La perspective d'aller de l'avant me soulageait en temps qu'elle me rendait coupable. Mais je réalisais que je n'étais pas seul dans cette épreuve. Kaspar m'avait très bien fait comprendre qu'il était dans une galère semblable et qu'il était prêt à me soutenir malgré le fait qu'il était dans ma liste rouge avant ce drame. Cela me prouvait encore une fois que j'avais été dans le tort à son sujet, qu'au final, il n'avait jamais voulu profiter de la gentillesse d'Abygaëlle. M'excuser auprès de lui m'avait soulagé quelque peu. Mais la tension sur mes épaules était toujours bien présente. Comme le jeune homme l'avait dit, il fallait prendre son deuil une journée à la fois. Seul le temps allait guérir mes blessures. Je savais désormais que c'était possible. Il ne fallait pas que je m’apitoyais sur mon sort, c'était tout. Il fallait que je prenne mon courage à deux mains et que je sorte la tête hors de l'eau. Alors que je me disais que c'était impossible, voilà qu'une main se tendait pour prendre la mienne. Et ça avait eu pour effet de me faire sourire enfin. Kaspar proposa alors d'aller mettre des fleurs sur la tombe d'Abygaëlle dès le lendemain, rien que lui et moi. L'idée me semblait bonne, alors je m’égayais encore plus. Il était que ça ferait bizarre, mais ça ferait du bien également. J'avais désormais espoir que les jours suivants allaient être quelque peu meilleurs. Je le remerciais alors d'être venu. Ça m'avait fait du bien de lui parler. Je me sentais un peu plus vivant.
Je lui demandai alors s'il avait un endroit où habiter. L'idée farfelue de lui demander de venir poser ses valises ici-même dans mon appartement m'avait passé par la tête. Après tout, je pensais que c'était une bonne idée. Mais il me répondit alors qu'il habitait déjà à Chinatown avec un colocataire. Je remarquai de l'ironie dans sa voix. « Bah, si jamais tu te retrouves sans toi, tu es le bienvenue ici! » lui dis-je avec un sourire. L'invitation tiendrait longtemps, je n'avais aucun doute là-dessus. Je pensais même qu'un jour on pourrait être amis. Pourquoi pas? Après tout! Kaspar se releva alors juste au moment où je me disais que j'aimerais me retrouver seul désormais. Le jeune homme me tendit son numéro que je pris entre mes doigts. « Merci. » lui dis-je avec un faible sourire. « Et pas de problème. » ajoutais-je. « Oui, à demain et je le ferai. » dis-je. Je me levai à mon tour, le guidant vers la sortie. Lorsqu'il fut parti et que je me retrouvai seul, la douleur revint, mais elle était désormais plus facile à supporter maintenant que j'avais du soutien. Je pouvais désormais plus facilement respirer et j'avais de nouveau envie de sortir de la maison. Je me dis alors que je devais prendre ma douche et me préparer pour demain. J'allais devoir sortir pour acheter des fleurs.