you are my hero. (egan)

Robbie n'est pas très à l'aise avec la conversation, s'il ne formule rien verbalement, quelques signes physiques le trahissent, comme ses doigts qui tapent nerveusement sur la table. Pas besoin de préciser qu'il aurait bien besoin d'une cigarette, il a bien choisi sa semaine pour essayer d'arrêter de fumer. Bien qu'il n'aurait probablement pas laissé Egan seul en plein milieu de cette conversation. À la place il se rabat sur son verre de whisky, avalant une grosse gorgée et s'efforçant de ne pas grimacer à cause de la brûlure qu'il ressent après avoir avalé le liquide. Robbie détestait voir son meilleur pote dans cet état, il avait déjà assez de mal à vivre ses tocs sans avoir à gérer la réaction de tous les gens autour de lui. « Je ne sais pas si c'est une bonne idée. Je ... ». Robbie se contente de hocher la tête et décide de ne pas pousser plus le sujet de conversation, si jamais il voulait en parler davantage c'était à lui de voir. Une discussion avec sa fille était une étape importante, mais cela devait également être extrêmement angoissant. Après une telle conversation, les tocs d'Egan risquaient de devenir plus réels pour le père et la fille. Pourtant, Robbie connaissait assez Grace pour savoir qu'elle était en adoration complète pour son papa et que rien ne pourrait changer ça. Il était assez bien placé pour savoir que quasiment rien ne pouvait ébranler les liens du sang, Robbie en avait un parfait exemple avec ses frères et soeurs qui n'avaient pas connus que des périodes roses, mais qui c'étaient toujours serrer les coudes. Il observe son ami boire d'un oeil inquiet, la boisson n'était pas toujours la solution, même si c'était souvent la solution qu'employait Robbie, mais il n'avait pas d'enfant à la maison. « Je n'ai pas envie qu'elle me prenne pour un cinglé ou pour un malade mental. Je sais ce que les gars disent de moi. Je les entends parler, je n'ai pas envie qu'elle dise la même chose. ». Robbie fronce les sourcils, ennuyé que les paroles de certains de leurs collègues puissent le toucher autant et qu'il pense que sa fille partage le même genre d'idées débiles. « Qu'est-ce que tu racontes, elle t'adore, tu vois pas la façon qu'elle a de te regarder, t'es son héros, son monde, jamais elle pourrait penser des trucs pareils ! ». Il s'est un peu emporté sans le vouloir et il s'arrête, le temps de prendre une gorgée et de se calmer un peu. « Puis tu sais très bien que la majorité des gars pensent pas ça à la caserne, y aura toujours des cons pour baver, si c'était pas tes tocs, ils trouveraient autre chose ! ». Parfois la caserne ressemblait à une vraie cours d'école, la plupart du temps les taquineries étaient gentilettes, mais parfois les sujets attaqués étaient un peu plus sensibles et pouvaient facilement froisser. Leur conversation prenait un tournant beaucoup plus sérieux que ce que Robbie avait anticipé lorsqu'il était arrivé dans le pub. « On dirait que la place pour les fléchettes s'est libérée, ça te branche ? ». Robbie désigne de la tête la cible accrochée au mur et qui vient seulement de se libérer à l'instant. Le plan était de passer un bon moment et de se détendre, Robbie ne l'avait pas totalement oublié.

Je souris lorsque Robbie prend m'a défense. Il a toujours pris ma défense, quoi qu'il se passait, il a toujours été là pour remettre les autres à leur place, c'est bien pour ça qu'il est mon meilleur ami. Je crois que je ne pourrais jamais le remercier assez pour ce qu'il fait pour moi. J'aimerais être tellement comme lui, mais ce n'est pas le cas. Je suis fort à ma façon, mais ce n'est pas encore assez. J'aimerais que ma fille ne soit pas gênée par mes tocs, qu'elle puisse vivre normalement sans s'inquiéter pour moi, ce n'est pas son rôle, s'est mon rôle de m'inquiéter pour elle, pas l'inverse. Je sais qu'elle comprendra quand elle sera plus grande, mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur quand même que ça ne soit pas le cas.

« Je sais mais je suis un mec alors tu sais comment on est quand on a des faiblesses. On n'aime pas les montrer et les miennes se voient de plus en plus.»

Je ne sais pas pourquoi cela empire, je ne sais pas pourquoi j'ai commencé à tout compter plusieurs fois à vérifier les choses, à remettre chaque chose à sa place, mais j'espère qu'un jour tout ça s'arrêtera. Je ne sais pas comment on vit normalement, j'ai besoin de tout contrôler et quand ce n'est pas le cas je panique. Les incendie sont parfois compliqué à gérer pour ça, mais étrangement ça me calme quand je suis en intervention, parce que je ne pense pas à moi. Je n'ai plus vraiment envie de parler de mes tocs et je crois que Robbie s'en est aperçut. Il me propose une partie de fléchette et j'accepte tout de suite. J'ai souvent besoin de m'occuper pour ne pas trop penser au nombres.

« C'est parti, je vais t'écraser.»

Je lui souris encore, il sait que j'aime les jeux et que j'ai bien du mal à avouer certaines défaites. Je suis assez doué pour tout ce qui est précis en fait alors je ne crains pas trop les fléchettes. Quand j'étais plus jeune j'avais tendance à accepter n'importe quel défi pour montrer que j'étais doué, pour m'afficher comme dirais les jeunes d'aujourd'hui, maintenant je fais tout pour qu'on m'oublie. C'est fou le laps de temps qu'on peut perdre à tenter de faire quelque chose pour les autres alors qu'il faudrait le faire pour soit en premier.

Le métier de pompier peut avoir des inconvénients. Pour le reste de la population, les pompiers sont des gens forts, braves qui mettent leurs vies en danger. Parfois, il est difficile de se rappeler qu'ils ne sont que des hommes en dessous de leurs tenues, avec leurs faiblesses, leurs défauts, leurs peurs également. Ils ne sont pas parfaits, ils ne peuvent pas être en contrôle de la situation tout le temps, mais de temps en temps Robbie ressent cette pression qui pèse sur ses épaules, celle d'être toujours au top, parce que la moindre erreur pourrait causer la perte d'une vie. Alors, quand il sort du boulot, il a souvent du mal à se remettre dans le mode Robbie le gars normal et pas Robbie le pompier. « Je sais mais je suis un mec alors tu sais comment on est quand on a des faiblesses. On n'aime pas les montrer et les miennes se voient de plus en plus.». Robbie comprend ce qu'il veut dire et il aimerait lui répéter une nouvelle fois qu'avec lui il n'a pas besoin de porter de masques ou de faire des efforts pour ressembler à tout le monde. Même s'il n'est pas très doué avec les mots et qu'il ne lui a probablement jamais dit, Robbie aime Egan comme il est et même s'il le pouvait il ne changerait rien à son meilleur ami. Robbie préfère détourner la conversation vers une partie de fléchettes et son meilleur pote semble tout aussi soulagé que lui de changer de sujet de conversation. « C'est parti, je vais t'écraser. ». Robbie rigole de bon cœur, parce qu'il n'avait pas grand chose comme jouets en grandissant, mais dans la chambre qu'il partageait avec ses frères, il avait installé une cible de fléchettes sur un mur. Il avait passé de longues soirées à jouer à ce jeu et était donc plus que confiant sur son aptitude à le battre. Pour autant, le jeune homme n'est pas un mauvais perdant, mais il apprécie la compétition de temps en temps, à petite dose et sur des jeux qui n'ont pas d'enjeux très important. « Arrête de rêver ! ». Il n'hésite pas à sauter de sa chaise, prenant quand même le temps de prendre son verre pour le ramener avec lui, c'est une règle quand il sort dans un bar, toujours avoir son verre à porter de main. Il faut agir vite avant de se faire voler la place aux fléchettes, alors Robbie se dirige droit dessus s'occupant de retirer les fléchettes de la cible. Puis il revient vers Egan qui se trouve à quelques mètres de la cible, distance raisonnable pour pouvoir jouer. Robbie lui tend la moitié des fléchettes en prenant un air sûr de lui, histoire de lui mettre un peu la pression. « T'as envie de rendre ça un peu plus intéressant ? ». Il fait mine de réfléchir, comme s'il allait lui proposer de jouer une grosse somme d'argents. Dieu sait qu'il ne s'amuserait jamais à jouer de l'argent, vu comment il avait galéré toute sa vie pour en avoir. Il avait appris la valeur de l'argent de la plus dure des manières et il n'en jetterait jamais par les fenêtres sans raison. « Celui qui perd paye le prochain verre ? Ou alors t'as trop peur de perdre ? ». Il sait parfaitement comment le titiller pour le motiver, puis de toute façon, à chaque fois qu'ils sortent boire dans un bar, ils payent chacun leur tour une tournée donc le pari ne changerait rien.

J'ai souvent besoin de ces moments pour décompresser. Ça me fait du bien d'être avec Robbie et de pouvoir penser à autre chose qu'au travail. J'adore mon travail et j'adore ma fille, mais j'ai besoin parfois de passer du temps avec des amis comme Robbie, je les comptes sur les doigts de la main, comme la plupart des gens d'ailleurs et ce n'est pas plus mal alors je profite de la moitié de mon temps libre pour m'amuser un peu et profiter de la vie. Je n'irais jamais jusqu'à sortir tous les week-end et boire comme un trou, non ce n'est pas pour moi, mais un verre de temps en temps et des fléchettes c'est l'idéal.

« Je ne rêve pas, tu sais que je suis doué au lancer.»

Je lui souris et le vois se diriger vers la cible. Je prends mon verre et le rejoins. Il a toujours su comment faire pour rendre les choses plus sympa. Je souris quand il propose que le gagnant paie la prochaine tournée. Je décroche les fléchettes de la cible et pose mon verre sur la table la plus proche.

« Alors prépare la tournée, parce que je suis prêt.»

J'ai toujours aimé les défis, enfin pas tous les défis non plus, mais je suis plutôt mauvais perdant quand je perds alors autant mettre les chances de mon côté. J'aime bien être le premier à jouer aussi. Je prend une première fléchette et tends le bras vers la cible, mes yeux scrute le point à atteindre. Je mesure la distance entre ma main et la fléchette, mesurant ainsi la force que je dois donner dans mon bras. Les fléchettes c'est tout un sport, même si certains n'y voit là qu'une distraction, c'est un peu comme le tir à l'arc pour moi, si on ne vise pas bien tout est fichu. J'ai attendu et j'ai compté dans ma tête jusqu'à cinq, même pour ça il faut que je compte pour être sur que se sera droit. Je lance la fléchette qui se plante, pas dans le centre de la cible, mais un petit peu trop à gauche dans la ligne des onze points, pas de double mais juste une simple. On commence doucement.

« Y a eu un coup de vent, c'est juste un entraînement.»

Je lui souris et lui tends une fléchette. Je suis persuadé qu'il va encore me surprendre parce qu'il le fait tout le temps. J’attrape mon verre et bois une gorgé avant de lui dire:

« Tu pourra lui apprendre à jouer aux fléchettes. Il devrait aimé ça.»

Je parle de son fils évidement. Ça me fait encore tout drôle de me dire qu'il ne m'a pas tout dit tout de suite mais je peux parfaitement comprendre ce qu'il a pu ressentir et même si je connais pas tous les détails, ça ne doit pas être évident d'avoir ça à gérer.

« Alors prépare la tournée, parce que je suis prêt.». Robbie ne peut s'empêcher de rigoler devant la confiance en lui qu'affiche son ami, mais c'est loin de lui faire peur. Il fait tourner les fléchettes entre ses mains, un peu impatient, il n'aimait pas attendre. Surtout pour jouer à un jeu. Robbie n'était pas fait pour les jeux de patience qui requiert du temps et de la stratégie, son ancien beau-père s'était d'ailleurs cassé les dents à essayer de lui apprendre les échecs. Pas qu'il était trop stupide pour apprendre les règles, simplement qu'il ne supportait pas d'attendre quinze ans que l'autre décide de son prochain coup. Fort heureusement, Egan se met vite en position pour lancer. Robbie observe attentivement la cible, résistant à l'envie de lui faire une petite crasse au moment où il tire. Il ne voulait pas se faire accuser de ne pas être fair-play depuis le début, alors il s'abstient. Le premier tire d'Egan n'est pas mauvais du tout, même s'il y a moyen de faire mieux, Robbie fait mine de ne pas être impressionné du tout. « Y a eu un coup de vent, c'est juste un entraînement.». Ne jamais reconnaître sa défaillance, c'est du Egan tout craché. Il était un peu pareil de ce côté-là, détestant perdre par-dessus tout. « Bah bien sûr. ». Cette fois c'est à lui de se mettre en position pour lancer, il fait tourner la fléchette entre ses doigts une dernière fois. « Tu pourra lui apprendre à jouer aux fléchettes. Il devrait aimé ça.». Robbie se détourne de la cible pour regarder Egan, il lui faut quelques secondes pour comprendre de qui il fait référence. C'était tout nouveau de se dire qu'il pouvait enfin parler de ça à Egan et qu'il ne le jugeait pas en prime. « Ouais, on verra. Par contre, faudra que ce soit ailleurs, je pense que sa mère m'étriperait de l'emmener dans un bar aussi jeune. ». Cette fois son regard se reconcentre sur la cible et il ne tergiverse pas longtemps avant d'expédier sa fléchette vers le mur. C'est une grimace qui s'affiche sur son visage en découvrant que sa fléchette s'est plantée dans la case deux double, ce qui ne lui fait que quatre points au final. Alors, qu'il visait les cases bien plus fortes à côté. « Je te laisse prendre un peu d'avance, histoire que t'ai une chance au final... ». Robbie affiche un grand sourire et adopte la même technique que lui en utilisant une excuse bidon pour justifier son mauvais lancé. Même s'il n'est pas certain que cela aide, il fait quelques pas pour se saisir de son verre et de prendre une longue gorgée. Au moins la prochaine fois, il pourrait prétexter que c'était de la faute de l'alcool s'il n'arrivait pas à viser au milieu de la cible. « Et sinon t'as toujours pas trouvé de belle-mère pour Grace ? ». Il demande ça tout à fait innocemment, mais il espère bien que sa question déconcentre un peu le jeune homme pour son prochain tire. Puis, il avait envie de savoir si son ami avait enfin trouvé chaussure à son pied, il méritait d'être heureux avec quelqu'un et ne pas se contenter d'être un père parfait.