(✰) message posté Ven 13 Nov 2015 - 21:06 par Invité
Tu as peur. Qui ne serait pas effrayée à ta place ? Tu inspires profondément. Tes doigts sont à quelques centimètres de la porte et pourtant, tu restes figée. Et si elle ne voulait pas te voir ? Après tout, elle est en deuil. Et tu n’es probablement pas ce qu’il lui faut. Mais c’est plus fort que toi, tu t’inquiètes. Tu t’inquiètes pour elle. Parce qu’elle est ta meilleure-amie. Parce qu’au fond, elle est ce tout qu’il te reste. Comme si elle était le dernier diamant sur terre. Alors tu te dis que tu es obligée d’être là pour elle. Tu sais trop bien ce que ça fait que de perdre un parent. Toi, t’as perdu les deux. Et même une sœur. Alors tu sais ce que c’est. Rien que d’y penser, tu sens les larmes te monter aux yeux et tu te demandes comment tu as fais pour tenir le coup jusqu'ici. A l’époque, personne ne t’as aidé à t’en sortir. On t’a regardé te détruire. On t’a laissé pleurer, comme une grande. Mais tu n’étais qu’une gamine. Tu avais besoin d’aide mais tu étais seule. Désespérément seule. Alors, tu t’es débrouillée. Tu as appris à gérer tes émotions. Et maintenant, tu es incapable de pleurer devant les autres. Tu attends la nuit, vers trois heures du matin, quand tu es sûre que personne ne te verra. Tu essayes de te convaincre que tu n'as besoin de personne. Pourtant, t’es persuadée qu’Eugenia, elle, a besoin de toi. Alors t’es là, devant cette fichue porte que tu commences à connaître par cœur. Qu’est-ce que tu vas faire ? Qu’est-ce que tu vas lui dire ? Quand il s’agit de consoler, tu n'es pas vraiment douée. Tu enfonces le couteau dans la plaie, tu ne trouves jamais les mots justes et ta maladresse resurgit. Comme si elle n’attendait que ça. Comme si elle se préparait toute l’année pour sortir au plus mauvais moment. Comme avec Scarlet, il y a quelques semaines. Tu rougis et détourne la tête. Tu n'as pas vraiment envie de penser à elle. Et pourtant, tu vas te retrouver devant sa copie conforme dans quelques instants. Ça vient de te frapper. Tu n'es plus vraiment certaine de vouloir rester après ça. Pourtant, tu te fais violence. Ton cerveau te crie de t’en aller mais ton cœur te supplie de rester. Et tu écoutes ce dernier, parce que tu sais que c’est la meilleure chose à faire. Et peut-être qu’elle ne voudra pas te voir, ni même te parler. Mais au moins, tu auras essayé. Tu doigts heurtent la porte. Tu sais qu’elle t’as entendu, en tout cas tu l’espères. De toute façon, t’es pas vraiment la discrétion incarnée. Tu poireautes derrière la porte depuis quinze minutes et tu t’es cognée plus d’une fois dans cette dernière en faisant un mouvement quelconque. Depuis qu’Eugenia sait pour toi, la situation précaire dans laquelle tu te trouves, t’as du mal à soutenir son regard. Tu as peur qu’elle prenne pitié. Ou qu’elle s’enfuit, tant qu’elle le peut. La porte s’ouvre finalement et tu soupires de soulagement en la voyant à l’embrasure. Sur le coup, tu es un peu choquée. Tu as oublié qu’elle était handicapée. Tu t'en veux mais tu fais mine de n'avoir rien remarqué. Et finalement, tu oublies rapidement sa ressemblance avec Scarlet. « Hé… » Tu es gênée. Tu ne sais pas trop quoi dire. Tu n'as pas envie de lui rappeler ce qu’elle vit. Mais tu veux être là pour elle. Tu as besoin d’être là pour elle. Être seule, c’est jamais bon et tu le sais mieux que quiconque. « Je… J’ai appris. Je peux entrer ? » Ou alors, elle peut très bien te rouler sur les pieds pour te faire fuir. Et dans un sens, tu la comprendrais si elle venait à faire ça. Tu te mords la lèvre inférieure, tentant de paraître la plus naturelle possible. Mais en réalité, tu n’as pas la conscience tranquille. Tu as tellement de choses dans la tête. Tu as l’impression que ton cerveau va exploser. Pourtant, tu essaies de faire le vide. Pour elle. Parce que tu n’as pas envie de la voir plonger. Pas comme toi.
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(✰) message posté Dim 15 Nov 2015 - 12:14 par Invité
Nyx & eugenia — there are wounds that never show on the body that are deeper and more hurtful than anything that bleeds. ✻ ✻ ✻ C’était comme si mes pensées s’étaient arrêtées. Comme si mon esprit avait refusé d’aller plus loin, avait refusé de se perdre un peu plus dans les évènements. C’était comme si mon corps était le seul à encore évoluer dans mon existence. Comme si je ne contrôlais plus mes gestes ni même mes intentions. J’étais là sans réellement l’être. Mon regard se perdait dans le vide et dans le néant. Mes inspirations et mes expirations étaient mesurées. Elles envahissaient l’espace de mon appartement désespérément silencieux sans ma présence. Je n’avais même plus suffisamment de larmes pour pleurer. Les cernes creusaient mes joues, mes yeux étaient irrités par tout ce chagrin qui avait bien pu me traverser. Ces derniers jours s’étaient succédés sans que je ne parvienne à voir la fin des horreurs, sans que mon malheur ne trouve un point d’arrêt au cours du temps. J’avais mal. J’avais sans cesse mal. J’avais si mal que je finissais par m’abandonner et ne plus rien ressentir, optant pour cette solution de facilité qui prenait des allures de seule alternative. J’aurais aimé pouvoir appeler ma soeur pour me sentir moins seule mais elle était à l’hôpital depuis son accouchement prématuré ; je voulais lui offrir l’espace dont elle avait besoin pour accepter l’idée que son fils, mon neveu, mon filleul, était né trop tôt. Je savais que je ne pouvais pas réclamer son attention en cet instant. Qu’elle avait ses problèmes, qu’elle avait cette colère envers elle-même qui la rongeait. Je savais que mes mots ne changeraient rien parce qu’elle ne supportait plus les échecs qui s’accumulaient dans sa vie. J’aurais aimé qu’elle comprenne. Qu’elle comprenne qu’une existence en elle-même était de toutes manières imparfaite. Qu’elle n’était pas une erreur, ni même une tragédie, simplement une jeune femme parmi tant d’autres qui accumulait les horreurs d’un quotidien. Mais je me taisais. Je me taisais parce que je ne voulais pas empiéter sur sa douleur. Je me taisais parce que c’était ce que je savais faire de mieux. J’aurais aimé appeler ma mère. L’appeler et lui demander quoi faire. L’appeler et lui faire part de mes ressentis, des évènements. L’appeler et lui dire que je l’aimais, tout simplement, comme j’aurais dû le faire depuis le départ. Mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais plus. Je m’arrêtai dans mes gestes pour fermer les paupières, fort, si fort. Elle n’était pas encore tout à fait partie et, pourtant, elle me manquait déjà. Elle laissait un vide dans ma poitrine qui me saisissait le coeur. Je pris une profonde inspiration avant de finalement reprendre ce que j’étais en train de faire, empilant ainsi mes vêtements sur un bord de mon lit pour préparer ma valise. Je jetai un vague coup d’oeil à mon réveil, décomptant instinctivement le nombre d’heures qu’il restait avant que Julian ne vienne à l’appartement pour me chercher et partir pour Cardiff. Puis, finalement, j’entendis un coup distinct sur la porte et je sursautai, guère encore habituée à percevoir des sons dans cet espace vide. Vide et mort. J’hésitai un instant à ne pas aller ouvrir à la personne venu troubler mon désespoir calme, mais je me rendis bien vite compte que je ne supportais plus la solitude. Que je ne supportais plus ce silence, ce silence pesant, ce silence dans mes pensées. Alors, lentement, je mis les mains sur les roues de mon fauteuil pour me diriger vers l’entrée et, après une brève hésitation, ouvrir la porte. Je fus surprise de voir Nyx et, pendant un instant, elle aussi parut l’être. Je me demandai si elle s’était attendue à ce que je ne réponde pas mais je ne poussai pas plus loin mes interrogations. « Hé… » finit-elle par dire. Elle paraissait gênée, comme si elle avait l’intime conviction qu’elle n’avait absolument rien à faire ici. Elle paraissait gênée, comme si elle ne savait pas quoi faire, comme si elle était venue sur un coup de tête. C’était sans doute le cas, d’ailleurs. « Je… J’ai appris. Je peux entrer ? » Sa question résonna quelques instants dans mon esprit avant que je l’entende réellement. Avant que je ne la comprenne. Je finis par hocher la tête et m’écarter doucement de l’entrée. « Oui, oui, bien sûr, » murmurai-je. J’avais presque perdue la faculté de parler, la faculté de m’exprimer. J’attendis qu’elle soit à l’intérieur pour refermer la porte derrière elle. Mes gestes étaient lents, appliqués. Mon corps tout entier fonctionnait au ralenti parce que mes pensées, elles, étaient toujours arrêtés en plein vol. Je ne voulais plus réfléchir. Je ne voulais plus me rendre compte de tout ce qu’il s’était passé ces derniers jours. Je ne voulais plus avoir des élans de lucidité pour constater tout ce qui avait pu se produire. « J’étais en train de faire mes affaires, » expliquai-je comme si cela pouvait être une excuse au bordel qui régnait dans l’appartement. « Si… Si tu veux boire quelque chose ou grignoter, je crois qu’il reste encore des biscuits que Barty a fait l’autre jour… Tu… Tu es au courant de quoi, exactement ? » Mon esprit flottait. Mon esprit flottait ailleurs. Je me sentais misérable, presque pathétique, d’être ainsi à ses côtés alors qu’elle avait connu pire. Alors qu’elle n’avait même pas de toit. Alors qu’elle, au moins, arrivait encore à avancer.