(✰) message posté Sam 21 Mar 2015 - 2:34 par Theodore A. Rottenford
“There is a face beneath this mask, but it isn't me. I'm no more that face than I am the muscles beneath it, or the bones beneath that.”✻ La journée s’était déroulé comme toutes les autres. Jasmine était couchée dans son landau, les poings serrés autour de son doudou, Kaspar s’éternisait au stabucks après son service afin de mieux profiter de son insouciance jeunesse, et moi – je survolais les dernières directives de la pègre irlandaise. La situation était quelque peu mouvementée ces derniers temps. Les conflits internes menaçaient la quiétude de la belle ville de Belfast, et je redoutais des perturbations dans mon équipe. Après ma dernière visite, j’avais bien senti toutes les tensions se diriger vers moi. J’étais moins rigoureux, un peu dispersé et très évasif. Je possédais à présent deux natures : j’étais le père et le policier. Tel était mon destin. Je pris une grande inspiration en quittant mon bureau d’un pas lent. Il n’y avait aucun portrait de mes parents dans la maison, pourtant je n’oubliais jamais mon identité. Ma dévotion pour mes origines était inébranlable. Les souvenirs envahissaient perpétuellement ma mémoire. Je revoyais le visage expressif de mon jeune frère et ses courses effrénées dans le parc. Il marchait avec ravissement sous les lueurs du soleil en balançant ses longues jambes au gré du vent, il portait des vêtements comme les êtres humains, mais en réalité c’était une bête indomptable. Silas apparaissaient aux yeux de tous comme un jeune homme très intelligent et sociable, mais je savais qu’il menait une existence double et tourmenté. Son esprit versatile disparaissait parfois, laissant place aux traits durs et glacials d’un alter ego sculpté dans le marbre blanc. Michael me ressemblait beaucoup. Il était à l’image des exigences familiales mais malgré toute son ardeur et sa passion pour le danger, il n’égalait en rien la sensibilité de son hôte. Je devais avouer que je préférais le rire authentique, parfois timide, parfois assourdissant de Silas. Nous étions si divergents, cependant je ne pouvais pas l’envisager autrement que sous son vrai visage. Je fermais les yeux en longeant le couloir du premier étage, le baby phone plaqué contre mon oreille valide – parfois j’avais peur de rater les premiers grognements de Jasmine qui annonçaient une crise de larme imminente. A vrai dire, ma surdité partielle ne m’avait jamais été aussi cruelle qu’en la présence de ma fille. Ma gorge se serra brusquement, et il me sembla que le poignard acéré de mon ennemi s’enfonçait lentement dans ma poitrine.
La froideur du parquet s’immisçait sous ma peau comme un poison incurable. Quelle idée de marcher pieds nus à mon âge ! Je glissai dans mes pantoufles avant de rejoindre le hall d’un air grave. J’étais constamment assailli par mes incertitudes ; comment gérer mes fraudes fiscales et l’éducation d’un enfant ? Je poussai une longue plainte douloureuse en me laissant tomber sur le canapé. Mon souffle brûlant se versait dans la pièce avant de s’évanouir dans le vide. Je bu une gorgée d’eau avant de m’égarer entre les pages d’un recueil de poésies romantiques. Les heures se consumaient à grande allure, sans que je ne puisse réellement sentir l’empreinte du temps marquer le début d’une nouvelle aventure. Soudain, la sonnette de la porte brisa le silence du salon. Je grognai en me redressant – Si Jasmine venait à se réveiller, mon visiteur risquait de passer un très mauvais quart d’heure. Je déglutis en ouvrant la portée à la volée, les yeux débordant de ressentiments. « Silas, mais … » Articulai-je, surpris de revoir mon frère après des mois sans nouvelles. La dernière fois que j’avais suivi ses traces, il était quelque part en Europe, explorant la diversité des cultures occidentales. Comment avait-il réussi à avoir mon adresse ? J’avais clairement spécifié que je ne désirais pas être localisé par le clan – je fronçais les sourcils en détaillant les courbures de son visage fatigué, mais dans la lueur du crépuscule, et sans aucun indice de sa part, j’étais incapable de distinguer sa personnalité. Je ne savais pas si l’ombre qui se dressait devant moi était celle de mon adorable frère, ou le reflet maussade de mon propre désespoir. Qui es-tu l’étranger ? Je regardais ses mains serrées autour de ses valises. Ma bouche se crispa, j’hésitai à comprendre les réelles motivations de sa visite fortuite.
“There is a face beneath this mask, but it isn't me. I'm no more that face than I am the muscles beneath it, or the bones beneath that.” ✻✻✻ 1, 2, 3, respire. Silas Raphaël Alec Rottenford, tu dois dès à présent assumer tes choix et vivre ta vie selon ceux-ci. L'esprit du jeune rouquin était en pleine ébullition. Voilà maintenant quelque semaines qu'il était rentré d'Europe. Quelques mois qu'il avait abandonné ses dernière études en date et qu'il se promenait d'appartement en appartement le temps de trouver une situation confortable dans laquelle s'installer. Il avait visité une grande partie de l'Europe, et s'il était revenu en Angleterre, c'est qu'il en avait eu assez. Mais cela ne voulait pas dire qu'il souhaitait se réinstaller définitivement à Londres. Il ne savait tout simplement pas ce qu'il voulait. C'était un des plus gros défauts -ou alors une qualité ? ne sait-on jamais- : il ne savait jamais ce qu'il voulait pour la suite. Il était donc un de ces garçon très spontanée, qui ne planifie rien dans sa vie et qui voit les choses comme elles arrivent devant lui, sans se prendre la tête pour un sous. Il avait toujours voulu voyager, bouger dans tous les coins du monde, visiter de nouveaux paysages, de nouvelles cultures, apprendre de nouvelles langues. C'était ce qui le passionnait et le rendait heureux, mais par-dessus tout ça, il se rendait bien compte qu'il n'allait pas bien loin. A presque 30 ans, il n'avait fini aucune de ses études. Il avait en poche un bac, et deux licences. Autant dire pas grand chose. Et depuis son retour à Londres, il avait simplement trouvé un boulot en tant que pizzaiolo dans un petit restaurant. Rien de bien reluisant, mais il ne cessait de dire que ça lui suffisait. Il avait toujours aimé faire la cuisine, alors certes, des pizzas à longueur de journée c'était un peu redondant, mais cela lui suffisait. Ce qui n'était pas spécialement cool, c’était la cohabitation avec Lisa, sa meilleure amie. C'était chez elle qu'il avait créché depuis quelques temps, mais le fait qu'elle vive avec son petit ami n'aidait pas vraiment à la vie en colocation. Il devait alors trouver un autre endroit pour vivre.
Alors certes, l'idée de retourner chez ses parents lui avait traversé l'esprit, mais le problème était qu'il n'en avait pas envie. Etant un peu comme le mouton noir de la famille, Silas ne souhait pas ressentir le poids de la déception dans chacun des regard que lui lançaient ses parents. Lui qui ne s'été jamais intéressé aux histoires familiales liées à la pègre irlandaise, lui qui n'avait jamais réussi à finir des études, lui qui n'avait jamais eu de boulot plus intéressant qu'une place de serveur à mi-temps. Il savait parfaitement qu'il avait l'air d'un véritable échec face à son grand frère, commissaire de police et papa d'une adorable petite princesse. Il avait absolument tout pour lui tandis que Silas n'avait que lui et ses deux autres personnalités. Alors quoi de mieux que de prendre exemple sur son grand frère ? ça serait certainement la meilleure faon pour lui de se reprendre en main, de faire quelque chose d'autre de sa vie et d'essayer de réussir. Il suffisait simplement qu'il le voit régulièrement, qu'il l'observe et qu'il apprenne de lui. La solution semblait évidente. Silas se procura donc l'adresse de son grand-frère. ça serait également l'occasion de passer un peu plus de temps avec sa petite nièce qu'il n'avait vu que très très peu de fois.
Il fit sa valise aussi rapidement que Lisa pouvait encore le supporter, et le voilà parti, direction China Town. Il ne tarda pas à trouver l'immeuble et se rendit devant l'appartement de son frère assez rapidement, de peur de changer d'avis avant d'y parvenir. Il sonna à la porte, prenant la plus grande inspiration possible. Quand la porte s’ouvrit, il expira toute l'air d'un seul coup, affichant un immense sourire sans gène. Theodore bafouilla légèrement, mais Silas ne le laissa pas reprendre ses esprit. Il avança vers lui, le prenant rapidement sans ses bras. « hey fréro ! ça fait longtemps, comment vas-tu ? » Il attrapa sa valise qu'il apporta avec lui tout en entrant dans l'appartement, sans attendre l'invitation de son frère. Il claqua finalement la porte derrière lui, se tournant vers Theodore. « Alors, quoi de neuf à Londres ?! »
(✰) message posté Jeu 9 Avr 2015 - 1:08 par Theodore A. Rottenford
“There is a face beneath this mask, but it isn't me. I'm no more that face than I am the muscles beneath it, or the bones beneath that.”✻ La porte s’ouvrit sur le visage rayonnant de mon frère. J’étais surpris de le retrouver après tout ce temps – Ses boucles rousses n’avaient rien perdu de leurs éclats scintillants et ses joues creuses se crispaient afin de dessiner un sourire franc sur sa bouche. Je titubai à sa rencontre avant qu’il ne me saute dans les bras. Je restai tendu face à son étreinte, refusant de me laisser aller à l’excès. Il gigota avec lenteur, et je compris bien avant que sa voix ne flotte dans la pièce qu’il s’agissait bien de Silas, non de sa maladie. Je levai les bras vers ses épaules, à la fois attendri et attristé par son destin chaotique. Il était trop jeune pour subir les foudres de la vie de la sorte. Je pensais à lui avec beaucoup de dévotion et de ferveur, et je me réjouissais qu’il évolue loin de la pègre et de ses frasques. L’univers de nos parents n’était qu’un enchainement faible et lâche. Ils ne faisaient que perpétuer l’égoïsme de leurs existences à travers tout ce qui était immoral. Je savais me délecter du monde obscur, mais il était différent. Je pouvais percevoir la bonté et toutes les valeurs précieuses choir au fond de son regard abyssal. « hey fréro ! ça fait longtemps, comment vas-tu ? » S’enquit-il d’un ton enjoué. Ma gorge se serra, incapable de prononcer des mots de bienvenue. J’étais certainement trop pris par mes pensées pour pouvoir lui répondre convenablement.. « Alors, quoi de neuf à Londres ?! » Il claqua la porte et je me retournai aux aguets, prêt à m’élancer vers la chambre de Jasmine mais la petite ne broncha pas. Elle avait le sommeil paisible et profond. Je fronçai les sourcils en silence, tout en le suivant dans le long couloir menant au hall. Il serait plus aisé d’aligner toute une théorie sur sa présence chez moi, mais je préférais lui laisser le temps de s’expliquer. Je pris une bouteille de scotch à la volée avant de m’installer sur le fauteuil d’un air impérial. « Quoi de neuf à Londres ? » Répétai-je froidement. Ma question resta en suspens pendant quelques minutes avant que je ne reprenne : « Quand es-tu arrivé ? Tu vas bien ? » Il y avait quelque mécontentement, peut-être quelque inquiétude dans ma façon de me tenir devant lui. Je regardais sa valise avant relever le menton vers sa silhouette chétive et filiforme. Il n’avait toujours pas pris de muscle, je me demandais si les apparitions de son alter égo sportif s’était soudainement arrêté. Je crispai ma prise sur mon verra d’alcool avant de lui désigner la place à mes côtés. Notre relation avait toujours été complexe – Je n’étais pas le confident idéal, ni même un modèle à suivre, mais j’adorais Silas et ses ratures bien plus que je ne me l’avouais. Il faisait partie des rares personnes que je voulais protéger au détriment de mes propres intérêts. Je pris une grande inspiration en craignant qu’il ne soit mêlé aux affaires de la mafia à nouveau. Je connaissais ses principes, et son aversion pour les vices de la famille mais je me laissais berner à chaque fois qu’il montrait un penchant pour mon travail. Mon regard bleu foncé, presque noir, s’ancra dans le sien mais je ne parvenais pas à sonder ses pensées. Il était bien trop énigmatique. La dualité de sa personnalité le rendait à la fois inatteignable et effrayant, mais je ne pouvais pas l’abandonner. Je l’aimais envers et contre mes parts d’ombre. « Tu as mauvaise mine ... » Finis-je par siffler en souriant au coin. « … Silas. » Articulai-je comme pour lui signifier que je l’avais reconnu.
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(✰) message posté Ven 8 Mai 2015 - 17:52 par Invité
WHERE DOES THE GOOD GO ?
THEODORE ROTTENFORD & SILAS ROTTENFORD
“There is a face beneath this mask, but it isn't me. I'm no more that face than I am the muscles beneath it, or the bones beneath that.” ✻✻✻ La situation avait un gout de déjà vu. En tous cas, le regard que Theodore avait envers son petit frère était un de ces regards que Silas voyait régulièrement. La qustion était: est-ce que c'est Silas, ou bien est-ce que c'est Michael qui prend les commandes du corps du jeune homme ? Silas savait parfaitement que cela inquiétait son grand frère. Tout d'abord car un dédoublement de personnalité n'est aps une maladie des plus courante, bien au contraire, et qu'elle peut mener à des complications parfois inattendues, et le plus souvent graves. Dans tous les sens du terme. Mais dans le cas du jeune Rottenford, les choses allaient plus loin. Alors que Silas n'avait jamais voulu prendre parti dans les histoires de mafia dans lesquelles il berçait depuis son enfance, Michael s'y été intéressé dès sa première apparition. Theodore en était parfaitement conscient, et Silas savait que cela lui posait problème. Dans tous les cas, il savait maintenant comment déceler la différence entre Silas et Michael, avant même que le rouquin n'ouvre la bouche.
Après ce petit moment de flottement où il était nécessaire de savoir à qu'il il s'adressait, Silas senti un certain soulagement s'emparer de son frère. Puis il le vit s'éloigner, attrapant une bouteille de scotch au passage, et s’asseoir sur un fauteuil. Silas était nerveux, et il tentait de le cacher en faisant de l'humour. C'était son talent à lui: blaguer pour cacher son mal aise. Il trouvait son frère beaucoup trop calme. Soit il l'était vraiment, soit il se contenait également pour ne pas s'énerver sur son petit frère. Silas tentait de tourner la chose dans sa tête, savoir comment il allait se débrouiller pour expliquer son retour, ce qu'il lui était arrivé pendant cette longue absence, et surtout, son avenir ! Silas restait donc là, debout, face à son frère dont la crispation commençait à se faire de plus en plus visible. « Euh, je suis là depuis... quelques semaines. Une ou deux quoi. Je me souviens plus de la date précise en fait. ais en tous cas je vais super bien ! C'est fou ce qu'il y a de soleil en France par rapport à ici ! Tu trouves pas que j'ai bronzé ? » Le jeune homme montrait son profil à son frère, dans un sourire comique. Il espérait le détendre un peu avec de l'humour, mais ça ne fonctionnait visiblement pas..
Theodore invita finalement son petit frère à s'asseoir à côté de lui. Le jeune homme s'exécuta, et se servit en alcool également. Il n'était pas très fan du scotch, mais il trouvait que cela faisait bien. Il se sentait toujours plus puissant, plus important avec un verre à la main. Surtout s'il s'agissait d'alcool fort comme celui-là ! Il soutenait le regard de son frère. Il sentait la tension entre les deux. Des choses devaient être dites, il fallait simplement que ça se fasse. Le problème étant que Silas ne savait pas communiquer sans blaguer. Theodore fit une réflexion sur son allure. Un sourire timide étira les lèvres bombées de Silas. « Sympathique le bro ! » Il avait cependant remarqué que Theodore avait utilisé son prénom. « J'ai pas trop eu l'occasion d'aller à la salle de sport, et j'ai pas mal travaillé ces derniers temps. J'ai une excuse ! Pas toi par contre... »
Il se redressait péniblement sur son siège, tentant d'adopter une position plus agréable. « Bon on va crever l'abcès nan ? » Il se raclai la gorge. Son visage affichait toujours cet air un peu détaché, signifiant qu'il ne prenait pas la conversation pour trop sérieuse non plus.
✻✻✻
CODES LITTLE WOLF.
Spoiler:
Un mois pour répondre, je suis un caca Mais je suis en vacances donc je ne mettrai plus autant de temps now
(✰) message posté Mar 2 Juin 2015 - 14:25 par Theodore A. Rottenford
“There is a face beneath this mask, but it isn't me. I'm no more that face than I am the muscles beneath it, or the bones beneath that.”✻ C’était mon petit frère; un garcon fragile, chétif et enjoué. Je me souvenais du jour de sa naissance. Les giboulées du printemps soulevaient les buissons sépulcraux du jardin afin de bercer mon attente interminable. Ma mère était restée à l’hôpital pendant une partie de la nuit, alors que j’étais prisonnier de ma chambre. Les domestiques s’activaient autour de moi, sans répondre à mes questions – sans rien me dire sur les événements qui troublaient ma routine. J’étais moi-même très jeune. Je ne réalisais pas encore que l’apparition d’un petit être dans un couffin pouvait bouleverser ma vie. C’était étrange. Je m’étais attaché à Silas de manière soudaine, fulgurante et intense. Je devais le protéger, c’était mon rôle. C’était ce qu’on m’avait dit, et je l’avais ressenti comme ça. Je soupirai en songeant à sa maladie. Son dédoublement de la personnalité me pesait énormément, spécialement depuis l’intérêt qu’avait montré Michael pour les affaires familiales. Je soulevais légèrement le torse. Mon âme endormie et presque figée par l’effroi ployait en sentant son étreinte chaleureuse. J’avais une immense affection pour lui, il le savait, mais j’éprouvais également du mépris pour sa condition. Il était insondable, étourdi et parfois dangereux. « Euh, je suis là depuis... quelques semaines. Une ou deux quoi. Je me souviens plus de la date précise en fait. Mais en tous cas je vais super bien ! C'est fou ce qu'il y a de soleil en France par rapport à ici ! Tu trouves pas que j'ai bronzé ? » Je crispai ma prise sur mon verre tout en agitant frénétiquement le poignet. Il était là depuis deux semaines, et ce n’était que maintenant qu’il me retrouvait. J’étais curieux de savoir, quelles raisons obscures, l’avaient poussée à garder une telle distance entre nous. Il n’appartenait pas réellement à la pègre irlandaise. Il avait des relations quelques peu tendues avec nos parents, il s’était détaché d’Abigail et de l’univers de Belfast, mais j’osais espérer qu’il me faisait assez confiance pour solliciter ma présence dans sa vie. Nous étions une équipe – que ça lui plaise ou non. Je relevais ma tête vers son profil, l’expression allongée et les lèvres pincées, puis je me forçai à sourire malgré mon inquiétude. « Je ne te trouve pas changé. » Sifflai-je en ancrant mon regard dans le sien. Je ne le trouvais pas différent, et je refusais d’envisager qu’il puisse être quelqu’un d’autre. C’était mon petit frère ; un garçon délicat, souriant et brisé par la malédiction Rottenford.
Il s’assit à mes côtés et je le regardais d’un air imperturbable. Ma stature vaniteuse s’imposait dans la pièce solitaire. Il se servit un verre de Scotch à son tour alors que j’avais déjà entamé le mien. Son expression rieuse n’était qu’une façade. Silas redoutait une altercation – il me connaissait assez pour savoir que je n’aimais pas qu’il disparaisse dans la nature pendant trop longtemps. Et pourtant, il le faisait quand même. Il partait sans jamais se retourner et j’acquiesçai en silence, attendant bien malgré moi qu’il répondre à mes appels ou à mes messages. Je me demandais parfois si c’était lui qui me snobait délibérément, ou si c’était l’image fallacieuse qu’il se faisait de ma vie : Un stéréoptype sportif arrogant, vilain et déloyal. « Sympathique le bro ! J'ai pas trop eu l'occasion d'aller à la salle de sport, et j'ai pas mal travaillé ces derniers temps. J'ai une excuse ! Pas toi par contre... » Les saveurs de l’alcool s’engouffraient dans ma gorge au fur et à mesure que je l’entendais parler. Les tonalités mélodieuses de sa voix m’avaient manquées. Ce n’était pas facile, mais je gardais mon sang froid. J’haussai les épaules en me mordant la lèvre inférieure. En effet, mes longues insomnies et la fatigue accumulée au travail commençaient à me peser physiquement. J’avais des cernes et il me semblait avoir perdu du poids, moi aussi. « Je me demande quel genre d’occupation à bien pu te ramollir à ce point. » Me moquai-je en rentrant dans son jeu. « Tu sais, j’ai peut-être une excuse moi aussi. » Je songeais à la présence de Jasmine à l’étage. Je ne savais pas comment lui dévoiler son existence. Je n’étais même pas sûr de pouvoir lui faire confiance avec tous les troubles psychologiques dont il souffrait. Silas ne me trahirait jamais, mais il n’y avait pas que lui. Il partageait son âme, son corps et sa conscience avec un autre. Il se redressa afin de se donner plus de contenance, puis après s’être raclé la gorge il se tourna vers moi. « Bon on va crever l'abcès nan ? » Je détaillais son expression dégagée. Il semblait complètement insouciant à la situation – en réalité, il n’avait jamais eu le sens des responsabilités. Il était incapable de suivre des études sérieuses ou de rester fixe dans un seul endroit. Mon visage se détendit alors que je posai mon verre sur la table basse. « Je n’ai pas eu de nouvelles depuis des mois. Tu m’as encore ignoré. On avait un marché ; je dois toujours garder un œil sur moi. Où que tu sois. » Déclarai-je en croisant les bras sur mes cuisses.
“There is a face beneath this mask, but it isn't me. I'm no more that face than I am the muscles beneath it, or the bones beneath that.” ✻✻✻ Le regard rivé sur le verre de son frère, Silas était extrêmement tendu. Il était même stressé, et ça n'était pas dans ses habitudes. Il était du genre à détester les situations compliquées émotionnellement et les disputes en général. Alors il trouvait toujours un moyen de les éviter, la plupart du temps en gardant ce qu'il avait réellement sur le cœur, à l'intérieur de lui. Il était le roi pour faire croire que tout allait bien pour lui, et pour les personnes qui ne le connaissaient qu'un petit peu, cela suffisait. Il s'en sortait sans aucune égratignure. Mais face à Theodore, les choses étaient bien différentes. La situation dans laquelle il s'était mise et où il avait mis également Theodore n'était pas une de ces situations facile à fuir. Il avait chié dans la colle, et il devait maintenant se débrouiller pour s'en sortir. Et il voyait les doigts de son frère, devenir blanc tant sa prise était serrée autour de son verre de scotch tandis qu'il faisait bouger le liquide délicatement dans son contenant. Alors il faisait des blagues, prenant un air faussement détaché. Mais il savait pertinemment que Theodore n’était pas dupe. C’était impossible. Ou alors son frère avait beaucoup changé, car il était bien la seule personne à le connaître par cœur. Au moins lui en tous cas, Silas. Mais peut-être pas Michael et encore moins Katherine, qu’il n’avait encore jamais vu. Le mafieux ne rentra d’ailleurs pas dans le jeu de son frère. Il restait très neutre, sans grande émotion lisible sur son visage. Silas dégluti péniblement. « Je ne parle pas de changement radical ! M’enfin bon, avec toutes les tâches que j’ai sur la face et même sur les bras, une de plus, une de moins, ça ne se voit pas spécialement… » Il parvenait encore à prendre une voix détachée, et il s’étonnait lui-même. Comment arrivait-il à encore blaguer, face au regard froid de son frère. Il s’offrirait certainement une médaille en chocolat pour sa merveilleuse prestation !
Mine de rien, il était mal à l’aise. Il tenta alors d’avaler une gorgée de son verre de scotch. C’était un alcool beaucoup trop fort et avec un gout trop amer pour lui. Mais il ne pouvait pas le recracher comme ça. Il l’avala péniblement, ne pouvant s’empêcher de grimacer. Le pire étant qu’il ne voulait pas faire le pire pour le coup, mais son frère le connaissait. Il lui pardonnera ses manières de grand homme inexistantes. « Je me demande quel genre d’occupation à bien pu te ramollir à ce point. Tu sais, j’ai peut-être une excuse moi aussi. » Silas sentait une pointe de détente dans ses mots. Il rentrait légèrement dans son jeu, ce qui eut le don de le détendre un peu. « J’ai jamais été très sportif.. Ah oui ? Et quelle est ton excuse ? Je suis bien curieux de la connaître ! » Rassuré, le ton de sa voix avait augmenté. Il se sentait plus sûr de lui, et ça n’était peut-être pas pour le meilleur.
Se sentant légèrement poussé des ailes, il avait proposé à Theodore de crever l’abcès. Ça n’était certainement pas son genre de rentrer dans le vif d’un sujet si sérieux d’un coup, mais c’était le moment de le faire. « Je n’ai pas eu de nouvelles depuis des mois. Tu m’as encore ignoré. On avait un marché ; je dois toujours garder un œil sur moi. Où que tu sois. » Baissant les yeux sur son verre encore peu entamé, Silas se sentait tout d’un coup redescendre. Il avait honte, mais il ne s’en été pas rendu compte assez tôt. Theodore avait à nouveau pris son air renfrogné, et Silas avait perdu toute son assurance. C’était à prévoir en même temps.. Il n’aurait pas pu s’en sortir comme ça.. « Je suis désolé… Mais enfin tu me connais, je suis du genre à m’envoler comme un oiseau ! J’aime bien être libre comme l’air. C’est pas que je voulais pas te donner de nouvelles, mais j’avais besoin de partir, de m’éloigner et un peu de Londres. Je n’en ai donné à personne après tout. J’ai même quitté Riley un peu précipitamment.. » Il déballait un peut tout ce qu’il pouvait pour tenter de se justifier. Mais en réalité, il n’avait pas vraiment à le faire.. Sur le moment, il ne se sentait jamais coupable de partir, mais c’est quand il savait qu’il avait fait du mal à certaines personnes qu’il commençait à bien réfléchir. « Et puis tu sais, j’ai presque 30 ans maintenant. On dirait pas, mais je peux me protéger moi-même ! » ça n’était pas un reproche, après tout, il était content que son frère ai toujours veillé sur lui. Mais il savait qu’il n’en avait plus vraiment besoin maintenant.
« Sinon c’était chouette la France ! J’ai appris plein de choses ! Et toi, qu’as-tu fait depuis le temps ? » Bah ; qui ne tente rien n’a rien. Le jeune homme tentait donc le changement de sujet.
(✰) message posté Lun 5 Oct 2015 - 23:27 par Theodore A. Rottenford
“There is a face beneath this mask, but it isn't me. I'm no more that face than I am the muscles beneath it, or the bones beneath that.”✻ Je pinçai les lèvres en observant Silas. Les lumières de la pièce se reflétaient sur son visage avec douceur, accentuant le contraste entre sa jovialité et mon détachement. Son esprit était assurément pur et enfantin, tandis que le mien oscillait dangereusement au bord de la chute. J'avais toujours voulu le protéger. Je m'étais presque borné en suivant chacune de ses exigences, en adhérant à ses passions pour le voyage et l'aventure. Parfois, il m'arrivait de sortir de mon insensibilité à travers les récits extravagants de sa vie nomade. Il était destiné à accomplir de grandes choses, loin de la famille et de la mafia. Cependant, il ne fallait pas s'imaginer que sa situation était plus heureuse que la mienne. Je goûtais mille plaisirs qu'il ne connaissait pas. Je ressentais la frénésie de la chasse, la nécessité du mal, l'excitation meurtrière du prédateur et la fatalité du destin. J'existais dans le réalité alors qu'il ne faisait que languir. Je me redressai nonchalamment sur mon siège. Mes doigts emprisonnaient mon verre comme les griffes monstrueuses d'un animal. J'étais contrarié par ses départs répétés et son irresponsabilité. J'étais contrarié parce qu'il m'inspirait un sentiment de dépendance et d'inquiétude que je ne pouvais pas supporter. Je bus une gorgée d'alcool avant de hocher la tête avec entendement. « Je ne parle pas de changement radical ! M’enfin bon, avec toutes les tâches que j’ai sur la face et même sur les bras, une de plus, une de moins, ça ne se voit pas spécialement… » Sa voix était railleuse et enjouée. J'esquissai un faible rictus avant de détourner le regard vers la commode. L'angle n'était pas perpendiculaire avec le mur. C'était un détail qui perturbait mes réflexions depuis le début de la conversation. Machinalement, je me redressai afin d'ajuster la position du meuble. Mon verre trônait au milieu de la table basse, près d'une boite de mouchoir et des décorations en porcelaine. Une odeur de térébenthine et de propreté flottait partout autour du salon. L'agencement de l'espace était parfaitement ordonné mais l'ambiance manquait cruellement de gaieté et de spontanéité. Mon appartement était façonné à mon image ; froid et hostile – grand et austère. Mon regard se dirigea vers la silhouette chétive de mon frère. Il y avait quelque chose qui m'avait toujours étonné ; c'était de constater à quel point il pouvait être souriant et libre, tout en ayant grandi dans les mêmes mœurs et les mêmes manières que moi. Je ne pouvais même pas me souvenir d'avoir un jour rit aux éclats. Mes accès d'hilarité se résumaient à une légère pression à la poitrine, suivie par une sourire fermé et un hochement de tête poli. Je posai un pouce sur ma barbe taillée avant de reprendre ma place sur le canapé. Mes mouvements étaient précis et calculés. Je m'imposais par ma stature vaniteuse et mon expression autoritaire afin de ramener Silas vers moi. C'était un petit garçon qu'il fallait parfois gronder. Il avait toujours été indécis et frivole. J'avais appris à accepter ces versants de sa personnalité, parce que je pensais qu'il y avait un certaine dévotion dans son insubordination. « J’ai jamais été très sportif.. Ah oui ? Et quelle est ton excuse ? Je suis bien curieux de la connaître ! » S'enquit-il avec amusement. Je levai les yeux au ciel. Je restai silencieux pendant quelques secondes, hésitant à lui parler de Jazz, puis je me ravisai en haussant les épaules. « J'ai reçu une balle en traître à Belfast, l'hiver dernier. Sinon, j'ai du travail. Le père Rottenford délègue beaucoup en ce moment. D'ailleurs, c'est moi qui gère les comptes. Il a demandé de te couper les vivres y a des mois mais je retarde l'échéance en bonne âme charitable.» Je croisai les jambes en me penchant vers l'accoudoir. Notre moment de complicité était de courte durée. Silas voulait rentrer dans le vif du sujet et je n'avais pas de temps à perdre. Ma langue avait claqué contre mon palais avant de déverser tout son venin sur lui. « Je suis désolé… Mais enfin tu me connais, je suis du genre à m’envoler comme un oiseau ! J’aime bien être libre comme l’air. C’est pas que je voulais pas te donner de nouvelles, mais j’avais besoin de partir, de m’éloigner et un peu de Londres. Je n’en ai donné à personne après tout. J’ai même quitté Riley un peu précipitamment.. » J'arquai un sourcil en l'écoutant. Ses paroles étaient décousues. Oiseau. Liberté. Riley … Je me souvenais vaguement de ses petites amies. « Et puis tu sais, j’ai presque 30 ans maintenant. On dirait pas, mais je peux me protéger moi-même ! » Je pinçai les lèvres en tiquant sur sa dernière remarque. Il ne s'agissait pas d'un reproche mais j'étais tout de même consterné par son manque de considération pour la situation. Il était l'un des héritier de la famille Rottenford qu'il le veuille ou non, qu'il se cache en province, en France ou au Tibet. Son devoir coulait dans ses veines comme les flammes ardentes d'un incendie. S'il n'arrivait pas à en dompter le feu, il finirait brûlé par son pouvoir. « Je dois assurer tes arrières contre la mafia si tu espères fêter tes trente-ans un jour. N'oublie pas que c'est leur fric qui a financé tes longues études non abouties. » Tranchai-je avant de me détourner. L'âme, unie avec le corps en était sans cesse tyrannisée. Nous étions tous des âmes unies au sein de la pègre irlandaises. C'était une analogie très simple à assimiler. « Sinon c’était chouette la France ! J’ai appris plein de choses ! Et toi, qu’as-tu fait depuis le temps ? » Je lui accordai mon attention à nouveau. Je me rapprochai afin de reprendre mon verre, puis après une profonde inspiration et une généreuse gorgée d'alcool, je me décidai à lui parler de ma paternité. « J'ai une fille. Elle s'appelle Jasmine. » Déclarai-je sur un ton neutre. « Il paraît que le vin est plus cher en France à cause des impôts. C'est vrai ? » Je lui adressai un sourire moqueur. « Tu vois, je sais aussi changer le sujet. » Je haussai les épaules avant de me resservir un fond de whisky.