Gentleman in disguise ♦ Linael

samedi 18 octobre 2014, London. ✻✻✻ « Maman ! Attend, non, ne raccroche pas s'il te plaît... » Trop tard. Comme à chaque fois que j'appelle chez moi, où plutôt chez mes parents, je n'ai pas le temps de parler, que déjà ils finissent par me raccrocher au nez. Ce soir est une fois de plus, la fois de trop ? Qu'ils n'aiment pas mon copain, je pourrais le comprendre, mais qu'ils refusent de me parler ou de me voir tant que je sors avec lui, non. Pourquoi refuser de comprendre que je l'aime et que je suis heureuse ? J'ai beau essayer de chercher, je ne comprends pas. Comment mes propres parents, puissent être aussi bornés sur cette histoire. Ils refusent de me voir, de me parler et je sais que ma sœur a essayé de leur parler de cela, mais sans succès. Je ne veux pas qu'elle se retrouve dans la même situation que moi, alors quand on en parle, je fais comme si cela était sans importance, une situation passagère qui ne me dérange pas plus que cela. Seulement, maintenant, cela fait plus de deux mois que cela dure et j'aimerais beaucoup pouvoir parler à mes parents. Avec tout ce qui s'est passé, ils ont toujours été là pour moi, mais maintenant ils refusent d'accepter ma relation. Décidément, je ne les comprends pas.
Dégoûtée, je pose mon téléphone sur la table basse, avant de m'enfoncer dans le canapé. Pourquoi est-ce que j'ai cru qu'aujourd'hui serait différent des autres jours ? Je suis naïve parfois, je le sais, on ne cesse de me le répéter, mais moi je vois plutôt cela comme de l'optimisme, sauf que cette fois encore, je me suis trompée. Ils ne vont quand même pas ne plus jamais me parler parce que mon copain est quelque peu plus âgés que moi ? D'accord, il a été marié et il a une fille, mais cela n'est pas non plus quelque-chose de grave. Il aurait fait de prison ou tuer son ex-femme, j'aurais compris que mes parents puissent se méfier, mais dans la situation actuelle je ne comprends pas. Je regarde mon téléphone, comme s'il allait pouvoir me donner une réponse. Mais je sais très bien, que personne ne peut me répondre, exceptés les personnes concernées et manque de chance, elles ne veulent plus me parler. Je passerais bien directement à la maison, mais j'ai tellement peur qu'il me laisse dehors, que je n'ose pas. Qu'ils ne répondent pas à mes messages ou mes appels, c'est un fait, mais qu'ils me laissent dehors... Je crois que je ne le supporterais pas. Je suis seule ce soir, Théodore travail et je n'ai pas à baby-sitter sa famille, ce que j'aurais préféré, c'est pour dire à quel point cela ne va pas. Je n'ai pas envie de rester ici, je sens que je vais déprimer. Ma colère est passée, je ne reste jamais en colère et maintenant j'ai envie de pleurer.

Avant de m'écrouler pour la soirée, je prends mon téléphone, le met dans ma poche et décide de sortir. Bien sûr, je laisse un mot pour que Théodore ne s'inquiète pas : Je suis sortie, ne t'inquiète pas pour moi. Je t'aime, L. Je sais qu'il se posera des questions, ce n'est pas franchement mon genre de sortir sur un coup de tête, mais je n'ai pas envie de passer ma soirée ici seule. Si j'étais chez moi, les choses seraient différentes. Mais malgré le temps que j'ai emménagé, temporairement, ici, j'ai toujours l'impression d'être chez lui. Je n'ose pas faire ce que je ferais en temps normal et ce n'est pas bon. Ni pour moi, ni pour lui. Et puis, je n'ai pas envie d'habiter avec sa fille, même si elle n'est pas là tout le temps. J'ai l'impression d'être horrible, mais elle me le rend bien. De toute façon, vingt-trois ans, c'est bien trop jeune pour être belle-mère. Je ne sais pas où je vais aller, sûrement marcher un peu, essayer de penser à autre chose. Je ne veux pas déranger ma sœur, j'ai cru comprendre que le bébé ne faisait toujours pas ses nuits et qu'elle était fatiguée. Je pourrais passer cela dit, je sais qu'elle ne me laisserait pas dehors, pas plus que Remy. Mais j'ai toujours l'impression de déranger et je n'ai pas envie de devoir tout expliquer ce soir. J'ai simplement envie de me changer les idées.
Tout en marchant, je redécouvre des coins de Londres, où je ne suis pas venue depuis bien longtemps. Mes pieds commencent à me faire mal et des gouttes commencent à tomber. Et comme souvent, les gouttes se transforment rapidement en pluie torrentielle. Sans réfléchir, je rentre dans le premier endroit où il y a de la lumière. Un bar. Curieusement, ce n'est absolument pas le genre d'endroit où je serais venue de mon plein grès. Mais puisque je suis là, autant en profiter. Je ne bois pas beaucoup, mais là tout de suite, la conversation ou plutôt la non-conversation avec ma mère me revient en tête et je me dis que boire un verre ne me ferait pas de mal. Je suis une adulte, j'ai le droit de boire si je veux. Même si je ne tiens pas l'alcool. De plus, je suis trempée et l'idée d'affronter de nouveau a météo, ne m'enchante pas vraiment. Je m'approche donc du bar, sans savoir réellement quoi prendre, mais je ne peux pas rester planter dans ici comme une plante verte. « Bonsoir... Je prendrais, heu... » J'ai beau chercher, rien ne me vient. Même pour demander un verre, je suis nulle. « Qu'est-ce que vous conseillerez à quelqu'un qui passe une mauvaise journée ? » Je ne sais même pas pourquoi je lui ai demandé cela, il doit avoir autre chose à faire, que de s'occuper d'une fille, qui ne sait même pas quoi boire.

samedi 18 octobre 2014, London. ✻✻✻ Un bar était assez le dernier endroit où j'aurais pensé me retrouver ce soir. Il est assez rare que je vienne dans ce genre d'endroit et seule c'est bien la première fois. Je me sens vraiment perdue et j'ai vraiment l'impression de faire tâche dans le décor. Je m'attends presque à ce quelqu'un ne ce mette à me crier de partir d'ici, parce que je ne suis pas à ma place. Mais personne ne le fait, j'ai le droit d'être ici, comme tout le monde après tout. Et avec ce qui pleut dehors, je n'ai absolument pas envie de faire demi-tour. De toute façon, je n'ai personne qui m'attend, aucun rendez-vous et rien de mieux à faire. Alors, autant rester ici un moment et attendre que le temps passe. Pourtant, c'est d'un pas mal assuré que je me dirige vers le bar pour commander je ne sais pas quoi. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir à cette partie du programme, trop occupée à fuir la pluie, mes problèmes et espérer gagner du temps. C'est pourquoi je demande conseil au barman, qui doit s'y connaître beaucoup mieux que moi. Après tout c'est son métier. Je ne bois que très peu d'alcool de toute façon. Un verre de vin de temps en temps, quand il y a des repas importants. Un cocktail en soirée, mais mes compétences en matière d'alcool sont très limités. Dès que je bois plus de deux verres, je suis en général déjà presque ivre et ce n'est pas un spectacle beau à voir. Pourtant, ce soir, je n'ai pas envie de commencer un verre non alcoolisé, j'ai besoin de quelque-chose de fort, peut-être pour me changer de mon quotidien. Je ne sais pas, mais j'ai envie d'un verre d'alcool. La grande question et quoi comme boisson. Une bière ? Je ne suis pas ce genre de fille. Du vin, ne me semble pas tellement être le genre de l'endroit et il y a tellement de cocktails différents, que je suis totalement perdue.
Si je m'attendais à une réponse rapide ou carrément à me faire remballer, je ne pensais pas qu'il allait me demander quelle était ma saveur préférée. Je suis tellement surprise, qu'il me faut quelques secondes pour faire du tri dans mes goûts. « Heu... J'aime beaucoup la cerise... » J'ai l'impression de participer à une émission de télévision et que si ma réponse est mauvaise je vais être éliminée. Je suis aussi nerveuse qu'un jour d'examen. Preuve encore une fois, que je ne me sens vraiment pas à ma place. En temps normal, je serais déjà partie depuis longtemps. Mais la pluie et le coup de fil à mes parents, encore trop présent dans mon esprit, m'en dissuadent. Alors, avant de trouver une excuse et de changer d'avis, je m'installes au bar. Je n'ai pas envie de m'asseoir à une table toute seule c'est beaucoup trop déprimant. Et puis comme ça, j'espère aussi, qu'il pourra me tenir un peu compagnie entre eux clients. C'est stupide, je sais, puisqu'on ne se connaît pas et qu'il doit avoir autre chose à faire. Mais je ne peux pas m'empêcher d'espérer que je ne resterais pas toute seule comme une cruche au bar. Je l'écoute me parler, même si je ne fais pas attention à tout ce qu'il peut me dire. Je suis plus fascinée par les mouvements qu'il fait. « Oui c'est évident. » Je ne sais même pas pourquoi je lui réponds, je doute que mon avis sur la question l'intéresse réellement. Là je me reconnais, toujours à parler pour ne rien dire.

Je n'ose pas poser ma veste, tellement je suis trempée, j'ai peur de mouiller le sol, ce qui est ridicule, puisque le sol est déjà mouillé. J'enlève au moins mon foulard, qui est lui aussi trempé et le pose dans mon dos. Je ne suis pas à un peu d'eau en plus. « Je suis désolée, je ne suis pas une grande habituée des bars... » Je pense qu'il a dû déjà le deviner, tellement cela doit se voir comme le nez au milieu de la figure. J'ai l'impression de lui faire perdre son temps et je n'aime pas cela. Il doit avoir à faire beaucoup plus important, que de chercher ce que je pourrais boire. « Vous n'avez qu'à prendre la première boisson qui vous vient. Je ne veux pas vous déranger. » Je lui souris faiblement en plus, pour m'excuser. Je m'autorise un coup d’œil dans la selle et remarque que je semble être la seule à être aussi mal à l'aise. Je ne sais pas pourquoi me retrouver dans un bar me fait cet effet là.
Je suis ridicule, je le sais, mais je ne peux pas m'empêcher de me sentir gênée. Il faut dire que je suis très peu à l'aise avec des inconnus, cela a toujours été le cas. Et même aujourd'hui, alors que tout va mieux, je le suis toujours. J'ai peur de déranger. Peur de ne pas être intéressante. Peur de ne pas être suffisante. Je crois que cela ne me passera jamais. Et ce soir c'est encore le cas. Je ne veux déranger personne et pourtant à peine arriver, je suis déjà en train d'embêter ce barman qui ne fait que son métier. J'ai souvent très envie de prendre mes jambes à mon coup et de fuir. Mais je vois la pluie tomber et cela ne me tente pas d'avoir le droit à une seconde douche gratuite. Alors, à la place de cela, je reste assise ici en attendant que le temps passe.