Une odeur de résine enduisait le livre sur lequel ma tête reposait. Couché sur la table, j’attrapai mon iPhone du bout des doigts et regardai l’heure : dix heures passées. J’entendais les stylos des étudiants les plus courageux murmurer sur du papier, leurs doigts pianoter sur les claviers de leurs ordinateurs, des pages se tourner, se tourner, se tourner encore, des raclements de gorge, de vagues chuchotis, jusqu’à la moindre respiration. Le soir, la bibliothèque avait cet aspect serein que n’importe quel foyer pourrait lui envier. Jetant un coup d’œil par-dessus mon coude, j’aperçus une jeune fille rousse à lunettes, plongée dans la lecture d’un roman de James Joyce, et je souris. Vous savez, une bibliothèque, c’est l’un des endroits les plus sensuels au monde. Tout se devine et se suggère entre ces étagères. Et je ne parle même pas du célèbre cliché du garçon populaire amoureux de la fille sérieuse et ses tentatives de l’aborder entre les rayons art et architecture, leur fougueux baiser sur le seuil de l’entrée secondaire et leurs ébats au fond de la réserve car ce serait se méprendre sur la véritable nature de cette fameuse sensualité. Non, la vraie source du mystère, c’est toutes ces petits choses que l’on fait – bien entendu – volontairement, sans pourtant se l’avouer, comme laisser dépasser le titre d’un livre de philo pour montrer, oui, montrer au voisin à quel point on s’intéresse aux choses, au monde, à la politique, à l’art, à la science, au sexe, à l’Homme, à l’être et au néant, oui, et lui permettre de lire par-dessus notre épaule, ce qui, pendant cinq secondes, ne lui fera penser à rien d’autre qu’à vous, oui, à vous, annoter ce fameux livre de remarques judicieuses, corner les pages, le plier dans tous les sens pour prouver qu’il nous appartient, qu’on ne le lit pas que pour le cours, qu’on est vraiment celui que le voisin pense que l’on est. Exposer un livre aux yeux de tous, c’était l’une des techniques de drague les plus subtiles que je connaissais et cela me faisait toujours sourire. Vous comprenez donc pourquoi dans une bibliothèque, les gens sont friands de messages subliminaux. C’était ainsi pour cette raison que je fixai cette jeune rouquine, qui finit par le remarquer, lever les yeux vers moi, rougir et détourner le regard. Je me suis redressé, j’ai fermé mon livre, pris mes affaires et je suis parti, et pas une fois le sourire ne quitta mes lèvres.
Dehors, il faisait froid. Un froid non pas mordant, mais qui s’infiltre dans les coins et les recoins de votre corps, vous faisant frissonner malgré la laine et les gants, intimement logé dans la moindre parcelle de peau que vous auriez imprudemment laissé sans protection. Une cigarette coincée au coin de ma bouche, je descendis les rues d’un pas nonchalant, les yeux à l’affut d’un traiteur pour manger quelque chose. Je trouvai mon bonheur chez un chinois où j’allais régulièrement lorsque je n’avais pas envie de rentrer chez moi pour me préparer à manger ni de me retrouver dans un bar. Au lieu de me diriger vers la station de métro, ma promenade fut d’une toute autre nature. Tournant le dos à Shoreditch, mes pas me menèrent jusqu’à Buckingham Palace, puis je bifurquai vers Constitution Hill pour arriver à Hyde Park Corner. J’ai regardé l’heure : une bonne demi-heure était passée depuis ma sortie du King’s. J’ai à nouveau fumé une cigarette, brûlant ainsi les dernières minutes qui me séparaient de 23h. Nuit noire, à l’extrême Est d’un Hyde Park silencieux, presque lugubre avec les branches des arbres qui s’élançaient vers le ciel comme des êtres possédés. Ce n’était pas la première fois que je voyais le Hyde Park ainsi. J’avais toujours désiré y rentrer la nuit, escalader les quelques grilles et pouvoir apprécier les pelouses vides, éclairées par une lune complice. La nature avait ce quelque chose de mystérieux qui redoublait d’impact lorsque le soleil se couchait, comme si celui-ci, prédateur diurne, forçait les secrets à se cacher, et qu’une fois parti, ils murmuraient de nouveau leurs énigmes dans un langage crypté. Quelle tentation. Avec tranquillité, je le longeai et m’arrêtai au banc sur lequel je m’asseyais d’habitude lorsque je traînais dans les environs. L’endroit n’était pas particulièrement fréquenté, mis à part les joggers qui préféraient courir la nuit, quelques taxis, et sûrement les habitués. C’est pourquoi mon regard ne tarda pas à se poser sur la silhouette qui s’approchait de moi. Femme. Blonde. Le genre qui se fait remarquer. Ne levez pas les yeux au ciel, elle était simplement belle. Et je la connaissais en plus, ce qui me surprit. Je n’avais pas l’habitude de voir des têtes familières pendant mes virées nocturnes. C’était ça le but, au fond : découvrir des gens.
« Hhm. Tiens donc. »
Voix grave, pincée, amusée, étonnée, curieuse, et peut-être un peu agacée, déjà. Manifestement aujourd’hui je me devais d’en redécouvrir d’autres.
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(✰) message posté Jeu 18 Déc 2014 - 22:06 par Invité
Rapidement elle sort du bar, essoufflée, épuisée par cette dernière danse. Elle manque de tomber plusieurs fois et vacille lorsque sa main se pose sur le mur glacé. Jamais elle n'aurait dû sortir ce soir, encore moins danser. Sa journée à l'hôpital avait pourtant suffit à la fatiguer. Les urgences étaient pleines, elle avait donc passé la journée à aller et venir d'un service à un autre pour aider le plus de monde possible. Et lorsque, enfin, elle avait été libérée de ses obligations, Remy avait alors pensé rentrer chez elle. Mais incapable de refuser l'invitation d'un collègue, elle l'avait suivi jusqu'à ce bar. Sa soirée s'était donc constituée essentiellement de danses, de verres d'alcool, et de blagues idiotes. En somme, tout ce qui lui est interdit, mais tout ce qu'elle aime. Éméchée, elle s'adosse contre le mur et fixe la rue déserte. Elle n'a pas souvenir avoir vu son collègue quitter le bar avant elle mais Remy s'en fout. L'air frais lui remet facilement les idées en place. Pourtant elle reste, là, contre le mur, pendant plusieurs minutes. Pour une fois, elle n'a aucune intention de débarquer chez ses amis pour les emmerder. Sûrement parce qu'elle n'a plus toute sa tête. Tête qu'elle pose contre le mur froid. C'est seulement lorsqu'elle voit un chat passer à côté d'elle que Remy se décide à bouger. Elle suit le félin sur une dizaine de mètre avant de bifurquer sur la droite pour prendre la rue opposée. Ses pas la conduisent dans la mauvaise direction, mais Remy continue de marcher vers Hyde Park. Inconsciemment, c'est cet endroit qu'elle veut rejoindre ce soir. Les yeux rivés parfois sur le ciel, parfois sur ses pieds, Remy manque de tomber cinq fois. Dont une fois dans une flaque d'eau. L'alcool dans le sang ne s'est pas encore dissipé, elle se laisse distraire trop facilement. Par une étoile dans le ciel, une feuille qui roule sur le sol et cet homme, assis tout seul dans la rue. A quelques mètres, il ne lui faut pas longtemps pour repérer la présence rassurante de Thomas. Assis sur son banc, toujours à la même place et à la même heure. « Son banc » parce que Remy n'a toujours vu que lui assis dessus. Il se fond pratiquement dans le décor depuis le temps. Et elle ne l'aurait sans doute pas remarqué si elle avait décidé de rejoindre directement le parc. Elle fait quelques pas, laisse un sourire se glisser sur ses lèvres et s'arrête face à Thomas. Il semble déjà presque agacé. « Hum, tiens donc. » qu'elle répète sur le même ton. Un autre pas en avant et elle se laisse tomber sur le banc, à côté de lui. Ça fait un moment qu'ils ne se sont pas croisés, mais à sa voix, Remy devine facilement qu'il ne l'a pas oublié. Comment aurait-il pu de toute façon ? « Tu m'attendais ? » Son égo aime se dire que, oui, il avait envie de la voir. Ils n'ont toujours échangé que de brèves conversations durant lesquelles Remy s'amusait surtout à le taquiner et le provoquer. Mais qu'importe. Elle fixe l'entrée du parc, les grilles fermées. Et Remy, comme à chaque fois, elle se demande pourquoi Thomas n'y rentre jamais la nuit. Hyde Park, la nuit, elle a envie de tester. « Je crois avoir trop dansé. » qu'elle dit avant de retirer ses chaussures et de les abandonner, là, à côté du banc. Complètement à côté de la plaque, la pauvre. « Et j'ai suivi un chat, il m'a épuisé, il allait trop vite. » Son regard se pose alors sur Thomas qui semble toujours trop sérieux, trop coincé. Comme si il se préparait déjà à la prochaine connerie que Remy allait lui faire subir. « Viens, on va dans le parc. » Elle se lève du banc et tire soudainement sur la main de Thomas pour qu'il la suive.
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(✰) message posté Ven 19 Déc 2014 - 18:31 par Invité
Remy répéta mes mots avec puérilité, mais cela ne me surprit pas. Elle s’approcha un peu plus et je pus sentir l’alcool qui bouillonnait dans son sang et qui dictait ses faits et gestes lorsqu’elle se laissa tomber sur le banc à mes côtés. Cela promettait d’amusantes péripéties, ce qui m’arracha un sourire navré. J’avais un tout autre souvenir d’elle, mais que voulez-vous, le contexte fait toute la différence. Je la regardai, croisant son regard agité. « Tu m’attendais ? » me dit-elle avec malice et orgueil. Bien sûr que je l’attendais. Quoi de plus subtil qu’une belle femme ivre pour venir combler ma nuit. A bien y réfléchir, Remy semblait savoir rendre ces fameuses nuits surprenantes, avec ses cheveux d’or et ses yeux bleus. Magnifique. J’avais l’impression d’avoir quelque chose de purement sauvage collé contre le bras et, d’une certaine manière, ça me plaisait bien. Entrant dans son jeu, je lui répondis, rieur : « Je n’attends toujours que toi dans des moments pareils. » Elle se tourna vers le parc pour constater, comme je l’avais fait quelques minutes plus tôt, qu’il était fermé. Déception ultime, n’est-ce pas ? « Je crois avoir trop dansé. » souffla-t-elle dans l’air nocturne. Elle cherchait à justifier quelque chose ? Moqueur, je lui répondis : « C’est vrai que tu as l’air épuisée. » A qui la faute, ma chère ? Et puis elle a retiré ses chaussures avec cette même grâce sauvage qui l’animait depuis le début de notre rencontre. « Quelle connerie tu vas faire encore ? » m’enquis-je dans un rire. En plus d’être éméchée, elle allait prendre froid. Et de quoi je me mêlais d’abord, après tout, c’était son problème. « Et j’ai suivi un chat, il m’a épuisée, il allait trop vite. » L’image de la jolie blonde à la démarche folle poursuivant un pauvre chat traversa mon esprit et je ne pus m’empêcher de rire à nouveau, par pure moquerie. Non, vraiment, elle me tendait la perche. On se taquinait l’un l’autre les rares fois où on s’était revus, mais là, elle comblait tous mes désirs, avec ses gestes imprécis et ses paroles décousues. Et puis, elle me regarda à nouveau, une lueur nouvelle dans le bleu de ses iris. Non, Remy, non. Fais pas une bêtise de trop ce soir, je n’avais pas le temps de m’occuper de toi. Le pire, c’était que si, bien sûr que si, j’avais le temps. Qu’allait-je faire, sinon ? Rester seul à fumer sur un banc dans le froid ? « Viens, on va dans le parc. » m’ordonna-t-elle en se levant. Elle attrapa ma main et me tira en avant. Sans succès : je restai cloué au banc, mettant tout mon poids en arrière, un air de défi dans les yeux. Mais elle était décidée à me sortir de ma torpeur, si bien qu’au deuxième essai, je me laissai aller et la suivis, me levant à mon tour. Mon bras tendu et ma main fermement accrochée à la sienne, je traînai un peu derrière elle, le temps de me réhabituer à la marche, et aussi pour l’embêter un peu : elle avait l’air tellement convaincue, sûre d’elle, … Nous nous collâmes à la grille du parc et je l’aidai à monter – je doutais que, dans son état, elle en soit capable de son propre chef, mais après tout, il s’agissait d’une créature pleine de surprise. Je lui fis la courte échelle, et ses pieds nus et froids escaladèrent sans grande peine les grilles. Une fois qu’elle fut de l’autre côté, je déposai mon cartable, retirai mon manteau et les lançai dans le parc. Puis ce fut mon tour : je me hissai en haut et me retrouvai avec une illégalité plaisante sur l’herbe humide de Hyde Park. Dans l’univers mystérieux de la nature nocturne, et j’en avais l’allégorie devant les yeux en la personne de Remy. Je la rejoignis et nous avons débuté une charmante ballade. Je me sentais étrangement paisible et serein. Comme si le fait de ne pas être seul me donnait moins l’impression d’être un intrus. Mais c’était probablement dû au fait que Remy s’accordait parfaitement avec le paysage et l’atmosphère. Comme si elle m’invitait chez elle, tout simplement. Mon manteau posé sur les épaules – parfois je ne prenais même pas la peine d’enfiler les manches – j’ai allumé une cigarette et j’ai suivi la maîtresse de maison à travers la nuit.
Et puis, j’eus envie de l’embêter, histoire de m’amuser. « T’auras pas l’air conne si on se fait prendre, franchement. » Elle pourrait toujours sortir l’excuse de la danse qui l’aurait étourdie. Battre des paupières et sourire, charmer les gardes de nuit qui croiseraient notre chemin. En vérité, je n’aurais pas l’air con non plus, avec ma cravate mal nouée et mon air négligé. Mais de toute façon, je n’imaginais pas une seule seconde que quelqu’un nous trouve ici. Nous n’étions probablement pas seuls dans le parc, mais il était incroyablement grand, donc peu de chance. Mais j’avais vraiment envie de l’embêter. Quelle puérilité soudaine. Elle avait une sacrée influence sur mon esprit engourdi, cette fille. Et donc, je l’ai attrapée et je l’ai tirée à mon tour, collant mon dos contre un chêne imposant, plaquant mon bras sur son ventre pour l’empêcher de partir et criant « Attention ! Je crois que quelqu’un approche ! » dans un rire malin. J’ai posé ma main libre sur sa bouche et chuchotai « Ne fais pas de bruit ! Ils pourraient nous remarquer ! » Mes murmures étaient saccadés d’éclats de rire presque enfantins. Elle était ivre, et donc incapable d’affronter mon bras – peut-être d’ailleurs que cette ivresse allait la rendre agressive, mais bon, ce qui était fait était fait. Après quelques secondes d’hilarité, je jetai un coup d’œil derrière le chêne, comme pour vérifier l’absence de garde et pris un ton faussement étonné et innocent : « Ah bah non. En fait, y’a personne. ». Et je lâchai prise, laissant la créature sauvage retrouver sa liberté. Sans l’attendre, je me suis décollé de l’arbre et j’ai repris la marche. « Allons vers le lac. » lui ai-je lancé sans la regarder, remettant ma cigarette entre mes lèvres.
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(✰) message posté Mar 30 Déc 2014 - 20:32 par Invité
Elle insiste, encore et encore pour qu'il se lève. Elle fixe les grilles du parc, puis, parfois, c'est Thomas qu'elle fixe. Ce soir, elle a réellement envie de rentrer dans le parc malgré l'interdiction. Alors elle tire, de sa petite force, sur sa main, parce qu'elle veut qu'il l'accompagne. Pour l'emmerder, comme à chaque fois qu'ils se croisent. Et puis, faire ça toute seule, ça lui semble pas assez drôle. La solitude, elle déteste ça. Ça l'effraie, la terrorise. Malgré sa résistance, Remy sait qu'il viendra. Et lorsqu'il se lève, l'infirmière s'accroche à son bras, joyeuse. Il l'aide à rentrer dans le parc. De l'autre côté de la grille, pendant une minute, Remy reste assise par terre. Une minute pour retrouver une respiration normale. Escalader la grille l'a vidé de son énergie et ses poumons malades le lui font regretter. « T’auras pas l’air conne si on se fait prendre, franchement. » A côté, Thomas arrive et se moque d'une Remy éméchée qui ne comprend plus rien. Leur visite du parc peut commencer néanmoins. « On ira se cacher dans un arbre alors. » Elle rigole. Même après avoir escaladé une grille, Thomas a toujours cet air mondain. Là, avec sa valise de professeur à la main et sa veste sur les épaules. La seule chose qui fait son charme, c'est cette cravate mal attachée. Résultat d'une journée épuisante, sans doute. Il allume une clope, Remy grimace avant de sursauter, au détour d'un arbre, quand Thomas s'écrie : « Attention ! Je crois que quelqu’un approche ! » Son sourire s'agrandit et elle se laisse volontairement attraper par Thomas. Il la plaque contre un immense chêne, un bras sur son ventre et sa main libre sur sa bouche. Pendant un instant, elle essaie de se dégager de sa poigne pour hurler. Avant de finalement, s'avouer vaincue. L'idée de se faire surprendre la rend soudainement euphorique. « Ne fais pas de bruit ! Ils pourraient nous remarquer ! » ajoute-t-il entre deux rires. Son doigt se pose sur la bouche de Thomas. « Chuuuuuut. » chuchote-t-elle, hilare. Elle voudrait demander qui sont les intrus, mais son esprit lui renvoie l'image d'un gardien immense accompagné de son chien fidèle et féroce. Il rit et ça réussit à faire taire Remy. Elle qui ne semble jamais s'arrêter de parler, elle a, soudainement, plus rien à dire. Peut-être parce que d'habitude Thomas est trop sérieux, qu'elle cherche toujours à le faire réagir. Et là, enfin, il répond à ses attentes. Elle s'arrête de bouger et pendant un instant, elle réussit à s'imaginer dans un film d'espionnage. Ça l'éclate. Ça lui tire un rire. Remy, elle ne connait presque rien de la vie de Thomas. Alors, après tout, il est peut-être un espion. Son regard reste ancré dans le sien, captivée par ses paroles. L'alcool la rend plus faible, elle qui d'habitude l'aurait repoussé pour jouer l'emmerdeuse. « Ah bah non. En fait, y’a personne. » Sa voix sonne fausse. Il est fier, naturellement. Idiot, elle y croyait. Et il s'éloigne, l'invite à aller au lac et allume une nouvelle clope qu'il cale au bord des lèvres. Son regard s'illumine à la simple évocation du lac. Brillante idée. Par sécurité, Remy lance un coup d'œil derrière le grand chêne. Mais en effet, il n'y a personne. « Attends-moi, Tom. » qu'elle crie, lui infligeant pour la première fois, un surnom. Et de sa démarche maladroite, elle court vers Thomas avant de se jeter sur son dos. Ses jambes s'enroulent autour de sa taille et elle pose son visage dans le creux de son cou. « Mais si, c'est le chat. » qu'elle dit dans un murmure à son oreille. « Il m'a sûrement suivi. » Elle retrouve la parole en même temps que sa folie. L'alcool, toujours l'alcool. Sa main passe négligemment dans les cheveux de Thomas tandis qu'un sourire prend place sur ses lèvres. L'embêter, elle adore ça. « On va nager ? » Sa question ne mérite aucune réponse. Peu importe ce qu'il répondra, Remy ira sûrement sauter dans l'eau. Elle penche un peu la tête pour capter son regard, lui sourit et laisse ses mains glisser jusqu'à son torse, puis sa cravate. Taquine, elle la lui retire sans demander et d'une main, la met autour de son cou. Arrivée près du lac, elle l'observe un instant puis descend du dos de Thomas. Généralement, l'endroit est rempli de monde, de bruit et de vie. La nuit le rend directement plus paisible et tranquille. Face au lac, il y a un banc vers lequel Remy se dirige. Un coup d'œil dans son dos et elle sourit à Thomas qui finit par la rejoindre. « Un banc. Comme chez toi. » D'un geste théâtrale et moqueur, elle désigne l'objet pour lui présenter. Parce qu'elle commence à croire qu'il vit sur ce banc qui fait face aux grilles de Hyde Park. Elle s'installe dessus sans rien dire, cherchant sans doute sa prochaine connerie à faire. Ses doigts jouent avec la cravate qu'elle porte désormais. « Tu dois vraiment t'ennuyer le reste du temps si tu n'attends que moi. » Son esprit embrumé lui rappelle la première réflexion de Thomas à son arrivée. Son égo gonfle à cette pensée. Elle tourne le visage dans sa direction et glisse sur le banc pour se rapprocher de lui. « Tu fais quoi de tes journées ? Tu lis ? Tu regardes les gens passer devant ton banc ? » Ses yeux se lèvent soudainement vers le ciel et elle se laisse distraire par un oiseau qui passe. Elle se retient de commenter un « trop joli » enfantin en parlant de l'animal. Finalement, après plusieurs secondes, Remy se lève. Un peu gracieuse, mais toujours maladroite. Impossible pour elle de rester concentrer dans une conversation alors que son esprit s'échappe si rapidement. Ivre, elle titube et pose sa main sur son front. La tête lui tourne, la sensation est pénible mais finit par disparaître. Elle n'aurait pas dû se lever si vite, encore moins lorsque les effets de l'alcool sont autant présents. Face à Thomas, elle s'approche de lui. Il ne semble pas vouloir se lever. Alors, Remy, elle repousse sa veste qui repose sur ses épaules et confie soudainement : « Remy a encore envie de danser. » L'alcool la fait parler à la troisième personne et elle, ça l'éclate. Elle hésite une seconde à enfiler le vêtement de Thomas mais décide de le poser sur le banc, à ses côtés. « T'as pas de la musique ? Sinon, Remy peut chanter. » Mais Remy, elle chante comme une casserole rouillée. Il y a des graviers qui lui arrachent une grimace. La douleur sous ses pieds est désagréable. Alors rapidement, elle rejoint l'herbe. Intrépide, elle s'avance jusqu'au bord du lac. Ses yeux s'accrochent au reflet de la Lune dans l'eau. Elle a envie de se jeter dedans pour rompre cette image parfaite. A aucun moment, elle ne pense à la température de l'eau. C'est l'hiver, elle est sûrement glaciale. Et ses pieds lui font déjà regretter d'être découverts. Ses mains remontent dans son dos pour attraper la petite fermeture de sa robe. Et, charmeuse, elle tourne le visage en direction de Thomas. Si d'habitude elle a conscience de ce qu'elle fait, cette fois-ci, Remy ne se laisse guider que par l'alcool et aussi, peut-être, un brin d'envie. « Tu viens avec moi ? » Il est toujours assis sur le banc mais pas question qu'il y reste. Elle a beaucoup trop envie qu'il la rejoigne. « Je ne vais pas nager toute seule, c'est stupide. » Ses doigts tirent rapidement sur la fermeture avant que la robe ne finisse par glisser sur ses courbes. Elle ne pense plus à rien, Remy. Ni à ses pieds qui souffrent, ou ses poumons qui déraillent. Sûrement pour ça qu'elle apprécie autant la compagnie de Thomas. Elle peut l'emmerder autant qu'elle veut et se sentir vivante et libre à ses côtés. Elle est juste, là, en sous-vêtements, avec la cravate de Thomas autour du cou et elle le fixe, amusée. Elle aurait dû se plaindre du froid, mais sûrement la présence d'alcool dans le sang qui la réchauffe. Ses mains se posent sur ses hanches, et une lueur de défi apparaît dans son regard toujours posé sur l'homme qui l'accompagne. Elle recule jusqu'à ce que ses pieds touchent l'eau. Glacée, naturellement. « Remy veut Thomas. » Son rire retentit dans le silence du parc et son corps s'enfonce un peu plus dans le lac. « Tant pis, je vais chercher Nemo. » dit-elle dans un rire. Nemo, le célèbre poisson clown. Un dernier regard vers Thomas et sans attendre, elle plonge complètement dans l'eau glacée du lac.
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(✰) message posté Mer 31 Déc 2014 - 15:26 par Invité
« Attends-moi, Tom. » m’ordonna-t-elle avec une soudaine familiarité – et quoique, d’ailleurs, l’alcool rendait tout bien moins surprenant et dérangeant. Adorable, cette fille. Et puis, brusquement, je la sentis grimper sur mon dos, ce qui me prit au dépourvu et je laissai alors échapper un « wow » de surprise, suivi d’un léger rire conquis. Elle glissa ses fines jambes autour de ma taille et sa tête trouva refuge au creux de mon cou. Mes mains saisirent ses cuisses pour qu’elle soit stable. « Mais si, c’est le chat. Il m’a sûrement suivie. » me souffla-t-elle, et ses mots chatouillèrent agréablement mon oreille. « T’es folle. Mais t’es mignonne. » lui répondis-je d’un ton rieur. Elle était à la fois désespérante et irrésistible, je ne pouvais que me laisser faire. Elle possédait cette étrange grâce dansante et déséquilibrée qui occupait mon esprit tout entier. Sa main caressa mes cheveux avec désinvolture et je trouvai cela plaisant. J’étais un homme franchement facile à combler, finalement. « On va nager ? » Mon regard se posa sur la Serpentine où miroitaient les reflets de la lune complice. « Si tu tiens à crever, j’t’en prie. » Pour tout dire, j’avais décidé d’aller vers le lac sans penser une seule seconde qu’elle serait assez dingue pour vouloir se baigner dedans. Comme quoi, j’étais tout de même assez naïf. Elle se pencha en avant pour croiser mon regard, et je tournai légèrement la tête pour lui offrir mes iris noirs et pétillants. Ses mains ne tardèrent pas à se frayer un chemin sur mon torse, jusqu’au nœud de ma cravate – signe ultime de ma personnalité – qu’elle défit un peu pour la passer autour de son propre cou. Son petit manège m’arracha quelques frissons – elle avait manifestement les mains froides et joueuses. « T’es pas gênée. » marmonnai-je, son espièglerie et sa puérilité teintant ma voix d’une note chaleureuse. Le lac était à quelques mètres à présent, si bien que je m’arrêtai et reportai mon regard sur l’eau. Remy regagna le sol et se dirigea vers un banc, semblable à celui où je m’étais assis, quelques instants plus tôt, à l’extérieur du parc. Je sentis la remarque sarcastique arriver : « Un banc. Comme chez toi. » Je levai les yeux au ciel alors qu’elle jouait la fausse politesse, juste pour me rendre encore plus prétentieux, encore plus sérieux, encore plus comme l’homme froid et désintéressé que je pouvais être. Le type qui jugeait les autres depuis son banc alors qu’il n’était pas mieux – sauf que ça, il ne voulait pas l’admettre. Mais toute cette mascarade qui composait une partie subtilement chiante de ma personnalité, tout ça s’évaporait rapidement avec Remy. Je m’installai à ses côtés. « Tu dois vraiment t’ennuyer le reste du temps si tu n’attends que moi. » Elle me regarda puis se rapprocha et je passai mon bras derrière son dos sur le rebord du banc, comme pour l’inviter. « P’t’être que je t’ai menti. P’t’être que je pense pas à toi du tout. » Elle était collée contre moi et sentir son parfum mêlé à l’alcool m’enivra quelques secondes. « Tu fais quoi de tes journées ? Tu lis ? Tu regardes les gens passer devant ton banc ? » Elle leva les yeux vers le ciel, comme si elle avait déjà oublié qu’elle venait de me poser une question – ou peut-être n’étais-je pas assez réactif pour elle, mais elle me laissait peu de temps, son esprit éméché allait vite, et dans tous les sens. « Si je te le dis, je serai plus mystérieux, je serai juste le type chiant coincé sur son banc toute la journée, c’est nul. » Je savais que Remy ne me trouvait pas mystérieux. Pour elle, j’étais la figure adulte vue par un enfant. Mon détachement n’était pas particulier et déroutant avec elle. Il était simplement mature, donc opposé à tout ce qui était espiègle et taquin. Il était ce que l’on détestait chez l’adulte lorsque l’on était enfant. Mais elle parvenait à m’insuffler des idées neuves et vivifiantes, avec ses doigts de magicienne et son souffle sauvage.
Elle se leva finalement, chancelante, se tourna vers moi puis s’approcha d’une démarche sinueuse. Elle se pencha, m’hypnotisant presque, et ses mains vinrent retirer mon manteau qui était resté sur mes épaules. « Remy a encore envie de danser. » Mes mains saisirent ses minces poignets, comme pour lui faire croire que je l’invitai à la faire danser, puisqu’elle le voulait tant. Mais au lieu de cela, je décollai ses paumes de mes épaules et la lâchai, un air malin au fond de mes pupilles. Les faux espoirs, ça, c’était quelque chose de frustrant. Cependant, elle était bien trop ivre pour se soucier de ces subtilités-là. Déjà elle ne s’intéressait plus qu’à mon manteau, sur lequel elle posa un regard dubitatif, avant de le laisser retomber sur le banc, à mes côtés. « T’as pas de la musique ? Sinon, Remy peut chanter. » continue-t-elle de sa voix exquise et amusante. « Oh non, pitié. » Mais elle s’éloignait à présent, de sa démarche déséquilibrée. Elle gagna la rive du lac et je fronçai les sourcils, sans pour autant esquisser le moindre geste. Je penchai la tête : elle n’allait tout de même pas faire cette connerie-là. « Tu viens avec moi ? Je ne vais pas nager toute seule, c’est stupide. » Attentif à ses moindres faits et gestes, je marmonnai d’un ton réprobateur : « M’oblige pas à me lever, Remy. » Le côté adulte et raisonnable, voilà où il se cachait. Elle défit la fermeture de sa robe qui glissa sans peine et rejoignit le sol, me laissant admirer sa sublime silhouette de jeune femme. Je passai une main sur ma nuque et me massai le haut du dos en réponse au défi ridicule qu’elle me lançait. Ses pieds gagnèrent finalement l’eau, mais elle ne semblait pas s’en rendre compte. « Remy veut Thomas. » Son ton était capricieux et son rire enfantin. Encore une fois, j’étais forcé de constater que je jouais le rôle du parent moralisateur, et qu’elle était la petite fille gâtée et désinvolte. Je me redressai pour me lever. Je n’avais même pas la force de lui refuser ça. Mais elle ne me vit pas m’exécuter car déjà, elle se retournait en lâchant dans un rire une dernière réplique : « Tant pis, je vais chercher Nemo. » Et puis elle plongea, sans aucune hésitation. Je gagnai la rive du lac à mon tour, déboutonnant ma chemise, ignorant le froid qui commençait sérieusement à étouffer mes muscles. Je retirai mes chaussures et mon pantalon en quelques gestes secs et précis, puis les abandonnai avec ma chemise près de la robe de Remy. « Putain mais elle est pas sérieuse cette fille. » Ignorer le froid. Ignorer le froid. Mon but ultime, là, c’était d’ignorer le froid. Facile à dire. Je fermai les yeux. Je ne pouvais pas la laisser crever dans l’eau. Ça ferait le début d’un bon polar, de retrouver son cadavre presque nu le lendemain, flottant à la surface de la Serpentine, la peau devenue bleue et dure. En plus elle avait ma cravate autour du cou, on allait tout de suite croire que j’y étais pour quelque chose. Ignorer le froid. IGNORER LE FROID. MON BUT ULTIME DANS LA VIE. J’ouvris les yeux et pénétrai dans le lac à mon tour.
Le premier contact avec l’eau m’arracha un cri de douleur, presque haineux. « PUTAIN REMY JE TE DETESTE. » ne pus-je m’empêcher de hurler, mais elle était incapable de m’entendre, elle était encore sous l’eau. Je bandai mes muscles et plongeai alors. Mon corps se retrouva prisonnier du froid et j’eus, l’espace d’un instant, un terrible doute, car mes membres s’engourdissaient avec une rapidité déroutante. Les yeux à l’affut du moindre mouvement, je ne tardai pas à apercevoir le corps de Remy, à deux ou trois mètres de moi. Il me paraissait immobile, mais j’ignorai si c’était volontaire ou si elle faisait un véritable malaise. Je nageai jusqu’à elle, la maudissant au passage – mais mentalement, je n’avais pas le loisir de gaspiller mon oxygène – et enroulai mes bras autour de son ventre nu pour la maintenir contre moi. Elle n’aurait pas la force de se débattre, je le savais : elle était dans l’eau depuis plus longtemps que moi et l’alcool qui coulait dans ses veines n’allait pas l’aider à contrer mon emprise. Je faiblissais, de mon côté. Mes articulations me faisaient terriblement mal et il fallait que je reprenne mon souffle – le fumeur que j’étais, vous l’imaginez bien, n’était pas très bon en apnée. Chaque mouvement était une torture sans nom, comme des lames de rasoirs tranchant ma peau aux endroits les plus sensibles. Je remontai à la surface, tenant fermement Remy. Une fois notre ascension terminée, l’air s’engouffra dans mes poumons mais il était âpre et m’arracha un râle à son tour, glaçant mes narines et tout l’intérieur de ma cage thoracique. Ignorer le froid. Des mouvements rapides. Regagner la rive. Ne pas lâcher Remy. Battre des pieds. Ignorer le froid et la PUTAIN DE DOULEUR QU’IL INFLIGEAIT. Un coup d’œil me permit de voir que nous étions tout proches de la terre ferme et je hissai Remy dans l’herbe – froide, mais bien heureusement peu humide – puis la rejoignis, tremblant, la peau ruisselant d’eau. Je priai pour que le vent ne se lève pas. Je rabattis mes cheveux en arrière pour les chasser de mes yeux. Ils étaient à présent visqueux et mous. Je me relevai, tant bien que mal, et bondis vers le banc pour saisir mon manteau sec et épais, puis retournai vers Remy. « T-t’es c-con p-p-putain, on aurait p-pu cr-r-rever. » bégayai-je, frigorifié. Je passai le manteau sur ses épaules et frottai sa peau avec pour la sécher et la réchauffer. Je fis la même chose pour moi ensuite. Je fis glisser mes mains sur ses cheveux, de part et d’autre de son visage et les essorai. Serrer les poings m’arracha une grimace de douleur. Je la conduisis vers le banc et nous nous sommes assis dessus, mon manteau nous couvrant du mieux possible. Je ramenai mes cuisses contre mon torse, posai mes pieds humides sur le banc et me blottis contre Remy. « On peut mêm’ p-pas enfiler nos vêt’ments, y’ s’raient tout mouillés après. » marmonnai-je, ronchon. Je passai mon bras derrière son cou, cherchant la moindre source de chaleur, la moindre parcelle de sa peau qui n’avait pas été complètement glacée par l’eau du lac, et posai ma tête au creux de son cou. Mes cheveux avaient gelés et devaient être durs et froids. Je le sentis lorsqu’ils touchèrent sa joue et son menton. Si quelqu’un nous trouvait à cet instant, on serait bien deux à ne pas avoir l’air con, à moitié nus et complètement à côté de la plaque. Je souris, presque malgré moi, à cette idée. Comme si Remy possédait toujours ce pouvoir, de rendre tout complètement risible. Finalement, je laissai même sonner un rire dans le silence du parc : « En plus tu sais très bien que Nemo vit dans l’océan. T’es vraiment bête. » Quel humour, hein. Ma main libre remonta jusqu’à son cou et saisit la cravate qu’elle m’avait dérobé. Je défis complètement le nœud et empoignai le tissu gorgé d’eau en soupirant. « Ma cravate est foutue maintenant. Super. » D’un geste désinvolte, je la jetai dans l’herbe, plus loin, près de nos habits. « T’es un sacré phénomène quand même. » miaulai-je de ma voix grave, comme un pardon dont elle se moquait mais que je ne pouvais m’empêcher de lui accorder. Je vous l’ai déjà dit, cette fille c’était la gamine à qui on ne refusait rien et qui se permettait tout. La sauvagerie de la Nature à l’état pur.