yet she was great, in a really weird kind of way — MJ

Un petit matin brumeux dans une maternité au cœur de Londres, le deux novembre mille-neuf-cent quatre-vingt-dix.

C’est là que Mary-Jane a poussé son premier cri. Bébé plein de vie, jamais à court de sourire, toujours facile à vivre et qui ne pleure que très rarement. A se demander ce qui a poussé sa mère à la laisser quelques mois plus tard, ainsi que ses deux autres enfants à peine plus âgés, quittant à tout jamais le domicile familial. La raison de son départ ? Personne ne l’a jamais vraiment su, et personne n’en parle jamais vraiment. Les trois enfants ont rapidement compris que le sujet était tabou et qu’il ne fallait pas l’aborder s’ils ne désiraient pas voir la tristesse se peindre dans les yeux de leur père. Leur père… Tout l’inverse de cette génitrice qui les avait abandonnés. Aimant, tendre, protecteur, il a vaillamment rempli le rôle de père et de mère à lui tout seul, les deux années suivantes, avant de rencontrer sa deuxième femme. Superpapa, l’appelle souvent MJ. C’est ce qu’il est et ce qu’il sera toujours à ses yeux.

Mary-Jane était trop petite pour se souvenir de l’arrivée d’Aleida Mendoza au sein de la petite famille. Elle avait à peine deux ans à l’époque. Ainsi, elle a toujours considéré Aleida comme sa maman, étant donné que cette dernière l’a élevé comme s’il s’agissait de sa propre fille. Lorsqu’elle a été en âge de comprendre, ses parents ne lui ont pas cachés la vérité et lui ont fait savoir qu’elle n’était pas sortie du ventre d’Aleida, qu’elle n’était donc pas sa véritable mère. Ca ne l’a pas affecté quand elle l’a découvert, car elle n’a jamais douté un seul instant de l’amour que lui portait sa maman par procuration. C’est elle qui la bordait le soir avant d’aller dormir, elle qui lui préparait son sandwich pour le déjeuner, elle qui lui prenait sa température lorsqu’elle était fiévreuse, elle qui la disputait lorsqu’elle faisait une bêtise, qui la consolait lorsqu’elle était triste, qui la chatouillait pour la faire rire aux éclats. Elle faisait tout ce que faisait une maman, et pour Mary-Jane, cela ne signifiait qu’une chose : c’était elle, sa maman.

C’est à l’adolescence que les choses se sont compliquées. Comme la plupart des jeunes de son âge, cette période a été difficile pour MJ. Elle a commencé à se poser beaucoup de questions sur l’abandon de sa mère, sur le pourquoi du comment. Difficile pour une adolescente de vivre sans savoir ce qui a poussé la personne qui l’a porté dans son ventre pendant neuf mois à la quitter à tout jamais. Elle ne m’aimait pas. Qu’est-ce que je lui ai fait de mal ? Est-ce que je suis anormale ? C’est pour ça qu’elle m’a laissé ? Tant de questions qui ternissaient sa jolie petite tête. Ces doutes à l’esprit, MJ a perdu pendant quelques années ce qui faisait d’elle la jeune fille pleine de vie que ses proches étaient habitués à côtoyer. Ses fréquentations, ses notes et son attitude laissaient à désirer, tout comme ses rapports avec Aleida, avec qui elle était en constante opposition. La crise d’adolescence de MJ a été intense pour la famille Osborne, c’est le moins qu’on puisse dire.

Ce n’est qu’à l’aube de ses dix-sept ans que la jeune fille a commencé progressivement à se sortir de cette mauvaise passade. Décidant d’éclaircir le mystère qui ruinait son bonheur, MJ a essayé de retrouver sa mère. Elle a convaincu son père de l’aider dans sa quête, et à eux deux, ils ont tentés de mettre la main sur la mère disparue. Sans succès. C’était comme si elle avait disparu de la circulation, et c’est là que MJ a compris une chose importante : sa mère ne voulait pas être retrouvée. Au lieu de la plonger davantage dans les ténèbres, cette révélation l’a aidé à se sortir la tête de l’eau ; elle n’avait pas besoin de cette femme, qu’importe si elles partageaient le même sang. Elle avait sa propre famille ; sa mère, son père, ses deux sœurs et son frère. Elle n’avait besoin de rien d’autre.

MJ n’a jamais été totalement la même sur le plan émotionnel depuis cette période, notamment avec une peur constante d’être abandonnée par ceux qu’elle aime, mais elle a repris goût à la vie. Grâce au dessin, qui l’a aidé à garder la tête froide dans ses moments les plus sombres, et surtout sa petite sœur Elliot qui a toujours été là pour elle quand elle en avait besoin. Elle a appris à vivre avec ce trou dans sa poitrine, celui qui lui rappelle qu’elle n’aura jamais toute les réponses à ses questions. Mais ce n’est pas grave. Certaines personnes survivent avec un seul rein, elle peut bien survivre avec un seul parent biologique, non ? Et puis, ce n’est pas comme si elle n’avait pas de mère du tout.

MJ est désormais plus que jamais proche de sa belle-mère, ainsi que de sa famille en général. Cette dernière occupe une grande place dans son cœur, elle espère pouvoir fonder un jour une famille à elle. Mais pas tout de suite, elle a encore des milliards de choses à faire avant ça. Voyager, partir à la conquête du monde… Découvrir des paysages qu’on peut voir sur Google Map, mais qu’il est bien plus excitant de voir de ses propres yeux. Elle a vingt-quatre et toute la vie devant elle. Cependant, si jamais elle venait à tomber enceinte accidentellement, elle sait déjà qu’elle n’abandonnerait jamais son bébé. C’est d’ailleurs probablement la seule chose dans sa vie dont elle est tout à fait certaine ; elle ne fera pas la même erreur que la femme qui l’a mise au monde.