How I Met..

L’avantage quand tu es ton propre fournisseur, c’est que tu sais quand c’est de la bonne ou pas et bordel, qu’est-ce qu’elle l’était ce soir ! C’était rare que je consomme les soirs de deal et pourtant, il m’arrivait de faire quelques petites entorses à mes propres règles, après tout ce n’était pas comme si mon boss allait me flanquer à la porte hein. Ce soir donc, je n’avais pas réellement prévu de me mettre au tas mais il fallait bien avouer que les soirées hype des quartiers chics de Londres étaient à mes yeux, chiantes à crever. Ces gosses de riches m’insupportaient à se la jouer blasés, à s’imaginer avoir tout vu tout vécu et rechercher le grand frisson en s’envoyant quelques rails dans le nez. Ces gamins là me foutaient les nerfs et sérieux, j’avais qu’une envie : leur foutre des claques mais au lieu de quoi, je leur filais leurs grammes de coke ou peu importe ce qu’ils voulaient et encaissais leur argent de poche tout droit sorti du portefeuille de leur papa. Ouais, ces soirées là me gavaient plus que les autres et pourtant, c’est là que je me faisais le plus de thune et ça, aussi cons soient-ils, cela était suffisamment pour me décider à me glisser parmi les convives. Vêtu d’un pantalon noir et d’une chemise toute aussi noire, je devais avouer que je passais bien dans le décor, cheveux peignés et sourire de Golden Boy sur les lèvres, je pouvais même me confondre parmi eux et c’est ce que j’avais fait, littéralement, échangeant quelques poignées de mains hypocrites, laissant passer de l’un à l’autre quelques billets et marchandises. C’était comme ça que ça marchait, comme ça que je survivais dans ce monde et de cette manière que j’étais devenu quelqu’un. Mais à force de se fondre parmi les convives et une fois les poches pleines, je me suis laissé allé, avalant plus de verres que nécessaire. Oh pas assez pour me mettre une mine, du moins pas assez pour expliquer comme j’ai pu me retrouver à dormir dans un buisson du Hyde Park en revanche, les petits comprimés de speed plaidaient coupables eux. Comment j’avais fini là ? Aucune idée, j’y étais juste, c’est tout. Peut-être que j’étais parti de bonne heure avec une de ces filles à papa ? Peut-être que j’avais suivi des gens pour aller je ne sais où ? Trou noir, j’avais beau essayer de me remettre les idées en places, j’étais à l’Ouest complet alors que les oiseaux venaient déjà me gazouiller dans les oreilles et les joggers taper du pied exprès pour me persécuter et m’empêcher de finir ma nuit tranquille. Ouais, étalé face contre le gazon et la chemise froissée de tous les côtés, j’avais fière allure, surtout avec le petit vomi à deux pas de là. La méga classe. Mais au pire, qu’est-ce que ça pouvait me foutre ? J’étais bien moi, avec le petit vent qui venait me chatouiller visage et les herbes qui venaient joyeusement s’imprimer sur ma peau. J’aurais pu rester là des heures durant même si je me retournais pour m’allonger sur le dos, les yeux explosés par l’éclat du ciel nuageux, trop clairs pour mes yeux encore dilatés par le sommeil et rien d’autre, n’est-ce pas ? Poussant un petit grognement de contentement, j’attirais pourtant l’attention d’une des joggeuses qui sans crier gare, apparut au dessus de ma tête. Enfin elle se penchait par dessus mon visage quoi, l’air visiblement inquiète vu sa question. Ça va ? Mais bien sur que oui, j’étais relax moi. Ou déchiré encore. Surement. « Ouaaaaais ça va. » Sourire de crétin sur mes lèvres je dévoilais sans la moindre pudeur chacune de mes dents.

Early this morning, when you knocked upon my door,
And I said hello Satan, I believe it's time to go.

Comme d’habitude, Scarlet était levée avant tout le monde. Comme d’habitude, l’appartement était incroyablement silencieux lorsqu’elle referma la porte d’entrée derrière elle, en tenue de sport, une gourde d’eau à la main et sans avoir pris la peine de se tartiner de maquillage. Ressembler à un panda une fois son jogging terminé, très peu pour elle. A peine sortie de son immeuble, écouteurs en place et musique à toutes pompes, Scarlet se mis en route à un rythme mesuré, sans se diriger vers un endroit particulier et en prenant soin d’éviter les quelques passants déjà dans les rues de Londres. Courir de si bon matin lui permettait de se mettre en train pour la journée, étant donné qu’elle avait besoin d’un moyen pour se réveiller vu le nombre d’heures de sommeil qu’il lui manquait. Depuis l’accident, un an plus tôt, les choses avaient beaucoup changées. Elle ne dormait presque plus, trop tourmentés par des cauchemars où elle revivait encore et encore le moment où elle avait décidé de couvrir les yeux de sa sœur qui conduisait. Elle avait arrêté de boire, remplaçant la boisson par de grandes doses de cafés, ce qui contribuait sans aucun doute à ses insomnies. Et elle s’était mise au sport, juste pour avoir la conscience tranquille, juste pour pouvoir avoir l’impression que mener un train de vie sain allait tout pardonner. Evidemment, elle ne prétendait pas que c’était le cas, dans le fond. Elle savait que rien ne pourrait jamais racheter ce qu’elle avait fait, le fait d’avoir détruit la vie de sa jumelle. Mais si elle faisait suffisamment semblant, elle pouvait oublier que c’était le cas. Si elle faisait de son mieux et ignorait sa conscience, cela marchait, pour un temps. Mais il y avait d’autres moments où elle avait simplement l’impression de saturer. Courir tous les matins, s’isoler de cette manière lui permettait d’avoir moins l’impression d’étouffer, de moins sentir cette culpabilité omniprésente lui peser. Il lui arrivait de courir des heures, en faisait des pauses, tant cette sensation lui faisait du bien. Ses pas la portait généralement loin et cette fois-ci, elle parvint jusqu’à Hyde Park et décida d’y entrer pour trouver un banc un peu plus loin et se poser. La matinée était déjà un peu entamée et plus de joggeurs l’avaient rejoint. Ce ne fut que lorsqu’elle vu des pieds dépasser d’un buisson et non parce qu’elle avait aperçu un banc qui lui plaisait que la brune s’arrêta. Vraisemblablement, quelqu’un était évanoui ou endormi là et le simple fait de l’ignorer lui paraissait absurde. Elle ne voulait pas avoir quelque chose d’autre sur la conscience, si bien qu’elle s’avança. Elle put constater à l’air bienheureux de l’individu et de la mare de vomi plus loin qu’il ne s’agissait que de quelqu’un en train de cuver sa soirée de la veille. Scarlet grimaça, faisant encore quelques pas en avant. Le jeune homme qui était allongé là ne semblait pas en danger de toute évidence, simplement bien déchiré. Mais le voir dans cet état lui rappela l’état dans lequel elle se mettait un an plus tôt. A l’époque, elle aurait bien aimé avoir quelqu’un pour l’aider lorsqu’elle se réveillait dans un endroit inconnu sans le moindre souvenir de la veille. Se mordant la lèvre, la brune s’avança encore un peu jusqu’à parvenir à sa hauteur et se pencha en avant pour mieux l’observer. Elle ne perdait rien à lui donner un coup de main.
« Hé, » commença-t-elle sans savoir comment aborder quelqu’un dans ce genre de situation. « Hé ! » répéta-t-elle, plus fort jusqu’à ce qu’il ouvre enfin les yeux. « Ça va ? »
La réponse ne se fit pas attendre, alors qu’il lui souriait de toutes ses dents et elle ne put s’empêcher de pouffer. Il n’avait visiblement pas encore expulsé tout l’alcool de son système.
« C’est bizarre mais j’ai du mal à te croire. »
Décidée à ne pas le laisser comme cela, elle s’assit dans l’herbe à ses côtés, en tailleur et déboucha la gourde désormais à moitié vide qu’elle tenait toujours. Elle l’agita au-dessus de sa tête, histoire de la rendre plus appétissante.
« Tu veux de l’eau peut-être ? Ça t’aidera à te remettre les idées en place. »