"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici where no eagles fly (theomas) - Page 2 2979874845 where no eagles fly (theomas) - Page 2 1973890357
Le Deal du moment : -38%
Enceinte colonne – Focal Chorus 726 – Noir ...
Voir le deal
245 €


where no eagles fly (theomas)

 :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Jeu 26 Mar 2015 - 23:40 par Invité
« On a tous le choix, Knick. » Je levai les yeux vers lui en haussant les sourcils. Non, Theodore, ça c’était bien trop facile. Tu ne peux pas jouer au type impassible si tu me sors des maximes idiotes de ce genre. La naïveté ne convenait pas à son visage figé. Je ne lui répondis pas, préférant simplement me plonger dans mes souvenirs pour y retrouver ses traits les plus juvéniles. Theodore Rottenford. Aussi lisse que la mer lors des marées basses. Une placidité monstrueuse au fond du regard, nourrissant un détachement étonnant alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années. Voilà mon souvenir. Et Dieu savait que je l’avais méprisé pour cela. Pour cette opacité, cette noirceur polie dans laquelle le soleil n’osait pas se refléter. Il m’avait rendu la pareille. Il était propre et moi j’étais négligé. Il se tenait droit et moi je me tordais sur mon siège. Il ne fumait pas et moi j’étais l’anti-héros parfait de ma génération. Ses cheveux étaient soignés et les miens ne se laissaient pas dompter. Il détestait le sang et moi j’avais la curiosité d’y goûter. J’étais l’acidité et lui l’amertume. J’avais lu son dédain à l’instant même où il avait posé ses yeux sur moi pour la première fois. Et, c’était devenu mon habitude, j’avais haussé les sourcils et fait apparaître un mince sourire sur mes lèvres irritées à force de trop parler. L’époque durant laquelle j’avais eu la fureur de vivre et qu’il s’en était moqué. Ironie du sort, il ne pouvait pas savoir à quel point je partageais aujourd’hui son opinion. Impossible de lui dire. Je ne voulais pas qu’il gagne cette victoire. Il rallumait en moi cette fierté refoulée et je m’interdisais de la laisser mourir. Au fond, je savais qu’il était au courant. Qu’il voyait que je n’étais même pas humain. Que j’étais juste un bout de chair presque morte, se raccrochant à la vie parce que je m’ennuyais de l’agonie. Et à présent, j’étais une lande stérile qu’il observait, de l’autre côté du marécage, le nez froncé mais l’esprit en éveil. L’aigle voulait se poser, cependant les branchages étaient brisés, ensevelis dans la vase. Mais viens, Theodore. Laisse-toi faire. Je tracerai les lignes de ta maigreur, je redessinerai la courbe de tes cernes, j’effacerai l’éclat parfait qui illumine tes iris et je te peindrai un nouveau corps dans lequel tu n’auras pas honte de te salir. Il pouvait devenir mon œuvre, mais il restait en retrait. Un homme de l’ombre qui n’aimait pas se montrer sous un jour nouveau. Ce n’était pas le premier. Combien de temps avant qu’il ne craque, cependant ? J’espérais au fond de moi qu’il m’enviait. Là où j’étais, la peau lacérée, le visage creusé, la chair déchiquetée par les becs des vautours. Là où je n’avais plus rien à perdre. Là où j’avais acquis une forme inouïe de liberté. Là où la laideur n’avait plus aucune importance, parce que l’on avait enfin compris qu’elle ne venait pas de nous, mais du monde lui-même, et que nous ne faisions que nous harmoniser avec. On a tous le choix, Theodore ? Voilà le mien. Crois-moi, je m’y plais, assis dans ce mausolée, sur ce trône sépulcral, vêtu d’un linceul éclatant d’une blancheur sinistre. J’étais roi, quelque part. Et je puisai de ce titre toute ma fierté.

« Je ne suis pas sale. » Je me délectai de son ton courroucé. Si, tu es sale. Tu as envie de l’être. On désire tous ce prosaïsme au fond de nous. Et … Je basculai ma tête en arrière, sentant comme une lame me transpercer le crâne. « Je doute que tu aies assez de sang pour me vaincre. » Il parlait, et j’essayai de m’accrocher à ses mots, mais ils m’échappaient. Du sang, j’en avais. Je voulais m’ouvrir la gorge et que tout se déverse sur lui, pour qu’il m’ait à jamais dans son corps, sur sa conscience, brodé à la dentelle déchirée de ses rêves les plus sombres. Je voulais qu’il reste. Je voulais garder cette tension ancrée dans ma poitrine comme un pieu, car elle était si rare, et que la douleur provoquait en moi cette étrange sensation de plénitude. Nous étions des jumeaux opposés. Incapables de s’aimer mais se complétant l’un l’autre presque malgré nous. On allait toujours finir par se recroiser, comme si un fil invisible reliait nos poignets meurtris et qu’il traversait les âges. Une douzaine d’années sans revoir son visage émacié, et voilà que, par hasard, il assaillait de nouveau mon champ de vision ? Je ne croyais pas au destin. Mais je me plaisais à penser que ce n’était pas une simple coïncidence. Peut-être que nous avions quelque chose à tirer de cette histoire. Peut-être que j’étais piégé dans un rêve à valeur moraliste. Mais Theodore me semblait si réel. Si inchangé, et pourtant je voyais que ses traits s’étaient creusés. Il avait l’air encore plus sombre qu’auparavant. J’enlevai ses plumes une par une, mais il en apparaissait toujours des nouvelles, rangées en un éventail épais et noir, ne laissant toujours pas entrer la lumière dans les entrailles glaciales de son âme. L’aigle résistait. Et cela m’énervait. Nous combattions à armes égales, lui et moi, même si nous nous évertuions à nous convaincre du contraire. Je le griffai, mais son sang ne coulait pas, comme si je m’attaquais à un buste de marbre. Et de son côté, il voulait me cerner, mais j’étais trop agile pour me laisser piéger. Même blessé, même mourant, même à l’agonie, j’étais cette fumée qui glissait entre ses doigts, chatouillant ses phalanges et laissant derrière moi l’odeur âpre du tabac  froid entre ses ongles soignés.

Et puis je suis tombé. Je rencontrai la pierre, accueillant à nouveau la douleur comme une sœur. Après m’être redressé, je tournai la tête vers lui : il était à genoux.  Il n’avait pas pu s’en empêcher. Mon sourire réapparut, mince, presque invisible. L’avais-je donc à ce point corrompu ? Mon sang était-il si souillé ? Rejoins-moi, Theodore. Tu n’as pas eu à me pousser, et voilà que je te tire, que je t’entraîne avec moi. Un sentiment malsain m’envahit. Je pouvais me délecter de cette maigre victoire. Il ne tarderait pas à me vider de cette once de vitalité qui m’animait. Qui me rappelait de respirer. Et puis, dans un geste ultime, il déchira sa chemise et je pus contempler sa peau. Je penchai la tête. A ce point-là, Theodore ? Je te dégoûte à ce point-là ? Mes yeux parcoururent ce corps dénudé et s’arrêtèrent sur sa clavicule : mon sang avait transpercé la chemise et je vis l’esquisse pourpre de mon dessin furieux à cet endroit précis. C’était à peine perceptible, mais il le sentait. Il le sentirait à jamais. Il se réveillerait la nuit avec ce besoin dévastateur de frotter cette clavicule impie. Peu importait qu’il soit propre : il était maniaque. Cette souillure faisait partie de lui à présent. Sans parler de ses avant-bras écarlates. On aurait pu croire qu’il s’était confronté à un animal enragé et qu’il avait dû l’abattre à mains nues. Et j’avais tout l’air d’un félin mort sur le bas-côté d’une route. « Si tu te relèves maintenant et que tu me regardes sans ciller … Je te donnerai ta clope. » Je ricanai d’un air sombre, incapable de bouger. Mes jambes ne me répondaient plus, à part pour me hurler qu’elles avaient mal et que j’étais un pauvre con. Il méritait vraiment de crever sur ce sol avec moi. Mon rire s’éteignit finalement et je tournai légèrement la tête vers lui. « Tu me fais du chantage maintenant ? C’est adorable. » Je n’avais pas la force de lui faire face, mais je pouvais toujours parler. Et je l’observai avec un sourire à présent triste, reflétant la pâleur s’échappant de sa peau nue, puis posai mes yeux sur sa main qu’il avançait vers moi. Je me laissai faire, rabattant mes iris sombres vers le mur. Je ne pus que clore mes paupières et frissonner lorsqu’il me toucha du bout des doigts. Impossible de décrire la sensation qui me traversa, à tel point elle était tordue entre la répulsion, la colère et une étrange symbiose qu’il me forçait à accepter. Je n’étais pas capable de me dégager de son emprise, aussi furtive soit-elle. Mais elle était bien plus prononcée, en réalité. Il pouvait me tuer, je n’allais pas me défendre. « Je … » J’ouvris à nouveau les yeux et jetai un coup d’œil à sa main impériale, avant de le regarder lui. Il finit par se détacher et mes muscles se détendirent instantanément. « Je … pense que … tu devrais venir te faire foutre avec moi … » Je laissai échapper un léger rire. « Tu me dragues ou quoi ? » Mais déjà, il se relevait, peinant à retrouver l’équilibre, et il interpella les gardes de nuit. Mon sang se glaça et toute trace de moquerie quitta mon visage. « Menottes ! Je le veux dans mon bureau. » Je fus pris d’une soudaine panique et tentai, sans vraiment savoir pourquoi, de me traîner vers le fond de la cellule. Peut-être pour retarder l’instant. Si Theodore me sortait d’ici, il n’y aurait plus de frontière entre nous. Les policiers observèrent leur supérieur, déconcertés. C’était vrai qu’il était à moitié nu, du sang sur la peau, brûlant au milieu de ces sous-sols glacés et titubant sous l’effet des souillures. En face de lui, il y avait ma carcasse brisée sous mes vêtements déchirés. J’avais l’air d’un mort. Ma main gauche ne répondait plus : elle était trempée et rougeâtre, comme si je venais d’arracher un poumon à Theodore. Ils voulurent l’aider, mais il se recula avec agilité, me désignant à sa place. Je serrai les dents. Tu n’as pas le droit, Theodore. Je ne suis pas en état de subir tes tricheries ou de jouer à tes jeux de traître. Les gardes me touchèrent une première fois et je secouai la tête et le buste pour qu’ils s’éloignent. En vain. Cela provoqua l’effet inverse. Ils me saisirent les épaules avec fermeté et me remirent debout, rabattant mes bras dans mon dos et me menottant. Je laissai choir mon regard vers le sol, las. Je manquai de tomber, mais ils me rattrapèrent et me maintinrent sur mes deux jambes, me traînant jusqu’à la sortie. La lumière blafarde dans laquelle ils me plongèrent m’aveugla et je dus me réhabituer à l’usage de mes jambes : ma vision semblait recouverte d’un brouillard épais. Je distinguai la silhouette fine et musclée de Theodore, mais ne voyais pas les traits de son visage avec précision. Il avait simplement deux ombres à la place des yeux. « J’vais te tuer, Rottenford. » Je sentis le goût du sang dans ma bouche : cette fois, il s’agissait du mien, et il enroba mes lèvres et mes dents. Assez sale pour toi, Theodore ? « J’vais plumer tes putain d’ailes, me laisse pas sortir. » A nouveau, je trébuchai, mais mes deux piliers ne bronchèrent pas. Ils continuèrent leur route et j’étais piégé avec eux. Un prisonnier. Rien de plus, rien de moins. Je fis retomber ma tête et ma nuque craqua. Je n’étais pas capable de regarder droit devant moi. On m’arrachait à mon royaume pour me décapiter. C’était le long voyage vers la souffrance. Je marchai d’un pas neutre et traînant, oubliant tout. Tout, sauf une chose. Tout, sauf le regard brillant de Theodore qui marchait à notre suite. Je le sentais dans mon dos et il me rendait fou. Il s’accrocha à mes pensées dans le dédale de la prison. Le regard d’un prédateur sur une proie agonisante. C’était une image facile, mais si représentative. Theodore avait gagné. Il m’avait tué. Et il allait dévorer ce qui restait de moi : une charogne.

Quoi ? Tué ? Tom, ce n’est pas parce que tu dors deux minutes, que tu ne tiens plus debout et que tu délires complètement que cela signifie que tu es mort. Au contraire. Souris un peu. Tu vis. Plus important, la noirceur de ton esprit vit. N’es-tu pas un être trop résigné pour vivre ou pour mourir ? Tu es dans l’entre-deux où Theodore ne pourra jamais t’atteindre. Voilà, c’était ça qui me permit de rester calme et de marcher droit. Quelques minutes plus tard, les deux gardes poussèrent la porte de ce que je devinai être le fameux bureau et ils me firent assoir sur la chaise qui faisait face à celle de Theodore. Ils me menottèrent à celle-ci et je plaquai mon dos contre le dossier, basculant ma tête en arrière, fermant les yeux. Les policiers avaient quitté la pièce. Seul restait Theodore. Je sentis sa présence. Je sentis l’odeur de mon sang sur son corps. Je me redressai et tirai sur mon poignet menotté, perplexe. « Sérieusement … » marmonnai-je, excédé. Je soupirai. Je voulais rester impassible. Faire comme s’il n’existait pas, le laisser moisir dans son coin sombre. Je regardai sur le bureau en face de moi : pas de cigarette ni de trace de mes affaires. J’avais un mauvais pressentiment. Être seul dans une pièce avec un Theodore gonflé à bloc et sans avoir la moindre issue de secours, c’était une situation assez délicate. Même terriblement dangereuse, si on y réfléchissait bien. Mais je ne pouvais pas l’ignorer. Sa présence était comme un poids juché sur mes épaules fragiles. J’optai alors pour la deuxième solution : lui faire face, comme je savais si bien le faire. Je tournai la tête, sans le regarder, simplement pour m’adresser à lui. « C’est le moment où je découvre si t’es le bon ou le mauvais flic, c’est ça ? » Finalement, je pivotai d’avantage pour plonger mes prunelles noires dans les siennes. « Te fatigue pas, j’ai déjà la réponse. » Je lui accordai un mince sourire orné de sang. Je devais vraiment être hideux. Mais c’était lui qui avait décidé de me traîner jusqu’ici. Peut-être qu’au fond de lui, j’étais tellement l’antithèse de sa nature maniaque qu’il avait développé ce besoin de me comprendre. Moi aussi j’avais besoin de le comprendre. Ou envie, peut-être. Je détestais tant ce type qu’il réussissait à s’emparer de mon attention dès que je le voyais. Et ce n’était pas donné à tout le monde. Je finis par fixer le mur en face de moi. « File-moi une clope, putain. » Oui, parce que malgré mes belles paroles, je le détestais toujours autant, et je n’étais pas quelqu’un de poli lorsque je m’adressais à un homme comme lui. Je venais des bas-fonds de l’existence et il m’avait poussé dans cette lumière qui m’avait brûlé la peau. Et je me sentais brisé, quelque part, parce que je craignais que les cicatrices ressemblent à ces surfaces lisses et impénétrables qui constituaient le corps de Theodore lui-même.
Revenir en haut Aller en bas
Theodore A. Rottenford
Theodore A. Rottenford
MEMBRE
where no eagles fly (theomas) - Page 2 Tumblr_o18nvl7NM41qbetb6o2_250
» Date d'inscription : 23/08/2014
» Messages : 3917
» Pseudo : like animals:: prideissues (noha)
» Avatar : jamie sexy dornan
» Âge : 34 yo
» Schizophrénie : julian (stan) ; lyanna (vikander) ; vince (fernandez) ; gale ( barnes)
() message posté Sam 28 Mar 2015 - 0:25 par Theodore A. Rottenford
‘‘Reality doesn't impress me. I only believe in intoxication, in ecstasy, and when ordinary life shackles me, I escape, one way or another. No more walls.’’ A chaque fois que le prêtre de l’église s’adressait à l’assemblée silencieuse, les visages s’abaissaient lentement avec une expression de gravité déconcertante. J’étais l’ombre au fond de la salle, tenant un ancien exemplaire de la bible entre les mains avec la dévotion vaine d’une âme chrétienne. Les hommes placés au premier rang étaient tous des messagers de la mafia, fidèles à l’autel et à l’eau bénite. Ils murmuraient les chants du divin, mais bientôt lorsqu’ils seraient libérés de leurs devoirs religieux, ils reprendraient leurs expressions habituelles. C’est à ce moment que je les reconnaissais – mes compagnons dans l’obscurité de l’adversité. Je baissai mes yeux sur mes avant-bras ensanglantés avant de tousser une nouvelle fois. Je n’étais pas né maniaque. J’avais connu le vice très jeune, mais ce n’est qu’à l’âge de 20 ans, lorsque mon meilleur ami rendit les armes dans mes bras que je compris que les liquides ocre et puants qui s’échappaient de sa bouche me marqueraient pour l’éternité. La mort m’enlaçait chaleureusement avant de m’abandonner avec cruauté, ne laissant que les cendres de poussières derrière elle. Je me mordis la lèvre inférieure en m’accrochant à mes souvenirs d’enfance à Belfast ; la paroisse, les chœurs et l’orgue géant. Je sentais les lueurs déclinantes des cierges filtrer à travers ma peau. Je ne pouvais plus aspirer à la pureté du paradis. Je ne pouvais plus prétendre l’indolence et l’impudence. «Tu me fais du chantage maintenant ? C’est adorable. » Je grognai en lui adressant un regard noir – Tu te moques de mes élans de générosité mais je sais que tu regretteras d’avoir animé ma rancœur. Thomas, tu es adorable à ta manière, lorsque ton visage sombre dans l’oubli et que les rats tournent autour de ton caveau. Mon cœur est consumé par les flammes de la passion. Je veux vaincre avant d’être vaincu. Je veux clore par ce geste effroyable nos retrouvailles et retrouver la mort volontaire de toutes nos valeurs précieuses. Peut-être as-tu raison d’abandonner ta rébellion. Peut-être que ton imagination détient un secret, celui des chants funestes. Les voiles de l’illusion drapaient mon regard ténébreux, et je m’accrochais à ses muscles en exerçant plusieurs pressions contre les barreaux de la cellule. Sa magnifique chevelure brune ne semblait jamais perdre son éclat vespéral. Cet homme devait être immortel comme la peste et ses chimères. «Tu me dragues ou quoi ?» Ainsi, et sur cette note de disgrâce je m’éloignai lentement. J’oscillais avec une légèreté insoupçonnable, ma poitrine devait être trop creuse pour ressentir le poids de ma détresse. Je passai ma main tremblante sur ma gorge avant de réaliser que je ne faisais que me salir encore plus. Je le quittais après avoir sollicité deux gardes de nuit.

Les murs du commissariat ne m’avaient jamais semblé aussi longs. Je m’avançais en évitant les parois vivantes avant de tresser une ligne sinueuse vers mon bureau. Je m’arrêtai devant la vitre de la réception afin d’observer mon œil maussade et mon teint pâle. Je ressentais une sorte d’ivresse malsaine, une forme d’anxiété extrême et insurmontable. C’était donc ça la phobie de la pourriture ? Je poussai l’énorme porte en bois vernis avant de m’engouffrer dans mon antre. Les grands paravents en bois vernis s’ouvraient sur un énorme dressing au coin de la pièce: Des étagères à moitié vides contournaient chaque mur de la cabine. Mes chemises étaient pendues dans des cintres en alternance : chemise blanche, chemise sombre, chemise blanche, chemise sombre … Sans que cet ordre parfait ne soit jamais interrompu. Je retins mon souffle avant d’ouvrir le premier tiroir. Un sentiment de sécurité m’enveloppa lorsque j’observai mes lingettes et mes produits de toilette. J’étais soulagé d’être loin de Thomas et de ses filets de fumée oppressante. Je portais le poids du monde sur mes épaules, mais le simple contact de ma plaque, de mes vêtements propres ou de mes munitions me redonnait courage. Je pris une bouteille d’antiseptique afin de frotter énergétiquement mes doigts et mon cou. Ça ne part pas ! Je fermai les yeux perdu dans mes gestes violents. Pourquoi ne pouvais-je pas dépasser mes complexes obsessionnels ? Pour ne pas oublier mon deuil probablement. J’étais un corps mourant aspirant à rejoindre les premiers éléments. Je me sentais seul avec mes démons. Je me sentais seul avec le gout de la crasse et de boue. Je m’essuyai avec amertume avant de rejoindre mon fauteuil impérial. Mon souffle était toujours aussi brûlant. Les traces rouges vives qui ornaient mon épiderme s’étendaient au-delà de mon âme afin de me rappeler mes pires faiblesses. Je ne te pardonnerais jamais ! Je te cramerais bien avant que tu ne songes à me plumer les ailes. Il était enchainé – prisonnier de mon acharnement. Je ne savais pas comment me soustraire à mon destin. J’étais emporté par une force qui me menait toujours trop loin ; celle de la lâcheté et du déshonneur. Je joignis les mains sous mon menton avant de réaliser que je n’avais pas complètement boutonné ma nouvelle chemise – Le tissu effleurait mon duvet encore nauséabond. Je déglutis avec difficulté en sentant la bile me monter. «Sérieusement … » Murmura Thomas, excédé par mon silence. Sa voix avait raisonnée comme raisonne un enfant insolent. Il se tourna vers moi afin de me faire face, mais malgré mon mépris de soi, sa souffrance et mon désespoir, j’éprouvais encore une peur inexprimable du vide. Et si je ne revenais jamais au droit chemin ? Jasmine pourrait-elle grandir en m’aimant sans aucune restriction ? Son regard étincelant pouvait-il me guider dans mes pires moments ? Je crispai ma mâchoire, confronté à la perspective de mon exécution imminente. «C’est le moment où je découvre si t’es le bon ou le mauvais flic, c’est ça ? Te fatigue pas, j’ai déjà la réponse.» Je souris d’un air narquois. Non, c’est le moment où tu découvres que je ne suis pas flic du tout. Les fluctuations de ses pensées, les grands récits de ses écrivains français et ses musiques tristes sans harmonie, faisaient partie de ce royaume maudit. « Tu as presque raison. » Soufflai-je sans lui adresser le moindre regard. Je songeais uniquement à la mafia irlandaise. Je n’avais pas droit d’en parler, mais je sentais l’appel de la luxure grouiller dans mes veines. Au sein de l’éternité se trouvait la puissance des corrompus et des martyrs, et même si personne ne le voyais, je faisais partie des braves gens bataillant contre la tentation de faire le mal. Je bougeai mes jambes en secouant les bras – je sentais à nouveau l’odeur poisseuse de son sang sur moi. Il était partout. Putain, il m’avait jeté un sort ! Je roulai des yeux en me redressai brusquement. Mes ongles s’enfonçaient dans ma clavicule, griffant, triturant et arrachant ma peau par lambeaux. Thomas je te déteste. Seulement, j’ai besoin de toi à présent. En cet instant j’ai besoin que tu me pousses vers les limites. Je soulevais peu à peu mon masque de gentilhomme afin de prendre les couleurs rouges, grises et flamboyantes de la folie. Mon expression froide et claire glissait sur mon visage avant de rencontrer le sien. Il semblait avoir accepté d’endurer toutes les souffrances que je m’apprêtais à lui infliger, et cette forme de soumission, prêtant à confusion avec de la bravoure, m’arrachait tout mon plaisir mesquin. Je ne voulais pas qu’il me résiste. J’ordonnai à sa bouche si fine, si céleste et si critique de se taire. Je commandais ses commissures de craquer sous les gifles du vent, et enfin, je sommais cette petite boucle de cheveux qui s’évanouissait sur son front suintant de tomber. Je ne supportais pas sa ressemblance envahissante avec mon alter égo. Je ne supportais pas la vue des mirages de son sang partout dans le décor autour. « File-moi une clope, putain.» Demanda-t-il avec indécence. Je ressentais l’envie étrange de le faire disparaitre et pourtant je n’esquissai aucun geste en sa direction. Il était toujours là. Je sortis mon arme à feu et son paquet de cigarette que je disposai sur le bureau en face de lui. « Si tu le pouvais, lequel des deux prendrais-tu en premier ? L’arme pour abattre ton ennemi ou le poison pour engourdir ton esprit ? Voudrais-tu fumer afin de rythmer les pulsations de ton cœur malade avant de me tuer, ou bien penses-tu t’offrir la récompense ultime d’avoir effacé mon existence ? » J’étais curieux de le savoir. Parce que figure-toi que tu ne peux faire ni l’un ni l’autre. Quant à moi, je peux laisser les tiges de nicotine se consumer à ma guise. Je peux fantasmer sur la coupe de la vie se vidant sur tes blessures.

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Sam 28 Mar 2015 - 15:05 par Invité
J’avais un mal fou à garder les yeux ouverts. Theodore était une ombre lointaine. Et pourtant, je sentais sa présence partout autour de moi, sans pouvoir mettre la main sur lui. Mon seul réconfort était de savoir que, lui non plus, il ne pourrait jamais m’atteindre. Il n’avait pas assez de force pour cela. Il essayait et échouait. Du moins c’était ce que je tentais de me persuader : que j’étais trop rapide. A présent que j’étais menotté à cette chaise et que je pouvais à peine ouvrir les yeux, je considérais cette nouvelle possibilité : non, je n’étais pas infaillible et oui, j’étais à la merci de la colère de Theodore. Mais je ne me faisais pas de souci particulier. L’énerver, c’était un jeu auquel j’avais tant joué. Il ne me lassait jamais. Quoi, Theodore pouvait me tuer à cet instant ? Mais qu’il le fasse. Qu’il succombe à la rage et observe à quel point j’emportais avec moi la victoire dans la tombe. J’étais donc intouchable. Il n’avait pas pu supporter mon sang sur sa peau et voilà qu’il me laissait en liberté, hors de ma cage ? Theodore, tu n’aurais pas dû me laisser sortir. Tu le sais bien, au fond de toi. Je souille tout ce que je vois. Il venait d’implanter un fléau dans son propre royaume. Même attachée, une bête reste sauvage. Pire encore, elle aspire à une liberté qu’elle obtiendra à tout prix. Regarde-moi Theodore. Mais ses yeux me fuyaient. Je soupirai. « Tu as presque raison. » Je penchai la tête, songeur. Il devait probablement penser à autre chose, ce pourquoi je ne relevai pas ses paroles énigmatiques. Theodore me semblait changé, comme s’abandonnant à une nature nouvelle, s’aliénant à lui-même pour me faire face. Pourtant je n’étais rien. Un corps immobile sur une chaise me retenant prisonnier. Il avait enfilé une nouvelle chemise et mes yeux parcoururent l’étendue de tissu immaculé, l’air sombre et lourd, comme l’atmosphère pesante s’emparant d’une ville avant un orage. Mes dents étaient serrées. Ma respiration saccadée. Mes muscles secoués de légers spasmes irréguliers. Et je perdais mon sang. Le sentait-il ? Le voyait-il ? J’affichai un sourire victorieux et sulfureux lorsqu’il se gratta nerveusement la clavicule. Eh bien, Theodore, on n’arrive pas à se tenir ? On se fait battre par la charogne, par le pauvre con, alors que l’on triche ? Je me moquais de lui. Que je le fasse ou non, il prenait un malin plaisir à me voir souffrir. Je préférais donc le faire. Je n’avais plus rien à perdre. « Moi aussi j’peux avoir une chemise propre ? » Mes prunelles feignirent d’être suppliantes, mais très vite la lueur narquoise et incandescente réapparut : mes yeux brillaient d’une vitalité que je puisais dans l’acide qui logeait dans mes veines. Je me retranchais dans mes ressources les plus pures et les plus dangereuses. Je n’étais pas Thomas. Thomas avait disparu depuis si longtemps à présent que cela me faisait presque rire que Theodore puisse encore croire à sa présence. J’étais sa noirceur, le goudron qui carbonisait ses poumons, la crasse sous ses ongles, la couleur de ses cheveux sales et toutes ces petites choses qui le soustrayaient à la vie mais qui l’empêchaient de mourir. Je méprisais l’insurrection de Thomas et étranglait son humour pour que celui-ci saigne et crache sa souffrance à l’extérieur. Il se réveillerait demain matin grâce à moi, parce que j’étais celui qui allait affronter l’agonie à sa place jusqu’au bout de la nuit.

« Si tu le pouvais, lequel des deux prendrais-tu en premier ? L’arme pour abattre ton ennemi ou le poison pour engourdir ton esprit ? Voudrais-tu fumer afin de rythmer les pulsations de ton cœur malade avant de me tuer, ou bien penses-tu t’offrir la récompense ultime d’avoir effacé mon existence ? » Je ricanai sombrement. Ne lui avais-je pas déjà dit d’aller se faire foutre ? Mais il en rajoutait. Il semblait vouloir me voir, observer cette noirceur couler partout autour de lui, sur lui, tout en sachant pertinemment qu’elle était indélébile. Je ne me pliais pas à ses règles. Il allait bientôt regretter de s’être attardé devant ma cellule et d’avoir osé me tirer de l’ombre. Il n’aimait pas que je me cache dans l’obscurité, mais il détesterait mon corps à la lumière. Je vins sécher mes lèvres sur mon épaule droite et une nouvelle trace de sang se logea sur ma chemise. Regarde-moi, Theodore. Regarde à quel point je m’en fous. Tu penses que je veux te tuer ? Thomas veut te tuer parce que tu sais tout, parce que tu l’as percé à jour. Mais tu ne sais rien de moi. Tu as peur de moi et, encore mieux, tu me détestes. C’est à travers ces sentiments si forts que je décèle tes faiblesses et que je les exploite. Tu ne t’en sortiras pas, parce que tu t’accroches à des valeurs bien trop hautes. Un honneur, certes noirci par ta monstruosité, mais que tu ne peux abandonner. Tu me déçois, Theodore. Tu ne veux pas te baigner dans les eaux les plus pures. Tu restes sur la berge et tu te méfies. Tu as peut-être raison, au fond de ces abysses se cachent des choses terribles, mais je croyais que tu étais l’unique prédateur. Mes yeux se posèrent d’abord sur les cigarettes et ma haine ressurgit, faisant dévier mon regard vers l’arme à feu. Enfin, j’observai de nouveau Theodore dans les yeux, un sourire figé sur les lèvres. Décollant mon dos de la chaise, je me penchai lentement vers lui. « Détache-moi et tu sauras bien assez tôt. » Je fis apparaître mes dents ensanglantées derrière mes lèvres gercées. Que comptes-tu me faire, à présent, hein ? Que comptes-tu me faire alors que je ne ressens plus rien. Prendras-tu le risque de me rendre ma liberté ? Ou te délecteras-tu au contraire de m’avoir à ta merci, immobile et muet ? Mais je ne serai jamais muet. Et je ne serais jamais immobile. Pas pour toi et ton dédain. Ma noirceur était là, vivante, nauséabonde et luisant de la lumière qui se reflétait sur la carapace d’un insecte. Pourquoi croyez-vous que l’on déteste tant les insectes ? Oui, ils grouillent et nous répugnent. Mais ils sont également partout chez eux, où qu’ils aillent. Pire encore, ils nous aliènent à notre propre foyer. Ils prennent notre place de maître des lieux. Un insecte, c’est toujours des insectes. Ils se multiplient et colonisent notre espace vital. Et ils peuvent se faufiler vers des endroits où nous ne rêvons même pas d’aller tant ceux-ci nous paraissent inaccessibles. Voilà comment l’insecte a vaincu l’Homme, et voilà comment je résistais à Theodore. Ma noirceur et mon manque grouillaient sous ma peau et me rendaient hideux et multiple. Je ne parlais pas de mon corps, je parlais de mes membres, parce que ce corps était disloqué, presque mort. Et je le forçais à se soumettre, à me laisser régner. J’étalais mon sang sur lui et sur son royaume parce que je pouvais le faire et que ça l’empêchait de combattre. « Mais non, évidemment. Tu as peur de moi et de ma liberté. » Je me jetai dans le gouffre de la provocation avec détermination. Il ne réagirait pas si je restais neutre et fragile.

Ma chaise racla le sol et je me rapprochai du bureau, toujours souriant. Avec agilité, je soulevai mes jambes et les rabattis vers mon torse, posant mes pieds sur le rebord. J’attrapai l’accoudoir de ma main gauche et serrai aussi fort que possible. Je forçai le sang à couler, de plus en plus. Regarde ce que je fais de ton honneur, Theodore. Je me concentrai sur ses pupilles acérées avec acharnement pour oublier la douleur, mais celle-ci revint et me força à lâcher prise. Je m’en moquais. Je laissais ma trace rougeâtre partout où je pouvais pour qu’il regrette de m’avoir traîné jusqu’ici. Et il pouvait me couper les mains, me trancher la gorge ou me tirer une balle dans le cœur, il ne se débarrasserait pas de mon sang. Je voulais embaumer la pièce de cette odeur acide de rouille afin qu’il ne m’oublie jamais. Il sentirait les effluves de mon âme flotter autour de lui lorsqu’il serait dans cette pièce. Et ce fantôme le jugerait jusqu’à sa mort. Peut-être qu’ils se parleraient. Peut-être que Theodore allait devenir fou en partie grâce à moi. Je me délectai de cette idée avec un plaisir malsain. Je tendis mes doigts couverts de sang vers son bureau et y plantai mes ongles. Je raclai le meuble du bout des doigts, laissant à nouveau derrière moi une griffure écarlate. « Je n’ai aucun respect, c’est toi qui vas finir par me tuer. » Je détachai ma main du bureau et me calai à nouveau contre le dossier. « Je prendrais d’abord la clope. Je sais à quel point te faire disparaître serait un problème de moins dans le monde, mais je préfère combler mes propres plaisirs avant ceux des autres. » Je me mordis la lèvre. « Quel égoïste, tu me diras, mais qui es-tu pour juger ? » ajoutai-je, rieur. « Reste là où tu es, Theodore, cette passivité te va bien, finalement. Tu n’es pas si dangereux. » Le son de son prénom dans ma gorge me laissa de marbre. Autant briser cette frontière-là également. Tu penses le contraire, Theodore ? Tu penses que je ne peux pas te battre à ton propre jeu ? Mais regarde-toi, cette fois-ci, et contemple ton œuvre : tu es la déchéance des forces de l’ordre, tu es mon reflet lisse, beau et figé, tu es faible parce que la colère danse au-dessus de toi et menace de tomber. Je n’allais pas le laisser s’échapper. Je voulais le voir imploser alors qu’il pouvait me brûler. Mais cette facilité, il s’en moquait. Il avait choisi la voie la plus sinueuse et la plus complexe pour m’atteindre. Sauf qu'il allait se perdre en chemin. Ce n’était qu’une question de temps. Restait à savoir si j’allais m’écrouler avant lui ou pas. J’avais eu de la chance la première fois, mais peut-être que la deuxième serait moins indulgente. Je gardai cet espoir noir ancré dans ma poitrine, derrière mes membres recroquevillés et mon visage carnassier. Souris, Thomas. Je fais couler le sang au coin de tes lèvres. Rions ensemble, moquons-nous de Theodore jusqu’à ce qu’il comprenne qu'il s’attaque à un cadavre et que nous nous sommes joués de lui depuis qu’il s’était arrêté devant notre cellule. Approchons notre main blessée vers la flamme et montrons-lui que nous ne pouvions pas être brûlés. Emparons-nous de son royaume ; arrachons-lui sa liberté.
Revenir en haut Aller en bas
Theodore A. Rottenford
Theodore A. Rottenford
MEMBRE
where no eagles fly (theomas) - Page 2 Tumblr_o18nvl7NM41qbetb6o2_250
» Date d'inscription : 23/08/2014
» Messages : 3917
» Pseudo : like animals:: prideissues (noha)
» Avatar : jamie sexy dornan
» Âge : 34 yo
» Schizophrénie : julian (stan) ; lyanna (vikander) ; vince (fernandez) ; gale ( barnes)
() message posté Jeu 9 Avr 2015 - 18:14 par Theodore A. Rottenford
‘‘Reality doesn't impress me. I only believe in intoxication, in ecstasy, and when ordinary life shackles me, I escape, one way or another. No more walls.’’ J’étais prisonnier des chants perpétuels de mon égoïsme. Je savais que mes devoirs allaient au-delà de la magie des sentiments. Mes élans de rémissions n’étaient qu’un malentendu qui disparaissait dans l’horizon lointain à chaque fois que je retrouvais la quiétude du monde obscur. Il n’y avait pas de paradis. L’enfer n’existait pas. Entre ces deux frontières, seul mon abysse avait le pouvoir de me sauver. Mon âme esseulée subsistait dans une dimension irréelle, où les expressions émouvantes d’un enfant, aussi pures et innocentes soient-elles, demeuraient inaccessibles. Je plongeais dans ma surdité cruelle; Jasmine peux-tu fuir l’ignominie d’un homme sinistre et brisé ? Je suis corrompu avant d’être père. Mes pensées étaient emportées par une étrange douceur, en contradiction avec toutes mes valeurs véreuses. Et je me rendais compte en regardant Thomas que sa magnifique chevelure brune, que les traces extrêmement douces de son agonie, et l’éclat impétueux au fond de ses iris noires, ne faisaient que vanter la haute stature du pouvoir extrême du mal sur le bien. Si sa rébellion était le juste choix, alors pourquoi ressentais-je la satisfaction de l’avoir vaincu mille fois ? Les glissements ronflants de mon souffle dans la pièce lui tenaient tête malgré le chaos qui martelait ma poitrine. J’avais peur de la saleté, mais les mystères du feu n’avaient aucun effet sur moi. Ce qui est mort ne saurait plus mourir. Je crispai mes doigts tremblants sur ma clavicule avant de lui adresser un sourire un peu fou. Mes gestes oscillaient sans cesse entre la gravité de mes angoisses et un détachement irréprochable. J’étais à la fois assailli par la terreur et liberté de tomber – Si le vrai Thomas avait disparu dans la nuit, alors les ombres vespérales de ma conscience le suivraient éternellement. Il dégageait le parfum révulsant du sang et de la pourriture mais je ne pouvais songeais à le quitter aussi impunément. Je réprimai une grimace en serrant la gorge. «Moi aussi j’peux avoir une chemise propre ? » Claqua-t-il avec une désinvolture déroutante. J’arquai un sourcil avant de m’enfoncer dans mon siège. Même avec une chemise propre il resterait aussi détestable. Je sifflai comme un serpent glissant entre les dunes de sable. La naissance de son cou me paraissait comme un point lumineux, et pendant un court instant, il m’était impossible de chasser l’envie de claquer mes crocs acérés contre ses jugulaires fragiles. Je voyais les choses de cette façon ; plus vite il sombrait dans l’apathie, mieux je me sentirais. J’exigeais sa disparition avec toute la ferveur de mon cœur consumé. Ma langue vicieuse s’enroula autour de mes gencives avant de vibrer au contact de mon palais. « Je ne pense pas pouvoir répondre à cette requête. Vois-tu je suis bien plus menu et athlétique. Tu ne ferais que flotter dans l’ample tissu de mes chemises. » Je marquai un silence afin de me redresser avec lenteur. « Aussi, je doute que le luxe te ceigne à merveilles. Il y a des gens comme ça. »

«Détache-moi et tu sauras bien assez tôt. » Ses dents ensanglantées percèrent le décor sobre du bureau afin de me percuter de leur éclat sombre et rougeoyant. Il n’avait certainement pas encore saisi que je refusais de me plier à ses provocations. Il ne s’agissait pas d’un bras de fer juste et honorable, mais d’un concours de ruses et de mesquineries où je finissais toujours par gagner. Je portais en moi le trouble déraisonnable du soldat entrainé à surmonter toutes ses faiblesses. Ce cœur criant de désespoir n’était que le prélude de ma rage imminente car je savais que malgré mes lacunes et les tâches ocre qui se déversaient dans mon univers pur et cristallin, je me relèverais comme le phénix immortel. Personne n’est jamais mort parce qu’il était sale. « Mais non, évidemment. Tu as peur de moi et de ma liberté.» Il réussissait à me captiver, mais combien encore saura-t-il maintenir les brasiers de ma passion pour lui ? Thomas, tu es malin mais je me lasse si vite de tes débâcles pompeuses. Tu penses que titiller ma vanité pourra te porter secours ? C’est ridicule, j’ai envie de rire aux éclats et de fondre en larmes. Tu es si candide. Je t’accorde toutes tes libertés individuelles ; la liberté de la pensée, de la parole, de la propriété et de la foutaise. Mais je garde jalousement la suprématie sur ta liberté physique. Tu penses que ton esprit vaillant peut survivre à la séquestration ? L’oiseau qui chante derrière les barreaux de sa prison dorée ne fait que louer la clémence de la fatalité. Inévitablement, il dépérit. Naturellement, il refuse cette putain de liberté. « Oui, j’ai peur. N’entends-tu pas les battements frénétiques de mon cœur à chaque fois que tu t’élèves contre ma volonté ? Je frisonne et je grince. Ou peut-être n’est-ce que la concrétisation de mon désir ardent de te briser. Je suis confus devant toute cette hargne. » Je ris avec détachement avant de boutonner les manches de ma chemise. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi en face, que tu ne reconnais pas la marque de la traitrise sur mon visage. Tu sais que je ne suis pas fair-play. Tu sais que je n’arrêterais devant rien pour t’écraser – pas pour le plaisir, mais juste pour me prouver que je le peux. Au début, j’avais toujours un peu l’impression que tu te moquais de moi mais je me trompais. Tu ne fais que rire de ton propre reflet dans le miroir. Je suis ton alter égo et la pire vision de ton futur. Ça te rebute tant que ça d’avoir un futur, n’est-ce pas ? Toi, le professeur de littérature amoureux de l’éphémère et des allumettes en bois. J’haussai les épaules avec désinvolture en me calant contre le mur au fond de la pièce, dressant ainsi une certaine distance entre nous. J’éprouvais à son égard, aussi bien qu’à l’égard de son reflet, moi, une véritable antipathie.

Soudain, sa chaise racla le parquet. Les grincements gémissaient bourdonnaient au fond de ma conscience sans que je ne puisse clairement les distinguer. J’étais ébahi par la tragédie de ses actions. Il souleva ses jambes, avec une agilité que je ne lui soupçonnais pas, puis comme une chimère malsaine il pressa la plaie de sa main contre le rebord en bois, laissant les sérosités de sa déchirure suinter partout dans le décor. Tu n’oserais pas aller jusqu’au bout de la folie ? Il tendit les bras comme pour me contredire. Ses ongles sales rencontrèrent le vernis lisse de mon bureau afin d’y laisser une longue éraflure. Je flottais dans une dimension différente ; il venait de signer son arrêt de mort. Moi, qui pensais épargner sa misérable existence pour le plaisir de le torturer, voilà que je m’imaginais lui infliger le coup de grâce. «Je n’ai aucun respect, c’est toi qui vas finir par me tuer. Je prendrais d’abord la clope. Je sais à quel point te faire disparaître serait un problème de moins dans le monde, mais je préfère combler mes propres plaisirs avant ceux des autres. Quel égoïste, tu me diras, mais qui es-tu pour juger ? Reste là où tu es, Theodore, cette passivité te va bien, finalement. Tu n’es pas si dangereux. » Mon prénom raisonna comme un étrange pseudonyme dans sa bouche, fluctuant avec une effroyable panique contre ma peau brûlante. Je me cambrai dans un ultime frémissement à la veille de l’adieu. La beauté de l’obscurité voilait mon regard grisonnant avant de se fendre dans l’expression de mon visage inerte. Je m’approchai nonchalamment de sa chaise. Le silence enveloppait mon torse douloureux avant de prendre possession de mon corps tout entier. Je me penchai dangereusement à sa hauteur avant de sourire d’un air absent ; à cet instant je n’étais plus qu’une coquille vide. A quoi bon résister aux appels des ténèbres lorsque l’autre monde me promettait l’absolution ? « Tu penses que ton sang me hanteras pour l’éternité, Thomas ? Tu as bien raison, mais ce n’est qu’un fantôme de plus ou de moins dans le chaos qui chemine autour de ma tête. Je ne suis pas prêt à pardonner les fautes des autres. » Je l’agrippai par la gorge avant de soulever sa silhouette toujours attachée au meuble. Une force herculéenne semblait naitre au bout de mes muscles indignés. Je fronçai les sourcils en l’écrasant contre le bureau qu’il venait de souiller. Sa main saignait toujours, narguant tous mes efforts de vengeance. Je me postai en face de lui en brandissant mon arme. « Tu es à mille lieux de savoir qui je suis réellement. » Je caressai la détente du bout des doigts, incapable de reprendre mes esprits lorsque mon instinct de survie se réactiva d’un coup. Notre confrontation bruyante avait certainement crée tout un attroupement dans le couloir. Je pouvais deviner les messes-basses des policiers se noyer dans l’obscurité. Je m’éloignai de lui en murmurant une injure irlandaise quand la porte s’ouvra à la volée.

_ Vous avez plusieurs appels sur votre ligne personnelle, Monsieur. Enonça la réceptionniste. Je ne me retournai pas, toujours obnubilé par le cadavre estropié de mon vieux camarade. C’est Eugenia Lancaster. Elle dit qu’il est temps d’écouter un peu de Jazz. Je n’ai pas très bien compris. Je fis volte-face d’un coup, l’œil perçant et affolé. Comment avais-je pu oublier de récupérer la petite ? Ma culpabilité transcenda, me dérobant à la réalité. Je grognai, lui signifiant qu’elle pouvait partir.

J’étais de nouveau seul, face à mes démons. Je lorgnais sur le désordre avant de pousser une longue plainte. Amuse-toi bien, Thomas. Mais cette guerre est inachevée tant qu’il y a toujours l’un de nous deux pour maintenir notre rivalité. Nous échangeâmes quelques soupirs dans l’ambiance austère de la pièce, avant que je ne me redresse à nouveau. Il m’avait souillé encore – depuis son apparition, il n’avait fait que me plonger dans l’angoisse visqueuse et goudronneuse du maniaque. Je rajustai le col de ma chemise avant d’appuyer sur le bouton de mon répondeur. « Dites à Eugenia Lancaster que j’ai été retenu. Je passerais chercher Jazz dans une demi-heure. » Je grinçai des deux avant de m’adresser à Thomas. « Tu peux rouler sur le sol ou tu préfères que j’appelle ton geôlier ? »

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
() message posté Lun 13 Avr 2015 - 0:49 par Invité
« Je ne pense pas pouvoir répondre à cette requête. Vois-tu je suis bien plus menu et athlétique. Tu ne ferais que flotter dans l’ample tissu de mes chemises. » Je lui adressai un sourire froid et moqueur. C’était vrai qu’elles ne pouvaient pas m’aller. J'allais détester leur texture trop douce et leur fraîcheur si lisse. J'allais m'y sentir à la fois à l’étroit et au bord d’un précipice. Comme si j'étais piégé dans la peau de Theodore. Et, bien qu’il soit un être qui attirait malgré moi toute mon attention, je n’aurais jamais pu supporter de me glisser dans ses tenues et jouer à être lui. Theodore était bien trop différent. Nous étions des contraires, lui et moi. Nous nous complétions sans vouloir nous unir. Quel intérêt y aurait-il eu à cela ? A l’oubli des rancœurs et à une sincère poignée de mains ? J’aimais Theodore lorsqu’il laissait le sang des autres lui éclabousser le visage. Je l’aimais lorsqu’il me ressemblait un peu, parce que j’avais l’impression qu’il s’abandonnait à quelque chose d’inconnu. Même moi je ne savais pas où il allait dans des moments pareils, mais j’aimais l’observer, j’aimais observer sa haine grandir et déployer ses ailes noires. Theodore était un oiseau de proie. Mais je n’étais en aucun cas une proie. J’étais même un sacré piège. Ne t’approche pas. Les aigles ne volent pas autour de moi, je te l’ai déjà dit. « Aussi, je doute que le luxe te ceigne à merveille. Il y a des gens comme ça. » Je ricanai doucement. Il y a des gens comme ça. Essaierais-tu de me mettre une étiquette sur le front ? Moi et mes chemises non repassées, ma cravate molle et mal nouée, mes manches enroulées jusqu’au coude parce que sinon elles recouvraient ma main toute entière ? « Dommage. Je n’aurai donc pas le luxe d’être toi. » Je penchai la tête, amusé, de l’air de lui signifier que j’allais m’en remettre. Que je m’en étais déjà remis. Theodore, je ne veux pas être toi. Je ne t’envie pas. Je me moque. Je suis en lambeau, attaché à cette chaise, à ta merci car tu as la main mise sur mon enveloppe charnelle, et pourtant je me moque encore. Il finirait par me couper les lèvres aux ciseaux de cuisine un de ces jours. Ce serait probablement le seul moyen de m’arracher ce sourire mauvais du visage.

« Oui, j’ai peur. N’entends-tu pas les battements frénétiques de mon cœur à chaque fois que tu t’élèves contre ma volonté ? Je frisonne et je grince. Ou peut-être n’est-ce que la concrétisation de mon désir ardent de te briser. Je suis confus devant toute cette hargne. » Je l’observai de mon regard navré et hypocrite. J’entends tout, Theodore. La faiblesse, le manque, le sang qui me monte à la tête et qui s’échappe de mes lèvres, tout cela hurle dans mon crâne avec une violence inouïe et tu ne peux l’écouter. Tu le vois. Mais tu ne sais rien. Tu lis des mots que tu ne comprends pas. Je me sentais à l’étroit dans cette salle. Les menottes m’irritaient les poignets car j’avais attrapé la mauvaise manie de tirer dessus – dans l’espoir de m’en sortir ? non, probablement plus par besoin de bouger ma main. J’avais un mal fou à me contenir. Finalement, le sarcasme n’était pas suffisant, et pourtant je continuai à tenter de le faire réagir. Tom, tu t’acharnes. Il y a un truc chez lui qui ne tourne pas rond. Je m’efforçais de croire qu’il ne réussirait jamais à m’attraper, et c’était pourtant le cas. Je n’étais pas en état d’être subtil et mystérieux, mais lui si. Il gagnait à tous les niveaux. Cela ne m’énervait même pas. Je n’étais capable que d’une seule chose : en rire, dans l’espoir qu’en m’entendant, il se lèverait de son trône. J’étais le pauvre fantôme qui flottait autour de lui lorsqu’il méditait dans son palais. Il ne pouvait pas me chasser. Immortel, c’était ça. Bien trop stupide pour mourir et bien trop lent pour vivre. C’était moi, c’était cet être qu’il méprisait tant mais avec lequel il devait vivre. Encore une fois, je tirai sur mes poignets en souriant paisiblement. Pourtant, ce n’était pas drôle. J’avais l’air d’un monstre venu des enfers mais la silhouette la plus terrifiante restait celle de Theodore. Pas parce que j’étais attaché mais parce qu’il était incroyablement perturbant. Mes efforts ne rimaient à rien. Il se lassait bien trop vite. Dommage Theodore. C’est en cela que tu me ressembles, finalement. Alors voilà, problème d’égo sûrement, mais ça m’étouffait. Je voulais me comparer à ce type. L’imaginer comme le reflet que je méprisais tous les matins dans le miroir. Celui qui me donnait envie de briser cette glace sale et embrasser toutes mes années de malheur comme de vieilles amies que j’avais perdu de vue. Le malheur n’était rien face à l’ennui. Vous ne saviez pas ce que c’était, de se plonger dans des situations pareilles simplement pour ressentir quelque chose d’autre que le manque ou la fatigue. Et je ressentais le manque. La fatigue également. J’arrivais à peine à discerner Theodore et sa chemise propre. Je pouvais la salir elle aussi. J’avais de l’impureté à revendre et il serait à court de chemises, un de ces jours. Qu’est-ce que le luxe face à la monstruosité ? Je posai mes yeux noirs sur sa clavicule et haussai les épaules. « Tant de sentiments pour la carcasse que je suis ? Tu me flattes. » J’humectai mes lèvres et me délecta du goût du sang dans ma bouche. J’entends les battements de ton cœur, Theodore, et ils sont beaucoup trop calmes. Il m’intriguait et je détestais cela. Tu n’as pas le droit de piquer ainsi ma curiosité. Tu n’as pas le droit de me regarder dans les yeux et de gagner ainsi tous les combats. J’allais tomber avant lui, c’était certain. Je sentis un nouveau vertige s’emparer de moi. Le même que dans ma cellule, juste avant de rejoindre le sol. Theodore, tu triches et je ne le supporte pas. Ce qui se cachait là, derrière sa silhouette de marbre, me figeait l’esprit. Non Theodore, non. Je plumerai l’aigle qui viendra trop près de moi. Tu le sais. Va voler dans des cieux plus sûrs.

A l’écoute de mes mots, il se décolla du mur et s’approcha de moi d’un pas tranquille. Je savais que j’étais allé trop loin. Mais c’était ce que je voulais de lui. Qu’il réagisse. Qu’il me prouve que j’existais malgré tout. Que je n’étais pas un simple spectre tentant en vain de le saisir par les tripes. Il me réduisait à ma douleur la plus physique et me forçait à croire que j’étais invisible et immatériel. Etrangement, j’acceptais tout. Je griffai son royaume de ma patte ensanglantée mais lui tendais le cou pour qu’il y passe la corde. Il se pencha vers moi. Je n’arrivais plus à soutenir ma tête, si bien que mon regard était rivé vers le sol, dissimulé par mes boucles sales. « Tu penses que ton sang me hanteras pour l’éternité, Thomas ? Tu as bien raison, mais ce n’est qu’un fantôme de plus ou de moins dans le chaos qui chemine autour de ma tête. Je ne suis pas prêt à pardonner les fautes des autres. » Je voulus lui répondre que personne n’était capable de pardonner mes fautes tant celles-ci étaient terribles. Je voulus lui répondre qu’au moins, quelque chose cheminait autour de sa tête et qu’il avait bien de la chance. Je voulus lui répondre que le son de mon prénom teinté du timbre glacial de sa voix résonnait d’une manière étrange et captivante. Mais je n’eus pas le temps. Il attrapa ma gorge et me souleva. Je ne me débattis même pas, relâchant tous mes muscles. Mes pieds regagnèrent le sol avec fatalité. Et je le laissai faire, à la fois impuissant et résigné. Je le laissai m’écraser le visage contre le bord de son bureau avec une colère nouvelle et inexploitée. Comme s’il se réveillait enfin. Mes doigts agrippèrent le bois. J’avais mal. Le coup avait été terriblement sec et puissant. Theodore savait comment faire souffrir ses adversaires. Il aurait pu me garder encore longtemps dans cette pièce pour calmer ses pulsions meurtrières. Parce que ce type était fou. Un vrai criminel. Tout ce qu’il faisait me confortait dans l’idée qu’il devait être un genre de tueur en série, à ses heures perdues. On ne faisait pas subir cela à un autre homme lorsque l’on était soi-même humain. Les autres policiers ne lui disaient donc rien ? Pourtant, j’avais vu l’hésitation sur le visage des gardiens de nuit lorsqu’ils avaient posés leurs yeux sur moi et qu’ils avaient suivi les ordres de Theodore. As-tu donc des limites ? Et, malgré tout, je repris mes esprits et souris de nouveau. Parce que j’étais au cœur de son personnage et que je commençai à m’en rendre compte. Je me redressai, poussant un soupir rauque. Du sang coulait sur mon front. Je le sentis en haut de mon nez, puis sur ma joue et enfin dans mon cou. Je parvins à ouvrir les yeux et me figeai, parcouru d’un frisson inattendu. « Tu es à mille lieux de savoir qui je suis réellement. » Devant mes yeux, le canon de son arme, pointé vers moi. Je haussai les sourcils, surpris. Quoi, déjà ? Si j’en avais eu la force, j’aurais ri à pleins poumons. Theodore, tu me tends la victoire sur un plateau d’argent. Il s’était abandonné à ce chaos qu’il redoutait tant, à ce qu’il était réellement. Il avait quitté sa tenue austère et son luxe pour traîner dans les bas-fonds avec moi. Il se soumettait à sa colère la plus pure et la plus idiote. Je penchai la tête, songeur. C’était donc si facile ? Quelques gouttes de sang sur son bois verni et je le découvrais sous un jour nouveau ? Je te pensais plus coriace, Theodore. Ne l’oublie pas : tu n’es pas si dangereux. Je baissai les yeux vers les cigarettes. « Puisque toi t’as pris l’arme, j’peux avoir les clopes ? » Il ne tirerait pas. Cela aurait été ma plus grande déception. Pas par peur de mourir, mais juste parce que mon propre reflet dans le miroir n’avait aucune dignité et succombait bien trop vite à ses pulsions les plus primaires. Je ne voulais pas être ce genre d’animal.

Il finit par baisser son arme après avoir jeté un coup d’œil à la porte. Celle-ci ne tarda d’ailleurs pas à s’ouvrir, mais je restai immobile, un sourire cousu sur les lèvres, observant Theodore d’un air malicieux. J’écoutai tout de même. « Vous avez plusieurs appels sur votre ligne personnelle, Monsieur. » Il n’esquissa aucun mouvement, les yeux toujours braqués sur moi. Oh, tu sais, à présent que je connais ta limite, tu vas collectionner les échecs. Pauvre de toi. Je t’avais dit que j’allais plumer tes putain d’ailes. « C’est Eugenia Lancaster. Elle dit qu’il est temps d’écouter un peu de Jazz. Je n’ai pas très bien compris. » Cela eut son effet. Theodore se retourna brusquement et je haussai les sourcils, étonné. Il grogna en signe d’approbation et la silhouette disparut dans l’entrebâillement de la porte. Theodore resta immobile quelques secondes et je le toisai, interrogateur. Il allait me laisser là. Il allait s’enfuir comme un voleur, comme le traitre qu’il était. Encore une autre preuve de ma victoire, mais celle-ci avait un goût amère. Tout me semblait inachevé. Nous avions atteint un paroxysme qui m’avait fait frissonner. Et voilà qu’il s’éloignait à présent et que je m’ennuyais déjà d’avoir gagné. Tu n’as pas le droit, Theodore. Il soupira, rajusta le col de sa chemise et appuya sur le bouton du répondeur. « Dites à Eugenia Lancaster que j’ai été retenu. Je passerai chercher Jazz dans une demi-heure. » Je tiquai, surpris. Non. Non. Oh, sérieux, non. Je plissai des yeux puis secouai discrètement la tête pour chasser toutes les remarques qui m’assaillaient l’esprit. Theodore Rottenford avait donc une faiblesse telle que celle-ci ? Un enfant ? Il partageait sa chair et son sang avec un être autre que lui ? Un aigle était né, prêt à se faire plumer par la vie ? Mes lèvres rouges se tordirent en un rictus narquois. « Tu peux rouler sur le sol ou tu préfères que j’appelle ton geôlier ? » Je restai silencieux quelques secondes puis éclatai d’un rire froid et moqueur. « Sérieusement ? » Je parvins à retrouver mon calme et me redressai, plongeant droit vers lui, comme pour le souiller une dernière fois. « On se retrouve après toutes ces années et tu ne me dis même pas que tu as fondé une famille ? Je suis déçu. Vexé, même. » Je soupirai, amusé. « Raison de plus pour prendre la clope et pas l’arme, tu ne crois pas ? Après tout, pourquoi te tuer si tu laisses derrière toi une descendance maudite ? » Mes mots étaient amers. Je parlais à mon reflet autant qu’à Theodore. Celui qui avait échoué. Celui qui, après avoir goûté à l’immortalité, était retombé dans le prosaïsme le plus pur. Et cela le détruisait chaque jour. Je ne voulais pas avoir cet avenir-là mais je savais que je m’aventurais dangereusement vers celui-ci avec mon insouciance habituelle. Je secouai à nouveau la tête pour tenter de chasser mes cheveux de mon visage. « Au point où on en est, tu pourrais très bien me laisser rentrer chez moi. Mais si tu préfères me savoir enfermé au fond d’une cellule à moisir en pensant à tes chemises propres, eh bien je préfère qu’un garde m’y amène. Pas sûr que je tienne debout, tu m’as sacrément amoché. » J’enfonçai un couteau dans une plaie que je n’avais même pas ouverte. Je suis à mille lieux de savoir qui tu es Theodore ? Devine quoi ? Toi aussi.
Revenir en haut Aller en bas
Theodore A. Rottenford
Theodore A. Rottenford
MEMBRE
where no eagles fly (theomas) - Page 2 Tumblr_o18nvl7NM41qbetb6o2_250
» Date d'inscription : 23/08/2014
» Messages : 3917
» Pseudo : like animals:: prideissues (noha)
» Avatar : jamie sexy dornan
» Âge : 34 yo
» Schizophrénie : julian (stan) ; lyanna (vikander) ; vince (fernandez) ; gale ( barnes)
() message posté Lun 20 Avr 2015 - 20:21 par Theodore A. Rottenford
‘‘Reality doesn't impress me. I only believe in intoxication, in ecstasy, and when ordinary life shackles me, I escape, one way or another. No more walls.’’ Mes yeux fixèrent les grands cercles violacés qui ornaient ses arcades et les contours irréguliers de sa mâchoire ; j’aurais pu le tuer dans un excès de rage mais je refreinais mes pulsions pour une raison que j’ignorais encore . Probablement, par peur de perdre le reflet terne de mon propre déshonneur – Je ne parvenais pas à détailler ses traits sous les boursouflures suintantes et les tâches de sang, mais je savais qu’il avait vécu le désarroi jusqu’au stade final. Nous étions identiques et pourtant je ne pouvais songer qu’il soit mon égal. Thomas vivait dans l’utopie perpétuelle d’une révolution qui l’avait mené en enfer, tandis que je me plaisais entre les flammes rouges du mal. J’ignorais les appels de ma conscience et les souvenirs de ma paternité ; ce n’étaient pas les ancrages réels de mon existence. Mes réflexions suivaient l’ironie moderne d’un policier corrompu, pourri jusqu’à la moelle, mais tout de même attaché aux valeurs familiales. L’amour était, dans sa nudité la plus complète et sa beauté fulgurante, une expression parmi tant d’autres du péché originel. C’était l’hymne de la douleur pure et du deuil éternel, puisque tout ce que l’on aime un jour, est destiné à périr le lendemain. Je posai ma main tremblante sur mon oreille sourde afin de taire ses bourdonnements désagréables ; tu ne peux pas me briser Thomas. On ne se bat pas pour les mêmes valeurs. «Dommage. Je n’aurai donc pas le luxe d’être toi.» Ma déréliction enlaçait ma poitrine. Je n’avais rien à faire de son sarcasme et de ses états d’âme changeants. Il était en manque tandis que je détenais le pouvoir absolu sur mon corps. Contrairement à lui, je n’étais pas faible et lâche, prisonnier des chaînes immatérielles de l’échec. Je souris d’un air narquois, dévoilant les pointes acérées de mes canines luisantes. Je suis l’aigle impérial cachée sous le déguisement d’un représentant des forces de l’ordre. Et toi, mon cher ami, tu n’es qu’une chimère, une ombre qui se penche inconsciemment vers mon bec allongé. « J’aimerais – crois-moi, que tu connaisses le luxe d’être moi. » Déclarai-je en riant d’un air mauvais. Cela serait un bien meilleur supplice que le renoncement au monde des vivants que tu t’infliges tous les jours. Tu combles ton ennui de vanité afin de satisfaire ton égo, mais à la fin, tu meurs seul.

«Tant de sentiments pour la carcasse que je suis ? Tu me flattes.» Ma langue claqua contre mon palais ; à quoi jouait-il encore ? Je bombai le torse afin de lui dévoiler l’éclat scintillant de ma chemise propre. Mes longs doigts se crispèrent dans le vide avant de désigner ma clavicule irritée par mes gestes compulsifs. Il n’y a pas de sang. La saleté existe dans mon cœur ; et malgré ton insolence et ton incandescence, tu ne pourras jamais atteindre cet organe sacré. Je le cache à l’abri de tous – et lorsque j’ai le dos tourné, il prend la forme d’une enfant. Jazz est mon unique faiblesse, mais tu n’as pas les tripes pour t’attaquer à une gamine. Je suis donc invincible pour toi. Je fis quelques pas vers la lumière de la lampe. Ma bouche se serra jusqu’au sang, et je recueillis les gouttes écarlates sur mon manche afin de le défier jusqu’à l’extrême. J’ai pensé à toi avec beaucoup de ferveur lorsque j’ai appris que tu étais devenu un membre actif du corps professoral. Je t’ai aussi beaucoup admiré, car tu es devenu à l’image de ce que tu exécrais le plus au monde. Que effet cela fait-il d’être l’incarnation banale et désuète de la bêtise humaine lorsqu’on a bataillé toute sa jeunesse pour marquer la différence ? « Nous avons un point commun Knick ; je te méprise autant que tu peux te mépriser toi-même. » Ricanai-je en relevant ma tête vers le plafond. Il lui avait suffi d’un mot afin d’attiser ma terrible colère. Je me dévoilais sous mes vraies couleurs, à la fois puissant et méprisable. Mon souffle était hanté par l’image de la défaite mais je me consolais dans une torpeur incompréhensible. Pendant une fraction de secondes, je n’étais plus moi-même. Mes muscles régissaient ma conscience en s’appuyant contre ses plaies béantes. Je cognai de toutes mes forces, mais seul le son du canon de mon arme pouvait calmer mes ardeurs. Cela est-il trop grave de lui infliger ce sort ? Trop déraisonnable ou immoral ? J’attachais beaucoup de prix à sombrer avec Thomas, il était malgré son idiotie intergalactique, et les arabesques sales de sa chevelure, l’un de mes innombrables crucifix. Les ténèbres pointaient à travers mes iris ombrageux ; peux-tu y descendre pour de bon et t’abandonner au vice autrement que par la pensée ? Il me toisa du regard sans omettre aucune résistance à ma violence avant de se courber lentement. «Puisque toi t’as pris l’arme, j’peux avoir les clopes ?»Je me saisis du paquet de cigarette avant de coincer une première tige entre mes lèvres. Je rodai autour de sa silhouette fugitive avec arrogance avant de me baisser soudainement. Je fis glisser le filtre mouillé par ma salive sur ses joues ensanglantées avant de m’arrêter sur ses commissures sèches. Je le regardai d’un air pervers, comme s’il n’était qu’une fille de joie que je m’apprêtai à baiser incessamment. J’enfonçai la cigarette dans son gosier en ricanant. Voilà un baiser de rêve, et maintenant que vas-tu faire de ta cigarette sans feu ? Vas-y fume-là avec ton syndrome de rage folle ! Embrase ta dose de nicotine avec toutes les flammes de ta passion. ! Je t’attends avec impatience, cher professeur de littérature.

La porte claqua en se refermant, me ramenant subitement vers la réalité. Les grands yeux perçants de Jasmine me percutèrent de plein fouet, et je ne pu réprimer un frisson d’horreur. Comment avais-je pu renoncer à elle ? Je me perdais dans les chants funestes qui s’échappaient de la bouche tordue de mon pire ennemi. Thomas, j’ai conscience d’être plus téméraire que toi, et pourtant je ne saurais probablement jamais t’écraser complètement. Je ne saurais pas non plus me défendre si tu déversais ta saleté sur mes vêtements, mais si tu te ravises de me provoquer encore une fois – les chances que tu retrouves l’usage de ta queue sont bien minimes. Tu es un être dangereux, mais tu devrais craindre ton effet sur moi pour ton propre bien. Tu souffres bien plus de tes avantages que de tes faiblesses. Je me laissai tomber sur ma chaise en silence. Ma voix raisonnait en écho dans la pièce, mais je ne reconnaissais plus les fluctuations de mes mots dans le vide. «Sérieusement ? On se retrouve après toutes ces années et tu ne me dis même pas que tu as fondé une famille ? Je suis déçu. Vexé, même. Raison de plus pour prendre la clope et pas l’arme, tu ne crois pas ? Après tout, pourquoi te tuer si tu laisses derrière toi une descendance maudite ? » Il s’amusait à mes dépends, mais je ne pu m’empêcher de le rejoindre dans son hilarité. Il avait raison ; ma descendance était maudite. Le sang qui coulait dans ses veines détenait la puissance et le chaos qui avait transpercé ma raison, mais Jasmine était au-dessus de la mafia de ses magouilles. Elle portait l’identité d’une autre personne. Je lui avais offert l’absolution en me dégageant de son existence. «Au point où on en est, tu pourrais très bien me laisser rentrer chez moi. Mais si tu préfères me savoir enfermé au fond d’une cellule à moisir en penser à tes chemises propres, eh bien je préfère qu’un garde m’y amène. Pas sûr que je tienne debout, tu m’as sacrément amoché. » J’arquai un sourcil avant de me mordre la lèvre inférieure. « Je ne suis pas d’humeur à t’accorder mes faveurs, mais tu es moins éméché et la loi étant ce qu’elle est … Je n’ai aucune raison concrète de te garder … » Je me relevai en lui jetant les clés de ses menottes en pleine face. Je pris ma veste et mon arme avant de me diriger vers la sortie. Je passai ma tête par l’entrebâillement de la porte avant d’interpeller l’un des gardes de nuit.« C’est bien dommage que je ne sois pas le genre de flic très porté sur les moralités … » Lançai-je en rejoignant le comptoir de la réception.

_ M. Knickbadger reste pour la nuit. Donnez-lui un paquet de cigarettes dans sa cellule. Aboyai-je en rejoignant ma voiture.

Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
() message posté par Contenu sponsorisé
Revenir en haut Aller en bas
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
London Calling. :: It's over :: Corbeille :: Anciens RP
Aller à la page : Précédent  1, 2
» (fb) animal kingdom - young theomas
» The one you fell for makes it seem juvenile + Theomas
» (fb) grab my teeth across your chest to taste your beating heart / young theomas

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
-