"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici L'homme est souvent décevant, mais parfois époustouflant 2979874845 L'homme est souvent décevant, mais parfois époustouflant 1973890357
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L'homme est souvent décevant, mais parfois époustouflant

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() message posté Mar 30 Déc 2014 - 5:50 par Invité
Des fois, je me demande si je vais bien mentalement. Une journée je me dis que je devrais écouter toutes mes amies qui me disent que je mérite mieux que Jamie et que je devrais le laisser, et le lendemain je me dis que je ne pourrais pas vivre sans lui et que rompre serait une mauvaise idée. Pourquoi je saute toujours du coq à l’âne, comme ça, du jour au lendemain ? Je suis vraiment stupide. Idiote de me plaindre de ma vie sentimentale pour ensuite ne rien faire pour être plus heureuse. Visiblement, Jamie et moi ne sommes plus sur la même longueur d’ondes. Je veux fonder une famille et lui n’en veut pas tout de suite. Va bien falloir que je décide ce qui est plus important : Lui ou la famille que je veux fonder. S’il était attentionné et impliqué dans notre couple, le choisir me semblerait peut-être un peu moins douloureux. Mais en ce moment, je ne peux pas vraiment dire que c’est le cas. Je me sens délaissée, pour ne pas dire ignorée, et je commence à trouver le temps long toujours toute seule. Ce n’est pas vrai que je vais gaspiller toutes mes soirées toute seule à l’attendre. S’il ne veut pas s’amuser, je vais le faire toute seule. Alors ce soir, pas question que je reste à la maison à ruminer du noir. « J’ai envie de bouffer italien, pas toi ? » criai-je au loin pour que ma collègue m’entende de mon bureau. « Laisses-moi terminer une chose ou deux et je suis partante ! » Je termine donc de répondre à mes courriels et de mettre les photos en ligne pour une propriété que je sois mettre en vente pour demain. En attendant qu’elle termine ses choses, je vérifie mon téléphone portable, au cas où, et je décide d’envoyer un message à Jamie même si je sais qu’il s’en foutre. « Je ne mange pas à la maison ce soir, arranges-toi pour ton repas. » Je me dépêche d’appuyer sur envoyer lorsque je vois la silhouette de Maggie apparaitre dans le cadre de porte de mon bureau. « Prête ? » J’attrape mes sacs avant de descendre l’escalier en la suivant de près. Je dépose mes sacs dans ma voiture avant de m’installer sur le siège passager de la sienne. On se rend au même restaurant que d’habitude, à quelques coins de rue de notre travail.

Les heures passent tout comme les clients du restaurant. Ce soir, je n’ai pas envie de me presser. À vrai dire, je n’ai pas envie de rentrer et de voir Jamie. Je lui ai envoyé quelques messages, durant la soirée, et il n’a répondu à aucun. J’essaie de ne pas y penser et de profiter de la soirée mais, intérieurement, je me sens frustrée. Lorsque Maggie m’annonce qu’elle doit rentrer car elle travaille le lendemain, je la supplie du regard de ne pas me laisser tomber. « Oh allez, s’il-te-plait, encore un peu ! Je ne veux pas déjà retourner à la maison ... » Je lui sors mon regard de chien battu mais ce n’est pas suffisant. « Bon bah si tu ne veux pas rester avec moi, tu me déposes chez un copain à moi ? Lui, au moins, il voudra bien de moi. » Je lui donne un petit coup de coude pour la faire se sentir mal mais j’ai le sourire jusqu’aux oreilles. Elle sait que je plaisante. « C’est bon. Je te dépose où ? » Je lui donne l’adresse deThomas et je m’installe sagement dans sa voiture jusqu’à ce qu’on arrive chez lui. Je la remercie et je sors de sa bagnole, les yeux fixés sur mon téléphone. J’envoie un message à Thomas : « Si t’es à poil avec quelqu’un, renvoies-la, je suis devant chez toi. » Au pire, il me détestera pour une soirée ! Je fourre mon téléphone dans la poche de mon manteau et marche jusqu’à sa porte, bouteille entamée dans la main. Je cogne trois coups sur sa porte. « Thoooooooooomaaaaaaaaaaaas! C’est moiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! » J’ouvre doucement sa porte, m’avançant suffisamment pour mettre mon visage entre celle-ci et le cadrage. « J’espère que tu ne dormais pas. Sinon bah tant pis. » Je referme la porte derrière moi et laisse tomber mon sac à main sur le plancher. Je retire mes souliers du bout des pieds et je les tasse contre le mur. « J’espère que ça t’dérange pas, j’pas envie d’rentrer. » Je m’approche de lui tout en calant une gorgée de vin. Je m’essuie la bouche du revers de la main et je lui tends ma bouteille : « T’en veux ? » Je ne suis pas saoule, je le jure. J’ai juste un peu les bras mous et les jambes molles. Mais je suis encore en état ! « Ma bagnole est au boulot, d’toute façon, t’es pris avec moi jusqu’à demain. » Je laisse tomber mon manteau sur le sol, après avoir sorti mon cellulaire de ma poche, et je jette un dernier coup d’oeil pour voir si Jamie m’a répondu. Comme je m’en attendais, la réponse est la même que plus tôt. Je secoue la tête en soupirant, lançant pratiquement mon portable sur ce qui sert de canapé. Je m’assois finalement tout en regardant Thomas tristement. « Pourquoi Jamie il est pas comme toi ? »
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() message posté Mar 30 Déc 2014 - 14:26 par Invité
Mon cou me faisait terriblement mal mais je n’osais pas bouger. Allongé sur mon matelas, le bras tendu vers le plafond, je lisais, tant bien que mal. Je devais avoir l’air idiot. Bien heureusement, j’étais seul. La soirée était déjà bien avancée et je n’avais pas faim. J’avais fini de corriger une bonne dizaine de copies et j’étais tombé lourdement entre mes draps, à la fois épuisé et ruminant sur ce que je pouvais bien faire ensuite. Flemme de sortir, les oiseaux de nuit attendraient la prochaine sortie du loup que j’étais pour s’amuser un peu. Il fallait parfois se faire désirer pour passer une bonne soirée. J’ai pressé les doigts de ma main libre sur mon matelas et je sentis mes phalanges craquer. Mes mains étaient froides, comme à leur habitude. Je revis le visage de ma mère, ses sourcils froncés alors qu’elle me prenait dans ses bras et constatait que mes extrémités étaient glaciales. C’est quoi ce sang de navet que tu as, s’exclamait-elle à chaque fois. Ah, mystère. J’étais tout un personnage. Mon portable a vibré et je soupirai. Je posai mon livre ouvert sur ma poitrine et laissai retomber mon bras vers l’endroit où le téléphone était posé. A la place, j’attrapai mon paquet de cigarettes, en pris une et l’allumai, le regard éteint. Puis je fis glisser mon portable vers moi et y jetai un coup d’œil furtif. C’était un message de Briony : Si t’es à poil avec quelqu’un, renvoies-la, je suis devant chez toi. L’esquisse d’un sourire apparut sur mon visage. La cigarette pendue à mes lèvres, je balayai du regard mon séjour ; personne, dieu du ciel, Brio n’aurait pas la chance de rencontrer l’un de mes oiseaux de nuit. C’était un sacré phénomène, cette fille. Pas un phénomène du genre oiseau de nuit, plutôt une sorte de petite souris adorable et complice dont je ne pouvais pas me passer. Un peu d’oxygène dans mon univers enfumé. Je me redressai avec peine sur mon lit et me grattai la nuque. Rapidement, je m’examinai de haut en bas : jean noir, chaussettes, chemise blanche dont les trois premiers boutons étaient défaits – le style nocturne et décontracté du loup solitaire, voyez-vous – les manches retroussées jusqu’aux coudes, mes cheveux de jais en bataille, et je m’étais rasé donc ça me donnait un air propre et jeune. J’avais la tenue adéquate pour recevoir ma chère Briony.

Trois coups, et puis « Thoooooooooomaaaaaaaaaaaas ! C’est moiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! ». Elle ouvrit la porte et je tournai la tête, la regardant d’un air faussement étonné – et surtout très amusé. « Encore toi ? » marmonnai-je, la cigarette toujours entre mes lèvres. En vérité, j’étais contente de la voir. Ça m’évitait de m’ennuyer à l’intérieur ou de sortir et de prendre froid. Et puis, surtout, ça avait toujours été divertissant, les soirées avec Brio. Surtout une Brio ivre. « J’espère que tu ne dormais pas. Sinon bah tant pis. » Et était-elle ivre, en réalité ? Je la jugeais peut-être un peu vite. Ce n’était pas comme si elle semblait particulièrement heureuse de me voir, qu’elle n’était pas rentrée chez elle après avoir fini sa journée, qu’elle laissait tomber ses chaussures et son sac n’importe où dans mon appart et qu’elle brandissait une bouteille au bout de son bras fin et las. « Bah si, je suis crevé maintenant. Mais ça se payera, cette incruste, crois-moi. » lui répondis-je avec ironie et malice. Comme si on pouvait me réveiller, moi. Non pas que j’avais un sommeil de plomb, mais je dormais tellement peu qu’on ne savait pas très bien à quelle heure il fallait se pointer chez moi à l’improviste pour me tirer du lit. Et il était quoi, 22h ? 23h ? Minuit ? Aucune idée. Assez tard pour faire sortir les souris de leur cachette.

« J’espère que ça t’dérange pas, j’pas envie d’rentrer. » Elle mâchait ses mots d’une manière désinvolte, comme si la Briony qu’elle voulait me montrer ce soir, c’était celle qui avait un côté un peu fou, un peu sauvage, celle qui voulait se libérer du poids que lui infligeait l’existence. Crise de la trentaine, Brio ? « Mon appart est fait pour ça, tu sais bien. » Et moi aussi, j’étais fait pour ça, d’une manière ou d’une autre. J’avais de rares amis proches – trop détaché et trop blessant pour ça, mais elle me connaissait, elle m’avait vu grandir, elle connaissait mon tempérament et mon sarcasme, et également aussi ma bienveillance.  « T’en veux ? » me demanda-t-elle en agitant sa bouteille devant mes yeux. Quelle question, évidemment. Je m’en saisis en haussant les sourcils et affichant un sourire moqueur. Elle allait mettre un peu de vie dans mon quotidien morne et nocturne, avec son immense sourire et ses histoires saugrenues. « Ma bagnole est au boulot, d’toute façon, t’es pris avec moi jusqu’à demain. » Je levai les yeux au ciel pour l’embêter. « Ok mais tu dors par terre. Regarde ce merveilleux tapis super confortable. » raillai-je en indiquant d’un geste mou mon épais tapis blanc au milieu de la pièce.  En plus je n’avais pas de coussin pour les invités, ni de couverture – et mes draps de rechange, j’arquai un sourcil en réfléchissant à où j’avais bien pu les mettre. Je m’étirai, faisant craquer les os de mon dos et de mes bras, puis je bus quelques gorgées de vin en la regardant laisser tomber ses affaires une à une sur le sol de mon appartement. Elle jeta un coup d’œil rapide à son portable, puis secoua la tête et soupira. Le portable eu alors le droit au même sort que le reste : il eut de la chance de ne pas s’écraser contre une pile de livres, d’ailleurs. Elle s’assit et me lança un regard triste. Je la fixai. Je savais de qui elle allait me parler. « Pourquoi Jamie il est pas comme toi ? » Je penchai la tête. Touché. Ce n’était pas la première fois qu’elle mentionnait Jamie avec un air et un ton pareil. Cet homme, je le connaissais trop peu pour le juger, mais il était évident qu’il rendait Brio malheureuse, d’une manière ou d’une autre, donc déjà mon avis se teintait de négativité. Je tapotai le bout de ma cigarette au bord d’un verre sale qui traînait près de moi afin d’en faire tomber la cendres puis, à nouveau, mon regard rencontra celui de Briony. « T’as pas envie de rentrer chez toi, ou t’es juste en train de fuir ton mari si terrible ? » Puis, brodant ma bouche d’un sourire malicieux, j’ajoutai : « Et crois-moi Brio, t’as bien plus envie d’être avec quelqu’un comme Jamie que quelqu’un comme moi. » Elle avait juste un moment de faiblesse, mais niveau engagement, famille et responsabilité, j’étais bien pire que tous les maris chiants du monde. Moi, j’offrais mon tapis à une amie égarée pour dormir, quoi.
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() message posté Dim 11 Jan 2015 - 1:23 par Invité
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Comment ça, encore moi ? Ce n’est pas comme si on venait se voir y’a une heure. D’ailleurs, c’était quand la dernière fois ? Pas que ça faisait si longtemps, au contraire, mais ça devait quand même faire quelques jours. Parce que ça avait beau être l’enfer avec Jamie, j’essayais quand même d’être là pour lui, le soir, quand il rentrait du boulot. J’avais encore de l’espoir, moi, contrairement à lui. Mais ma patience commençait réellement à diminuer à force de voir qu’il n’avait tout simplement rien à foutre de moi. Et quel mariage peut réussir si le mari se fou de sa femme ? Aucun, à mon avis. En fait, je me demandais vraiment comment je faisais pour rester avec lui. Cela faisait un moment que le simple stade de l’indifférence était passé. Jamie était tout simplement rendu brutal, dans ses mots. Je me demandais parfois si, au fond, il ne voulait pas que je parte mais qu’il était incapable de me le dire. Dans tous les cas, il allait finir par réussir à obtenir ce qu’il voulait, si c’était vraiment ça, son objectif. « Oh, arrêtes, au fond t’es content ! J’te sors d’ta solitude. » Même si le but premier était de me sortir de la mienne, en fait. De me sentir un peu aimée et appréciée. Et de partager le restant de la bouteille d’alcool qui me restait en main. « Bah si, je suis crevé maintenant. Mais ça se payera, cette incruste, crois-moi. » Parce que j’étais tellement chiante au point de devoir payer pour qu’on me tienne compagnie ? « Et ma présence vaut quel prix, tu vas m’dire ? Un restant d’bouteille ?» Dis-je en lui proposant d’en prendre. Et il était mieux de faire attention à ce qu’il allait répondre parce que j’étais instable. Du moins, c’est ce qu’il faut croire. Je ne pense pas sérieusement que je serais capable de le détester, en ce moment. Je pense que toute ma rage passe sur le dos de mon époux. « Tu vas m’faire cirer tes chaussures pendant l’année complète ? » Je m’imaginais bien qu’il ne s’agissait pas de ça mais je voulais rire de sa gueule un peu. Dans tous les cas, si c’était à ça qu’il s’attendait, il allait attendre longtemps. Pas question que je m’abaisse à ses pieds (littéralement).

« Mon appart est fait pour ça, tu sais bien. » Et heureusement qu’il était fait pour ça car je n’ai aucune idée d’où j’aurai été sans ça. J’avais quand même plusieurs amis mais Thomas était l’un des seuls chez qui je ne me sentais pas mal d’aller à des heures pas possibles. Probablement car je savais qu’il se couchait aux petites heures de la nuit mais aussi parce que je le connaissais depuis longtemps et que je savais qu’il était toujours là pour moi, peu importe ce qui arrivait. Et l’inverse serait de même. S’il avait besoin de moi pendant la nuit, je serais là pour lui. Sans doute un peu grincheuse, au début, mais je ne le laisserais quand même pas tomber. « T’imagines l’argent que tu t’f’rais si tu chargeais ? » Ta gueule, Brio, tu vas lui donner de bonnes idées ! Puis bon, c’est quand même pas comme si je venais chez lui si souvent. Si ce n’était que de moi, je viendrais plus souvent mais il allait vraiment finir par me charger des frais de psychologues. De toute façon, s’il en avait marre de m’écouter avec mes problèmes, ce ne serait pas si grave. On aurait qu’à changer de sujet et ça m’irait. Me changer les idées, c’est ce que j’avais besoin. « Ok mais tu dors par terre. Regarde ce merveilleux tapis super confortable. » Suite à sa proposition, je lui assenai un coup du revers de la main. « Han han, pas question. » dis-je en secouant négativement la tête. Je me penchai délicatement dans sa direction, prête à sortir mon regard de chien battu : « T’vas m’laisser geler ? T’sais bien que j’ai tout l’temps froid ! » Puis merde, c’est quand même si on n’avait jamais dormi ensemble depuis le temps qu’on se connait. « T’vas être gentil et m’laisser un p’tit coin d’ton lit, hein, parce que c’moi ? » Après tout, je partageais bien ma bouteille avec lui alors il pouvait bien partager son lit avec moi. Avec tout le monde qui y passait, c’est quand même pas ma présence qui allait le déranger, si ? Sans doute pas, il n’était pas comme Jamie, lui. Jamie qui ne répondait pas à mes messages. Jamie qui se foutait littéralement de sa femme. J’avais fini par lancer mon portable parterre, en imaginant qu’il s’agissait de sa tête. Je me demandais sérieusement ce que j’avais bien pu faire pour que notre couple se dégrade à ce point-là. Est-ce qu’il essayait de me décourager pour que je n’aille plus envie d’avoir d’enfants ? Si c’était le cas, c’était plus qu’enfantin de sa part. Il y aurait de biens meilleures façons de me dire qu’il n’en voulait pas. Bien d’autres façons plutôt que de faire en sorte que je le déteste et que je finisse par remettre notre couple en question. « T’as pas envie de rentrer chez toi, ou t’es juste en train de fuir ton mari si terrible ? » Et si c’était un peu des deux ? Pas envie de rentrer à la maison parce que, justement, mon mari terrible y est ? Parce que pour une fois, je n’ai pas envie de l’affronter ? Que pour une fois, j’ai envie d’être avec quelqu’un qui a bien envie que je sois là ? Et je savais que Thomas me ferait sentir bien. Parce que c’était toujours le cas, avec lui. Même ma mère était de cet avis. Quand je lui avais parlé de ce qui se passait avec Jamie, elle m’avait surprise en demandant pourquoi je n’étais pas plutôt avec Thomas, que jamais il ne m’avait laissé tomber. Peut-être que j’aurais dû m’essayer avec Thomas, c’est vrai. Mais c’est aussi vrai qu’il n’est pas tellement le meilleur modèle de la stabilité, en amour. Et je n’avais pas non plus envie de prendre le risque de ruiner notre amitié. C’est pour ça que, lorsque j’étais adolescente, j’avais toujours tenté d’ignorer les papillons qui me dérangeaient chaque fois que j’étais en sa présence. Et j’avais cru que j’aurais enfin la paix lorsque j’avais fait la rencontre de Jamie quelques années plus tard. Et ça avait été le cas. Jusqu’à ce que tout commence à déraper avec Jamie. Je me posais des questions, maintenant. Je me demandais si j’avais fait le bon choix. « Les deux ? » dis-je en me grattant la nuque. Ma bonne humeur s’était un peu dissipée. Parce que c’est ce qui arrivait lorsque j’abordais le sujet de Jamie, dernièrement. Ma vie de couple ne me satisfaisait plus. « Et crois-moi Brio, t’as bien plus envie d’être avec quelqu’un comme Jamie que quelqu’un comme moi. » Je le regardai d’un air sérieux avant d’hausser les épaules en secouant doucement la tête de droite à gauche. « Alors pourquoi je préfère être avec toi, là, qu’avec lui ? Pourquoi toi tu m’laisses jamais tomber ? Pourquoi lui il en a rien à foutre de moi ?» À chaque phrase, j’avais de plus en plus de mal à prononcer mes mots. Je tentais de retenir le flot d’émotions qui remontaient mais je sentais que j’allais craquer. Ma vision s’embuait et je commençais à me sentir mal d’encore emmerder quelqu’un avec mes problèmes de couple. En fait, je ne savais plus quoi faire et j’espérais sans doute que quelqu’un aurait la solution miracle à ma place …
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() message posté Mar 13 Jan 2015 - 17:50 par Invité
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« Oh, arrête, au fond t’es content ! J’te sors d’ta solitude. » Je levai les yeux au ciel, un sourire aux lèvres. Ah bon ? Au fond, il fallait que je l’admette, que j’étais parfaitement heureux de la voir, mais j’étais bien trop suffisant pour ça, vous le saviez mieux que moi. « Et ma présence vaut quel prix, tu vas m’dire ? Un restant d’bouteille ? » Je ricanai, amusé. Elle avait l’air énervé, ou en tout cas assez agitée pour que son regard soutienne des éclats fous. « Tu vas m’faire cirer tes chaussures pendant l’année complète ? » Je portai mon index à mes lèvres, comme pour signifier que je réfléchissais. « Quelle bonne idée. » m’enquis-je avec ironie. Comme si ça m’importait, l’image. Après tant d’années, j’avais déjà perdu ma crédibilité, et Brio semblait avoir laissée la sienne au fond de sa lointaine voiture, elle aussi. Elle l’avait troquée contre une vague ébriété éphémère qu’elle étalait sur mon tapis. « Non mais tu sais très bien que je ne suis pas si cruel. » poursuivis-je avec calme. Je lui disais cela dans l’espoir de la faire rire, car elle semblait en avoir besoin. « Et puis, comme on dit, la vengeance est un plat qui se mange froid, je ne vais pas te révéler dès maintenant mes plans. Je ne suis pas stupide. » C’était fou, le nombre de conneries qu’elle me faisait dire. Mais c’était agréable, en un sens. Probablement parce qu’on avait grandi en se parlant si malicieusement et si amicalement. Et qu’avec elle, j’étais un Tom que j’avais du mal à être avec les autres. Parce que j’avais oublié que je pouvais être ce Tom-là. Tragique, n’est-ce pas, d’oublier qui l’on est.

Je bus à nouveau à la bouteille et lui rendis, échangeant le goulot contre le filtre de ma cigarette. « T’imagines l’argent que tu t’f’rais si tu chargeais ? » Je haussai les sourcils et ouvris grand les yeux, faussement interloqué. « C’est vrai, ça. » Mon appart était réellement fait pour ça. Pour abriter ma carcasse, mais également la carcasse de toutes les âmes meurtries, de tous les fous égarés, de tous les artistes misérables et de toutes les femmes blessées, de tous les bourgeois dubitatifs, de tous les enfants qui ont dépassé la vingtaine, de tous les magiciens et de tous les prisonniers, de tous mes oiseaux de nuit mais également de toutes les souris, et voilà que Briony toquait à ma porte. Elle faisait partie de l’ensemble de ces carcasses. Elle était d’ailleurs plus honorable et plus agréable que beaucoup d’entre elles. Une carcasse honorable, voilà une description saugrenue qui lui allait bien, malgré tout. « Enfin bon, tu peux rester gratuitement, cadeau de la maison. » Oh, quelle bonne âme. Allez, et maintenant, dors sur le tapis avec pour seule couverture l’ignoble odeur de tabac froid qui embaumait mes murs.  « Han han, pas question. » Tiens-donc, elle refusait. Etrange, je pensais pourtant être au comble de la générosité. « T’vas m’laisser geler ? T’sais bien que j’ai tout l’temps froid ! » marmonna son petit museau. Et voilà qu’elle se mettait à me prendre par les sentiments. Je restai immobile. « La vengeance vient plus rapidement que prévu on dirait. » raillai-je en levant le poing en un signe espiègle de victoire. Finalement, j’étais peut-être plus cruel que ce que je pensais. « T’vas être gentil et m’laisser un p’tit coin d’ton lit, hein, parce que c’moi ? » Je lui lançai un regard de défi avant de lâcher l’affaire. Quelque part, tout son cinéma de mots mâchés et de gestes maladroits m’attendrissait. Ou peut-être que c’était Briony elle-même qui avait, comme toujours, raison de ma cruauté et de mon ironie. En grommelant, je lui fis de la place sur mon lit pour qu’elle s’y installe confortablement. « T’as de la chance, ma p’tite. » Elle n’avait pas intérêt à trop s’agiter ou à me tirer la couverture. J’étais déjà assez insomniaque comme ça, pas besoin d’en rajouter une couche.

Mais la suite de la discussion me laissa croire qu’on n’était pas prêt de dormir. Jamie. Le sujet de discussion de Brio. Et comme d’habitude, je pris au maximum le parti du détachement. Ce n’était pas mon rôle de juger. Au mieux, j’étais là pour consoler, mais je n’étais pas très bon à ça non plus. L’attachement, toute une histoire, tout un langage, toute une façon d’être. C’était quelque chose que j’avais du mal à comprendre. Tout un paradoxe, surtout. J’en avais l’exemple, effondré devant moi. Brio, amoureuse et délaissée. Je préférais devenir un connard plutôt que de vivre cela. Oh, j’étais déjà un peu un connard, et maintenant j’étais lâche et cruel. Non, vraiment, pourquoi passait-elle la nuit chez moi ? « Les deux ? » Je soupirai. Elle secoua la tête. « Alors pourquoi je préfère être avec toi, là, qu’avec lui ? Pourquoi toi tu m’laisses jamais tomber ? Pourquoi lui il en a rien à foutre de moi ? » Ahh, mais ces questions étaient l’essence-même des relations humaines, chère amie. Je n’en n’avais que des réponses fades et peu satisfaisantes. Elle souffrait d’une douleur presque palpable. Elle retenait ses larmes et sa colère avec courage et je la contemplai, fumant ma cigarette et réfléchissant à une de ces fameuses réponses qui m’étaient propres. Je ne devais pas être trop sec, mais pas non plus trop optimiste. La subtilité du réconfort. L’une des couleurs de la large palette de l’attachement. « Parce qu’on se connait depuis bien trop longtemps pour encore se préoccuper des défauts et de la connerie de l’autre. Voilà pourquoi tu t’imagines que ce serait bien mieux de rester ici plutôt que de rentrer chez toi demain. Mais je suis quelqu’un d’imbuvable à la longue. Regarde une seconde la gueule de mon appart : t’as vraiment l’impression que c’est adéquat pour vivre la vie que t’as envie de vivre ? Oui, c’est bien pour les crises passagères comme celle de ce soir, mais non, tu ne fonderas jamais une famille entre ces quatre murs. » Evidemment, j’étais le type toujours debout que l’on pouvait venir emmerder à n’importe quelle heure de la nuit, donc j’avais comme un aspect ouvert et amical, mais à quel prix ? J’étais plutôt l’oncle étrange et génial qui filait à son neveu sa première clope plutôt que le père dont Briony rêvait. « Et il n’en a pas rien à foutre de toi. C’est juste … euh … un homme. T’sais, l’homme qui refuse de s’engager, l’homme qui ne comprend rien aux femmes, l’homme un peu égoïste, l’homme qui doit admettre ses faiblesses mais qui n’arrive pas à perdre la face, l’homme qui ne sait pas comment agir donc qui joue le détachement. L’homme, quoi, ça s’applique à chacun d’entre nous. » Que voulait-elle ? Que je lui dise que son mari était le pire du pire ? Je ne le connaissais pas, ce type. Mais tout ce que j’avais entendu à son sujet ne me faisait que penser au fait qu’il était un homme, et un homme atrocement normal. Et c’était ça, tout le problème. Les gens normaux sont complètement chiants. Il n’y avait pas l’étincelle de folie qui les rendait extraordinaires.
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() message posté Mar 27 Jan 2015 - 17:48 par Invité
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« Non mais tu sais très bien que je ne suis pas si cruel. » Le savais-je, ou le pensais-je ? Si j’avais bien appris quelque chose, dernièrement, c’est bien que je ne devais pas me fier à l’opinion que j’avais des gens. Je connaissais Jamie depuis de nombreuses années et je ne comprenais rien à ses agissements, en ce moment. La preuve que je ne connaissais pas les gens aussi bien que je le pensais. « Et si tu jouais la comédie d’puis tout c’temps ? » Il était peut-être sadique et je l’ignorais. Connaissez-vous l’ami d’un meurtrier qui vous dira qu’il avait deviné que son ami finirait par tuer quelqu’un ? Pas que Thomas ait une tête de meurtrier, mais vous voyez ce que je veux dire ! « Et puis, comme on dit, la vengeance est un plat qui se mange froid, je ne vais pas te révéler dès maintenant mes plans. Je ne suis pas stupide. » Je posai mes mains sur mes deux hanches alors que je le fixais, essayant de deviner ce qu’il pouvait bien avoir en tête. J’haussai un sourcil. « Vengeance d’quoi ? T’veux t’venger du fait que j’vienne t’voir ? » Je ne sais pas si c’est l’alcool mais j’avais du mal à suivre. Je me penchai alors légèrement dans sa direction, sans le quitter des yeux. « Allez, quel coup tu m’prépares là ? C’pas gentil d’me faire ça ! » Je tentai de sortir l’artillerie lourde en lui sortant mon regard de chien battu que je lui faisais quand je voulais obtenir quelque chose de sa part. Il me tenait en haleine je détestais ça ! Au fond, il ne préparait rien du tout et il ne faisait que me faire marcher. Ce ne serait pas tellement étonnant, en fait. Il me connaissait trop, il savait que je n’avais pas de difficultés à mordre à l’hameçon, par moment.

« C’est vrai, ça. » Et avant que mes idées se mettent vraiment à fleurir dans son esprit, je levai mon index en l’air pour lui faire signe d’attendre. « Mais c’mon idée, moi j’compte pas ! J’paye pas ! J’devrais même d’mander une part des revenus. » On pourrait se partir notre propre compagnie, on deviendrait riche. Resterait plus qu’à arranger un peu son appartement pour que ce soit un eu plus fréquentable et on pourrait hausser les prix. Idée de génie! « Enfin bon, tu peux rester gratuitement, cadeau de la maison. » Un grand sourire étira mes lèvres alors que je m’approchai de Thomas pour déposer un baiser sur l’une de ses joues, penchée par-dessus son lit. « Merci, c’est tellement gentil de ta part ! » dis-je avec ironie, accotant ensuite ma tête sur son épaule pendant quelques secondes pour le remercier de son hospitalité. Sauf que finalement, il n’était pas aussi généreux qu’il semblait l’être. Son titre d’hôte idéal n’était plus autant mérité alors qu’il m’offrait le confort de son plancher. « La vengeance vient plus rapidement que prévu on dirait. » Je le regardai d’un air faussement vexé alors que je frappai son tors avec le dos de ma main. Il se payait ma tête et il allait le regretter. Quand finalement il me fit de la place sur son lit en grommelant, je fis un geste de victoire, en contractant mon bras vers moi, le poing fermé. « Yes! » Sans plus attendre, je me faufilai à ses côtés et j’accotai ma tête sur son épaule en lui serrant le bras avec mes mains. « T’vas pas l’regretter, j’vais m’faire toute petite, promis ! » Ou pas ! Ce n’est pas lui qui disait que la vengeance était un plat qui se mangeait froid ? Ou peut-être que j’allais être gentille et oublié ma vengeance étant donné qu’il me faisait oublier mes problèmes pendant quelques instants. Je me sentais bien, en sa présence.

La conversation prit une tournure un peu moins plaisante mais aborder ce sujet, en ce moment, me paraissait comme une question de survie. J’avais besoin d’en parler, d’avoir l’opinion de quelqu’un d’autre. J’avais besoin d’être capable de voir la lumière au bout du tunnel. Et il me semblait que Thomas pouvait m’aider dans ma quête malgré qu’il était sans doute la dernière personne à qui il fallait aller demander des conseils en relation de couple étant donné son statut. On ne pouvait pas dire qu’il était la personne qui s’engageait le plus. Peut-être que je l’enviais, dans le fond, de ne pas avoir de comptes à rendre à personne. « Parce qu’on se connait depuis bien trop longtemps pour encore se préoccuper des défauts et de la connerie de l’autre. Voilà pourquoi tu t’imagines que ce serait bien mieux de rester ici plutôt que de rentrer chez toi demain. Mais je suis quelqu’un d’imbuvable à la longue. Regarde une seconde la gueule de mon appart : t’as vraiment l’impression que c’est adéquat pour vivre la vie que t’as envie de vivre ? Oui, c’est bien pour les crises passagères comme celle de ce soir, mais non, tu ne fonderas jamais une famille entre ces quatre murs. » Je restai sans mots devant sa réponse, pendant un instant. C’était peut-être stupide mais sa réponse me donna un petit pincement au coeur. J’étais avec Jamie et cela faisait des lunes que j’avais fait une croix sur la possibilité d’un nous, avec Thomas, comme je ne voulais pas perdre son amitié. Mais malgré ça, je me sentais un tantinet rejeté. Mais je ne voulais pas qu’il s’en rende compte alors je tentai de faire une croix sur l’émotion qui venait de me traverser. « J’te connais d’puis longtemps et t’es jamais d’venu imbuvable. Tu t’sous-estimes. » Thomas avait beau s’imaginer que personne ne pouvait l’aimer, il avait torts. Je l’avais longtemps vu dans ma soupe. « Et il n’en a pas rien à foutre de toi. C’est juste … euh … un homme. T’sais, l’homme qui refuse de s’engager, l’homme qui ne comprend rien aux femmes, l’homme un peu égoïste, l’homme qui doit admettre ses faiblesses mais qui n’arrive pas à perdre la face, l’homme qui ne sait pas comment agir donc qui joue le détachement. L’homme, quoi, ça s’applique à chacun d’entre nous. » Je me décollai de lui, me replaçant droite dans le lit, un peu frustré à l’intérieur. J’avais l’impression que Thomas défendait Jamie et je n’aimais pas ça. Je n’aimais pas le feeling de me sens coupable, encore une fois. D’avoir l’impression d’être la fautive alors que tout ce que je voulais, c’était que notre couple fonctionne. « Et t’expliques comment l’fait qu’il n’était pas comme ça avant ? Que c’est parce que c’est un homme ?! » dis-je en mettant l’accent sur le mot homme avec frustration. Je me tournai vers lui et je lui piquai la cigarette qu’il avait toujours entre les doigts, la fourrant entre mes lèvres, les mains tremblantes. J’évitais son regard, m’attendant à être jugée. Depuis quand je fumais, moi ? Depuis maintenant, apparemment. Je bouillais intérieurement alors que je fixais le mur en face de moi, tentant de retenir les larmes qui menaçaient de déborder à tout moment. Je crachai la fumée de la cigarette en toussotant légèrement, me préparant à lui faire part de ma meilleure idée de la soirée : « J’devrais d’venir lesbienne. »
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Anonymous
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() message posté Mar 3 Fév 2015 - 0:49 par Invité
Spoiler:

« Et si tu jouais la comédie d’puis tout c’temps ? » Je ricanai doucement. C’était possible. Je me perdais moi-même parfois, c’était facile de brouiller les pistes. « Vengeance d’quoi ? T’veux t’venger du fait que j’vienne t’voir ? » Mon ricanement devint rire tant elle était adorablement candide, réveillant en moi toute l’espièglerie de notre enfance disparue. C’était comme ça, et ça avait toujours été comme ça. Elle avait son regard enfantin : elle voulait me faire parler, et elle hésitait à me prendre par les sentiments. Parce que oui, vous savez, il y avait toute cette théorie dans ma tête, comme quoi j’étais l’être le plus cynique au monde, et que je voulais croire que j’avais un cœur, mais que tout me laissait penser que ce n’était pas le cas, et que je n’avais pas d’ami, au sens de l’amitié et de l’attachement, ceux avec qui vous aviez des souvenirs et que vous ne vouliez pas perdre. Et c’était étrange, pour ceux qui commencent à me connaître un peu, de se dire que, finalement, il y avait peut-être une ou deux personnes qui ne m’ennuyaient jamais. Avec lesquelles j’étais lové dans une sorte de sérénité inattendue, un sourire doux aux lèvres ; eh bien Briony, c’était l’une d’entre elles. Elle était passée outre mon sale caractère pour retrouver toute cette … non, je ne pouvais parler de gentillesse. Il ne reste plus qu’à l’appeler « espièglerie ». Et c’était ce que j’avais admirablement fait, d’ailleurs. « Allez, quel coup tu m’prépares là ? C’pas gentil d’me faire ça ! » Je restai muet, une lueur amusée dans le regard. Non, ce n’était probablement pas gentil. Mais c’était ce à quoi il fallait qu’elle s’attende, après tant de temps passé ensemble à grandir et à voir nos vies être avilies par l’existence.

« Mais c’mon idée, moi j’compte pas ! J’paye pas ! J’devrais même d’mander une part des revenus. » Je haussai les sourcils et fis la moue. « C’est cela, oui. Tu restes une squatteuse. » Mais finalement je lui accordai une nuit gratuite. Hôtel cinq étoiles. Eh ouais. « Merci, c’est tellement gentil de ta part ! » s’exclama-t-elle d’une douce ironie après avoir déposé un léger baiser sur ma joue. Je soufflai la fumée de ma cigarette en la rappelant à la dure réalité. Mais à nouveau, son air de souris sembla avoir été créé pour m’attendrir, moi, spécialement, alors qu’elle m’accordait un regard vexé. Puis elle me frappa le ventre. « Aïe. » grommelai-je dans un sourire. « Les gens violents, je les mets dehors. » Mais finalement, je la laissai gagner. Elle profita de sa victoire comme je m’y étais attendu et se blottit contre moi, me réchauffant un peu. C’était agréable. Je fis attention de ne pas la brûler avec ma cigarette tandis qu’elle me soufflait quelques mots, comme pour me rassurer – mais je n’étais pas dupe. « T’vas pas l’regretter, j’vais m’faire toute petite, promis ! » Je lui jetai un regard en coin et lui répondis : « Je te connais assez pour savoir que c’est faux. Tu prends déjà toute la place. » Mon épaule était à présent un territoire conquis. Elle ne tarderait pas à apprivoiser tout ce qu’elle touchait.

Son regard s’assombrit à ma remarque. Cela ne m’étonna guère. Parce que Brio était comme ça. Tout d’abord, elle avait, comme tout le monde, du mal à affronter la vérité, et j’étais bien trop franc avec les autres pour me préoccuper de savoir si oui ou non, c’était cela qu’elle avait envie d’entendre. Mais tout le problème était là : elle n’avait fait qu’écouter ce qu’elle voulait à propos de son mari adoré, les inepties de ses collègues, de ses amis et de ses chauffeurs de taxis, mais, encore une fois, comme tout le monde, ce dont elle avait envie était à l’opposé de ce dont elle avait besoin. Misère. J’étais encore le connard détaché, même avec ma plus vieille amie. « J’te connais d’puis longtemps et t’es jamais d’venu imbuvable. Tu t’sous-estimes. » Je posai ma tête sur la sienne, pensif. Peut-être qu’au fond, je me cachai de Briony, autant que de tout le monde. Je lui cachai ma vraie nature sous des devants sarcastiques et espiègles. J’avais probablement crainte qu’elle ait peur de moi, ou qu’elle ne me comprenne pas. Et perdre cette souris-là, c’était comme perdre une partie de mon âme, la partie la plus appréciable, la plus joviale, la plus drôle et la plus agréable. Ne resterait que la noirceur et le goudron des cigarettes. Alors oui, j’étais imbuvable. Parce que si elle vivait avec moi, elle ne pourrait ni dormir, ni manger, ni avoir des enfants en bonne santé. Elle commencerait à fumer, l’ennui la gagnerait, elle subirait mon inconstance, mes insomnies, mon alcoolisme, mon cynisme et ma mauvaise humeur. Parce que l’espièglerie partirait, à la longue. Elle serait face aux murs blancs de mon appartement, à la chaleur sauvage et intenable de Shoreditch, et elle rentrerait le soir pour apprendre par cœur les titres des livres qui s’empilaient aux quatre coins du séjour. Et elle deviendrait comme les autres à mes yeux : amusante, mais éphémère. Sauf que Brio, ce n’était pas une femme comme ça. Brio, c’était un beau rayon de soleil, quand même. C’était vrai que son mari abusait. Alors je lui interdisais de trop fouiller dans mon esprit et dans ma vie, parce que je refusais de la réduire à ce niveau-là. Mon niveau, prosaïque et dangereux. Elle se décolla brusquement de moi à ma seconde remarque. Je lui secouai vraiment les neurones, ma parole. « Et t’expliques comment l’fait qu’il n’était pas comme ça avant ? Que c’est parce que c’est un homme ?! » Son ton me sembla presque méprisant – et elle avait de quoi l’être. Les femmes ne méprisaient pas assez les hommes, de nos jours, et pourtant nous étions des êtres abjects. Elles méritaient des médailles pour être tellement meilleures que nous. Elle se tourna vers moi et ses doigts glissèrent jusqu’à mes lèvres pour me voler ma cigarette. Je penchai la tête. Elle n’allait manifestement pas bien du tout. Elle tremblait et mes yeux noirs la parcoururent en cherchant son regard – sans le trouver, elle faisait tout pour, comme une petite fille apeurée qui vient de faire une bêtise. Je finis par abandonner. « Non. Parce qu’il a peur, peut-être. J’en sais rien, je suis pas dans sa tête. » Et je n’avais pas franchement envie d’y être. Briony avait les larmes aux yeux. Je me redressai après avoir saisi une nouvelle cigarette. J’attrapai celle qu’elle avait entre ses doigts tremblants pour allumer la mienne. Une fois que cela fut fait, je la lui rendis avec un mince sourire. « J’devrais d’venir lesbienne. » J’éclatai d’un rire amusé. Je ne m’étais pas attendu à cette réplique-là. Recrachant la fumée, je lui répondis : « Non mais j’ai déjà assez l’impression de passer pour le meilleur ami gay ce soir, on ferait une belle paire. » Mon sourire s’accentua. « Je suis sûr que tu aurais beaucoup de succès auprès des femmes, Brio. » Est-ce que ça lui ferait plaisir, étant donné qu’elle voulait que son mari lui accorde l’attention nécessaire, je n’en savais rien, mais je lui faisais un compliment en lui disant cela. Je m’approchai d’elle et la forçai à me fixer. « Brio. » Enfin, je réussis à capter son regard, après avoir répété son prénom quelques fois. Les larmes semblaient perler au bout de ses longs cils. Je posai mes mains sur ses épaules : « Pleure pas, tu sais très bien que je suis nul pour consoler les gens. » Je posai mes yeux sur sa cigarette. Elle était mignonne et candide quand elle fumait aussi. Je fermai les yeux et secouai la tête, amusé. « J’ai vraiment une mauvaise influence sur toi. » Parce que, même si Briony était une exception, j’arrivais toujours à la corrompre. Comment ne pouvait-elle pas voir que j’étais véritablement l’individu méprisable que je prétendais être ?
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