(✰) message posté Mar 20 Jan 2015 - 0:27 par Invité
Casting à la noix !
Avec Thomas R. Knickerbadger
◊ Espèce de fils de...
Son juron se termina au fond de son écharpe en laine dans lequel Lola s'était emmitouflée. Pour une fois, elle était silencieuse, n'a été entendue de personne. Pour une fois, elle ne s'était pas faite remarquer. Pour une fois, elle ne s'était pas faite cataloguée en tant que blonde incendiaire qui incendie tout le monde sur son passage. Pour une fois, elle a su fermer sa gueule quand il le fallait. Pour une fois, elle s'était même faite toute petite Évidemment c'était pas pour rien, il y avait forcément une (très) bonne raison pour un tel comportement peu commun chez Sellington. Et la bonne raison c'était un casting. En effet, oui. Un casting. Un vrai de vrai, qu'elle passait aujourd'hui. Ce n'était pas un casting pour une pub de dentifrice ou pour des serviettes de menstruations, et non ! C'était un véritable casting pour une véritable pièce. Une pièce d'un inconnu, certes, dans un style de théâtre très contemporain , pas vraiment grand public. Mais c'était du théâtre. Elle passait pour le premier rôle. Et qui dit contemporain dit FORCEMENT un peu bizarre. Elle allait jouer Lilaha, une femme-enfant schizophrène accumulant les meurtres autour d'elle. Oui, voilà. C'était un rôle très bizarre pour sûr. Mais c'était suffisant pour Lola. C'était du théâtre. C'était suffisant pour fouler les planches, pour avoir son nom même écrit en minuscule, sur une affiche, pour saluer face aux salves d'applaudissements du public. C'était suffisant pour être sur scène, pour respirer sur scène, pour vivre sur scène.
Elle connaissait pourtant le rôle sur le bout des doigts, elle connaissait le texte par coeur, l'avait étudié pendant plus de trois jours, 24/24h. Ell respirait, vivait comme Lilaha. Et puis il a suffit de 30 secondes. 30 secondes seulement pour que le metteur en scène, ce type on ne peut plus bobo théâtreux, le cliché parisien, fasse un mouvement de la main tout en hurlant un "AU SUIVANT" des plus tonitruants.
Voilà. Trente secondes. Au suivant. Il ne lui avait même pas laissé le moyen et le temps de s'exprimer et de se défendre surtout. Pourtant c'est ce qu'elle fait Lilaha dans la pièce de cet idiot. Ben oui, la petite Lilaha se défend corps et âmes. Avec passion. C'est ironique quand même la différence de temps entre la préparation et le passage...
Lola ne savait pas quoi de l'amertume de ne pas être choisie ou de l'irrévérence du metteur en scène l'avait le plus mise en rogne. Quoi qu'il en soit, c'est sa bouche qui eructa en premier son agacement avant que ce soit son petit corps sortant en trombe du théâtre où elle passait ce maudit casting. Oui, qu'il soit maudit ce casting, qu'elle soit maudite sa pièce de fou furieux ! C'était pas un p'tit mec insolent à béret et à lunettes qui allait remettre en cause sa future carrière de comédienne, non mais oh ! Non ? Si. Et si il avait déjà tout senti ? Si ce metteur en scène avait tout de suite vu, en quelques secondes qu'elle était incapable d'insuffler quelque chose à son personnage ? Oui. Il avait peut-être raison. Oh, et puis non, merde ! Quelles étaient donc ses pensées paradoxales qui traversaient Lola ? Il fallait qu'elle arrête de penser. Pour cela, rien de mieux qu'un peu de nicotine.
◊ Et merde, putain...
Comme elle le sentait, il ne lui restait même plus un filtre pour la moindre cigarette. Elle soupira alors, regardant le seul lampadaire allumé dans la rue, comm un pacha la regardant de haut. Que pouvait-elle faire ? Il n'était même pas 20h mais elle n'avait pas envie de rentrer. Elle n'avait pas envie de tomber dans le cercle vicieux du plateau télévision. Et puis après tout ? C'était le mieux à faire non ? C'était tout ce qu'elle méritait, tout ce qu'elle savait faire. Elle prit alors son vélo et se mit en route en direction de la maison de Mady qui la partageait avec Lola, qui s'était installée un petit loft dans l'ancien garage. Mady, d'ailleurs, qu'allait-elle dire ? Rien de méchant ou de blessant, puisque Mady est la bonté même mais elle allait être déçue au fond. C'est certain. Sur le chemin et en pédalant tout au long de ses pensées, son regard vira vers l'enseigne un peu vieillotte d'un bar bien connu de ses souvenirs. Elle bifurqua alors d'un coup, manquant de se faire renversée puis rangea son vélo dans la petite cour. Elle attacha son vélo et dans un soupir, murmura quelques mots à son vélo.
◊ Je sais John Wayne, mais c'est juste pour un petit moment. Me regarde pas comme ça.
Elle tourna les talons et s'engouffra dans le pub dont la chaleur l'envahissa d'un seul coup. Elle aimait ses odeurs un peu flous de vieux pubs comme le Wenlock, qu'elle connaissait très bien. Elle y avait eu sa première vraie cuite, son premier plan-cul dans ses toilettes, sa première danse sur un comptoir où elle allait d'ailleurs s'installer. Elle fit un rapide sourire au barman, un petit jeune qui devait être nouveau puisqu'elle ne l'avait jamais vu. Mais aux vues de ses regards, lui en avaient déjà entendu parler. Sûrement le patron Joe.
♦ L'patron vous a gardé une de ses meilleures bouteilles d'la livraison ce matin ! C'est du Bordeaux 1995. Du très bon. J'vous sers un verre ? D'un sourire poli, elle acquiesça et lui fit signe très vivement de laisser la bouteille.Puis tout en buvant sa première gorgée, qu'elle savoura comme un elixir, elle envoya un message à Thomas.
Code:
Eh bichon sur pattes, ramène tes fesses au Wenlock, j'ai prix du 20 ans d'âge (presque plus vieux que tes étudiantes énamourées), le barman du soir m'a dit que c'est le remède pour les âmes en détresse. Alors si tu te ramène pas, tant pis, j'vais le boire toute seule.
Sans une seconde d'hésitation, elle envoya le message. Puis elle éteignit son téléphone et le mit dans son tote-bag. Qu'il réponde ou pas, de toute façon, elle allait rester là un petit moment. Ce vin était vraiment très bon.
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(✰) message posté Mer 21 Jan 2015 - 23:33 par Invité
La télévision me grillait la rétine. J’avais mal à la tête. Mal aux yeux. Et pourtant, impossible de me détourner de l’écran. Je n’en discernais plus vraiment les couleurs, ni le son, juste quelques formes, quelques visages dont les bouches béantes s’agitaient les unes après les autres. Un vague brouhaha embrumait mon esprit. J’étais allongé – non, écrasé par un poids invisible – sur mon matelas, et je prenais la poussière. Devant moi, les copies des masters, étalées sur le parquet. Sur mon bureau, la vodka, inatteignable. J’ignorai l’heure qu’il était : je savais que je voulais dormir, mais que je n’allais pas y arriver. C’était typique. Alors je commençais à bosser, mais l’idiotie de certaines phrases me rendait nerveux et je finissais par écrire des remarques franchement désobligeantes dans la marge, parce que bordel, j’en avais un peu marre. Et la télé me mélangeait tout dans le crâne, j’en avais la nausée. Une clope alors ? Impossible d’attraper mon paquet – et encore moins de trouver les allumettes. Il fallait que je range ce taudis qui me servait d’appart, un de ces jours. Des publicités s’affichèrent à l’écran et je poussai un soupir agacé, cherchant la télécommande des yeux. Elle aussi, elle était loin. Misère, je faisais partie du désordre. J’étais devenu un objet parmi d’autres, et j’étais incapable de retrouver la moindre faculté physique ou mentale, histoire de me tirer d’affaire. Je gisais dans la pénombre et la lumière blanche et désagréable de la télévision me tuait à petit feu. Être insomniaque, c’était ça. C’était mourir, mais en gardant un corps conscient de toutes les horribles souffrances qu’on lui infligeait. Et pourtant, je préférais ça plutôt qu’aller voir le médecin. Parce que je savais d’avance ce qu’il allait me dire : vos poumons vont lâcher, votre foie va lâcher, vous ne vous nourrissez pas assez, votre poids est en-dessous de la moyenne, n’abusez pas des somnifères et recherchez un sommeil naturel et réparateur, vous travaillez peut-être trop. Bientôt j’allais ajouter le sida à cette liste, ça finirait par me tomber dessus. Être insomniaque n’est pas être dépressif, monsieur, mais faites attention. Tout ça, je le savais déjà. Je n’avais pas besoin de dépenser mon argent pour aller voir un type dont je n’allais pas prendre en note les conseils. Je me connaissais bien, mine de rien.
Mon portable vibra derrière moi. Je poussai un râle grave en me retournant pour le saisir. Je tendis le bras et l’attrapai du bout des doigts : un objet que je pouvais atteindre, c’était le début de la ré-humanisation, ma parole. Un nouveau message, que j’attendais comme le messie. C’était … suspens insoutenable de la soirée … Lola. Ah, tiens donc. Une blonde maigrichonne et adorable qui m’appelait « bichon sur pattes » et qui m’invitait à boire du vin dans un bar. Je posai le portable sur mon torse, sans lui répondre, et regardai le plafond : avais-je vraiment quelque chose de mieux à faire que d’aller la rejoindre ? A part ranger mon appart, éteindre la télé, me faire à manger dignement, jeter mes clopes par la fenêtre, boire de l’eau et me coucher tôt ? J’étais franchement lamentable, non ? Je me suis redressé, la paume glacée de ma main gauche sur le front histoire de me rafraîchir, et j’ai réussi à me relever. Je titubai sur le tapis avant de retrouver l’équilibre en m’appuyant sur le bord du bureau. Puis je me dirigeai vers la salle de bain : je n’étais pas rasé, j’avais l’air de sortir de l’enterrement de mes deux parents, et la lumière blafarde de la pièce me jaunissait la peau. Je me passai de l’eau sur le visage, comme pour y remédier rapidement, en vain. L’air frais du dehors ferait l’affaire, me suis-je dit. Rêve toujours, t’as juste une sale gueule, c’est mérité. J’avais la chance d’avoir une « bonne santé relative », je finissais par mettre mon allure sur le dos de mon charme naturel de type complètement désintéressé et empreint de lassitude extrême. Je n’avais pas des étudiantes énamourées par hasard, après tout.
Je descendis les escaliers de mon immeuble, une cigarette encore éteinte entre les lèvres. J’ouvris la porte sur la rue et le froid m’agressa presque, mais je l’accueillis amicalement, malgré tout. Il me réveilla et malaxa mes muscles endoloris. J’allumai ma cigarette et marchai tranquillement en direction du bar où Lola m’avait donné rendez-vous. Je traînai des pieds. Je n’étais pas de mauvais poil. J’espérai simplement que Lola réussirait à me tirer de mon humeur un peu terne. Elle faisait partie de ces gens-là, qui arrivaient à me faire sourire alors que tout ce que je désirais, c’était de poser délicatement une arme sur ma tempe et jouer à la roulette russe. Non pas que je voulais mourir, je laissais ça aux mélancoliques et aux égocentriques un peu prétentieux. C’était par pur divertissement – rechercher les sensations fortes. Et quoi de mieux que de s’amuser avec la mort elle-même en lui montrant qu’elle ne nous aurait pas ? Mes yeux se posèrent sur un vélo que je reconnus : c’était celui de Lola. Le bar n’était plus très loin, si bien que je ralentis pour terminer lentement ma cigarette. Elle ne savait pas si je venais ou pas, de toute façon. Elle ne m’attendait pas. J’agissais comme ça avec tout le monde : je ne répondais pas aux messages et j’apparaissais au coin de la rue alors que l’on ne m’attendait même plus. Pour me voir, il fallait être à mon cours, laisser jouer le hasard, forcer la porte de mon appartement ou bien me plaire assez pour que je vous laisse y entrer. Ou que je sorte pour venir vous rejoindre au bar, c’était une option également. Le remède pour les âmes en détresse. Lola ne devait pas être au meilleur de sa forme. J’avais un étrange pressentiment.
Je jetai un coup d’œil à travers la vitre du bar : elle était là, accoudée au comptoir, avec sa bouteille. Deux clients masculins, assis non loin autour d’une table, l’observaient avec attention et plaisir. Ils hésitaient peut-être à aller l’aborder. Je jetai mon mégot en ouvrant la porte et entrai à l’intérieur en soufflant les restes de ma fumée. Je me dirigeai vers Lola d’une démarche nonchalante, non sans regarder les deux hommes et leur adresser un sourire faussement courtois, mais surtout très amusé. Je m’installai aux côtés de la jeune femme et me tournai vers elle, tandis que le barman posa un verre à vin devant moi. « T’es en mode âme en détresse ce soir ? » Mon ton était assez jovial, mais très sarcastique. « Pourquoi donc ? T’as crevé la roue de ton vélo ? Il est dehors dans le froid, j’ai vu, il est triste, il se sent seul. » Je me servis un verre. Bizarre, cet engouement pour le vin, chez les jeunes. Ce n’était pas franchement un alcool facile à boire. Beaucoup trop de saveurs pour des palais aussi novices. « ‘fin bon, je suis là maintenant, la soirée ne peut que s’améliorer. » soufflai-je d’un ton en apparence neutre, mais qui se voulait malicieux. Le messie en personne et son manteau qui sentait le tabac venu au secours des âmes en détresse. Amen.
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(✰) message posté Ven 23 Jan 2015 - 1:43 par Invité
Réunion de blasés
anonymes
Avec Thomas R. Knickerbadger
Un verre de vin, c’est toujours un délice, mais seule, c’est toujours un peu de mauvais goût. Lola se sentait l’héroïne d’une série B, un peu désespérée qui vient non pas picoler, mais boire un verre de vin. Ridicule un peu non ? Elle fut tirée de ses pensée par un sifflement, elle se retourna alors et vit non loin d’elle, à une table plus loin, deux hommes qui tentaient de se faire remarquer disons-le maladroitement auprès de Miss Sellington. Après tout, si Thomas n’arrivait pas avant la fin de bouteille, elle pourrait aller avec ces messieurs, rire un peu à leurs blagues, faire la cruche et surtout se faire payer des verres… Puis rentrer au dernier moment toute seule. Ces mecs là étaient bien trop patauds pour la forcer à quoi que ce soit. Et puis, elle connaissait toute l’équipe de ce bar, il n’y avait rien à craindre. Elle était en territoire connue et reconnue. Elle esquissa un sourire davantage polie que sympathique puis vu la porte du bar s’ouvrir sur la silhouette longiligne de Thomas. Oubliés les deux Gus, elle n’était plus toute seule. La série B était loin désormais.
Thomas ce grand et ténébreux professeur de littérature qui faisait tomber toutes les petites culottes des étudiantes qui passaient près de lui, intelligent et charismatique à souhait… Il aurait pu faire un très bon comédien d’ailleurs. Il avait aussi des idées profondément de gauche, il avait des valeurs chères à Lola, et puis il était drôle, à l’écoute et d’une culture incroyable. Il était tout ce qu’elle aimait. Et en même temps, Thomas était aussi aussi tout ce qu’elle détestait, ce vieux gaucho désillusionné, dans un petit boulot de fonctionnaire bien trop pépère loin des vraies valeurs. Si elle ne se contrôlait pas, Lola aurait pu le secouer violemment jusqu’à ce qu’il se décide à se bouger et à changer de vie. Mais c’est ainsi qu’elle l’aimait, qu’elle l’acceptait, tout entier. C’est ainsi qu’était sa vision de l’amitié, prendre la personne avec ce qu’on aime d’elle et aussi les travers qui déplaisent. Quoi qu’il en soit, ce soir là, Lola fut véritablement soulagée de le voir même si elle savait le cacher. Elle était soulagée de savoir qu’elle allait passer la soirée avec un ami, et surtout soulagée que ce soit lui et pas un autre. Car au bout du compte, elle n’avait envoyé un message qu’à Thomas et à personne d’autre. En le voyant arrivant, elle esquissa un sourire assez narquois en remarquant le teint livide de son compagnon du soir.
◊ Tiens, salut Casper !
Le ton ironique qu’elle employait pour parler à Thomas n’était pas nouveau bien au contraire. Tous deux avaient pour habitude de se taquiner, d’utiliser l’ironie et l’humour parfois à la limite de l’acceptable. Mais aussi longtemps qu’ils se connaissaient, et malgré leurs nombreuses engueulades (bien souvent politiques), jamais l’un ou l’autre s’en voulait pour une parole déplacée. C’est aussi pour ça qu’elle l’appréciait, pour ses discussions avec bien plus d’esprit et de délicatesse qu’avec bon nombre de ses connaissances.
Une fois le beau brun installé, elle le prit très affectueusement dans les bras et lui fit une bise sur la joue. Ce qui n’était pas pour surprendre Thomas qui connaissait bien la jolie blonde. Lola était ainsi, tactile et bienveillante envers les gens. Ce qu’elle aimait, ce dont elle avait besoin par dessus tout, c’était le contact humain ; se prendre dans les bras, se toucher, s’embrasser, s’enlacer. C’était une chose fondamentale dans son existence. Une fois les étreintes achevées, elle ne fit qu’un sourire en réponse à sa reprise sur le terme qu’elle avait employé dans le message. Ame en détresse ? Elle l’était certainement quelques minutes auparavant, mais maintenant qu’il était là, il faisait un peu moins sombre. Le sourire d’un ami a le pouvoir d’allumer les âmes les plus éteintes. Si elle ne répondit pas aux premiers mots de Thomas, sa réflexion tout à fait ironique sur son vélo la fit tiquer.
◊ Oui, il se sent seul. En fait vous avez beaucoup de point commun John Wayne et toi. Vous êtes deux mous du genoux, qui peinent à avance mais dont on a du mal à se séparer !
Elle sourit d’un air on ne peut plus malicieux. Thomas avait sûrement eu ce qu’il voulait ; la faculté de répondant de Lola s’était réveillé. Et il n’allait pas se rendormir bien au contraire. ♦ ‘fin bon, je suis là maintenant, la soirée ne peut que s’améliorer. A l’entente de ces paroles, Lola leva naturellement les yeux en l’air et très vite soupira pour finir par répliquer de façon plutôt cinglante
◊ Je ne savais pas que Superman avait des allures de junkie fatigué et désabusé… Et qu’il puait autant la clope !
Elle marqua une pause et s’avança de façon un peu plus indécente vers lui pour n’être qu’à plus de quelques centimètres de son visage.
◊ Tu sais mon chat, tu n’aurais pas été là, j’me serai quand même amusé hein. J’avais prévu un ménage à trois avec Pipo et Mario du fond du bar, mais maintenant que t’es là.. Les plans changent !
Elle resta un quart de seconde ainsi, son regard de biche plongé dans celui de Thomas. Enfin, elle se recula et émit un grand éclat de rire dont elle seule avait le secret, en réaction à ce qu’elle avait dit, et aussi inconsciemment pour chasser le trouble provoqué par ce rapprochement peut-être un peu trop intense. Elle servit la fin de la bouteille à lui comme à elle et leva enfin son verre.
◊ Bon… Je sais pas toi mais l’idée de trinquer sur un si bon vin me plaît !
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(✰) message posté Sam 24 Jan 2015 - 13:34 par Invité
« Tiens, salut Casper ! » Hhm, peut-être que l’air frais de l’extérieur ne m’avait pas redonné ma joie de vivre, manifestement. Mais, de toute façon, même si j’étais arrivé avec un large sourire, de la bonne humeur et le teint étincelant de santé, Lola aurait trouvé le moyen de me critiquer. Elle aimait faire ça, et je lui rendais particulièrement bien. Je lui accordai un regard amusé sans répondre à sa remarque – la soirée venait de naître, j’aurai bien d’autres occasions, et ce n’était pas comme si elle avait tort. J’avais la peau livide d’un ectoplasme et des cernes sous mes yeux de jais. Pas très accueillant, le type, et pourtant je savais pertinemment que ça avait son charme. Aujourd’hui on vouait un culte aux gens désabusés, squelettiques et acariâtres – et vous osiez me dire qu’on avait peur de la mort ? Elle était au centre de tout ce qui nous ébranlait. Je m’installai donc à ses côtés et elle ne manqua pas de me prendre dans ses bras avec un certain enthousiasme. Je m’y étais attendu, c’était sa façon de saluer les personnes qu’elle appréciait – misère, elle m’appréciait donc tant ? Ses lèvres se posèrent doucement sur ma joue et je souris. J’étais presque heureux d’être sorti de chez moi. Je n’allais pas me faire bouffer par les images voraces de ma télévision. « Oui, il se sent seul. En fait vous avez beaucoup de points communs John Wayne et toi. Vous êtes deux mous du genou, qui peinent à avancer mais dont on a du mal à se séparer ! » Je ricanai en buvant un peu de vin. C’était tellement typique et attendu, de dire que j’étais mou. Je défiaisé le premier venu à vivre ma vie dans un corps comme le mien, et il se rendrait vite compte que ma mollesse était en fait un calme constant que je me forçai à avoir : ne pas s’énerver, ne pas s’exciter, pour ne pas blesser. J’étais un être cinglant et réprobateur, cynique et terriblement désagréable. Mon identité première était celle-là. Mais on ne vivait pas en société lorsque l’on était misanthrope. Alors j’avais opté il y a si longtemps pour le détachement : ignorer la bassesse du monde, ne plus l’affronter car elle était omniprésente. Lola me le reprochait d’ailleurs beaucoup. Elle me considérait comme un vieux révolutionnaire qui avait décidé de vendre son âme au politiquement correct – parce que pour être anarchiste, il ne fallait pas être paresseux. Et en un sens, elle avait raison, c’était ce que j’étais. Et donc, j’étais mou. Logique. L’anarchie, elle était profondément ancrée dans mon esprit, mais je ne la gardais que pour moi. Quel égoïsme. Un égoïste mou, eh oui, j’étais franchement le misanthrope de service. « Après si ton vélo peine à avancer, tu ne peux t’en vouloir qu’à toi-même, non ? » ironisai-je. Lola n’était pas une fille éteinte. Elle était d’ailleurs l’inverse, elle était blonde, pétillante, rêveuse et déterminée. J’avais l’impression qu’elle pouvait accomplir de grandes choses, et c’est ce qui me faisait sourire le plus lorsque je la voyais. Car nous nous ressemblions sur certains points, mais elle était bien plus optimiste que moi, c’était indéniable. Nous nous équilibrions mutuellement.
« Je ne savais pas que Superman avait des allures de junkie fatigué et désabusé … Et qu’il puait autant la clope ! » railla-t-elle suite à mon commentaire prétentieux. La suite de la définition de mon être si complexe. Des allures de junkie fatigué et désabusé. Dieu merci, je n’étais pas un junkie – dixit mon addiction au tabac et à l’alcool, mon appartement d’héroïnomane tout droit sorti de Trainspotting et mon flagrant besoin d’évasion ruiné par ma constante désillusion. Oh, je n’étais pas un très bon super-héros. Je ne partageai pas les valeurs de l’Amérique glorifiée et surpuissante. Au mieux, j’avais les traits britanniques et damnés d’un John Constantine, mais ce n’était pas franchement un compliment que je m’accordai – bien que j’adore ce type. « Il y a beaucoup de choses que tu ne sais pas, va falloir t’y faire. » rétorquai-je, amusé. Mais après tout, c’était vrai que je puais la clope. Je devais avoir plus de tabac dans les poumons que de sang dans les veines.
Elle s’approcha de mon visage avec une familiarité presque effrontée et me souffla : « Tu sais mon chat, tu n’aurais pas été là, j’me serai quand même amusée hein. J’avais prévu un ménage à trois avec Pipo et Mario du fond du bar, mais maintenant que t’es là … Les plans changent ! » Ses mots m’arrachèrent un sourire narquois. Je jetai un coup d’œil aux deux hommes : ils avaient toujours le regard rivé sur Lola et semblaient mépriser ma présence et ma personne avec un air masculin et vexé. J’étirai mes lèvres en un sourire félin qui leur était accordé et ils détournèrent les yeux, peut-être surpris par ma désinvolture. Lola éclata de rire suite à sa remarque et son visage s’écarta du mien. Je haussai les sourcils, amusé. « Tu crois que je vais être jaloux de ces deux gros lourdauds ? C’est mal me connaître. » répliquai-je alors. Mon chat, m’avait-elle appelé. Elle avait vraiment des surnoms irrésistibles. Etonnamment, cela ne me dérangeait pas plus que ça. Elle faisait partie des rares personnes qui pouvaient se permettre ce genre de proximité. Et vu que j’étais un véritable chat, tant sur le plan physique que psychique, il était même tout à fait adéquat, ce surnom. Il me faisait presque plaisir – et oui, n’oubliez pas que je suis trop détaché pour ressentir le bonheur. Ma vie n’était qu’une succession de presque. Presque communiste, presque heureux, presque endormi, presque agréable, presque héroïque. L’imperfection encore inégalée, c’était moi.
« Bon … Je sais pas toi mais l’idée de trinquer sur un si bon vin me plait ! » dit-elle après avoir vidé la bouteille dans nos verres respectifs. Je lui adressai un sourire sarcastique en levant mon verre. « Ouais, tu veux trinquer à quoi ? Tes deux amis du fond du bar qui vont passer leur soirée tout seuls à te reluquer ? Tant de désespoir, moi, ça m’attendrit. » J’étais réellement navré pour les deux compères. Ils représentaient bien la frustration masculine à son comble. Tout ce qu’il y avait de plus décadent, excepté moi-même.
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(✰) message posté Dim 1 Fév 2015 - 22:41 par Invité
Trinquer à quoi ? A l'échec !
Avec Thomas R. Knickerbadger
Thomas était arrivé depuis à peine quelques minutes et déjà les vannes fusaient à deux mille à l'heure, comme s'ils ne s'étaient pas quitté. Elle avait attaqué sur son aspect fantomatique, et lui sur son vélo. Comme d'habitude quoi ! Elle échangea un regard malicieux et complice avec le beau brun, l'un comme l'autre se connaissaient presque par cœur, Lola savait qu'elle pouvait à peu près faire toutes les remarques possibles et inimaginables sans que cela soit mal prit, et inversement bien entendu. Lola et Thomas aimaient à se pousser jusque dans leur retranchement, c'était un jeu entre eux qui allaient parfois à l'extrême, bien plus loin qu'une simple taquinerie. Pour certaines personnes, cela pouvait être de la méchanceté, pour d'autre de l'humour très noir. Pour les deux jeunes gens ? Ni l'un ni l'autre, plutôt une manière de concevoir leur relation, leur amitié. ♦ Après si ton vélo peine à avancer, tu ne peux t’en vouloir qu’à toi-même, non ? Encore une fois, Thomas continuait d'attaquer la « pauvre » Lola sur son vélo peut-être un des seuls objets matériels pour qui la jeune femme éprouvait de l'attachement. Mais sa réponse cinglante ne se fit pas attendre.
◊ Tss... Laisse moi tranquille. Et arrête donc d'attaquer mon p'tit John, il ne t'as rien fait. Lui.
Elle leva un sourcil tout en insistant sur le dernier mot de sa phrase. Le jeu continuait donc et n'aurait jamais de fin, l'un comme l'autre le savait. Et pendant qu'elle goutait aux plaisirs gustatifs que donnait ce vin, Thomas tentait un énième pique. Comme pour provoquer un peu plus Lola. Elle ria de bon cœur sur son potentiel mystère avant de répliquer.
◊ Oh crois-moi joli cœur, je sais beaucoup plus de choses que tu ne le penses.
Elle avait beau grossir les traits de Thomas, elle le connaissait très bien et l'avait cerné dès leur première rencontre. Et malgré ce qu'il était et ce qu'il pouvait représentait des idéaux qu'elle défendait, elle avait une haute estime de lui. Sa provocation n'en était que plus vrai par conséquent. Même s'il pouvait y avoir «également une part de bluff. Oui. Car qui peut dire qu'il connait réellement sur le bout des ongles la personne avec qui il dialogue ? Qui ? Personne, évidemment. Mais de par sa nature empathique, et de par également les quelques informations glanées par ses copines étudiantes en lettres, elle pouvait globalement prévoir les réactions de son ami. D'ailleurs, Thomas était reparti sur les deux hommes qui la regardaient. Prévisible... Il se pavanait à moitié, presque fier de ne pas faire parti d'eux, et d'être plutôt du bon côté, c'est à dire en face de Lola à partager un verre avec elle. Oh il n'était pas jaloux, du moins pas comme on pouvait le pensait. Mais Lola soupçonnait un sentiment de jalousie pointer quand la jeune femme montrait peut-être un peu trop d’intérêt à ces deux hommes. Sûrement son côté égo-centré sur lui-même. Elle choisit donc de ne rien répondre, sa présence à ses côtés et non avec Pipo et Mario était une réponse suffisante selon elle. ♦ Ouais, tu veux trinquer à quoi ? Tes deux amis du fond du bar qui vont passer leur soirée tout seuls à te reluquer ? Tant de désespoir, moi, ça m’attendrit. Ah oui, c'est vrai, il fallait trinquer. C'était même elle qui l'avait proposer. Mais à quoi trinquer ? Qu'est)ce qu'il y avait à fêter ? D'habitude on célèbre une réussite, mais là il n'y en avait pas le moins du monde pour elle. Alors peut-être qu'il y en avait pour son ami ? En tout cas, la question seule de Thomas suffit à Lola pour lui faire repenser à son échec cuisant d'aujourd'hui. Elle essaya tant bien que mal de cacher son mal-être. Après tout, elle est comédienne non ? C'était ça son boulot ? Montrer d'autres émotions, porter un masque, même devant ses amis. Car même si elle l'avait invité à boire un verre, ce n'était qu'une moitié d'aveu . Elle préférait montrer un sourire plutôt qu'autre chose, c'était Lola, et c'était toujours comme ça. Maladroitement, elle porta alors son attention sur l'évocation répétée des deux comparses du fond du bar.
◊ Oh arrête avec eux, te moque pas. Ils ont le droit à un peu d'espoir hein. Tout le monde en a le droit.
Lola avait dit ça sur un ton assez agressif. Oups... Visiblement elle n'avait pas réussi à retenir ses mots et sa colère. Qui n'était évidemment pas, à la base, portée sur Thomas. Elle resta un moment silencieuse, le regard perdu. Puis elle soupira un long instant, finit son verre en quelques gorgées et murmura doucement de façon assez gênée.
◊ Pardon. Je... Pardon. J'ai juste passé une sale journée et. Oh et puis merde pardon, c'est tout. Je reviens. J'vais fumer une clope.
Se confier n'était pas son fort, encore moins envers Thomas. Rien qu'avouer avoir passer une mauvaise journée c'était déjà bien trop pour elle. La fuite était encore une meilleure solution. Oui, de toute façon elle avait besoin de cette clope, c'était soit la nicotine soit des mots assassins et injustes comme solutions pour la calmer. Elle avait choisi celle qui blesse moins. Elle fit un petit sourire à Thomas comme pour lui dire de ne pas bouger et laissa ses affaires pour aller dans l'espace fumeur.
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(✰) message posté Dim 8 Fév 2015 - 22:51 par Invité
« Tss … Laisse-moi tranquille. Et arrête donc d’attaquer mon p’tit John, il ne t’a rien fait. Lui. » Elle me lança un regard qui m’amusa et je laissai échapper un rire presque silencieux. Tiens donc, parce que Lola me faisait quelque chose maintenant ? Je ne lui répondis pas, mais cela faisait partie du dialogue. Le jeu, vous savez, le jeu. C’était un jeu bien particulier d’ailleurs, car il nous était propre et que nous étions les seuls à aimer y jouer. L’humour noir, oh, notre Muse. J’avais l’impression de pouvoir tout lui dire et qu’elle réussissait à en faire quelque chose d’amusant. Et c’était ça que j’aimais chez elle. Elle savait que j’étais désabusé au point de me mépriser moi-même avec violence, donc elle n’avait pas le besoin de contrôler sa répartie. C’était comme chatouiller un type qui n’y est pas sensible : ça l’amuse plus qu’autre chose et il vous le rend bien. Elle rit à son tour à ma remarque : « Oh crois-moi joli cœur, je sais beaucoup plus de choses que tu ne le penses. » Je haussai les sourcils, mimant la perplexité. Ah, tiens donc. Voilà qu’elle avait une remarque bien prétentieuse et taquine. Lola faisait partie de ces personnes qui pouvaient affirmer me connaître. Qui, en respirant un vêtement, pouvaient y reconnaître mon odeur singulière. Qui connaissaient ma marque de cigarettes et qui savaient que je ne les allumais jamais avec un briquet. Qui étaient au courant pour mes insomnies, mon alcoolisme et mon caractère désinvolte. Et qui m’appréciaient pour ça – parce qu’au-delà du prof, il y avait ce personnage, et qu’à défaut de m’aimer moi-même, certains décidaient de prendre la relève. Oh, ils faisaient ce qu’ils voulaient. Je ne refusais pas un peu d’affection, je ne la comprenais simplement pas. « J’attends de voir ça. » Elle me connaissait ‘par cœur’ ? Non, c’était impossible. Pas parce qu’un mystère épais coulait dans mes veines – c’était même extrêmement facile de décrypter les grandes lignes de mon caractère – mais parce que c’était généralement impossible. On avait tous des parts cachées de notre personnalité qui s’éveillaient à un moment clé de notre existence. Parfois, c’était un trait positif. Pour ma part, je savais que tout ce que je dissimulais en moi, c’était toute ma noirceur la plus immonde. Je ne voulais pas l’infliger aux autres, malgré mon cynisme. Mais c’était pareil de son côté : elle ne levait pas le voile sur toute sa personne. Bien heureusement d’ailleurs. Les gens qui faisaient ça étaient des gens plats et tristes. Le secret animait l’Homme.
Son regard s’assombrit légèrement à ma remarque. Je fronçai les sourcils, sceptique. « Oh arrête avec eux, te moque pas. Ils ont le droit à un peu d’espoir hein. Tout le monde en a le droit. » Je tiquai, surpris. Cela ne lui ressemblait pas – comme quoi, mes pensées précédentes s’accompagnaient à présent d’un splendide exemple. Sa voix agressive vibrait de déception. Je la décevais ? C’était en tout cas assez rare qu’elle réagisse ainsi. Son tempérament faisait que non, mon sarcasme ne la blessait pas. Mais pourtant, à cet instant, je l’avais agacée. Je la toisai d’un air interloqué. Lola, quelque chose cloche, non ? Ça se sentait. Cette soudaine nécessité de me faire une morale mielleuse ne présageait rien de bon. Oui, tout le monde a le droit à un peu d’espoir, toi, moi, les deux fameux types, le nouveau barman et n’importe quel être sur cette planète. Il n’empêche : j’ai aussi le droit de me moquer d’eux. Peut-être en effet parce que je voulais montrer à quel point j’étais mieux qu’eux. C’était tellement moi, ça, tout ce mépris dans mes mots et le simple timbre de ma voix, peut-être je suis satisfait du fait que je suis avec toi et que eux non. Analyse facile. Mais j’étais de bien trop mauvaise humeur pour pouvoir aller plus loin, alors je ponctuai : peut-être, et peut-être pas. Je ne lui répondis pas. La dureté de son regard disparut et elle soupira, longuement, comme pour évacuer quelque chose. Je la laissai dans ses pensées. Sa torpeur dura quelques secondes, durant laquelle ses traits s’étaient figés, comme empreint d’une tristesse passagère. Tristesse qui gagna sa voix lorsqu’elle me chuchota des excuses : « Pardon. Je … Pardon. J’ai juste passé une sale journée et … Oh et puis merde pardon, c’est tout. Je reviens. J’vais fumer une clope. » Elle m’adressa un mince sourire et s’éclipsa sans que je puisse répondre. Encore une fois, ça ne lui ressemblait pas. Non pas qu’elle ne s’excusait pas, j’imaginais que Lola était la jeune fille adorable, polie et excitante que l’on aime avoir comme amie, mais elle ne me présentait pas ses excuses. Pas à moi, son bon vieux gaucho résigné et fatalement borné. Au fond, je n’aimais pas qu’on s’excuse auprès de moi. C’était quelque chose que je trouvais facile, une sorte d’échappatoire, de rédemption express, de rétrospective bâclée, et puis, bien entendu, j’en étais arrivé à un stade où je ne méritais plus qu’on m’accorde son pardon. De quoi Lola s’excusait-elle ? De m’avoir justement rappelé que je n’étais pas un type sympa ? D’avoir passé une mauvaise journée ? D’être triste et d’avoir besoin d’une cigarette ? Mes lèvres se pincèrent en un mince sourire. Ah, vraiment … Mais tout est pardonné très chère.
Je quittai mon siège, attrapant les affaires de Lola et empruntant le chemin qu’elle avait suivi une petite minute plus tôt pour me diriger vers l’espace fumeur. Elle avait sûrement envie d’être seule et de remuer son courroux et son mal-être derrière un écran de fumée. Mais une fois seul, je m’étais retrouvé en face du jeune barman qui m’avait jeté des regards gênés en coin et qui s’était mordu la lèvre, navré, comme pour me prendre en pitié. Ce qui m’avait légèrement agacé, vous me connaissez. Les deux types du fond du bar semblaient afficher des sourires narquois mais je leur décochai un regard noir et froid qui leur fit disparaître toute envie de moquerie. J’entrai dans l’espace fumeur une clope au bec et je vis la silhouette mince et les cheveux blonds de la jeune fille, isolée, de dos, probablement pensive. Elle était installée sur une banquette et je m’approchai, me plaçant en face d’elle, lui lançant un regard interrogateur. « Lola, ça va ? » Non, le rôle de meilleur ami confident n’était pas le mien et elle le savait très bien. Mais j’étais franc et donnai généralement des conseils honnêtes et efficaces. C’était à mon interlocuteur de savoir si il avait besoin d’être réconforté ou non. J’espérais quelque part avoir fait la bonne décision en la rejoignant. Même si elle m’avait fait comprendre que je n’avais pas à la suivre. Mais si je savais une chose, c’est que les gens ont tendance à suivre leurs envies et non leurs besoins – désolant, je vous l’accorde. Je craquai une allumette, grillai l'extrémité de ma cigarette puis en recrachai la fumée. « J’imagine que tu ne veux pas me raconter ta sale journée. Mais sache que tu peux, au moins. » J’essayai d’être sobre dans mes mots. Elle me faisait presque de la peine – je la voyais rarement aussi mal à l’aise. Elle semblait presque fébrile. Puis j’ajoutai, avec un sourire, cherchant son regard avec malice : « Mais t’façon je me sentais seul là-bas, ya moins d’ambiance sans toi. » Je ne pouvais pas ne pas lâcher un commentaire ironique histoire d’au moins lui redonner le sourire. Pas le sourire heureux, moi je voulais le sourire du sarcasme et de l’humour. Parce qu’elle cachait si bien tous ses secrets derrière ce fameux sourire enjoué.
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(✰) message posté Mer 11 Fév 2015 - 21:21 par Invité
Sourire de façade.
Avec Thomas R. Knickerbadger
Foutu briquet qui allume une flamme au bout de dix millions de tentatives. Enfin après avoir non sans mal allumé sa cigarette qu'elle avait crapoter comme si sa vie en dépendait, elle souffla un instant, en regardant le mur de cette pièce étrange destinée uniquement au tabac et à ses victimes. Elle faisait des ronds de fumée, pensive, le regard suivant la trajectoire de ces dessins éphémères. C'est fou comme un trait de fumée peut être plus élégant qu'un humain, sans pour autant faire le moindre effort. Dans le calme cotonneux de cette salle, Lola se calmait petit à petit, la culpabilité montait de plus en plus en elle face au comportement qu'elle venait d'avoir. Même si elle savait que Thomas était parmi ces personnes qui n'allaient pas lui en tenir rigueur, il en était pour Lola de sa réputation d'amuseuse de bonne humeur.
Lola était une femme qui était en contrôle permanent, c'est à dire qu'elle ne laissait presque jamais rien au hasard. Cela ne voulait pas pour autant dire qu'elle était froide et intouchable, bien au contrôle. Elle se laissait souvent aller, mais dans un positivisme presque forcé. Tout allait toujours bien, tout n'était que sourire et éclat de rire, et les petits problèmes comme les grands malaises étaient mis de côté, très loin, au fond d'elle-même. Lola était comme ça depuis petite, toujours vive et pleine d'énergie, les différents obstacles qu'elles a surmontés et qui l'ont blessés tels que son viol, le suicide de son père, la maladie de sa mère puis son orphelinat, les peines de coeurs et les déceptions en tout genre, la jeune femme avait appris à les enfouir tout au fond d'une petite boite dans ses pensées, et elle cachait le tout devant un masque. Elle n'était pas malheureuse, elle avait une vie sympathique, une mère adoptive, madeleine, qui était le pilier de sa vie, des amis aimants, des projets de carrière au théâtre et un métier actuel qu'elle aimait. Alors non, on ne pouvait pas dire qu'elle était malheureuse, mais le sourire éternellement posé sur le visage de Lola, cette allure d'apparence confiante cachait tant bien que mal les failles de la jeune femme. Et dans ces journées où rien ne semblait aller, où sa confiance en ses projets et ses rêves étaient mis à mal par des "professionnels" du théâtre, le masque de Lola pouvait se fissurer. Mais contrairement à certaines personnes qui laisser tomber le masque en s'effondrant, Lola ravalait tout ça quitte à cacher la fragilité sous de la violence qu'elle soit verbale ou physique. Dans le cas de ce soir, face à Thomas, cela avait été verbal et surtout cinglant. Pas forcément très méchant, mais assez glacial pour attirer l'attention de son ami, qui forcément était venu se pointer face à Lola dans la pièce non-fumeur, installant un "Lola, ça va ?" de circonstance. Lola leva les yeux vers lui, elle savait comme ces mots qui venaient de sortir de la bouche de son ami pouvait lui coûter, car elle le connaissait on ne peut mieux et savait pertinemment qu'il n'était pas de ces personnes qui s'apitoient, qui s'inquiètent et surtout qui montrent ouvertement de l'empathie. D'ailleurs, ce n'était pas ce qu'elle demandait. Ce n'était pas ce qu'elle lui demandait en particulier. Ce qu'elle voulait de Thomas ? C'était les mots d'esprit, les traits d'humour qu'ils pouvaient s'échanger, pas de pitié. Surtout pas de pitié. Cependant elle décida aujourd'hui de ne pas jouer a cache-cache avec ses ressentis.
◊ Oui. Enfin non. J'ai eu un casting aujourd'hui. Tu sais je t'en avais parlé la dernière fois au téléphone. Et j'u croyais, je le voulais ce rôle. Et... J'ai même pas eu le temps de finir une phrase, le mec m'a jeté. Et c'est con je sais, mais ça m'a fait mal, et j'me dis que peut-être ce n'est pas fait pour moi tout ça. Que je ne suis bonne qu'à faire le clown auprès des enfants et boire du whisky... Enfin bon, j'te demande pas de me plaindre hein. J'suis pas comme ça.
Elle leva les yeux, regardant les motifs du plafond floutés par l'épais nuage de fumée. Puis elle tourna son regard vers son ami, toujours planté droit comme un piquet devant elle, qui était assise, elle se sentir d'un coup extrêmement petite, presque lilipucienne. C'est fou comme des lumières peuvent souligner des traits de quelqu'un. C'est fou comme Thomas pouvait être beau sous le regard de Lola. La jeune femme se reprit un peu précipitamment en se levant. Essuyant du bout des doigts les quelques larmes qui perlaient au coin de ses yeux puis un sourire lui vint naturellement, comme si elle reprenait peu à peu les rennes de ses émotions.
◊ Bon. En parlant de whisky, j'ai soif. Je paie ma tournée. On est là pour s'amuser hein ? Pour rire. Et puis tiens, regarde, Pipo et Mario ont l'air de se sentir bien seuls... Ils me font de la peine.
Elle fit une petite moue boudeuse avant de partir dans un grand éclat de rire, et essaya de reprendre son détachement et son recul cynique qui lui étaient habituels. Elle n'allait tout de même pas se laisser abattre ainsi ? S'effondre comme ça devant Thomas ? C'était un de ses plus proches amis, certes, mais pas au point de s'effondre devant lui. C'était un principe. Quand ils étaient mals l'un ou l'autre, ils le voyaient, le sentaient, mais les mots leur semblaient trop surfaits. Il ne faisait pas semblant de ne rien voir ou d'ignorer, non, juste ils parlaient d'autre chose, se lançaient des piques et ça reprenait; comme avant. Et ça n'allaient pas plus mal au contraire.
◊ Oh mais arrête de me regarder comme un chaton, on est pas à un enterrement !
Elle ria, comme pour s'armer à nouveau et se donner du courage. Il n'avait dit que trois mots, et pourtant, il lui avait fait autant d'effet que de longues heures de réconfort. C'était très particulier, mais tout comme l'était leur complicité. Juste avant de sortir du fumoir, elle se retourna vers lui et lui lança un regard empreint de gratitude envers et se rapprocha de lui doucement. Puis elle se hissa sur la pointe des pieds et lui posa un baiser sur la joue, qui n'avait jamais été aussi doux qu'aujourd'hui.
◊ Merci.
C'était dit dans un souffle, comme un secret. Puis en un rien de temps, elle se tourna très rapidement et engouffra la salle principale du pub puis d'une voix claire, elle clame haut et fort.
◊ Aller les gars, c'est ma tournée ! Messieurs, rejoignez-nous ! Et toi , sors nous ton meilleur whisky !!
Les deux messieurs qui se languissaient depuis le début de la soirée ne se firent pas prier et vinrent des les premiers mots de Lola au comptoir. Le barman placa les quatre verres devant Lola.
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(✰) message posté Mar 17 Fév 2015 - 19:00 par Invité
« Oui. Enfin non. J’ai eu un casting aujourd’hui. Tu sais je t’en avais parlé la dernière fois au téléphone. Et j’y croyais, je le voulais ce rôle. Et … J’ai même pas eu le temps de finir une phrase, le mec m’a jetée. Et c’est con je sais, mais ça m’a fait mal, et j’me dis que peut-être ce n’est pas fait pour moi tout ça. Que je ne suis bonne qu’à faire le clown auprès des enfants et boire du whisky … Enfin bon, j’te demande pas de me plaindre hein. J’suis pas comme ça. » Je la toisai alors qu’elle laissa sa tête basculer en arrière pour observer le plafond miteux du bar. Je soufflai la fumée de ma cigarette qui vint se mêler à la sienne et ne souris pas. Mon air resta grave et sérieux. Je savais qu’elle faisait un certain effort pour m’avouer de telles choses – tout comme j’en avais fait en tentant une approche amicale. Oh, mais n’étais-je pas un altruiste caché ? A vous de me le dire. « Je te plains pas. » Son regard quitta le plafond pour venir à nouveau se planter dans le mien. Ah, peut-être que le sourire apparut à cet instant. Un sourire doux, beaucoup moins narquois qu’avant, mais léger, presque invisible. A vrai dire, seuls mes yeux devaient sourire. « Si tu te braques pour si peu, en effet, ce n’est pas un métier pour toi. » Fidèle à moi-même, c’est ça ? Froid, franc, rabat-joie (quelle joie ? Ses joues étaient presque humides). Elle ne me faisait pas de peine. Je n’étais pas altruiste à ce point-là, et de toute évidence, elle ne voulait pas de ma compassion. J’étais très mauvais, au jeu de l’empathie. Nous nous étions bien trouvés, elle et moi. Mais je trouvais cela étrange, de la voir ainsi, comme si sa peau ne possédait plus cette brillance et cette jeunesse, comme si son corps mince et svelte n’était plus qu’un squelette maigre et frêle, comme si sa voix voulait rester coincée au fond de sa gorge pour l’étouffer. Elle était très belle. Une beauté triste, mais soulignée. « Mais à la réflexion, tu ferais un très mauvais clown, t’as pas d’humour, tu le sais bien. » Ah, les blagues, à nouveau. Je restais dans mon personnage. Dieu savait à quel point je trouvais Lola drôle. C’était l’une de ses meilleures qualités. Elle me faisait sourire d’un sourire sincère.
Elle ne tarda pas non plus à retrouver son personnage à elle, la brillance de sa peau, la minceur de son corps et la liberté de sa voix. Elle se leva, déterminée, et j’esquissai un léger mouvement de recul, presque surpris, afin de lui laisser de la place. « Bon. En parlant de whisky, j’ai soif. Je paie ma tournée. On est là pour s’amuser hein ? Pour rire. Et puis tiens, regarde, Pipo et Mario ont l’air de se sentir bien seuls … Ils me font de la peine. » A nouveau, son rire clair retentit dans la pièce, comme si elle renaissait des cendres de sa cigarette. Je lui adressai un sourire en coin : ah, le masque était de nouveau mis. Peut-être que se livrer lui avait fait froid dans le dos. Et je la comprenais, ce n’était pas mon truc non plus. Au bout du compte, nous étions deux individus bien pauvres, et nous gardions notre douleur au fond de nous. Pourquoi croyiez-vous que j’étais gentil à la surface et incroyablement méchant au fond de moi ? L’inverse fonctionnait mieux pourtant, n’est-ce pas ? Le fameux système de l’anti-héros que l’on ne peut s’empêcher d’adorer. Eh bien chez moi, ça marchait dans l’autre sens : on m’appréciait au départ, mais on finissait toujours par me détester un jour ou l’autre. « Dieu du ciel, Lola, tu tiens pas l’alcool, tu le sais bien. » Une pique, encore. De plus, j’étais à jeun, j’allais vite finir ivre si elle m’entraînait à nouveau vers le bar. Je posai sur elle un regard faussement navré. « Oh mais arrête de me regarder comme un chaton, on est pas à un enterrement ! » Rire. Le retour de la jolie blonde et de sa musicalité. Elle se dirigea vers la salle principale mais s’arrêta en chemin et se tourna vers moi. Je n’avais pas bougé, je l’observai s’en aller, une main posée sur la table, la cigarette dans l’autre – je n’allais pas quitter le fumoir sans la finir. Je la toisai, sceptique, interrogateur : quoi, tu n’es pas déjà dans les bras de tes deux nouveaux amis langoureux, Lola ? Me préfèrerais-tu donc à eux ? C’est bien surprenant. Elle s’approcha, et me déposa sur la joue un baiser sucré et inattendu. « Merci. » souffla-t-elle à mon oreille, et mon regard croisa le sien lorsqu’elle se recula, un noir tendre et empreint de malice bordant mes pupilles. Voilà qu’elle me remerciait. On venait vraiment de passer un cap, ma parole. Les confidences nocturnes de meilleurs amis un peu paumés, c’était pour bientôt. Mais en vérité, sa sincérité me toucha, quelque part, comme sa fragilité l’avait faite quelques minutes plus tôt. L’assumai-je réellement ? Cela aurait été trop simple de vous le dire.
Elle se précipita alors vers le bar et clama : « Aller les gars, c’est ma tournée ! Messieurs, rejoignez-nous ! Et toi, sors-nous ton meilleur whisky !! » Je la regardai de loin, filtre entre les lèvres, puis je laissai tomber le mégot par terre et l’écrasai du bout de ma semelle – l’irrespect à son paroxysme, pendez-moi. Je m’avançai alors à mon tour d’un pas nonchalant pour les rejoindre, elle et son masque de gaité, laissant apparaître sur mes lèvres un mince sourire. Les deux types s’étaient déjà précipités vers Lola et s’installèrent de part et d’autre de la jeune fille – une histoire assez équitable, ma foi – et accompagnèrent ses demandes d’affirmations satisfaites, histoire de souligner leur présence. Mais Lola allait les mener à la baguette, et je voulais voir ça : c’était vrai qu’elle était étonnante, cette fille, qu’on avait envie de faire comme elle et qu’elle nous redonnait le sourire – non pas goguenard, rangez vos rictus, mais réellement heureux. C’était ce qui faisait son charme. Le barman sortit donc quatre verres et la bouteille de son meilleur whisky (ou du moins je l’espérais), les remplit d’abord avec modération, puis un peu plus lorsque les trois compères protestèrent. Je m’installai à la droite de la fameuse brochette et saisis mon verre, le levant vers Lola alors qu’elle attrapait le sien. « Trinquons. » Tous acquiescèrent jovialement et nous trinquâmes d’un seul coup, nos quatre verres s’entrechoquant dans un même bruit cristallin. Puis nous les portâmes à nos lèvres et le whisky disparut aussi vite qu’il était arrivé. Je jetai un coup d’œil à mon voisin : il était beaucoup plus enjoué à présent qu’il côtoyait la jeune blonde. Ces deux-là étaient vraiment venus pour s’amuser et ils avaient de la frustration à revendre. C’était bien eux que je prenais en pitié ce soir, et pas Lola et ses échecs dramatiques. Je regardai furtivement l’horloge accrochée au mur. « Tu crois que c’est l’heure de danser sur le comptoir ? » m’enquis-je dans un sourire sarcastique. Le pire, c’était que, boutade ou pas, Lola était vraiment capable de le faire. Peut-être après quelques autres verres, mais elle avait l’air de vouloir oublier sa journée, et quoi de mieux que deux inconnus et un peu d’ivresse au fond d’un bar pour ça ? Vous me direz : et moi dans toute cette histoire ? Oh, mais moi, j’étais le type détaché, vous savez, moi j’observais. Et quelle serait ma réaction en la voyant se lever et inviter nos nouveaux amis à se déhancher un peu, je l’ignorais. Tout cela faisait partie du jeu. Du mystère. Mon mystère de vieux chat ivrogne et fatigué, ouais.