The Life is a gift !

La journée a été longue. Je mentirais en rétorquant que la fac de médecine est une partie de plaisir. J'en suis à ma quatrième année, quatrième et dernière année qui prendra fin en juin. Mais je sais que ça n'est que le commencement... Ce soir, c'est calme, tellement que c'est presque extraordinaire de se dire que moi et Jeremiah, mon coloc et frère de ma meilleure et sublime meilleure amie, nous allons passer une soirée paisible à regarder la télé, à commenter le monde et à boire des bières. Je me change et enfile un jogging pour être à l'aise et rejoint le salon où Julia et Jeremiah sont en pleine conversation. Julia est magnifique, maquillée comme il faut, sans trop d'exagération. Je constate donc qu'un rendez-vous galant se prépare. J'écoute la conversation et me laisse lourdement tomber sur le canapé pour ensuite me coller à Julia et faire mine de la renifler tout en riant devant les efforts qu'elle a fait pour ếtre présentable
-Quoi ?
- Tu as sorti le grand jeu ! Parfum, maquillage, tes cheveux, même ta robe ! C'est sûr que pour ton meilleur ami, tu ne ferais jamais ça !
- Tu n'as qu'à m'inviter à dîner !
Faussement outré, mais toujours le sourire aux lèvres je rétorque :
- Je le fais souvent !  
-Une pizza commandée entre un cours d'anatomie et un cours de biologie moléculaire en pleine période de révision n'est pas ce que j'appelle un dîner. C'est plutôt de la survie au point où on en était. Jeremiah nous regarde et sourit tandis que je bois une gorgée de la bière que je viens d'ouvrir, mais décidé à garder la main je reprends aussitôt la parole
-Je ne pouvais pas te laisser mourir de faim !
-C'est sûr ! Qui aurait fait la vaisselle après vous deux sinon ?
Je crois que cette remarque féminine a fait sortit Jeremiah de sa pseudo révision.
- Faux. On se serait débrouillé ! Nous sommes tous deux capables de faire la vaisselle !
-Et pourtant, il semble que je sois la seule à la faire !
Satisfaite de son petit effet, elle me vole ma bière et en boit une gorgée " Ca, c'est bien une remarque de femme" Mais ma meilleure amie me rend ma bière et se dirige vers la porte, car il semblerait quelqu'un vient de frapper. J'ai la gorge serrée sans trop savoir pourquoi, c'est étrange et ça ne s'arrange pas quand un homme tiré à quatre épingles entre dans la pièce. Il a l'air un peu coincé avec son costume trois pièces et son bouquet de fleurs en main. Je me dois de faire un effort et de me montrer agréable avec le nouvel arrivant, Jeremiah semble du même avis. Nous nous levons donc de notre fidèle canapé et serrons la main du nouveau. Formule de politesse et sourires sont de vigueur. Nous discutons de banalité tandis que Julia sort de la cuisine le sourire aux lèvres.
Julia et moi sommes amis depuis notre première année, la mayonnaise a pris tout de suite, bien que nous ayons des caractères différents. Mais ne dit-on pas que les opposés s'attirent ? Depuis tout ce temps, on traîne ensemble, on a presque commis les quatre cents coups. Elle est un peu la raison, ou l'espèce de petit ange, qui adossait à mon épaule, m'empêche de faire trop de bêtises. À l'inverse, moi, je suis le petit diable qui l'a pousse à faire quelques bêtises. Je n'imagine plus passer une journée sans la voir ou l'entendre. Elle s'approche à nouveau, Jackson lui tend la main et semble la ramener à la réalité. C'est dingue, mais l'espace d'un instant, j'aurais presque cru qu'elle me regardait, j'ai dû rêver. Je l'a vois s'éloigner et sans trop savoir pourquoi, un nœud se contracte dans mon estomac
-Et pas de bêtises, vous deux !
Elle me ramène à la réalité, en guise de protestation, je lui tire la langue, elle rit doucement et quitte l'appartement. Je reste immobile l'espace de quelques secondes. Mais qu'est-ce qui m'a pris ?

Aujourd'hui je dois enfiler mon costume. J'aurai préféré le mettre pour une bonne occasion, mais ça n'est pas le cas. Jackson est mort au combat, laissant Julia et leur deux enfants. Avec la famille, nous épaulons Julia comme nous pouvons. Je dois être là pour elle dans cette épreuve, l'épauler et faire en sorte qu'elle reste forte pour les enfants. La vie peut parfois tout vous donnez, mais aussi tout vous prendre. Nous on sauve des vies, mais ceux qu'on aime la perde. C'est tellement injuste ! Cependant l'engament de Jackson me fais réfléchir, sa mort aussi. Voir Julia dans cet état, me fends le coeur. J'aimerais tant pouvoir la faire sourire comme avant, lui dire une blague pourrie pour qu'elle éclate de rire, mais rien n'y fais, le ciel est toujours gris. Puis il y a les enfants, je n'ose imaginer comment ils vont apprendre à vivre sans leur père, bien que le mieux soit encore en vie. Nous sommes si peu de choses... Je dois parler à mon père avant qu'il ne soit trop tard, avant de regretter quoique ce soit....

Les papiers sont remplis depuis bien longtemps, les tests d'aptitude réussis. Je ne suis pas prétentieux, donc je ne dirais pas avoir réussi tout dans un parfait timing, avoir répondu plus que correctement aux dizaines de questions sur le formulaire. Oui, j'ai réussi et maintenant je dois me préparer à partir en Irak et continuer à sauver des vies. C'est important de se sentir utile et de mettre à profit ses connaissances pour aider les autres. Mon instructeur m'a fait savoir que sur place, je formerai de jeunes médecins. Mon dieu, ça me renvoie à l'époque où c'est moi qui devais apprendre, sauf que le contexte était différent. L'apprentissage n'était pas synonyme de survie. Ma femme n'approuve pas ce départ et beaucoup de disputes surviennent lorsque j'ai le malheur d'évoquer le sujet.
-Owen, tu peux comprendre que je ne sois pas d'accord. L'Irak c'est loin, c'est dangereux. Il y a d'autres façons de servir ton pays.
-Chérie, je t'en prie, j'ai besoin que tu me soutiennes, pas que tu me réprimandes.
-Tu veux que je t'encourage à aller te faire tuer ?
-Je ne vais pas me faire tuer, je vais là-bas pour sauver des vies...
-C'est vraiment ce que tu veux ? Où c'est pour faire plaisir à ton père que tu fais ça.
-De quoi tu parles ?
-Ton père, ce grand soldat qui a fièrement servi son pays durant des années, tu veux lui faire plaisir.
-Lui faire plaisir ? Tu crois que je fais ça pour faire plaisir à un homme à qui je ne parle presque plus depuis l'âge de 20 ans.
J'ai le coeur lourd, une fois encore ma femme vient d'évoquer le genre de sujet que j'ai bannis des conversations. Parfois j'ai l'impression qu'elle fait exprès d'appuyer où ça fait mal quand elle est en colère et ces derniers temps c'est souvent le cas. Si ce n'est pas mon engagement qui est remis en question, c'est aussi le fait que je ne veuille pas d'enfant qui est abordé. Si seulement je pouvais lui dire ...

Avant de partir, nous avons le droit à plusieurs séances chez le psy. C'est une façon de se vider la tête, de se délester de tous les problèmes qui pourraient envahir notre esprit et nous mettre en danger une fois sur le terrain. Je ne juge pas ça utile, mais au vu des derniers événements survenus dans ma vie, il est préférable que je me rends au rendez-vous.Me voilà donc dans un grand salon, je suis assis dans une chaise confortable, les bras croisés sur ma poitrine. La psy, carnet en main, me regarde et prend des notes. Ca commence déjà à m'énerver !
-Parlez-moi de vous ? Dites-moi ce que vous avez sur le cœur !
-Rien
-C'est léger ça !
-Oui aussi léger que mon portefeuille après cette consultation.
-Je ne vous ai pas obligé à venir me consulter
-Fallait bien que j'aille voir quelqu'un qui ne me juge pas ! Ou qui ne me regarde pas comme si j'avais deux cornes qui me poussais sur la tête.
-Infidélité ?
-Infertilité. C'est con hein  ? Con comme ce gros bébé joufflu qui vous envoi une flèche en plein cœur. Parfois il se trompe de côté et ça fais mal. Vous vous êtes déjà pris une flèche dans le derrière ?
-Non, jamais!
-Drôle d'expérience. C'est comme s'en prendre une dans le cœur, sauf que c'est moins poétique. Cause du décès : une flèche dans le derrière ! Mais il allait de l'avant. C'est original hein ? Le genre de truc qu'on peut faire graver sur une épitaphe
-Vous vous éloignez du sujet !
-Non !  On parle amour. Sauf qu'à la place de m'apitoyer je vous parle de ce mythe plus que mité et tellement imité qui mets en exergue un bébé joufflu qui tel un Robin des Bois en couche culotte, vise, tire et plante, mais pas toujours au bon endroit.
-Votre rancœur envers l'amour est visible. Puis-je savoir ce qui attise autant votre colère?
-Le syndrome du "Cucupidon" ou l'amour qui s'étouffe peu à peu dans un nuage de  niaiseries profondes,  toute colorée de rose et amèrement remplie d'une peinture ayant pour motifs quelques vilains "petits cœurs rouges." Avant j'étais de ceux qui se laissait bercé naïvement par ce foutu syndrome, mais ça c'était avant de découvrir les problèmes dans la tuyauterie.
-Jusqu'ou êtes-vous allez par amour ?
-Loin. Tellement que je me suis perdu et j'ai accepté de passer pour un cornu plutôt que de brandir la vérité comme un étendard.  J'ai tout simplement sacrifié une vie à deux, car j'étais incapable d'intégrer un trois dans l'équation.  
Oui, je suis stérile, voilà le drame de ma vie. J'ai finalement préféré faire croire à ma femme que je l'avais trompé, plutôt que de lui dire la vérité. Mais je ne pense pas que ça soit la chose la plus folle que j'ai pu faire par amour. Aimer quelqu'un et ne jamais lui avouer, n'est-ce pas dingue ?

L'avion vient de se poser, me voilà de retour en Angleterre après quatre ans d'absence. Je suis un peu encore dans le coaltar à cause du jet-lag. Je n'ai même pas eu le temps de me raser avant de partir. En descendant, je prends le temps d'admirer le paysage londonien. Je constate, au vu de la pluie, que le climat est toujours le même. Je me sens bien, car je suis chez moi, mais je ne peux m'empêcher de me sentir terriblement seul. Aujourd'hui, cela fait trois ans jours pour jours que je suis divorcé. C'est une date étrange à célébrer. J'imagine que Rebecca n'y pense plus, maintenant qu'elle a refait sa vie, qu'elle vit avec un autre qui lui a offert ce qu'elle attendait le plus, une famille. Je ne peux pas lui en vouloir, je n'en ai pas le droit. A mon tour je dois tourner la page et essayer d'aller de l'avant. Je sors un bout de papier de ma poche et y lis ma nouvelle adresse. Par chance la couronne, pour me remercier de mes bons et loyaux service, m'a attribué un logement à quelques stations métro de mon nouveau lieu de travail, le fameux Great Osmond Street Hospital. Je suis impatient de m'y rendre car je crois qu'une certaine personne m'y attends.