L'équilibre est fragile quand on navigue entre deux rives- Annabelle

Annabelle se réveilla ce jour-là dans les bras de son mari. C'était une chose qui arrivait de temps en temps, quand ils décidaient de dormir ensemble, mais étant donné que la plupart du temps, ils font chambre à part, c'était tout de même exceptionnel. Cela faisait deux semaines qu'ils ne s'été plus parlé après la dispute, et ils s'été retrouvés autour d'un verre. Enfin. Autour de plusieurs verres plutôt. Ils avaient même carrément trop bus et avait passé le reste de la soirée dans la voiture de Matteo avant de retourner à l'appartement, où ils avaient continuer à s'amuser. Rien de méchant considérant qu'ils étaient tous les deux mariés l'un à l'autre, mais si on regarde le fait qu''Annabelle venait tout juste d'officialiser sa relation avec Robin, les choses n'allaient certainement pas être des plus simples après cette soirée arrosée..

« Coucou ma chérie ! Je voulais te ramener des croissants au lit, mais je te cache pas que ma tête me fait trop mal pour me lever si tôt. » Annabelle rigola doucement. C'était son homme ça. Il avait les meilleures intentions du monde pour elle, et elle en était extrêmement reconnaissante. Elle s'appuya donc sur son coude pour se retrouver au dessus de lui et l'embrasser. « C'est pas grave va ! On peut sortir tous les deux pour prendre le ptit dej en ville ! » Matteo acquiesça avant de capturer ses lèvres à nouveau. La jeune femme stoppa leurs ébats quelques minutes plus tard. S'ils s'y remettaient, ils ne prendraient jamais le petit déjeuner, mais ils risquaient surtout de passer directement au déjeuner ! « Allé, faut qu'on se lève maintenant ! On a assez trainé. » Elle sortie donc du lit et se dirigea directement dans la salle de bain où elle prit une bonne douche.

Après s'être lavés chacun son tour, ils se retrouvèrent dans la cuisine et sortirent de l'appartement ensemble. Ils allèrent à leur endroit habituel, c'est-à-dire au Starbucks le plus proche où Anna prit un bon gros donut bien gras et sucré accompagné d'un double latte. Une nuit comme elle avait passé, il fallait avouer que ça creuse pas mal quand même !
Une fois le petit déjeuner terminé, ils passèrent par le parc car Matteo devait aller au boulot directement après. Arrivés au point de séparation, il la prit dans ses bras puis ils échangèrent un long baiser. « Je suis vraiment contente qu'on se soient retrouvés. » Le jeune homme partageait ce sentiment, et c'était vraiment agréable. Il la quitta finalement, la laissant rentrer à l'appartement.

C'est alors qu'elle entendit quelqu'un se racler la gorge juste derrière elle. L'homme avait visiblement envie qu'on remarque sa présence et cela fit sursauter Annabelle qui se retourna vivement. Elle fut rassurer quand elle se rendit compte qu'il ne s'agissait que de Tristan, un ami de Robin qu'elle n'avait rencontré qu'une fois. Mais ce qu'il avait à lui dire après avait largement de quoi la faire flipper. Prise par surprise, elle resta bouche bée pour commencer. Il l'avait vu embrasser Matteo. Mais il n'était pas au courant lui qu'elle était mariée. ça sentait vraiment mauvais pour elle. « Ecoute Tristan, c'est vraiment pas ce que tu crois. Je peux t'expliquer.. » Elle n'eut pas le temps de terminer son explication: Tristan était furieux.

Et bim, tout s'effondrait. Il n'avait finalement pas fallut très longtemps avant que la situation se détériore pour Annabelle. Très peu de temps avant que quelqu'un découvre sa double vie en réalité. Alors oui, il y avait des fuites à l'époque où elle n'était qu'une adolescente ne faisant pas vraiment attention à ce qu'elle faisait, mais elle avait toujours géré ça avec calme et contrôle. Et puis c'était différent, elle n'était pas amoureuse des garçons avec qui elle sortait autre que Matteo. Alors que là, elle ne connaissait Robin que depuis quelques mois maintenant, mais elle savait très bien qu'il y avait quelque chose entre eux. Quelque chose de fort qu'elle avait envie de garder. Elle était amoureuse. Tout simplement. Mais Tristan allait tout gâcher, c'était maintenant certain. «  Mais je te promet Tristan, je suis comme tu m'imaginais. Je suis pas méchante et je ne veux absolument aucun mal à Robin ! » Mais Tristan ne voulait pas l'écouter. Il était véritablement furieux et cela se voyait en partie sur la veine qui grossissait à vue d’œil sur son front. Il continuait à déblatérer. «  Mais... » Ne souhaitant pas écouter ce que la jeune femme avait à dire.

Mais ce qui alarma réellement Annabelle, c'était le fait qu'il la menaçait de l'annoncer à Robin. c'était la dernière chose qui devait arriver, et elle sentit que ça allait mal se passer pour elle à partir de ce moment. Elle savait parfaitement qu'il faudrait que Robin soit au courant un jour, mais elle ne voulait pas que ça soit tout de suite. Tout d'abord parce qu'elle voulait attendre de voir comment leur relation allait évoluer , et aussi car elle avait encore cet espoir débile qu'il ne soit jamais au courant et qu'elle s'en sorte mine de rien, en se séparant de Matteo de la façon la plus discrète possible, et sans blesser personne. Mais si Robin devait être mis au courant à un moment donné, ça serait de la bouche de la jeune femme. Elle ne voulait pas que quelqu'un d'autre le lui dise à sa place. C'était à elle à lui annoncer, à personne d'autre et encre moins à Tristan qu'elle ne connaissait quasiment pas et qui n'était pas au courant de toute l'histoire.

Il finit tout de même par se calmer, croisant les bras sur sa poitrine et défiant la jeune femme du regard. Il cédait enfin, lui laissant la possibilité de s'expliquer. Annabelle prit alors une grande inspiration. « Le garçon que tu viens de voir, Matteo, c'est mon mari. » Ok, c'était peut-être pas la meilleure façon de commencer son explication. Elle tendit les bras vers lui, lui demandant d'attendre un peu, qu'elle n'avait pas finit. « Enfin encore une fois, ce n'est pas ce que tu crois. C'est très compliqué. Matteo et moi, on a été forcés à se marier. Dès notre plus jeune âge, à cause de nos parents. Mais on ne s'aime pas. Enfin si, je l'aime, mais comme mon meilleur ami. Et le baiser que tu as vu, c'est juste parce qu'n s'est retrouvés hier après une dispute. Rien de plus. » Elle se mélangeait complètement les pinceaux et pas sûr que le jeune homme gobe ce qu'elle lui racontait, malgré le fait qu'elle était sincère.

Annabelle n'était le genre de fille à monter sur ses grands chevaux, à prendre la mouche facilement et à s'énerver à la moindre remarque qu'on lui faisait. Elle était plutôt du genre calme, posée, qui se sent tout de suite coupable et qui a du mal à se défendre. Et face à Tristan, elle se sentait terriblement impuissante. Elle ne connaissait presque pas ce garçon, et il parvenait à l'enfoncer plus bas que terre. C'était d'ailleurs certainement la meilleure façon d'enfoncer la jeune femme: lui mettre en face ses conneries, sans qu'elle ne puisse réellement se défendre, même si au fond elle n'avait pas de choses mauvaises en tête. Juste une très mauvaise gestion des événements, et ceci depuis le début de toute cette histoire. Mais c'était ou de même compliqué tout cela étant donné que ça avait commencé alors qu'elle n'était encore qu'une enfant ! « Tristan, je te promets que tu ne me connais pas au fond. Et tout le monde a des secrets, tout le monde dit des mensonges à un moment donné. Je ne peux pas croire que ça n'a jamais été ton cas.. » Elle ne disait pas cela méchamment, elle avait même une voix très douce et calme en tentant de s'expliquer. Elle était en réalité terrifiée, et la réaction de Tristan quand elle lui annonça la vérité ne fit qu’aggraver les choses.

Elle avait déjà due annoncer cette même nouvelle un petit nombres de fois dans le passé, et les réactions avaient été toutes très différentes les unes de les autres. Elle l'utilisait d'ailleurs pour quitter un garçon avec qui elle ne se sentait finalement pas très bien. C'était pas joli joli, mais Annabelle à 17 ans, elle n'était pas très courageuse.. Il lui était d'ailleurs arrivé que le garçon à qui elle avait annoncé ça décide d'en faire abstraction, lui disant qu'il trouvait ça terriblement cool et qu'il était prêt à la partager. Annabelle en était restée bouche bée. Mais les pires réactions étaient celles des garçons pour qui elle ressentait quelque chose. Forcément, parce que le sort n'était jamais avec elle, eux n'avaient pas l'intention de partager et ils s'en allaient immédiatement après. Et la réaction de Tristant restait une des pires...

Mais au lieu de le rendre triste, Annabelle sentit une colère pondre dans son ventre et grossir à la vitesse de la lumière. Tristan la jugeait, alors qu'il ne la connaissait pas. Elle commençait doucement à bouillir. « Oui il est au courant ! Il va lui-même voir ailleurs régulièrement d'accord ? Je te répète que c'est un mariage forcé ! Je ne suis pas amoureuse de Matteo ! Je suis amoureuse de Robin, et je l'ai dit à mon mari. C'est d'ailleurs pour ça que je ne l'ai pas vu pendant plusieurs semaines, mais maintenant, il a compris et il me soutient ! » Annabelle était devenue toute rouge, et son niveau de colère avait dépassé toutes les limites. Mais elle avait lâché quelque chose qu'elle n'avait encore jamais dit au principal intéressé: elle était amoureuse de Robin. Se rendant compte de la nouvelle boulette qu'elle venait de faire, la pression retomba et Annabelle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle tenta tout de même de se contenir, ne voulant pas craquer devant le jeune homme.

« Je sais bien. je sais mais... » Elle ne savait plus comment s'expliquer. C'était tellement simple dans sa tête à elle et pourtant si compliqué dans celle des autres. Elle finissait par se perdre elle-même. Comment pouvait-elle convaincre le meilleur ami de Robin qu'elle n'était pas mauvaise ? Comment pouvait-elle lui faire ouvrir les yeux face à la vérité ? Et quand il lui demanda si elle comptait lui dire, elle se retrouva à nouveau perdue. Cette foutue question ! Elle se l'était posée tant de fois et elle concluait toujours sur une réponse différente. « Oui je veux lui dire. Mais je ne comptais pas le faire tout de suite. J'ai beaucoup de choses à gérer et je ne veux pas prendre le risque de le blesser. Je veux savoir si notre relation a un véritable avenir avant de lui annoncer ça. » Mais ce n'était pas ce que Tristan voulait entendre. « Je vais le lui dire. Mais je t'en supplie, je t'en supplie ne le lui dit pas avant ! » Annabelle pleurait à présent, ne pouvant plus retenir une seule larme.

Mentir était devenu comme une seconde nature pour Annabelle, et elle n'était pas vraiment fière de l'avouer aujourd'hui. Au contraire, elle en avait honte, et elle trouvait cela d'autant plus horrible qu'elle y avait été obligée depuis si longtemps que c'était devenu naturel. Et pourtant, la jeune femme s'été toujours promis de ne jamais mentir pour faire du mal ou pour son propre bénéfice. Elle voulait être honnête le plus possible. Elle savait simplement qu'à partir du moment où cela touchait Matteo et son mariage, elle ne pouvait pas faire autrement. Elle avait donc appris à être franche et toujours dire la vérité, le plus souvent bien trop tôt d'ailleurs, ce qui lui joua de sacrés mauvais tours. La jeune femme écoutait alors Tristan lui raconter ce qu'elle vivait à chaque fois qu'elle mentait. Et plus il parlait, plus elle sentait son estomac se nouer. «  Tu crois que je ne sais pas ce que ça fait ?! Oui je sais ce que ça fait quand on ment et tout ça parce que j'y ai été obligée ! C'était pas par plaisir figure-toi ! Je ne suis pas une des ces mythomans qui prenne plaisir à faire souffrir les gens. Je n'ai pas envie de faire souffrir Robin. Je ne veux que son bonheur, mais je suis coincée maintenant. On a eu un coup de foudre l'un pour l'autre, je ne pouvais pas tout simplement passer mon chemin parce que je savais que ça allait être compliquée. » Elle n'aurait pas pu de toutes façons.

Au moment où son regard avait croisé celui de Robin, Annabelle avait perdu tout ses moyens. Ses pensées ne tournaient plus qu'autour de lui, de ce qu'elle pouvait lui dire, de ce qu'elle pouvait dégager pour lui. Elle avait oublier Matteo, le mariage, ses parents. Il n'y avait plus qu'elle et lui. Il aurait donc été impossible pour elle de se stopper, de réfléchir à comment les choses pouvaient évoluer et de passer son chemin. les choses étaient tellement fortes qu'elle ne pensait même plus avoir le contrôle sur quoique ce soit. Visiblement Tristan ne pouvait pas comprendre ça. Il ne comprenait pas la situation du mariage déjà, et ça, Annabelle pouvait le comprendre. Toute cette histoire était absurde, du début à la fin. Mais c'était ainsi, et elle n'avait jamais pu changer cela. Peut-être y arriverait-elle un jour. « Je suis d'accord, c'est insensé. Mais c'est la volonté de nos parents, et ils nous ont pris très jeunes, on n'a jamais rien pu faire. Crois-moi que Matteo a tapé du point plus d'une fois pour leur faire comprendre qu'ils ne pouvaient pas nous faire ça. Je n'étais pour ma part pas assez courageuse pour dire quoique ce soit. Mais j'espère que les choses vont changer un jour, nous cherchons tout simplement un moyen de faire ça dans le calme, sans blesser qui que ce soit. » C'était comme se trouver le pieds poser sur une mine, sachant qu'une fois que tu l'aura retirer, elle explosera. Une catastrophe.

Anna respira profondément deux ou trois fois, passant la main sur ses joues pour effacer les traces d'eau salés coulant de ses yeux. Elle avait l'impression de parler dans le vide. Que quoiqu'elle lui dise, Tristan ne la croira pas, ou ne la comprendra pas. Elle était perdue et elle ne savait comment le convaincre de ne rien dire à Robin. « C'est pas en lui que je ne crois pas, c'est en moi que je n'ai pas confiance. Et au futur. Je n'ai pas confiance en ce qu'il va se passer, quoique je fasse. Je ne veux pas me jeter la tête baisser dans cette situation, simplement parce que je veux avoir le contrôle et ainsi ne blesser personne. J'ai déjà fait du mal à mon meilleur ami pour l'instant. C'est arrangé maintenant, mais comment ça va se passer si tu annonces à Robin que je suis mariée ? Je ne pense pas que le fait que ça soit toi qui lui dises lui fasse moins de mal que si c'était moi. Bien au contraire. » Elle releva la tête, les yeux encore bien humides. « Je te le demande une dernière fois: laisse-moi le lui dire s'il te plaît. »

Annabelle était là, au milieu d'un parc, à pleurer devant un gars qu'elle n'avait encore jamais rencontré et qui s'avérait être le meilleur ami de son nouveau petit copain, qui venait tout juste de la surprendre avec son mari après qu'ils aient passé une nuit d'amour de réconciliation. Si on lui avait donné le scénario de cette scène quelques années plus tôt, elle n'y aurait pas cru. Ou alors elle y aurait cru, mais elle aurait fait tout différemment. On dit souvent qu'avec des si, on referait le monde, mais c'était malheureusement la pure vérité avec Annabelle. Si elle n'avait pas suivit ses parents dès le début. Si elle ne s'été pas entendue avec Matteo. Si elle été tombée amoureuse de lui. S'ils n'avaient jamais couché ensemble. Si elle n'avait pas rencontré Robin. Et si Tristan ne les avait jamais vu ce jour-là. Ouais, et bien tout serait vraiment différant, et l'horrible boule qui prenait tout l'espace dans son petit ventre n'existerai pas.

Et voilà qu'elle devait se justifier quant au mariage et tout le reste. Elle n'avait jamais vraiment eu à le faire étant donné qu'ils avaient du faire croire à tout le monde qu'ils étaient heureux en mariage. Et lorsqu'elle avait des petits copains, soit ils ne posaient pas de question, se contentant du fait qu'elle voulait bien d'eux, soit elle leur mentait ou leur embrouillait le cerveau. Mais avec Robin c'était différent. Elle n'avait pas envie de le blesser, pas envie de lui mentir et de lui embrouiller le cerveau. Elle voulait tout simplement être honnête avec lui. Elle cherchait tout simplement le courage et le bon moment pour le faire.

« Comme je te l'ai déjà dit, c'est trop compliqué. Même pour moi. Je suis perdue la plupart du temps, et il y a tout un tas de facteurs à prendre en compte. Mais ça c'est à moi de le gérer. Tu n'as pas d'avis à donner sur ça, et je ne t'en demande pas. Il faut simplement que tu me fasses confiance. Les choses vont changer, il me faudra juste du temps. » Elle était passé de triste et désemparée à en colère. Elle ne voulait pas recevoir de leçon de moral de ce jeune homme. Elle ne le connaissait pas, elle ne savait pas s'il était vraiment sympathique, ou bien même de confiance, mais elle ne voulait pas l'entendre lui dire ce qu'elle devait faire, tout simplement. Elle l'écoutait donc lui dire qu'il ferait un effort pour ne pas tout révéler à Robin. Elle était un peu sceptique, mais au moins il avait donné la moitié de sa parole, c'était déjà pas mal !

« Merci. Je ne veux pas lui gâcher ses fêtes, je m'en chargerai donc dans la première semaine de janvier d'accord ? » ça n'était qu'une question rhétorique: que ça lui aille ou non, il devrait tenir sa langue jusque là. De toutes façons, Annabelle craquerait peut-être avant. « Je te souhaite une bonne journée. Aurevoir. » Et la jeune femme s'éloigna, poussant une longue expiration forcée de soulagement.