Kipling + « Qu'est-ce que tu ferais si je meurs aujourd'hui ? - Je mourrais demain. »

Les Stokes se retrouvent assis autour d’une table, non pas pour dîner mais pour entretenir une conversation qui leur permettra de régler les conflits : c'est une sorte de rituel au sein de cette maison. Les parents adoptent une posture droite et leurs bras croisés trouvent refuge sur ce meuble. Ils observent leur fils sans colère dans les yeux, sa mère use d’un ton doux dont le géniteur n’aurait pas été capable, sachant pourtant que la discussion finira par dégénérer dans tous les cas. « On t’envoie dans une école à Londres. On ne te supporte plus Kipling et on pense que ça te fera du bien de t’éloigner de nous, au moins un moment. » Leur réaction est assez compréhensible. Kipling est le genre de garçon sur lequel on n’aime pas forcément tomber. Il était un mauvais élève qui influençait les autres, était instable et parfois même violent, avait une forte tendance à ne pas respecter les professeurs. Il se débrouillait pour avoir la moyenne en trichant constamment, a eu son bac aux rattrapages puis est parti à l’université pour finalement cesser au bout d’un an et se lancer dans les films pornographiques. En s’apercevant que l’argent récupéré n’était pas suffisant, il s’est lancé dans de nouvelles études pour devenir facteur ; au bout de deux ans, il avait un poste car il sait y faire. Depuis il enchaîne les deux métiers et n’a jamais quitté Londres.

Ses parents lui ont ainsi tourné le dos à l’époque, lorsqu’il n’était âgé que de 17 ans. Il n’a pas eu d’autres choix que de s’envoler jusqu’à la capitale, étant dans l’obligation d’acquérir une certaine autonomie. Il est rapidement devenu indépendant car il en a été contraint, certainement pour cette raison qu’il semble être détaché et indifférent vis-à-vis des autres, il donne chaque fois l’impression de n’avoir besoin de personne. Au fond, il n’y a que très peu d’êtres qui lui sont d’une valeur inestimable bien qu’il ait un entourage très développé depuis son arrivée en ville. Une chose est sûre : les membres de sa famille n’en font plus partie.




Un degré assez conséquent dans le sang, ils rient aux éclats en augmentant le volume d’une musique électronique. Des vibrations se font sentir dans leurs corps, si bien qu’ils sont entraînés dans une danse déchaînée  à l’intérieur de la voiture. Ivres d’inconscience, ils ne prêtent plus attention à la route et préfèrent largement gesticuler la tête de manière exagérée. Leurs sourires disparaissent rapidement lorsqu’une voiture percute la leur, les projetant alors en avant. Ils constatent finalement les dégâts : l’autre bagnole est renversée, la personne semble gravement blessée et sanguinolente. Kipling n’a pas le temps d’être sous le choc, c’est avant tout la peur qui le submerge, notamment lorsqu’il voit le bras de Gareth se diriger vers la portière pour l’ouvrir et probablement aider la personne. « NON MAIS TU ES FOU ? ROULE ! FONCE ! » Il semble peu réceptif, alors il continue de gueuler de toutes ses forces pour qu’il réagisse. « TU VEUX ALLER EN PRISON ? ALORS NE RESTE PAS PLANTE LA ET APPUIE SUR CE PUTAIN D’ACCÉLÉRATEUR ! » Ils repartent ainsi, laissant ce corps inerte seul, n’apportant aucun secours à cette personne en détresse. Le lendemain, Kipling est réveillé assez brutalement par quelques secousses, qui sont provoquées par ce fameux Gareth qu’il a invité pour la nuit étant donné qu’il semblait encore en état de choc. Il semble paniqué alors il écarte simplement les bras pour lui accorder une étreinte. Il lui explique alors qu’un présentateur télévisé vient d’annoncer la mort d’un individu due à un accident de voiture : il comprend alors qu’il est coupable d’un meurtre et serre fort son ami.

Les deux êtres complices se sont soutenus dans cette dure épreuve, même si Gareth étant le conducteur, il s’est senti bien plus coupable que lui. Il a plusieurs fois tenté de le convaincre de se dénoncer, seulement Kipling a toujours eu les mots pour le rassurer et lui faire comprendre que ce n’était pas franchement la bonne solution. Ce crime les a probablement rapprochés puisqu’ils ne se sont plus quittés ensuite, Gareth avait tendance à être un peu trop collant, réclamant constamment de l’affection à laquelle il n’est pourtant pas habitué. Il a fini par y prendre goût, comprenant que cet être ne le rendait pas indifférent depuis quelques années déjà. Il aurait pu se mettre en couple avec lui il y a déjà cinq ans, mais il s’est contenté des baises offertes par des inconnus, ne voulant pas rater une occasion de découvrir et de se livrer à de nouvelles expériences. Il a tout de même craqué et s’est mis tout naturellement en couple avec lui il y a un an et demi, restant le plus fidèle possible si on ne compte pas ses partenaires pour les vidéos pornographiques. Il a appris à être heureux de cette manière, à se poser quelque peu sans forcément être comblé ; il manquait quelque chose. Et ce quelque chose ils l’ont trouvé il y a trois mois, au bord d’un pont, prêt à se suicider. Ils  n’ont pas voulu rester les bras croisés cette fois alors ils ont parlé avec ce Caïn pour le dissuader et ne pas être coupable d’un second meurtre. Le Destin a bien fait les choses puisque tous deux ont eu une certaine attirance pour ce type, cette petite vibration au creux du ventre et des battements de cœur qui se faisaient plus réguliers, alors ils l’ont emmené chez eux. Ils habitent désormais ensemble, profitant de leur vie à trois, de ce sentiment assez étrange qui les lie.