Close your eyes, everything will be fine.
Ma vie était monotone, plate, emmerdante. Sans but particulier, sans haut, ni bas. J'étais une personne normale, avec une vie normale, pas dans le genre de celles que l'on peut lire dans les romans ou voir dans les films. Non, moi je n'intéressais personne. Mon histoire n'était pas assez extraordinaire, pas assez triste ou pas assez joyeuse. Elle était juste simple. Mes parents n'étaient pas parfaits, mais ils m'aimaient comme il fallait, ni pas assez, ni trop. Comme malheureusement beaucoup d'autres couples, ils ont divorcés. Comme beaucoup j'avais une mère qui avait trompé son mari avec un autre homme que soit-disant elle aimait. Comme beaucoup d'enfant, j'ai dû faire un choix entre eux deux. Et comme beaucoup d'enfant, j'en ai souffert, mais comme beaucoup d'autre, j'ai eu l'impression d'être seule, presque abandonnée. Je n'aimais plus cette vie là. Je m'ennuyais. J'avançais sans rêve, sans but. Je passais les jours parce qu'il le fallait bien. Je ne vivais que pour deux personnes : mon père et ma meilleure amie. Je ne dis pas que je voulais mourir, non, je voulais juste vivre une autre vie. Je voulais me fixer un objectif. Quelque chose qui pimenterait ma vie. A ce moment, j'étais loin de me douter, que ce qui changerait ma vie, ce serait lui...
Je me rappelle de ce soir là comme si c'était hier. Il faut dire que cette nuit était le commencement de ma nouvelle vie. Une vie plus dure, plus douloureuse, mais bordel, une vie que j'aimais, une vie que me faisait vraiment prendre conscience que j'étais bel et bien là. Je n'étais plus juste assise à attendre que quelque chose se passe. Je vivais. Pour moi, pour lui. Je souffrais comme je n'avais jamais souffert avant, mais ça n'avait pas d'importance. Je n'avais pas de but particulier, mais je m'en fichais. Celle que j'étais n'existait plus. Et tout ça, à cause d'un seul soir...
Il pleuvait à torrent, et le tonnerre grondait déjà dehors. J'adorais regarder tomber la pluie, mais je détestais quand il y avait de l'orage. Je n'avais pas spécialement peur, disons plutôt que je n'étais pas rassurée. J'étais dans la chambre de ma meilleure amie, seule, allongée sur son lit. Nous devions nous voir ce soir, elle m'avait dit de l'attendre chez elle, j'avais les clés de sa maison. Cela pouvait paraître étrange pour certains, mais pas pour nous, la confiance que l'on avait l'une envers l'autre était sans limite. Je n'avais qu'elle, et inversement. Cela devait bien faire deux heures que j'étais là, à l'attendre. Elle devait encore être avec son mec et elle avait sûrement dû oublier qu'on devait se voir ce soir. C'était assez fréquent, mais je ne lui en voulais pas, comment pourrais-je lui en vouloir ? Elle était comme ça, je le savais, et je l'aimais ainsi. Et puis, peut-être était-elle simplement bloquée je ne sais où. Vu le temps dehors, c'était presque impossible de se déplacer. Il y eu des éclairs, et je ne pus m'empêcher de sursauter à leur vue. Il fallait que je rentre chez moi, il était clair que notre soirée tombait à l'eau, d'ailleurs c'était le cas de le dire ! Doucement, et sans bruit je descendis les escaliers. Son frère était là, et je devais avouer avoir toujours été assez attirée par lui. Mais cette attirance ne rimait à rien. Jamais il ne me verrait autrement que comme l'amie de sa petite sœur. J'étais trop jeune, trop naïve, trop fragile. Je vis alors Caleb, assit sur le canapé, fumant tout en regardant la télé. Je me rappellerai toujours n'avoir ne pas avoir comprit pourquoi il resté planté là, alors que la télé ne marchait pas, tout était brouillé à cause de l'orage. Je l'avais toujours trouvé spécial, peut-être parce qu'il l'était en fait ? Je ne voulais pas le déranger, il m'impressionnait beaucoup et je crois que je ne lui avais jamais vraiment adressé la parole. «
Caleb, je vais rentrer avant qu'il ne soit trop tard. Je repasserai sûrement demain. » ma voix était douce, j'étais toute timide face à lui, et je savais que ça le faisait sourire. Il avait dû vite comprendre qu'il ne m'était pas insensible, et je craignais presque qu'il se moque de moi, mais non. Il s'était levé, s'était mit entre la porte et moi et me regarda avec un sourire en coin. Un sourire qui avait le don de me faire fondre. «
Il est déjà trop tard, puis pour être certain que demain tu sois là je vais même te faire passer la nuit ici. » Je l'avais regardé surprise, n'étant pas sûre de voir où il voulait en venir. Il était retourné s'asseoir sur le canapé, m'avait fait signe de le rejoindre, ce que je fis après une légère hésitation. Il reprit le joint qu'il fumait, et moi j'étais là, toute gênée d'être à ses côtés. Jamais, je crois, je n'avais été si près de lui. «
Tu veux ? » m'avait-il demandé en me montrant son joint. J'avais refusé gentiment, ce n'était pas mon truc. Il ria légèrement avant de dire «
Faut te détendre Lou. » Cette phrase avait eu le don de me mettre un peu plus mal à l'aise que je ne l'étais déjà.
Plus les heures s'égrainaient, plus nous devenions proches. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment cela était arrivé mais c'était arrivé. Un baiser, puis deux, puis trois. Je me laissais aller, ne me souciant pas de savoir si c'était bien ou non de faire ça. Au fond j'en avais toujours eu envie, alors pourquoi tout arrêter ? Ses lèvres sur les miennes, me faisait perdre pied. Je frissonnais à chaque caresse que faisait sa main sur mon bras. Je priais pour que ma meilleure amie ne rentre pas. Je ne voulais pas que ce moment s'arrête. Dans toute cette insouciance et mon inconscience, je lui ai offert tout ce que j'avais plus de précieux alors qu'il ne le savait même pas : ma virginité. Je ne l'ai jamais regretté et je ne le regretterai jamais. Cette nuit avait été la plus belle de toute, mais toute chose a une fin. Je m'étais endormie, contre lui, rêvant d'un avenir où l'on serait ensemble. Mais il est rare que les rêves deviennent réalité. Et je le compris rapidement, lorsque le lendemain, je le vis en train de faire sa valise. Je me souviens ne pas avoir compris ce qu'il se passait, un peu comme si ce n'était pas ma vie que je vivais, et pourtant c'était bel et bien le cas. «
Mais... qu'est-ce que tu fais ? ». Ses yeux parlaient pour lui. Jamais je ne l'avais vu ainsi. Je ne saurais dire si il était triste, mais je sentais que quelque chose n'allait pas. «
Je rentre à l'armée, aujourd'hui Lou, je suis désolé. Je me voyais pas te dire ça hier soir. » Mon cœur se serra, les larmes me montèrent aux yeux sans que je ne le contrôle. «
Quoi ? Mais... mais... non tu peux pas. » Bien sûr qu'il avait pu, et d'ailleurs il l'avait fait, me laissant seule avec le seul souvenir de cette nuit passée dans ses bras, et l'espoir qu'un jour il me revienne pour de bon.
Deux ans sont passés sans le voir. Sans que je puisse avoir la chance d'entendre sa voix. Rien pendant deux ans. J'essayais discrètement d'avoir de ses nouvelles par sa sœur. Je ne lui avais rien dis sur ma nuit passée avec son frère. Je craignais qu'elle m'en veuille et je ne voulais pas la perdre, mais je détestais également lui cacher tout ça, seulement avais-je vraiment le choix ? Je me rappelle du jour où elle était arrivée, un grand sourire aux lèvres en m'annonçant que son frère allait rentré, et cette fois pour de bon ! Je m'étais retenu de trop sourire, cela lui aurait paru louche puisque pour elle je n'avais jamais parlé trop à son frère. Je m'étais contenté de lui dire que j'étais super heureuse pour elle, qu'il avait dû lui manqué, mais je n'avais pas pu m'empêcher de me dire qu'à moi aussi il m'avait terriblement manqué. Je n'arrêtais pas de penser à lui, à notre nuit ensemble avant qu'il ne parte. En deux ans, je n'avais pas pu penser à un autre que lui. Je m'étais demandé chaque jour comment il allait, à qui il pouvait penser. Avait-il oublié cette nuit là ? M'avait-il oublié ? Avait-il rencontré quelqu'un d'autre ? Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que mes chances étaient foutues avec lui. Nous n'avions passé qu'une nuit ensemble après tout, ce n'était probablement pas grand chose pour lui. Ou peut-être que non finalement...
Je le revois encore passer la porte d'entrée, son bagage à la main. Sa sœur lui avait sauté dans les bras, je me rappelle que les voir aussi proches tout les deux m'avait touché. J'avais toujours voulu avoir un frère, mais on n'a pas toujours ce qu'on veut dans la vie... Ma meilleure amie était tellement excitée de revoir son frère, qu'elle prit sa valise et la monta rapidement dans sa chambre, pour qu'ils puissent ensuite aller faire un tour. Alors je m'étais retrouvé seule, face à lui. Mon regard était plongé dans le sien. J'attendais un geste, une parole, quelque chose de sa part. Mais rien. Alors je me suis décidé à parler. «
Tu m'as manqué Caleb... vraiment manqué. » Silencieux, il s'était approché de moi, remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille. J'eus le plaisir de pouvoir gouter à nouveau ses lèvres. Ces lèvres que je n'avais pu embrasser durant deux longues années. Mon cœur s'était mit à battre plus rapidement, comme si tout ce temps il l'avait attendu. Nous étions là, prenant le risque que sa sœur nous surprenne, mais à dire vrai, on s'en fichait royalement à ce moment précis. Vous n'imaginez pas à quel point deux années pouvaient être longues.
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