corps de ma grand-mère : «  Ne reste pas là à pleurer devant ma tombe. Je n'y suis pas, je n'y dors pas. Je suis le vent qui souffle dans les arbres. Je suis le scintillement du diamant sur la neige. Je suis la lumière du soleil sur le grain mûr. Je suis la douce pluie d'automne quand tu t'éveilles dans le calme du matin. Je suis l'envol de ces oiseaux silencieux qui tournent dans le ciel. Alors ne reste pas là à te lamenter devant ma tombe. Je n'y suis pas, je ne suis pas mort! Pourquoi serais-je hors de ta vie simplement parce que je suis hors de ta vue? La mort tu sais, ce n'est rien du tout,je suis juste passé de l'autre côté. Je suis moi et tu es toi. Quelque soit ce que nous étions l'un pour l'autre avant, nous le resterons toujours. Pour parler de moi, utilise le prénom avec lequel tu m'as toujours appelé. Parle de moi simplement comme tu l'as toujours fait. Ne change pas de ton, ne prends pas un air grave et triste. Ris comme avant aux blagues qu'ensemble nous apprécions tant. Joue, souris, pense à moi, vis pour moi et avec moi. Laisse mon prénom être le chant réconfortant qu'il a toujours été. Prononce-le avec simplicité et naturel, sans aucune marque de regret. La vie signifie tout ce qu'elle a toujours signifié. Tout est toujours pareil, elle continue, le fil n'est pas rompu. Qu'est-ce que la mort sinon un passage? Relativise et laisse couler toutes les agressions de la vie. Pense et parle toujours de moi autour de toi et tu verras, tout ira bien. Tu sais, je t'entend, je ne suis pas loin. Je suis là, juste de l'autre côté. - Saint Augustin. - »

En une nuit, mes affaires étaient empaquetées dans une simple valise noir alors que, mon anneau familial doré blottit au bout du doigt, je prenais la route vers Londres. Sans remords et sans aucun regrets laissés derrière moi.

C'était une nouvelle moi qui arrivait, une nouvelle moi, une nouvelle femme. Une vraie femme, plus une enfant.